Notre collègue Michel Mercier, fort de son expérience de garde des sceaux, nous avait livré une analyse remarquable des conventions européennes et internationales applicables dans ce domaine. Je veux l’en remercier. Nous nous rangeons néanmoins aux arguments juridiques du rapporteur, qu’il vous exposera dans un instant et qui ont reçu l’assentiment de Michel Mercier.
Je veux souligner que cette question devra nécessairement être reprise dans un autre cadre. Nos concitoyens nous le demandent. Avoir la nationalité française est un honneur, permettez-moi de le souligner. Cela emporte non seulement des droits, mais aussi des devoirs. Ceux qui portent atteinte aux intérêts fondamentaux de l’État ou qui commettent des attaques terroristes n’en sont pas dignes.
Le rapporteur nous présentera plus en détail le contenu de la proposition de résolution européenne. Pour ma part, j’insisterai sur la philosophie qui l’anime.
Le terrorisme porte une atteinte directe aux valeurs fondamentales de l’Union européenne. Au nom de ces valeurs, les citoyens sont en droit d’exprimer des attentes fortes quant à leur sécurité. Une menace terroriste grave et sans doute durable pèse désormais sur les sociétés européennes. Elle justifie une réponse commune de façon urgente. Dans le même temps, chacun est bien conscient qu’une réflexion doit être conduite sur les causes profondes du phénomène terroriste et sur les moyens d’y remédier dans la durée. Pour cela, il faut des actions communes, notamment dans le domaine éducatif.
Pour tous ces motifs, il nous paraît nécessaire de promouvoir une action antiterroriste commune. C’est ce que nous avons dénommé « Acte pour la sécurité intérieure de l’Union européenne ». C’est bien l’idée que l’Union doit s’engager par une série d’initiatives législatives ou opérationnelles. C’est ainsi qu’elle jouera tout son rôle pour assurer la protection de ses citoyens face à la menace terroriste.
Je veux insister sur l’importance de la coopération policière et judiciaire.
Nous disposons d’un outil intéressant avec l’agence Europol, à laquelle nous avons rendu visite l’an passé. Il faut mieux l’utiliser.
Eurojust, que nous avons également visitée, doit aussi monter en puissance.
Nous avons besoin d’un parquet européen. Le Sénat veut que ce parquet soit collégial et décentralisé – nous nous étions penchés sur cette question, voilà quelque temps, sous l’autorité de Simon Sutour. Ses compétences doivent être étendues à la lutte contre la criminalité grave transfrontière. Les réseaux criminels et terroristes se moquent des frontières. L’action policière et judiciaire pour les mettre hors d’état de nuire ne doit pas être entravée par les cloisonnements entre États membres
Le contrôle aux frontières extérieures doit être renforcé, notamment à travers l’agence FRONTEX. Nous voulons des gardes-frontières européens. Le Sénat le demande depuis longtemps. André Reichardt l’a souligné, il faut aussi réviser le code frontières Schengen pour faciliter les contrôles qui s’imposent.
Il est urgent de mettre en place un mécanisme européen de recueil des données sur les passagers des vols aériens, un système PNR européen. Nous avons plaidé dans ce sens auprès de nos collègues du Parlement européen, que nous avons rencontrés la semaine passée à Bruxelles. Sur le rapport de Simon Sutour, le Sénat a pris clairement position pour un tel mécanisme tout en l’assortissant de toutes les garanties pour la protection des données personnelles.
À Bruxelles, nous avons aussi rencontré le coordinateur européen de la lutte contre le terrorisme, Gilles de Kerchove. Il nous a confirmé la réalité de la menace que nous connaissons. Je retiens de cet entretien que la volonté ferme affichée par les États membres pour agir ensemble ne se traduit malheureusement pas suffisamment sur le plan opérationnel. D’où un accueil très positif fait à la démarche du Sénat et à la proposition de résolution européenne que nous examinons aujourd’hui.
Nous sommes sous une menace constante. Pourtant, il ressort de nos contacts avec M. de Kerchove et M. Claude Moraes, président de la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures du Parlement européen, qu’il existe une carence au niveau européen sur la coordination et l’échange des informations. Il faut y remédier de façon urgente.
L’entretien que nous avons eu avec M. Moraes et une députée européenne néerlandaise a été assez tendu. Ce jour-là, à Bruxelles, nous étions dans notre rôle pour bien leur faire comprendre l’urgence de la demande et l’attente de la population française sur cette question. Il nous a semblé quand même que le Parlement européen n’était pas tout à fait conscient de ce qui se passait sur son territoire.
Internet est malheureusement utilisé pour faire l’apologie de la violence terroriste. C’est pourquoi nous souhaitons impliquer davantage les acteurs privés de l’internet dans la lutte contre le terrorisme. Nos collègues André Gattolin et Colette Mélot se sont penchés attentivement sur ce dossier.
Plus de coopération internationale est aussi nécessaire. Aucun pays ne peut vaincre seul ce fléau du terrorisme. Une mobilisation internationale est indispensable. Tous les instruments doivent être pleinement utilisés et régulièrement évalués. C’est ce que nous demandons.
Avant de conclure, je veux insister sur le rôle de la coopération entre les parlements nationaux pour faire progresser la lutte contre le terrorisme. En la matière, unir nos forces est plus que jamais nécessaire. Les citoyens nous le demandent.
Nous sommes tous d’accord pour dire que la sécurité est une responsabilité éminente des États. Le traité le rappelle à juste titre. Mais, dans le respect des compétences étatiques, la coopération européenne peut jouer un rôle appréciable. C’est pourquoi, avec le président Gérard Larcher, nous avons pris l’initiative d’associer d’autres parlements nationaux à la démarche du Sénat. Une réunion parlementaire européenne sur la lutte contre le terrorisme s’est tenue lundi dernier. Plusieurs de nos collègues étaient présents, je les en remercie. Les assemblées d’États membres de l’Union européenne ayant été confrontés à des actes terroristes étaient représentées : le Bundesrat allemand par M. Friederich, que nous connaissons bien ici, le Parlement danois, les Cortes espagnols, la Chambre des Lords britannique, représentée par notre ami lord Boswell. La Saeima de Lettonie, pays qui assure la présidence de l’Union européenne, était également représentée.
Une déclaration commune rappelant les principes fondamentaux et les actions prioritaires au niveau européen a conclu cette réunion. Nous avons ainsi souligné la solidarité et l’engagement des parlements nationaux. Nous avons envoyé un signal fort aux institutions européennes afin qu’elles prennent rapidement les décisions nécessaires.
Ce sera la responsabilité des parlements nationaux de suivre les décisions qui seront prises au niveau européen – c’est en quelque sorte ce que nous connaissons tous, à savoir le service « après-vote ». Ils devront s’assurer que la volonté existe et qu’elle se traduit dans les faits par des actions réellement opérationnelles.
Toute défaillance de l’Union européenne pour apporter les réponses adéquates en soutien de l’action des États membres ne serait ni comprise ni acceptée par nos concitoyens.
Telles sont les précisions que je souhaitais apporter au début de notre débat. Telle est la démarche qui nous a guidés dans l’élaboration de ce texte. Je tiens une nouvelle fois à souligner qu’il s’agit d’un travail collectif, sérieux et approfondi.
En adoptant cette proposition de résolution européenne, le Sénat adressera au Gouvernement une contribution de nature à mieux protéger les citoyens. Je suis persuadé qu’il recevra notre message cinq sur cinq.