La FCPE a toujours été un membre de la communauté éducative exigeant envers l'école publique. Depuis longtemps, elle estime que l'école fabrique en son sein des inégalités et ne remplit pas la promesse républicaine qu'elle fait aux familles. Si le but de l'école est bien de former les citoyens de demain, elle forme des citoyens inégaux, trahissant ainsi l'égalité.
La FCPE partage les valeurs de l'enseignement public depuis sa création : elle défend au quotidien, sur le terrain comme dans les instances qui en sont en charge, une école publique, laïque, gratuite et ouverte à tous.
Une école publique est la seule capable de réunir tous les élèves, non pas en fonction de particularismes tirés de leur origine ou de leur croyance, mais comme des élèves unis vers un but commun, celui d'apprendre, de se former et de devenir des citoyens éclairés et conscients de leurs choix.
Une école laïque, ouverte à tous, réunit en son sein des individus différents mais unis par la République, condition du vivre ensemble dans le respect. Elle permet de considérer un élève avant tout pour ce qu'il est et pas pour ce qu'il croit ou qu'il ne croit pas.
Nous croyons en l'école gratuite, enfin, car c'est la condition d'accès de tous à ce service public, sans que les familles doivent débourser quelque argent pour que leurs enfants accèdent aux enseignements. Pourtant, nombre de familles ne peuvent faire manger leurs enfants à la cantine ou les faire bénéficier des transports scolaires par manque de moyens. La gratuité réelle de l'école doit permettre de lutter efficacement contre les déterminismes sociaux qui condamnent des enfants dès le plus jeune âge, afin d'offrir à tous les enfants les moyens de leur émancipation.
Ces valeurs républicaines qu'incarne l'école publique sont aujourd'hui montrées du doigt et l'école parfois rendue responsable, à entendre certains commentateurs, de ne pas transmettre ses valeurs.
Il convient de nuancer quelque peu cette affirmation péremptoire. Malgré son rôle de transmission des valeurs de la République, l'école ne peut, à elle toute seule, porter ses valeurs et les faire vivre. Comment faire comprendre à des élèves l'égalité filles-garçons quand la société française s'accommode des inégalités salariales entre les femmes et les hommes ?
Inculquer ces valeurs est d'autant plus dur lorsque l'école reproduit des inégalités. Dès le plus jeune âge, les enfants sont classés, triés, jugés, notés afin de les situer dans l'échelle de la classe. Les bons d'un côté, à qui l'on promet de grandes carrières, et les moins bons de l'autre, à qui on laisse entendre qu'ils ne comprennent pas.
Inégalités sociales et spatiales également quand on regroupe dans les mêmes écoles des élèves dont les parents ont le même statut social, habitent dans les mêmes lieux, créant des écoles de riches et des écoles de pauvres. Là aussi, est-ce la faute de l'école ou la faute de la société si l'on se retrouve aujourd'hui avec des quartiers entiers peuplés de gens exerçant les mêmes professions ou confrontés aux mêmes problèmes ?
Ces inégalités spatiales sont aussi vécues dans de nombreux territoire où il n'existe tout simplement pas d'école publique, laissant la place aux écoles privées avec l'impossibilité pour les enfants d'accéder à un enseignement au sein de l'école de la République.
L'école reproduit des inégalités mais n'en porte pas seule la responsabilité : l'école n'est pas un sanctuaire sous cloche où la société inégalitaire resterait à la porte. L'école a le devoir de faire vivre les valeurs de la République, mais la société a le devoir de faire respecter ses valeurs, sous peine de voir les futurs citoyens s'en détourner, faisant quotidiennement l'expérience de leur irréalité.
L'école trie, classe et reproduit une élite, souvent blanche, issue du même milieu social et des mêmes quartiers, prouvant l'irréalité des valeurs républicaines inculquées à l'école. Si ce modèle élitiste fonctionne et si ses bénéficiaires font l'honneur à la République, il a un revers cruel. Chaque année, 150 000 jeunes sortent du système scolaire sans aucune qualification. Toute leur vie sera dictée par cette sentence implacable.
