Intervention de Jérôme Legavre

Commission d'enquête sur le service public de l'éducation, les repères républicains et les difficultés des enseignants — Réunion du 16 mars 2015 à 15h00
Table ronde — Syndicats de personnels enseignants des premier et second degrés

Jérôme Legavre, secrétaire fédéral de la Fédération nationale de l'enseignement, de la culture et de la formation professionnelle de Force ouvrière :

Il y a urgence à préserver l'école de la République. Pour ce faire, il doit être mis un terme à l'ensemble des politiques d'austérité et de territorialisation de l'école. Les difficultés que rencontrent les enseignants dans l'exercice de leur profession sont les conséquences directes des politiques d'austérité, qui conduisent à une dégradation des conditions de travail. Le bilan social présenté lors du dernier comité technique ministériel fait état de la suppression de 89 000 postes entre 2003 et 2013. La création de 60 000 postes annoncée par le Gouvernement, quand bien même elle serait effective, ne suffirait pas à redresser un ratio d'encadrement qui reste insuffisant. En effet, l'an prochain, ce taux s'élèvera dans le premier degré à un enseignant pour trente-neuf élèves en moyenne. La territorialisation de l'école, notamment par la constitution des projets éducatifs territoriaux (PEDT) issus de la loi de refondation de l'école, a pour effet de la placer sous la coupe des élus locaux et d'en éclater le régime en une multitude de règles locales. Cela nous paraît radicalement contraire à ce que doit être l'école de la République. Cette logique est encore renforcée par la réforme régionale, qui verra la constitution de treize baronnies. Il y aura désormais autant de règles que de territoires et quand la règle de la République est remplacée par des règles locales, il n'y a en réalité plus de règle.

L'ensemble de ces politiques se traduit par un désengagement massif de l'État. L'espace laissé vacant est alors occupé par des associations, par le caritatif, donc en définitive par des intérêts privés, des groupes de pression. Ainsi, dans certaines municipalités comme Paris, des associations en lien avec des églises interviennent parfois dans les écoles dans le cadre des nouveaux rythmes scolaires.

Nous sommes très inquiets des mesures annoncées dans le cadre de la mobilisation de l'école et de ses partenaires pour les valeurs de la République. Il convient tout d'abord de respecter strictement la loi du 9 décembre 1905. Force est de constater que ces mesures vont dans le sens opposé. C'est le cas par exemple de la réserve citoyenne, qui est ouverte à tout citoyen intéressé. Or la laïcité, ce n'est pas tout le monde, tous les groupes de pression à l'école. Quant à l'enseignement laïc du fait religieux, cela me semble un non-sens, la laïcité n'a pas pour objet d'introduire toutes les religions à l'école, mais de n'en admettre aucune. De la même manière, l'enseignement moral et civique introduit un projet pluridisciplinaire qui s'impose à tous les enseignants au mépris de leur liberté pédagogique.

Au moment où on parle de perte des valeurs et des repères républicains, il me semble que la seule réponse est de donner à l'école les moyens de remplir sa mission, qui est d'instruire. Pour ce faire, il faut des postes en nombre suffisant pour que les enseignants puissent exercer dans de bonnes conditions, dans des classes à effectifs moindres. Il faut préserver le statut des enseignants, attaqué de toute part, et augmenter leurs salaires. C'est une priorité. L'ensemble de ces considérations constituent des revendications urgentes, qui nous conduisent à préparer activement la grève du 9 avril prochain.

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