Intervention de Jean-Marc Michel

Délégation sénatoriale à l'Outre-mer — Réunion du 12 mars 2015 : 1ère réunion
Gestion du domaine de l'état — Audition de M. Jean-Marc Michel directeur général de l'aménagement du logement et de la nature au ministère de l'écologie et du développement durable accompagné de M. Alby Schmitt Mme Hélène Montelly et M. Jan Niebudek

Jean-Marc Michel, directeur général de l'aménagement, du logement et de la nature :

Je vous remercie d'associer ma direction générale à vos travaux.

Sous l'autorité de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, et de la ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité, la direction générale a en charge plusieurs familles de politiques publiques. Elle élabore, anime et évalue les politiques de l'urbanisme, du logement, de la construction, de la protection des ressources naturelles, de l'eau, de la nature et des ressources minérales non énergétiques. C'est une direction qui contribue à la conservation de la qualité des territoires. Elle est organisée autour d'une direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages, et d'une direction de l'eau et de la biodiversité.

Sur les territoires ultramarins, cette direction a une forte culture d'entreprise dans la mesure où une sous-direction est en charge des milieux marins et trois autres de la qualité des ressources naturelles, en particulier de la biodiversité. Vous avez devant vous des personnes qui ont toutes servi dans les outre-mer et connaissent l'importance de leurs milieux naturels terrestres et marins.

Si les crédits de soutien au logement sont portés par la ligne budgétaire unique gérée par la direction générale des outre-mer, nous jouons, au titre de la réglementation de la construction, un rôle important en matière de logement, d'urbanisme et de construction ultramarine.

Notre direction met les territoires ultramarins au coeur de ses politiques publiques.

En réponse aux questions que vous nous avez adressées, je souhaite vous donner quelques précisions sur les effectifs. La direction générale fait travailler, en métropole et dans les outre-mer, quinze mille agents dans les services déconcentrés, dont environ six cents dans nos directions de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DEAL) et de la mer (DM) dans les cinq départements d'outre-mer, ainsi qu'à Saint-Pierre-et-Miquelon. Nous avons la tutelle de plus de cinquante établissements publics qui représentent, sur l'ensemble du territoire national, à peu près sept mille agents.

Les départements d'outre-mer hébergent les parcs nationaux, des agences, des établissements publics. Pour ce qui concerne les territoires ultramarins, le Conservatoire du littoral, l'Office de l'eau, l'Office de la chasse, l'ONF et les agences des cinquante pas géométriques représentent environ un millier d'agents. À travers ce millier d'agents - 600 dans les services déconcentrés et 400 pour les établissements publics -, nous sommes en capacité d'être au service des territoires ultramarins.

Ces éléments quantitatifs sont de nature à éclairer vos réflexions et vos conclusions de telle sorte que l'on puisse améliorer sensiblement la manière d'intervenir de nos établissements publics sous tutelle, et contribuer, au travers du pilotage de nos services déconcentrés avec les préfets, à la parfaite mobilisation du foncier public et privé de l'État, à la fois en valorisation du patrimoine mais aussi en programmes et en politique de développement, avec une logique d'économie de l'espace.

Les établissements les plus « impactants » pour le territoire sont les trois parcs nationaux dans lesquels travaillent près de 250 personnes ; au travers des hectares de coeur de parcs ou des chartes, ils sont en relations quotidiennes avec les collectivités.

Divers dispositifs nous permettent d'exercer notre tutelle sur les établissements publics, tout en respectant leur autonomie. Nous sommes en capacité, au travers des contrats d'objectifs ou des lettres annuelles de mission, de leur demander de prendre en compte un certain nombre de sujets, dont les préoccupations foncières.

Les relations entre les établissements publics sous tutelle du ministère de l'écologie et ceux sous tutelle du ministère de l'agriculture, comme par exemple l'ONF, sont harmonieuses lorsqu'elles sont bien cadrées et qu'il n'y a pas de chevauchement dans les missions. C'est ce qu'a permis le décret de création du Parc national amazonien de Guyane. Le décret pour le parc de La Réunion a été moins bien cadré, et cela se ressent dans les relations entre agents des différents établissements.

