Intervention de Sébastien Sihr

Commission d'enquête sur le service public de l'éducation, les repères républicains et les difficultés des enseignants — Réunion du 16 mars 2015 à 15h00
Table ronde — Syndicats de personnels enseignants des premier et second degrés

Sébastien Sihr, secrétaire général du Syndicat national unitaire des instituteurs professeurs des écoles et des professeurs d'enseignement général de collège (PEGC)-Fédération syndicale unitaire (SNUipp-FSU) :

Les enseignants de l'école primaire et maternelle ne sont pas moins concernés, ou moins sensibilisés, sur ces questions des valeurs républicaines et de leur transmission. Ces personnels aussi constatent des signes inquiétants. Ce qui s'est passé sur les ABCD de l'égalité constitue une remise en cause de l'école dans sa capacité à faire cohésion. Il s'agit d'indications qu'il faut prendre au sérieux. Après les événements de janvier, l'école s'est retrouvée soudainement sur le devant de la scène et parfois même mise à l'index. Il est important de rappeler que l'école ne peut pas porter seule la responsabilité de régler certains problèmes de la société. Si l'école est apparue fracturée lors de la minute de silence, c'est parce que la société est elle-même fracturée. Certaines familles et certains jeunes vivent l'entre soi dans des quartiers de relégation sociale. Or, il est difficile de transmettre les valeurs de la République quand celles-ci ne sont pas vécues dans les faits. Il nous faut donc travailler de concert afin de mettre en place à la fois des mesures relatives à l'école et des mesures sociales. La politique de la ville et la mixité sociale doivent, de ce point de vue, constituer deux priorités, car la cohésion sociale et la cohésion scolaire vont de pair. La pression qui s'exerce sur l'école est en réalité liée à la crise sociale et à la difficulté rencontrée par de nombreuses personnes à trouver un travail. Ces attentes de plus en plus fortes pèsent sur les enseignants, les écoles et nourrissent une angoisse scolaire chez certaines familles. Il ne s'agit pas d'attendre d'avoir réglé l'ensemble des problèmes de la société avant de se demander ce que l'école peut faire, cela serait évidemment désastreux mais, à l'inverse, il me semble irréaliste de demander à l'école de tout faire. L'école a un rôle à jouer, mais il faut en définir les contours.

Il me semble tout d'abord indispensable d'alléger la pression sur l'école. On a le sentiment que l'école est « bombardée » d'annonces. Un certain nombre de problèmes de société se traduisent en commandes éducatives. Pour répondre au problème de l'obésité, il est demandé à l'école de proposer une éducation à la santé. Face à l'augmentation des accidents de la route, l'école doit proposer une initiation à la prévention routière. Même chose s'agissant du développement durable. Ces sujets sont évidemment importants, mais cette multiplication des commandes « charge la barque ». Dès que des difficultés sont constatées, on se retourne vers l'école. Au moment où de nouveaux programmes doivent être mis en place, au sein de l'école élémentaire et du collège notamment, il me semble important de saisir l'occasion pour mettre de la cohérence, mieux articuler les enseignements afin d'éviter un phénomène de sédimentation.

La formation initiale doit en outre constituer une véritable priorité. Il y a, en la matière, un long chemin à parcourir. Le bilan de la mise en oeuvre de la formation initiale dans un certain nombre d'ÉSPÉ semble quelque peu laborieux. Par ailleurs, la formation continue est totalement à l'arrêt. Un effort de l'éducation nationale est nécessaire dans ce domaine, qui ne doit pas uniquement porter sur la question de la laïcité.

Il me semble par ailleurs nécessaire de ne pas exclure les parents, qui sont des partenaires indissociables de l'éducation et de la réussite scolaire. Nous ne sommes, de ce point de vue, pas favorables à une modification de la circulaire sur les accompagnatrices de sortie scolaire voilées. Un point d'équilibre semble avoir été trouvé, il ne serait pas donc judicieux de les éloigner de l'école en leur interdisant d'accompagner des classes, des enseignants, leurs enfants à l'occasion de sorties scolaires au musée ou à la piscine, par exemple. Il faut en effet se garder de reléguer ces mamans dans la sphère privée, dans l'ombre, alors qu'elles ont leur place à l'école.

Enfin, la question de la réussite des élèves est indissociable de celle des apprentissages. Les valeurs républicaines sans les apprentissages n'ont aucun sens. Le nouveau programme d'éducation morale et civique ne doit pas être un catéchisme républicain. Il doit se vivre en actes, au sein de l'école et être directement rattaché aux apprentissages, à la capacité des enfants à maîtriser la langue, à progresser.

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