Intervention de Gérard Le Cam

Réunion du 26 octobre 2004 à 16h00
Aménagement protection et mise en valeur du littoral — Débat sur l'application d'une loi

Photo de Gérard Le CamGérard Le Cam :

La création de parkings paysagers à proximité des plages pourrait être assouplie afin de faciliter l'accès à celles et ceux qui n'ont pas les moyens de louer une résidence à proximité du rivage.

Ces trois mesures devraient contribuer à réduire sensiblement les difficultés liées au caractère inflexible du III de l'article L. 146-4.

S'agissant des espaces proches du rivage, il conviendrait tout d'abord de bien définir la notion d'urbanisation qui concerne aujourd'hui de la même façon un immeuble de quatre étages, une maison particulière, un tunnel en plastique, une serre ou un parc de stationnement.

Sur ces espaces, la constructibilité se heurte à de multiples difficultés, ce qui implique que soient précisées définitivement les notions d'agglomération, de hameau, de village, d'extension et de densification.

En Bretagne, tout particulièrement, la densification des hameaux pourrait apporter une solution aux problèmes en comblant les « dents creuses ». Les zones situées au-delà des espaces proches du rivage devraient pouvoir accueillir une extension de l'urbanisation en continuité des hameaux existants, afin de compenser les rigidités de la loi littoral, selon la volonté des élus et dans le cadre de leurs documents d'urbanisme.

L'agriculture, notamment le maraîchage, souffre des règles qui régissent les espaces proches du rivage.

Il serait souhaitable que l'on tienne compte de la qualité agricole des terrains pour les rendre constructibles ou non, de la nécessaire mise aux normes des exploitations, de la possibilité d'ériger des tunnels en plastique intégrés au paysage par des écrans végétaux.

Maintenir les conditions d'existence d'une agriculture côtière, c'est aussi assurer des limites à l'urbanisation et garantir une diversité des paysages.

Enfin, la notion d'« espace proche du rivage » pourrait être doublement encadrée, tout d'abord par la détermination d'une distance maximale du rivage, ensuite par des critères de visibilité, appréciés tant en considération du rivage que des limites de l'espace considéré.

La formule du « hameau nouveau intégré à l'environnement » n'est pas suffisamment utilisée, nous dit-on ; sans doute est-ce en raison des difficultés administratives et des problèmes d'interprétation qu'elle soulève. Il conviendrait donc de préciser le contenu possible de ces « hameaux nouveaux intégrés » et d'en favoriser l'accès aux plus modestes.

Le rapport sénatorial préconise une hiérarchisation tant des espaces remarquables mentionnés à l'article L. 146-6 du code de l'urbanisme que des protections y afférentes.

A notre avis, un espace est remarquable ou non au regard de la définition qui en est donnée par le code de l'urbanisme, à savoir les parties naturelles des sites inscrits ou classés en application de la loi du 2 mai 1930, modifiée, des parcs nationaux ainsi que les réserves naturelles.

La notion d'espace caractéristique doit être précisée ou supprimée dans la mesure où elle ne contribue pas à faciliter l'interprétation des textes.

Enfin, nous pourrions préciser que les espaces naturels s'entendent comme étant les espaces non agricoles qui ne sont ni urbanisés, ni altérés, ni dégradés significativement par l'activité humaine.

Le rapport sénatorial préconise d'inclure un volet maritime dans les SCOT, volet qui devrait être approuvé par le préfet, et de supprimer les SMVM.

L'idée est intéressante, sous réserve que le plus grand nombre participe à l'élaboration du SCOT et du volet maritime de celui-ci, sous réserve aussi que la compatibilité des PLU et autres documents d'urbanisme s'articule correctement avec le SCOT et à condition que ces documents soient enfin opposables. Cela contribuerait à rendre leurs responsabilités aux élus et à réduire les contentieux.

A ce sujet, de très nombreuses difficultés sont pointées par les élus, liées au POS non approuvé et au passage du POS au PLU lorsque des terrains ayant obtenu un certificat d'urbanisme dans le cadre du plan d'occupation des sols deviennent inconstructibles dans le nouveau PLU.

Le groupe de travail du Sénat propose d'« accroître les moyens du Conservatoire de l'espace littoral, de lui adjoindre une réserve d'établissements publics de gestion auxquels les collectivités territoriales seraient associées et d'étendre le régime des contraventions de grande voirie ». Cela va plutôt dans le bon sens : chacun connaît et reconnaît l'action du Conservatoire, dont les moyens financiers semblent préservés pour l'instant, grâce à une acrobatie financière de la loi de finances rectificative pour 2004.

