Permettez que je commence mon exposé par une brève présentation de notre organisation. Fondé en 1905, le SNALC est le doyen des syndicats de l'enseignement secondaire public. Il est membre de la Fédération générale autonome des fonctionnaires (FGAF). Contrairement à la quasi-totalité de ses concurrents, il ne reçoit aucune subvention de l'État et est totalement indépendant des partis politiques. Aux élections de décembre 2014, la liste qu'il a présentée avec le SNE a obtenu un siège au comité technique ministériel du ministère.
Depuis 1905 le SNALC défend l'école de la République, c'est-à-dire une école ouverte à tous qui permette aux élèves, grâce à leurs efforts et à la mise en valeur de leurs aptitudes, d'obtenir la promotion sociale qu'ils méritent. De ce fait, dès les années 1970, il a été le premier et le seul à dénoncer les dysfonctionnements patents du système scolaire français, mis plus tard en lumière par les évaluations internationales comme PISA et sur lesquels aujourd'hui chacun s'accorde. Soucieux de remédier à la déliquescence d'un système scolaire qui laisse sur le carreau 20 % des élèves, nous avons pris une part active à la refondation de l'école. Ses résultats nous ont aujourd'hui déçus, notamment pour les réformes des rythmes scolaires ou du collège. Syndicat de proposition et non de déploration, nous avons par ailleurs élaboré un projet de réforme clef en main pour le collège, intitulé le « Collège modulaire », et un autre pour le lycée, « le lycée de tous les savoirs », que vous pouvez découvrir sur notre site Internet.
Venons-en à présent à notre analyse de la situation du service public d'éducation suite aux attentats de janvier. Tout d'abord nous voudrions pointer un premier dysfonctionnement : l'éducation nationale a été à nos yeux trop régie par le passé par une culture de l'excuse et une volonté de ne pas faire de vagues. En effet, pour ne pas générer des tensions au sein des établissements difficiles et ne pas rompre une certaine paix sociale, l'institution scolaire, chefs d'établissements en tête, a été marquée par un excès de frilosité. Face à des comportements violents et répréhensibles, les dispositions prises par les ministres successifs, quelle que soit leur couleur politique, inspirées notamment par les travaux de M. Éric Debarbieux et soutenues par la principale association de parents, la FCPE, ont abouti sur le terrain à ce que les conseils de discipline soient de plus en plus rarement réunis et aient du mal à sanctionner les fauteurs de troubles, du fait d'un encadrement juridique de leurs prérogatives de plus en plus complexe. Dans les faits, particulièrement dans les collèges et lycées professionnels les plus difficiles, on se contente bien souvent de ne pas voir ou de ne pas entendre et de réunir des commissions éducatives peu dissuasives pour les élèves. Comme nous l'avons indiqué dès le 12 janvier à la ministre, et nous avons été les seuls à le faire, un fait est révélateur de cette culture du laisser-faire : le rapport de Jean-Pierre Obin énumérait déjà dans sa conclusion toutes les dérives que connaissent aujourd'hui les établissements. Depuis sa parution, il y a onze ans, rien n'a été fait.
Cela nous amène à ce qui constitue pour nous la seconde cause de dysfonctionnement : le refus de l'institution scolaire d'appliquer strictement à l'école publique les principes de la laïcité républicaine. Fondé en 1905, date symbolique pour la laïcité s'il en fut, seul syndicat enseignant à avoir soutenu la loi de 2004 sur les signes religieux dans les écoles publiques, se prononçant récemment contre le port du voile pour les mères accompagnant les sorties scolaires dans l'enseignement public ou approuvant la charte de la laïcité que M. Peillon a fait afficher dans tous les établissements publics, le SNALC a toujours milité pour une stricte application de la laïcité républicaine à l'école publique. Pourtant, nous avons pu encore tout récemment dénoncer dans une lettre ouverte au Président de la République et à la ministre de l'éducation nationale, rédigée par notre responsable de l'académie de Strasbourg, M. Jean-Pierre Gavrilovic, de nombreuses entorses à la loi pratiquées en Alsace.
La troisième source de dysfonctionnement provient du fait que la fonction de professeur est matériellement et symboliquement déconsidérée. Le 21 janvier dernier, le Président de la République, lors de ses voeux au monde éducatif, appelait solennellement dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne à restaurer l'autorité des professeurs. Si l'on ne peut manquer d'approuver une telle démarche, elle risque malheureusement de rester lettre morte sur le terrain, d'abord parce que les professeurs sont désormais des travailleurs pauvres et parce que l'institution scolaire ne tient aucun compte de ce qu'ils disent ! Rappelons en effet que dans les années 1960 un professeur certifié gagnait quatre fois le montant du SMIC, aujourd'hui la rémunération d'un jeune certifié, qui a fait cinq ans d'études et passé un difficile concours ne dépasse plus le SMIC que de 11 %. De même, la réforme des rythmes scolaires, que les professeurs des écoles rejettent majoritairement, a été imposée dans l'enseignement primaire et a été appliquée contre leur gré. Parallèlement, alors que la grande majorité des professeurs du secondaire sont attachés à un enseignement disciplinaire, la réforme du collège en cours de négociation s'apprête à remettre en cause les disciplines sans tenir compte de leur avis, comme cela vient d'être fait avec le socle commun adopté par le Conseil supérieur de l'éducation du 12 mars dernier. Autre exemple du mépris de l'institution face au corps enseignant : grâce à un amendement déposé par le SGEN-CFDT - que nous n'avons bien sûr pas voté - et repris par l'administration dans le décret relatif aux nouvelles indemnités pour missions particulières, le comité technique du 11 février dernier a donné aux élèves et aux parents d'élèves le pouvoir de décider du montant de la rémunération des professeurs par leur vote au conseil d'administration des établissements : cette subordination des professeurs aux usagers du système est une première dans toute l'histoire de l'éducation !
Je conclurai en rappelant que ce n'est pas en faisant chanter La Marseillaise aux élèves que l'on remédiera aux dysfonctionnements de l'école mais bien en écoutant davantage les professeurs de terrain et les organisations syndicales qui les représentent.