Intervention de Valérie Sipahimalani

Commission d'enquête sur le service public de l'éducation, les repères républicains et les difficultés des enseignants — Réunion du 16 mars 2015 à 15h00
Table ronde — Syndicats de personnels enseignants des premier et second degrés

Valérie Sipahimalani, secrétaire générale adjointe du Syndicat national des enseignements de second degré (SNES) :

En avant-propos, je rappellerai que notre syndicat est le syndicat national des enseignements et non des enseignants du second degré. Nous nous sommes d'ailleurs demandés pourquoi votre commission avait choisi de centrer ses débats sur les difficultés rencontrées par les enseignants. En effet, l'ensemble de la communauté scolaire est concernée par ces difficultés. Dans les collèges et les lycées, la question de la vie scolaire se pose fortement et concerne l'ensemble des personnels qui entourent les élèves et non pas seulement les enseignants.

Je souhaiterais, en introduction, faire quelques remarques d'ordre général. Nous savons que la majorité des jeunes passent aujourd'hui par l'école publique. Aussi, s'occuper de citoyenneté et de collectivité à l'école apparaît fondamental. C'est pourquoi il est important de reconnaître à l'école ce rôle au quotidien et non pas quelques jours ou quelques semaines par an, en réaction à l'actualité du moment. Ce travail est déjà réalisé, même s'il n'est pas toujours visible ou assez explicite. L'école doit se donner pour mission de former à l'esprit critique. Le contenu des enseignements ne doit donc pas seulement avoir une visée utilitariste, mais il doit permettre aux élèves de prendre de la hauteur et de nourrir leur réflexion. Le site Eduscol, qui fournit des outils d'accompagnement aux enseignants, précise que la laïcité ne peut pas être imposée, qu'il s'agit d'une notion difficile pour les élèves, qu'elle doit être expliquée. L'école ne doit pas seulement être le lieu d'un « vivre ensemble » contribuant au développement d'un communautarisme, se contentant d'une simple interaction pacifique entre les individus. Elle doit au contraire faire partager un idéal humaniste commun, permettre la construction commune de la société de demain. Cela nécessite un dialogue et non pas simplement de la juxtaposition. C'est à l'école que ce travail peut et doit se faire. C'est pourquoi nous souhaitons exprimer notre satisfaction sur la constitution de cette commission d'enquête.

Par ailleurs, l'école a pour mission de faire comprendre plutôt que de dresser. Certes des savoirs peuvent être enseignés sans faire l'objet d'une contestation, même si certains savoirs scientifiques, je pense à la sexualité ou l'évolution, peuvent être discutés par certains élèves, mais éduquer c'est inscrire les élèves dans la société avec des droits et des devoirs. À la suite des attentats, il a été demandé à l'école d'« inculquer » les valeurs de la République, mais ce terme me semble inapproprié. En effet, il laisse penser que l'on pourrait « inoculer » un vaccin de valeurs. Or, si l'on peut faire partager des valeurs, on ne peut pas les imposer à des élèves qui les refusent.

De nombreux personnels expriment leur besoin d'être formés sur ces questions et soutenus par l'institution. Ce soutien doit être salarial, mais aussi dans les discours, notamment face à des situations difficiles, comme le fut la minute de silence. La majorité des enseignants ont participé avec beaucoup de courage à ce moment, alors qu'ils n'y étaient pas préparés et encore sous le choc, comme l'ensemble des Français et peut-être même le monde entier. Dans certains établissements, certains collègues n'ont pas su réagir dans la mesure où ils étaient eux aussi traumatisés. Or, un professeur de philosophie de Poitiers est passé en commission disciplinaire il y a quelques jours. Nous ne nous pouvons que nous étonner de ce que certains collègues, qui ont eu le courage d'aborder ces questions avec leurs élèves, comme il le leur avait été demandé, aient ensuite été mis au ban de l'institution alors qu'ils n'étaient pas préparés. Si l'on souhaitait une prise de recul sur ces questions, cette minute de silence n'aurait pas dû avoir lieu à chaud.

Les enseignants attendent aussi un soutien politique. Je citerais l'exemple de la théorie du genre. Il s'agit d'une question de laïcité, de savoirs scolaires qui ont été mis en cause par la représentation nationale et le politique. Or, sur ces questions, les enseignants ont besoin d'un soutien dans les faits et contre tous les lobbies.

Par ailleurs, l'école restera désarmée tant que les inégalités sociales seront aussi violentes et que la société ne fera pas vivre ces valeurs. L'école n'est pas un sanctuaire, elle n'est ni la source, ni le remède à tous les maux d'une société plus en plus inégalitaire. Le refus de nombreuses familles d'envoyer leurs enfants dans le collège de leur secteur, la fuite vers le privé ou encore les discriminations à l'embauche vécues par certains jeunes des quartiers sont autant de réalités subies par l'école de plein fouet sans qu'elle ne puisse agir. Il lui est par conséquent difficile de défendre les valeurs de la République alors que ces valeurs ne semblent pas respectées dans le reste de la société. Par conséquent, des mesures doivent être prises s'agissant de la carte scolaire et de la mixité sociale et scolaire. Le décret d'application de la loi de refondation de l'école de la République prévoit la possibilité d'une polysectorisation des collèges. Ces dispositifs peuvent permettre le développement d'une certaine mixité sociale. Cette possibilité est désormais entre les mains des conseils généraux, qu'en feront-ils ?

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