Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à féliciter le rapporteur, Jérôme Durain, pour son travail et pour s’être engagé en faveur de cette proposition de loi.
Ce texte que nous examinons aujourd’hui a pour objet de modifier les articles du code du travail relatifs au congé pour motifs familiaux, pour le décès d’un enfant et pour le décès du conjoint ou du partenaire lié par un PACS.
Ces congés exceptionnels dits « familiaux » ont été introduits dans le code du travail par la loi du 19 janvier 1978. Ils avaient été auparavant négociés par les partenaires sociaux dans le cadre de l’accord national interprofessionnel du 10 décembre 1977. La loi du 19 janvier 1978 a ainsi introduit une pratique, un usage dans la législation.
Comme l’ont dit les orateurs qui m’ont précédé à cette tribune, la proposition de loi déposée par Mme Delaunay en octobre 2011 est soumise à l’examen de notre assemblée plus de trois ans après son adoption, à l’unanimité, par l’Assemblée nationale le 23 novembre 2011.
Il est étonnant que le Gouvernement n’ait pas songé à l’inscrire plus tôt à l’ordre du jour des travaux du Sénat, d’autant plus que cette proposition de loi vise à accroître les droits des salariés dans un contexte de vie difficile.
En juin 2011, Jean-Charles Taugourdeau, député UMP du Maine-et-Loire, avait déposé une proposition de loi dont l’objet était également d’allonger les délais du congé accordé aux salariés dans le cas d’un décès.
L’article L. 3142–1 du code du travail prévoit que tout salarié bénéficie, sur justification, d’une autorisation exceptionnelle d’absence de deux jours pour le décès d’un enfant, du conjoint ou du partenaire lié par un PACS, et d’un jour pour le décès du père, de la mère, du beau-père, de la belle-mère, d’un frère ou d’une sœur.
L’article L. 3142–2 du même code prévoit que ces jours d’absence n’entraînent pas de réduction de la rémunération, qu’ils sont assimilés à des jours de travail effectif pour la détermination de la durée du congé annuel et qu’ils sont accordés sans condition d’ancienneté.
Les délais de ces congés pour événements familiaux nous semblent bien courts compte tenu du bouleversement que peut représenter la perte d’un enfant ou de son conjoint.
Il est assez surprenant que des événements tels qu’une naissance, un mariage, un remariage ou la conclusion d’un PACS, moments heureux par excellence, prévisibles, programmables, permettent aux salariés de bénéficier d’un congé plus long, de trois ou de quatre jours en fonction de la nature de l’événement, alors que la perte d’un enfant, événement imprévisible car contraire à l’ordre naturel des choses, qui représente une douleur incommensurable, ou la disparition soudaine du conjoint ne permettent l’octroi que de deux jours de congés exceptionnels.
Ces deux jours paraissent dérisoires, ne serait-ce que pour préparer les funérailles, procéder aux diverses formalités administratives, avant de réaliser la perte de l’être cher et avant qu’advienne le temps du deuil.
Les salariés peuvent trouver de la compréhension et de la compassion auprès de leur employeur ou de leurs collègues, et peuvent prolonger ce congé de deux jours, soit en prenant sur leurs jours de congé, soit en bénéficiant d’un arrêt maladie.
Ces situations, bien heureusement, présentent un caractère exceptionnel au sein d’une même entreprise mais nous devons envisager les hypothèses dans lesquelles le salarié ne peut être soutenu dans son milieu professionnel.
Ainsi, cette proposition de loi tend à allonger les délais des congés, de trois à cinq jours en cas de décès d’un enfant, et de deux à trois jours en cas de décès du conjoint ou du partenaire lié par un PACS.
Ce matin, notre collègue Gilbert Barbier a déposé un amendement qui a reçu l’avis favorable de la commission des affaires sociales et qui étend le bénéfice de ce délai de trois jours au concubin du salarié. Certes, si cet amendement était adopté, il bouleverserait le calendrier législatif, comme vous l’avez dit, monsieur le ministre. Cependant, c’est la responsabilité du Gouvernement auquel vous appartenez que de prévoir le temps nécessaire pour que ce texte soit adopté. Je crois que cette précision était fondamentale et nous soutiendrons par conséquent l’amendement de M. Barbier.
Cette proposition de loi permettra une certaine harmonisation du nombre de journées accordées aux salariés du secteur privé pour le décès d’un proche.
Toutefois, les dispositions tendant à l’allongement des congés pour événements familiaux auraient dû, me semble-t-il, faire l’objet d’une négociation entre les partenaires sociaux avant d’être introduites dans la loi.
De plus, je regrette que nous n’ayons pas de projection du coût de cette mesure pour les entreprises.
Je sais qu’il est extrêmement complexe de chiffrer l’incidence de cette proposition de loi. Je comprends cependant que, dans le contexte économique actuel, un certain nombre d’entrepreneurs soient inquiets de l’impact d’une telle mesure et qu’ils nous demandent d’en différer l’application. De nombreux messages nous sont parvenus en ce sens.
J’aurais également souhaité que, de façon claire, cette mesure soit identique, dans la fonction publique comme dans le secteur privé.
Rappelons que, dans la fonction publique, le délai est de trois jours pour le décès d’un enfant ou d’un conjoint, et qu’il peut être majoré de quarante-huit heures au maximum si le salarié doit se déplacer. L’on constate toutefois que ce temps supplémentaire est presque systématiquement utilisé.