Intervention de Frédéric Sève

Commission d'enquête sur le service public de l'éducation, les repères républicains et les difficultés des enseignants — Réunion du 16 mars 2015 à 15h00
Table ronde — Syndicats de personnels enseignants des premier et second degrés

Frédéric Sève, secrétaire général du Syndicat général de l'éducation nationale (SGEN-CFDT) :

J'aimerais tout d'abord vous faire part de mon étonnement sur l'importance qu'a pris l'école dans les médias et le débat public après les évènements de janvier. En matière de traitement médiatique et de réponse des pouvoirs publics, on pourrait même affirmer que, d'une certaine manière, les évènements liés à la minute de silence ont pris la place des attentats. Le recours à cette formule de commission d'enquête en est un signe.

Nous y voyons la marque des rapports compliqués que la société française entretient respectivement avec ses valeurs, sa jeunesse et son école. C'est en éclaircissant ces rapports que l'on pourra répondre aux questions posées par votre commission d'enquête.

Premier rapport complexe, celui qu'entretient la société avec ses valeurs. S'il ne s'agit pas de minorer les débordements qui ont eu lieu, force est de constater que certains comportements mettent tout autant en péril les valeurs de la République que d'autres, pourtant parfois tout aussi répréhensibles - les comportements homophobes, par exemple - alors qu'ils sont perçus comme moins transgressifs. Il convient d'examiner le raccourci médiatique qui s'est opéré entre les attentats de janvier et les troubles liés à la minute de silence, qui se traduit par une dramatisation des incidents. Cette dramatisation fait peser le risque d'une mise en accusation de la jeunesse, non pas au nom des débordements dont elle serait responsable, mais du préjugé selon lequel certains seraient plus loin de l'intégration que d'autres. Les difficultés d'intégration sont le lot de l'ensemble de la jeunesse. Là encore, certaines manifestations de difficultés d'intégration sont davantage mises en avant que d'autres, alors que le rôle de l'école est de les traiter de la même manière.

Deuxième point, le rapport qu'entretient la société française avec sa jeunesse. Je suis sidéré de l'exigence qu'elle manifeste envers elle à l'occasion de cette minute de silence. Cela s'est traduit par une attention démesurée accordée au déroulement de la minute de silence dans les établissements scolaires, avec notamment la présence de journalistes vérifiant qu'il n'y avait pas d'incidents. Quid du reste de la société ? A-t-on manifesté la même exigence envers les adultes ? Or nous ne pouvons pas exiger autant des élèves que des adultes : les élèves sont en situation d'éducation. Je constate que dès que la société française doute d'elle-même, elle se tourne vers sa jeunesse, lui demandant de lui renvoyer une image qui la rassure.

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