Les établissements publics nationaux ne sont pas les seuls établissements qui sont importants pour nous. Le Conservatoire du littoral a également réussi à trouver sa place aussi bien dans les départements d'outre-mer que dans le Pacifique. À travers le contrat d'objectifs, il est en permanence en relation avec les collectivités. Il n'y a pas pour nous de gestion autonome du patrimoine public ou privé de l'État, qu'il s'agisse de l'État tout seul ou des établissements publics tout seuls. Il y a forcément une vision partenariale dans la gestion et dans la définition finalisée de l'utilisation de ces espaces. On le voit sur un certain nombre d'opérations fortes dans les parcs nationaux. Le rôle du Parc national de La Réunion, par exemple, a joué un rôle fédérateur dans l'obtention du label « patrimoine mondial de l'Unesco ». Il a montré à la collectivité internationale que, en protégeant 40 % du territoire, on avait l'assurance qu'un bien confié au territoire de La Réunion serait encore dans l'état dans lequel il lui a été confié - voire amélioré - cinquante ans plus tard. Au point que les services du patrimoine mondial de l'Unesco ont demandé aux Réunionnais et au Parc national d'être les fers de lance de la politique patrimoniale mondiale dans l'océan Indien.

Une maîtrise du foncier et des valeurs patrimoniales greffées sur ce foncier peut donner au territoire une image internationale positive. C'est ce que fait le Parc national de la Guadeloupe en Caraïbe. Je pourrais citer également, puisque nous sommes dans l'année de la Conférence internationale de Paris, ce que le Parc amazonien de Guyane réalise avec son voisin le Parc national brésilien des Tumucumaques. Leur action permettra de démontrer que, pour les cinquante prochaines années, une sorte de relique planétaire de forêt amazonienne pourrait être conservée, tout en poursuivant une logique de territoire habité, avec les composantes culturelles et identitaires qui sont installées sur ces territoires.

Notre souhait est de démontrer que, au travers du foncier, nos établissements publics peuvent apporter à l'image et à l'avenir d'un territoire. La valorisation des espaces publics et privés est pour nous une préoccupation permanente.

Il y a aussi des espaces publics et privés de l'État qui n'ont pas seulement des composantes naturelles mais également des composantes urbaines, en particulier sur le littoral. Dans ce cas, le pilotage du partage de destinations est plus compliqué. Les schémas d'aménagements régionaux (SAR) définissent des objectifs et déterminent des destinations à ces unités foncières.

Nous ne sommes pas au bout de nos peines pour ce qui concerne les cinquante pas géométriques. Si le sujet macro-zonage espace naturel / espace urbain est à peu près défini, dès lors que l'on descend à l'intérieur des espaces urbains, des difficultés apparaissent, surtout quand on essaie de faire se croiser plusieurs politiques publiques comme celle de l'accompagnement des ménages installés sur ces territoires - notamment au travers la résorption de l'insalubrité de l'habitat -, celle de l'aménagement d'équipements publics pour qu'il y ait une sorte d'équité d'accès aux services essentiels, et celle de l'analyse des risques de submersion marine sur laquelle l'État n'a pas fini de travailler. Les problèmes ne sont pas identiques sur tous les littoraux. En espace montagneux peu bâti sur le littoral, on n'a pas le même risque qu'à Mayotte !

Nous considérons que l'État et les collectivités doivent, notamment au travers de l'agence des cinquante pas géométriques, quand elle existe, réussir à faire se combiner des visions stratégiques d'aménagement, des analyses de risques et d'aléas, notamment liés au changement climatique, et des conduites de politiques publiques d'accès aux services essentiels.

Si le projet de nouvelle organisation territoriale de la République donne aux régions des compétences supplémentaires pour bâtir un schéma régional d'aménagement et de développement durable et d'égalité des territoires en en exemptant les outre-mer, c'est parce que ceux-ci ont déjà leur SAR. En logique de miroir, quand nous regardons ce que les SAR avaient déjà prévu sur cette prise en compte des risques, la résorption de l'habitat indigne, la valorisation des patrimoines naturels, les relations avec les PLU, le rôle des sociétés publiques d'aménagement ou celui des SEM d'aménagement, nous nous interrogeons sur les nouvelles dispositions qui pourraient les enrichir.