Nous savons également que la coopération des collectivités territoriales en termes de gestion et de financement est déterminante et qu'elle explique en grande partie le succès comme le bilan du Conservatoire du littoral.

Ce qui nous inquiète à cet égard concerne, d'une part, les moyens qui seront alloués au Conservatoire pour les années à venir et, d'autre part, la conception décentralisatrice du Gouvernement. Nous craignons en effet de voir les charges des collectivités locales devenir de plus en plus substantielles, afin d'assurer le financement des « agences de rivage » évoquées dans un futur projet de loi « Conservatoire du littoral »

Le transfert du domaine public maritime aux collectivités contribue également à accentuer leurs charges.

Il serait bon, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous éclairiez notre assemblée sur les moyens que le Gouvernement destine au Conservatoire et aux collectivités locales pour les années à venir. De la pérennité de ces moyens dépendra le succès des actions du Conservatoire.

Quant aux moyens financiers des collectivités territoriales, c'est un vaste débat. Mais nous savons que, si celles-ci sont étranglées financièrement, elles chercheront des solutions dites « de rentabilité », souvent préjudiciables au littoral lui-même.

L'article 1er de la loi littoral a pour objet, entre autres, « la protection des équilibres biologiques et écologiques ». Il convient à cet égard de rappeler que tous les maux ne viennent pas du littoral : ils viennent aussi des fleuves qui charrient chaque année près de 650 000 tonnes d'azote et 43 800 tonnes de phosphore, ce qui contribue au phénomène d'eutrophisation ; je signale que plus de 30 000 mètrescubes d'algues vertessont ramassés en Côtes d'Armor chaque année !

A propos des marées noires et des dégazages, la sécurité et la sûreté des transports maritimes ont certes progressé. Cependant, le rapport de la DATAR souligne : « Une logique d'indemnisation continue d'être privilégiée sur une logique de responsabilisation des affréteurs. Tout ce qui n'a pas été sérieusement traité en amont, finit à la mer, qui est réceptacle naturel des bassins versants. La maîtrise de ces pollutions très diverses et le plus souvent dangereuses nécessite également des efforts financiers et législatifs importants. »

En ma qualité de membre de l'Observatoire du réchauffement climatique, je voudrais également attirer votre attention sur les conséquences du relèvement du niveau de la mer lié à ce réchauffement : ce relèvement risque d'accélérer l'érosion du littoral et surtout d'accroître les inondations et submersions marines, ce qui n'est pas sans incidence sur l'éventuelle inconstructibilité à moyen terme de zones littorales importantes.

Monsieur le secrétaire d'Etat, sans vouloir être exhaustifs, nous avons écouté ce que disent à la fois la population et les élus, afin de recenser les problèmes rencontrés dans l'application de la loi littoral.

Un certain nombre de critères guident notre réflexion.

Tout d'abord, nous partons du principe selon lequel une commune littorale n'est pas et ne peut pas être figée, elle doit rassembler les conditions pour assurer le développement harmonieux et durable de son territoire, l'accueil et l'hébergement de ceux qui vivent là toute l'année, ainsi que des personnes qui viennent y passer leurs vacances.

Le maintien de la diversité des activités économiques est essentiel au bon équilibre de ces collectivités.

Enfin, une attention toute particulière doit être portée à l'accessibilité de tous à la côte et, naturellement, l'accueil des plus modestes doit être encouragé et favorisé par des facilités d'aménagement et des dispositions fiscales.

Ce débat aura, je l'espère, son utilité. Mais, devant l'ampleur et la diversité des difficultés rencontrées par les élus, qui sont dans leur très grande majorité opposés au bétonnage des côtes, une remise à jour de la loi aurait été plus efficace que des séries de décrets à venir, les effets pervers de la décentralisation ou des morceaux de textes de loi rattachés ici et là.

Quoi qu'il en soit, il est indispensable de conserver le socle de la loi littoral de 1986 et ses principes fondateurs énoncés à l'article 1er, concernant la recherche spécifique au littoral, la protection des équilibres biologiques et écologiques et la préservation des activités économiques.

Le littoral doit être rendu à ses habitants, ses élus et ses gestionnaires, qui seront les garants d'espaces où les spéculations en tous genres et les contentieux doivent sensiblement s'atténuer, à défaut de disparaître.

Prudence de la démarche, précision des mots et pérennité des financements doivent guider le Gouvernement dans ses actions à venir concernant le littoral. C'est le voeu que nous formons.

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