Faire vivre les valeurs de la République passe par la lutte contre ces inégalités, ce qui suppose de les incarner, les expliquer, les comprendre et en faire l'expérience. Ce travail inlassable revient aux enseignants qu'on a pensés suffisamment armés pour l'accomplir. Trop longtemps, la République a cru que ses valeurs allaient de soi, qu'il suffisait de les répéter à l'envi pour que mécaniquement elles s'appliquent.
Le réveil a été brutal en ce mois de janvier et si, de manière quasi générale, les commémorations se sont bien passées, il y a eu parfois des incidents. Faire porter ces incidents sur la responsabilité des enseignants serait une faute, tout autant que ne pas s'interroger sur leurs causes. Faire passer des valeurs n'est pas aisé et s'apprend. Aussi, la République a le devoir de former les enseignants à débattre, à manier dans la classe ces valeurs, à les confronter au vécu des élèves et à les rendre vivantes et tangibles mais aussi, à une époque de surexposition médiatique, à confronter les élèves à ce qu'ils voient, à leur apprendre à questionner ce qu'ils lisent, à hiérarchiser les informations et à y porter un regard critique. Les enseignants ne peuvent être des « supers héros républicains » qu'on appellerait quand le reste de la société ne remplit plus son rôle. Pareillement, on ne peut demander aux seuls professeurs d'histoire de s'occuper de cela. C'est un parcours long qui doit s'inscrire dans toute la scolarité et qui doit être vécu par les élèves à chaque instant.
La transmission des valeurs de la République passe également par les parents, à travers la coéducation. Pour la FCPE, c'est reconnaître le partage des responsabilités éducatives entre parents et enseignants et favoriser le plein épanouissement de la personnalité de l'enfant, pour le préparer à prendre sa place dans la société en citoyen libre et responsable. Il faut rapprocher les parents de l'école, particulièrement les plus éloignés de l'école pour recréer le lien distendu.
La FCPE défend l'idée de donner aux élèves les moyens d'expérimenter les valeurs républicaines au quotidien pour qu'elles prennent toute leur force.
Il est fondamental de développer la démocratie de participation au sein des établissements par la reconnaissance et la valorisation de l'engagement des élèves dans les instances de la vie scolaire. Il faut leur offrir des espaces de discussion, d'échanges et de débats et aux délégués élus, il convient d'offrir des temps d'information et une véritable formation afin qu'ils maîtrisent les enjeux de leur mandat.
Ce développement passe aussi par une plus grande implication des élèves dans l'élaboration des règles communes qui régissent la vie scolaire - règlement intérieur, échelle des sanctions, projet d'établissement - permettant que les règles soient mieux acceptées et respectées.
Enfin, l'école doit être un lieu d'ouverture et doit reconnaître l'engagement des élèves. Cela passe par la reconnaissance et l'encouragement des associations de jeunes au sein de l'établissement, que ce soit pour la vie d'un journal ou pour toute activité culturelle, de sport ou de loisir.
C'est en les donnant à voir, à toucher, à expérimenter que les valeurs de la République se renforceront. Charge à l'institution scolaire de proposer des cadres dans lesquels les faire vivre.
Il faut aussi se battre au quotidien pour faire vivre la laïcité, valeur aujourd'hui utilisée à tort et à travers, parfois accompagnée d'un adjectif mélioratif ou péjoratif, parfois comme une arme contre les croyances. Ces contresens manifestes desservent ses défenseurs. Loin d'être une contrainte, la laïcité est la condition du vivre ensemble, l'acceptation des différences mêlée à la volonté farouche de trouver en chacun ce qui rassemble, ce qui permet de se définir en tant que citoyen avant de se définir en tant que croyant ou non croyant. Elle est l'incarnation de la volonté des hommes de s'administrer par eux-mêmes, elle est la condition de l'émancipation et un signal envoyé au monde.
La laïcité doit se vivre au quotidien. La FCPE se bat pour qu'une école publique existe dans chaque territoire, qu'elle dispose des moyens de former tous ces futurs citoyens et qu'elle transmette les valeurs de la République à chaque instant. Se battre pour plus d'école publique, c'est se battre pour plus de République.