Nous considérons qu'une vision partagée doit s'imposer d'abord à l'échelle des SAR puis, ensuite, zone par zone.

Les agences des cinquante pas fonctionnent plus ou moins de la même manière. À La Réunion, en Guyane où il n'y en a pas, ce sont les DEAL qui exercent leurs prérogatives. Le titrement et le transfert de propriété se font au fil de l'eau. Dans mon raisonnement, en faisant entrer d'autres politiques publiques que celle du seul transfert de propriété, je ne cherche pas à complexifier l'équation, mais j'essaie d'anticiper sur un futur qui pourrait nuire à nos concitoyens si on les laissait sur les emplacements sur lesquels ils se sont installés.

La question de l'avenir des deux agences de Guadeloupe et de Martinique se pose. Que faudra-t-il faire au 1er janvier 2016 ? Faudra-t-il les proroger de deux ou trois ans, mais pour quoi faire et que devront-elles faire d'ici-là ? Faut-il envisager une suspension d'activité ? Mais alors, entre collectivités et État, qui reprend quelles compétences et pour quoi faire ? Au-delà de la compétence de planification, d'ores et déjà attribuée aux collectivités, au-delà de la compétence du « notaire » qui rédige les actes, comment réussit-on à structurer des logiques d'urbanisation nouvelle, comment résout-on un certain nombre de transferts ?

Sur la mobilisation du foncier privé de l'État, il y a superposition de deux dispositifs. Le premier était dédié aux outre-mer. On pouvait, sous prétexte de construction de logements, obtenir une décote de 100 % du prix du foncier privé de l'État. Le récent dispositif de la loi « Duflot » permet, sous condition d'avoir au moins 75 % de logements sociaux dans le programme d'aménagement, d'avoir une décote déterminée en fonction du nombre de logements sociaux. J'ai tendance à dire que ces deux dispositifs se complètent plus qu'ils ne s'opposent. Tous deux peuvent être utilisés, ce qui donne une souplesse supplémentaire. Il me semble que M. Thierry Repentin, qui préside la Commission nationale « aménagement, urbanisme et foncier », a indiqué qu'en Guyane le dispositif de la loi « Duflot » avait déjà été utilisé sur une ou deux opérations.

Au plan national, les vingt dossiers complexes examinés en un an d'activité par la commission nationale - qui a eu un effet déclencheur - représentent un flux de 4000 logements, dont 2000 à 2200 logements locatifs sociaux qui sont entrés en aménagement. Les terrains ne sont pas aménagés pour être construits tout de suite mais cette commission est au service du foncier ultramarin. Elle peut être fortement mobilisée. Son président ne demande que cela.

Je voudrais enfin aborder un sujet qui touche au domaine public maritime : le régime des contraventions. La contravention de grande voirie apparaît complexe, désuète, mais elle donne du pouvoir aux autorités publiques. Le fait que les jugements soient concentrés en appel dans une juridiction spécialisée, à Bordeaux, ne m'inquiète pas car les magistrats sont des spécialistes qui comprennent le dispositif. Depuis 2010, les contentieux ouverts en appel sont au nombre d'une quinzaine en Guadeloupe, d'une petite vingtaine en Martinique. Il faut mettre ces chiffres en perspective avec ceux de métropole : une trentaine dans le Var, une vingtaine dans les Alpes-Maritimes.

Nos outils de gestion des propriétés domaniales sont pertinents et montrent leur efficacité. Avec ces instruments, nous pouvons faire respecter le droit et donner une autre vision de l'avenir de ces territoires en montrant qu'ils sont placés sous l'autorité publique et non sous une forme d'abandon ou de laisser faire. Ils permettent d'afficher une certaine équité entre celui qui respecte le droit et celui qui ne le respecte pas.

Monsieur le président, vous nous aviez posé une quinzaine de questions. Je suis tout à fait disposé à vous communiquer par écrit les réponses que j'ai résumées dans mon exposé.

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