Intervention de Axelle Lemaire

Réunion du 24 mars 2015 à 14h30
Débat sur le thème : « internet et la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse »

Axelle Lemaire :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie d’avoir inscrit ce sujet à l’ordre du jour des travaux de votre assemblée. Je remercie en particulier Jacques Mézard d’avoir posé les termes du débat.

À titre liminaire, je vous prie excuser Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, et Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication, qui auraient souhaité être présentes aujourd'hui. Je ferai de mon mieux pour répondre à vos questions, sans doute influencée par mon passé de juriste. Quoi qu’il en soit, beaucoup de ces questions n’ont pas encore fait l’objet d’un arbitrage.

La loi sur la liberté de la presse est une grande loi, mais elle doit être modernisée. Au demeurant, il existe d’autres outils que cette loi pour protéger nos concitoyens et préserver la liberté d’expression sur internet.

La liberté d’expression figure parmi les grandes victoires de la Révolution française. Elle est le socle de nos démocraties modernes et figure à l’article XI de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi ».

La liberté de la presse a, quant à elle, dû attendre un siècle de plus pour être reconnue et consacrée par une loi, en 1881. Tout comme la liberté d’expression, la liberté de la presse est loin d’être absolue. Le législateur de 1881 a cherché un point d’équilibre entre le principe de la liberté d’expression et la répression des abus dans l’exercice de cette liberté ; à mon sens, cette recherche d’équilibre vaut pour toutes les grandes lois,

Une société démocratique ne peut condamner pénalement l’usage de la parole sans dresser de solides garanties contre la censure. C’est bien là l’esprit de la loi de 1881, qui soumet la procédure à des conditions qui la rendent à la fois complexe et protectrice des personnes poursuivies : délais de prescription courts, encadrement des conditions de saisine du tribunal, exclusion de la procédure de comparution immédiate.

Par ailleurs, la loi de 1881 exige d’aborder la question de la liberté de la presse et de la répression de ses abus avec toutes les garanties que peuvent offrir les règles de procédure pénale. L’infraction de presse, par exemple, doit être interprétée strictement, les débats sont oraux, les témoins sont auditionnés. En outre, la primauté est donnée aux droits de la défense.

La loi de 1881 a donné lieu à plus de cent vingt ans de jurisprudence. En d’autres termes, c’est un texte qui a fait ses preuves dans la pratique. Comme d’autres grandes lois républicaines – même si le parallèle n’est pas évident, je pense à la loi sur la laïcité –, c’est un texte qui a su s’adapter.

En 2015, qu’en est-il de cette loi ?

Avec internet, l’élan démocratique peut s’amplifier, trouver une caisse de résonance mondiale. Les nouvelles technologies n’ont-elles pas vu émerger la participation, non pas virtuelle, mais bien réelle, des citoyens à la vie de la cité, à travers des milliers de contributions écrites sur des blogs, sur les réseaux sociaux, les forums de discussion, les sites de notation et de recommandation.

Internet et les réseaux sociaux changent la donne du monde dans lequel nous vivons, souvent pour le meilleur, il ne faut pas l’oublier, car internet est un véritable outil d’émancipation. Les révolutions du printemps arabe n’auraient jamais eu lieu sans les réseaux sociaux.

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