Intervention de Paul Devin

Commission d'enquête sur le service public de l'éducation, les repères républicains et les difficultés des enseignants — Réunion du 16 mars 2015 à 15h00
Table ronde — Syndicats de direction et d'inspection de l'éducation nationale

Paul Devin, secrétaire général du Syndicat national des personnels d'inspection-Fédération syndicale unitaire :

Monsieur le rapporteur, la manière dont vous posez vos questions fait penser que vous auriez déjà un certain nombre de conclusions, celle notamment qu'il y aurait aujourd'hui une dégradation de l'autorité des enseignants et de la discipline. C'est une vraie question. Pour autant, lorsque l'on s'intéresse à l'histoire de l'éducation, des inquiétudes se sont exprimées, quelles que soient les époques, au sujet de la perte d'autorité des enseignants. Dans l'antiquité déjà, certains penseurs se plaignaient de l'indiscipline de la jeunesse. Mais je ne suis pas sûr que la période que nous vivons soit davantage caractérisée par une perte d'autorité des enseignants et de discipline, laquelle induirait, parmi d'autres facteurs, une perte des valeurs républicaines. Je ne dis pas que le quotidien des enseignants est simple, qu'il est facile de gérer une classe ou que la société dispose des mêmes repères que les générations précédentes, mais ces changements traduisent-ils une situation scolaire essentiellement caractérisée par la perte de l'autorité des maîtres et de la discipline ? Je ne le crois pas.

Il y a une complexité croissante, je ne le nie pas. En effet, la question des origines culturelles des élèves au sein des établissements scolaires se pose différemment d'il y a 70 ou 80 ans. Par ailleurs, la situation économique actuelle empêche l'école de jouer le rôle d'ascenseur social, quasi automatique, qui a été le sien pendant de nombreuses années.

Face à cette complexité, il me semble important de réaffirmer le rôle essentiel de la formation des enseignants pour faire face à ces questions. Or, force est de constater que les jeunes enseignants n'ont aucune idée de ce qu'est la laïcité ou des droits et des obligations du fonctionnaire. Peut-on continuer à exiger de l'école d'être capable de proposer des réponses efficaces dans une situation comme celle que nous venons de connaître alors que, dans le même temps, on abandonne la formation ? « Abandonner » est un terme fort, voire paradoxal dans la mesure où on assiste à une reconstruction de la formation initiale, mais cette formation est loin de correspondre aux besoins. Par ailleurs, la formation continue est délaissée. Comment, dans ce contexte, les enseignants peuvent-ils faire face de manière efficace à des situations difficiles portant sur des sujets complexes ? Appréhender la liberté d'expression suppose une construction intellectuelle élaborée, que ces enfants et ces adolescents n'ont pas pu encore achever. Il serait illogique de demander à l'école de transmettre les valeurs républicaines sans engager une politique volontariste en matière de formation initiale et continue, bien au-delà des moyens consacrés aujourd'hui.

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