Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, où veut en venir exactement le Gouvernement ? C'est la question que chacun se pose après la publication des rapports des groupes de travail de l'Assemblée nationale et du Sénat, après le CIADT du 14 septembre 2004 et de nombreuses déclarations ministérielles.
S'agit-il de trouver un savant équilibre entre les appétits des promoteurs immobiliers et les préoccupations des défenseurs de l'environnement ? Ou bien s'agit-il de répondre aux attentes des élus et des populations des communes littorales, de permettre un développement harmonieux et durable de ces dernières, de réduire significativement les contentieux juridiques liés à l'urbanisme en faisant évoluer certaines dispositions du code de l'urbanisme ?
J'avoue préférer cette seconde hypothèse, qui présente l'avantage de conserver l'esprit de la loi de 1986 - une bonne loi, votée à l'unanimité -, laquelle devait offrir aux communes du littoral une alternative à la sanctuarisation ou au bétonnage.
Je pourrais, si j'en avais le temps, transposer cette situation à la loi du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne. Cependant, nous en discuterons prochainement, lors de la seconde lecture du projet de loi relatif au développement des territoires ruraux, dans le chapitre concernant la montagne.
Les difficultés que soulève une bonne application de la loi littoral sont multiples. Pour n'en citer que quelques-unes, j'évoquerai l'imprécision de nombre de ses termes, soumis à des interprétations subjectives et par conséquent variables, le retard accumulé dans la prise de décrets indispensables, le dessaisissement des élus au profit des tribunaux et des services instructeurs, une lecture réductrice de la loi.
Les communes du littoral, vues de loin, sont souvent idéalisées, selon des clichés touristiques tels que la virginité et la beauté des paysages, la liberté, les vacances, la plage, le soleil, la pêche artisanale, etc.
La réalité est à la fois moins idyllique et plus complexe : le littoral est avant tout une zone de vie du 1er janvier au 31 décembre. Pendant deux mois, les communes voient leur population multipliée par 5, 10, voire davantage.
Le littoral est également une zone d'activités liées, d'une part, à la mer et, d'autre part, au littoral lui-même : les pêches côtière et hauturière, la pisciculture, la conchyliculture et l'algoculture côtoient l'agriculture, le tourisme, le nautisme, les transports maritimes, les industries portuaires, l'énergie, la défense nationale, la pêche récréative, éventuellement dans un contexte d'urbanisation.
Tout cela montre qu'une perception réductrice du littoral par ses nouveaux occupants, limitant celui-ci à un espace de nature, crée de multiples conflits, qui s'inscrivent dans la judiciarisation croissante de la société.
L'image de la nouvelle ruralité, que j'avais eu l'occasion de développer ici même il y a quelques mois, n'est pas sans rapport avec celle d'une « littoralité ».
Certes, l'urbanisation du littoral va être au coeur de nos contributions. Cependant, ne perdons pas de vue qu'elle ne constitue plus qu'une des très nombreuses manifestations des multiples conflits d'usage qui animent cette zone particulièrement exploitée et convoitée.
Concernant la méthode, les parlementaires que nous sommes refusent le choix de la voie réglementaire pour résoudre les difficultés liées à la loi littoral. Cette voie est non seulement antidémocratique, mais encore elle risque d'être insuffisante et inefficace.
Il serait préférable que soit préalablement organisé un grand débat national sur la loi littoral. Les contributions des habitants, des élus, des associations du littoral, par leur richesse, refléteraient les réalités locales tout en permettant à la démocratie participative de fonctionner.
Il serait également souhaitable que, simultanément, nous prenions connaissance du contenu des décrets en préparation.
A ce propos, monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez annoncé la création d'une mission spécifique chargée « d'identifier les besoins en matière de données géographiques, économiques, sociales et écologiques, de repérer les opérateurs et les maîtres d'oeuvre, de hiérarchiser les priorités, de préciser les rôles respectifs de l'Etat et des collectivités locales, d'évaluer les budgets nécessaires ». Allez-vous prendre des décrets avant février 2005, date à laquelle cette mission remettra ses propositions ? Si oui, lesquels ?
Un important travail de réflexion et de proposition sur l'application de la loi littoral est en cours sur le terrain. Ce travail pointe une par une les difficultés rencontrées par les élus et les populations. J'ose espérer que la mission spécifique en tiendra compte avant de remettre ses propositions.
L'autre crainte, monsieur le secrétaire d'Etat, est que la loi littoral ne soit modifiée au détour de textes législatifs tels que le projet de loi relatif au développement des territoires ruraux, le projet de loi de modernisation agricole ou je ne sais quel autre texte. Cette méthode ne permet de répondre que partiellement aux problèmes, sans offrir une vision globale du texte ainsi modifié. C'est ainsi que le Conseil national du littoral est créé par la loi relative au développement des territoires ruraux.
Venons-en aux difficultés rencontrées concrètement sur le terrain.
Concernant la bande des cent mètres, le bon sens voudrait qu'on puisse reconstruire les immeubles incendiés ou en ruine, sous réserve de respecter le style local et les hauteurs du bâti.
De véritables sanitaires ou locaux de surveillance en dur, bien intégrés, seraient plus élégants que les sanisettes en PVC et les abris de chantier trop souvent vus sur nos côtes.