Intervention de Alain Joyandet

Réunion du 24 mars 2015 à 14h30
Débat sur le thème : « internet et la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse »

Photo de Alain JoyandetAlain Joyandet :

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, pour ma part, je ne pense franchement pas qu’il faille remettre en question la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse à la suite du développement exponentiel de l’information sur internet.

Qu’il s’agisse d’internet ou de la presse écrite, il n’y a pas de contrôle a priori de ce qui paraît. C’est seulement après publication que des poursuites seront engagées en cas de diffamation, par exemple. Il serait d’ailleurs encore plus difficile d’exercer un contrôle a priori pour internet que pour la presse écrite. Il s’agit bien d’un contrôle a posteriori, et je ne vois pas pourquoi il faudrait changer notre législation sur la presse, qui a permis de garantir plutôt efficacement à la fois la liberté d’expression, à laquelle nous sommes très attachés, et le respect du droit des individus, à la suite d’une évolution technologique des supports d’information.

Au fond, la question est aussi de savoir comment protéger et revaloriser le travail des professionnels de l’information à l’heure d’internet. Aujourd'hui, avec internet, des amateurs contribuent à « informer ». Dès lors, comment l’internaute peut-il distinguer les sources d’information fiables des autres ?

Pour ma part, je suis partisan de l’instauration d’une « traçabilité », d’une labellisation de l’information, afin de valoriser le travail des professionnels. Il me paraît vain d’essayer de censurer les informations diffusées par des non-professionnels sur un réseau mondialisé.

La question de la sécurité a également été soulevée, à la lumière du rôle joué par certains sites dans les récents événements. Je pense qu’elle doit être envisagée à l’échelon international. Cela étant, elle relève davantage de la politique de sécurité –nous serons bientôt saisis d’un texte portant sur ce sujet – que du domaine de la presse stricto sensu. La seule solution efficace est la surveillance permanente des sites, ce qui excède le cadre de la législation sur la presse.

Je ne crois pas non plus qu’il faille modifier les dispositions législatives relatives au respect de la vie privée du fait de l’essor d’internet, qui ne me semble pas poser davantage de problèmes de ce point de vue qu’un certain nombre d’organes de presse écrite. La législation en vigueur prévoit là aussi un contrôle a posteriori.

En fait, nous assistons avec le développement d’internet à l’émergence d’une nouvelle culture : nous passons d’une société très verticale, avec une information descendante, élaborée par un petit nombre d’acteurs, à une société totalement horizontale, où l’information s’échange entre citoyens.

En tout état de cause, il me semblerait hasardeux de modifier la législation pour atteindre des objectifs qui demeurent encore très flous. Nous devons encourager le professionnalisme, mettre en place une régulation à l’échelon international pour ce qui concerne la sécurité, et par-dessus tout protéger la liberté d’expression. Pour le reste, je crois prématuré de faire évoluer la législation. En tant qu’ancien journaliste, j’appelle à la plus grande prudence à cet égard : toucher à la législation sur la presse, c’est toucher à la démocratie et à la République.

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