Intervention de Jérôme Durain

Commission des affaires sociales — Réunion du 25 mars 2015 à 9h35
Allonger les congés exceptionnels accordés aux salariés lors du décès d'un enfant ou d'un conjoint — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Jérôme DurainJérôme Durain, rapporteur :

Outre les congés annuels nécessaires au repos des salariés, le code du travail prévoit, dans son article L. 3142-1, le bénéfice d'autorisations exceptionnelles d'absence dans certaines circonstances de leur vie personnelle : mariage, naissance d'un enfant ou décès d'un proche.

Le nombre de jours de congés varie selon les situations : il est par exemple d'une journée en cas de décès d'un parent, d'un beau-parent, d'un frère ou d'une soeur, de deux jours en cas de décès du conjoint ou d'un enfant et de quatre jours en cas de mariage du salarié.

Le congé est accordé sur présentation de justificatifs (acte de naissance, acte de décès...) et n'entraîne, pour le salarié, ni perte de rémunération ni réduction de ses droits à congés payés. Il n'est pas nécessairement pris le jour de l'événement considéré mais peut l'être dans les quelques jours qui suivent ou qui précèdent.

Issue d'une initiative de Michèle Delaunay, la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale le 23 novembre 2011, porte de deux à trois jours la durée du congé en cas de décès du conjoint ou du partenaire de Pacs et de deux à cinq jours la durée du congé accordé en cas de décès d'un enfant.

A la différence de la proposition initiale, le texte adopté par l'Assemblée nationale ne distingue pas selon que l'enfant est à charge ou non et ne prévoit pas d'augmentation en cas de décès d'autres parents proches (parents, beaux-parents, frère et soeur).

Deux types de considération justifient, selon moi, une telle démarche :

- des considérations pratiques tout d'abord : un congé de deux jours est à l'évidence trop bref pour permettre au salarié de faire face, dans de bonnes conditions, aux conséquences du décès - assurer l'organisation des obsèques notamment -, ce qui amène un grand nombre de salariés à demander un arrêt maladie pour disposer d'un délai supplémentaire ;

- des considérations éthiques ensuite : on peut s'étonner que la durée du congé soit plus élevée en cas d'événement heureux et - le plus souvent - prévisible (mariage, naissance) qu'en cas de décès d'un proche.

Au-delà de cette observation, je me garderai bien de tenter une quelconque hiérarchisation entre les épreuves personnelles qui peuvent affliger les salariés tant elles touchent à leur histoire personnelle ou à leur intimité.

Le texte qui nous est soumis est le fruit d'un compromis et d'un consensus.

Il est le fruit d'un consensus sur la nécessité d'augmenter la durée du congé en cas de décès d'un enfant ou du conjoint. Je signale à cet égard que notre commission a déjà adopté un texte comparable en 2006 sur le rapport de son président d'alors, Nicolas About. Adopté par le Sénat le 22 juin 2006 avec un avis de sagesse du ministre Gérard Larcher, cette proposition de loi portait à 4 jours la durée du congé en cas de décès du conjoint, du concubin ou d'un enfant. Mais cette proposition de loi n'a jamais été inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. La proposition de loi de Mme Michèle Delaunay a, quant à elle, été adoptée à l'Assemblée nationale à l'unanimité des suffrages exprimés, le ministre du travail d'alors, Xavier Bertrand apportant son soutien et l'avis favorable du Gouvernement.

Ce texte est aussi le fruit d'un compromis sur la nécessité de limiter la charge supplémentaire pour les entreprises en se bornant aux enfants et au conjoint pour les parents proches ouvrant droit à un allongement du congé accordé en cas de décès.

Nous sommes dans l'incapacité de chiffrer le coût actuel de ces absences pour les entreprises et a fortiori, de déterminer l'augmentation induite par ce texte.

Il me paraît légitime de penser que cette charge est trop modeste pour avoir un impact significatif sur notre économie ou sur l'emploi pour plusieurs raisons :

- comme nous pouvons tous l'observer, il n'est pas rare que ce type de situation trouve une solution dans le cadre d'un échange avec l'employeur ;

- au-delà du dialogue informel, des accords collectifs d'entreprise ou de branches couvrent ces sujets. La Direction générale du travail estime ainsi que 9,5 millions de salariés bénéficient d'ores et déjà de congés pour événements familiaux d'une durée supérieure à celle prévue par le code du travail ;

- enfin, sur les 550 000 décès par an, tous ne concernent pas des salariés et ne donnent pas lieu à congé.

Ce texte ne devrait donc pas occasionner un surcoût hors de proportion pour les entreprises et permet donc avant tout d'uniformiser les droits des salariés et de leur permettre de ne pas dépendre de la compassion de leur employeur.

Je passe rapidement sur la suppression de l'article 2 : le gage prévu n'était ni opérant, ni nécessaire dans la mesure où la proposition de loi n'aggrave pas les charges publiques.

En conclusion, je vous propose de soutenir le projet des auteurs de la proposition de loi d'améliorer les droits des personnes affligées par le décès d'un proche et vous recommande d'adopter ce texte sans modification.

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