Je voudrais donner mon sentiment sur cette question. Je suis de formation scientifique dans le domaine des sciences de la vie et de la terre et un grand militant au niveau du territoire dont je suis issu. Je suis également à l'origine de la protection environnementale dans ma collectivité, de la création de la réserve marine, de l'agence territoriale de l'environnement. Je suis aussi de ceux qui parfois émettent des avis qui gênent beaucoup, comme lorsque je dis que la nature ne fait pas toujours bien les choses et que l'intelligence de l'homme permet de corriger certaines erreurs de la nature.
Nos parents, nos grands-parents avaient un sens de la gestion de la pérennité de leur territoire qui peut surprendre aujourd'hui. Sur une île pauvre où il y avait peu de choses à faire, nos parents passaient leur temps à construire des murets qui empêchaient l'érosion, obligeaient l'eau à s'infiltrer, permettant ainsi aux plantes de se nourrir, de favoriser l'humidité, maintenant ainsi un climat sur une île qui avait la réputation d'être particulièrement aride.
Au-delà de cet aspect, sur la problématique du trait de côte. La première vérité est qu'il y a un grand nombre de causes différentes que l'on peut classer entre les causes locales et les causes mondiales. Il y a une réalité : le développement de nos îles, l'aménagement du territoire ont accéléré l'érosion, ont diminué le rôle des zones tampons qui arrêtaient le transport des sédiments entre la terre et la mer. Dès lors que les sédiments d'origine terrestre arrivent dans le milieu marin, ils modifient la constitution de ce milieu, transforment nos plages en herbiers, les herbiers en vasières et détruisent les coraux. Or, les coraux sont à la base de la biodiversité dans le milieu marin. C'est là que naissent la majeure partie des espèces qui sont sur le plateau continental. C'est aussi un atout majeur de l'économie touristique qui est en péril.
Aujourd'hui, dans la problématique des plages, la mangrove joue son rôle tampon pour ce qui vient de la terre. Pour ce qui vient de la mer, le corail est l'élément qui contribue à ralentir l'énergie marine et l'érosion des plages.
Aujourd'hui, on sait agir sur le corail. Même si c'est encore au stade expérimental, dans des îles au sud de l'arc antillais on plante des champs de coraux par bouturage. Ceux-ci poussent de 2,5 centimètres par mois. Toutefois, comme le corail est sensible à son environnement, il faut être attentif aux conditions de sa réintroduction.
De la même manière, sur la problématique des plages, autrefois les ingénieurs disaient qu'il fallait affronter la mer. Aujourd'hui, tous les scientifiques sont unanimes, on ne cherche plus à affronter la mer. On comprend comment elle fonctionne et on va dans son sens, en atténuant ses effets sans vouloir les empêcher.
Les États-Unis, qui ne sont pourtant pas une référence en matière d'environnement, évaluent les plages comme un bien économique. Une plage a une valeur par le tourisme qu'elle amène, joue un rôle dans l'économie, et cette valeur justifie que les collectivités ou l'État investissent des fonds annuels pour sa gestion.
L'idée consiste à dire que ce que la mer défait lors d'un cyclone, il faut le reconstruire immédiatement. Nous le faisons chez nous depuis 1995, mais ce sont des opérations qui coûtent particulièrement cher et qui sont sensibles d'un point vue biologique car il faut reconstruire une plage avec un sable identique. Bien stabilisé, le sable ne repart pas.
On sait transformer les plages, on sait installer des plantations. Sur une de nos plages détruite par un cyclone, j'ai confié ce travail à une collègue américaine. Le résultat a été spectaculaire.
Enfin, l'Union européenne a pris en considération ces réalités. Le programme des régions ultramarines périphériques (RUP) pour 2014-2020, celui des pays et territoires d'outre-mer (PTOM), vont dans le sens de ces sensibilités aux modifications climatiques, aux énergies renouvelables. Il y a un important travail de coopération régionale à mettre en place entre nous. Et si nous associons en plus les pays ACP qui disposent de moyens nettement supérieurs aux nôtres, nous pourrons faire de grandes réalisations. Je suis content que cette idée ait été reprise dans le Programme Opérationnel (PO) de la Guadeloupe, de Saint-Martin et des RUP. Je me félicite qu'à l'issue des réunions que nous venons de tenir au niveau de la coopération régionale, ce soit le thème de la biodiversité, de la lutte contre le changement climatique et des énergies renouvelables qui ait été reconnu prioritaire jusqu'en 2020. Compte tenu de l'étendue géographique, les choses sont plus complexes dans le Pacifique. Il y a une sensibilité de l'Europe et je ne doute pas que l'État mettra la main à la poche.
Monsieur le directeur général, madame et messieurs, il me reste, en mon nom et en celui de mes collègues, à vous remercier pour vos interventions.