Intervention de Jacques Mézard

Réunion du 1er avril 2015 à 14h30
Lutte contre le terrorisme — Adoption d'une proposition de résolution européenne

Photo de Jacques MézardJacques Mézard :

Les eurodéputés viennent d’adopter une résolution sur les mesures antiterroristes, demandant une feuille de route concernant le terrorisme. Dans ce contexte, la présente résolution permet au Parlement français, et donc au Sénat, de peser sur le débat. Parce que notre Europe des libertés est devenue exportatrice de terrorisme, il est urgent de coordonner les initiatives nationales et européennes. Il nous faut décliner la maxime « agir local, penser global » à la lutte contre le terrorisme à l’échelle du continent.

Comme l’a souligné Gilles de Kerchove, coordinateur de l’Union européenne pour la lutte contre le terrorisme, l’Union européenne dispose d’instruments, mais la mise en œuvre efficace de ceux-ci est empêchée par certains États membres. Seulement 2 % des informations du fichier Europol concernent le terrorisme et quatre États seulement alimentent 80 % du fichier consacré aux voyageurs suspects. La France ne se situe d'ailleurs pas en très bonne place dans ce domaine... Le Parlement européen, en février dernier, a ainsi relevé que les États membres n’ont transféré que 50 % de leurs informations en matière de terrorisme et de criminalité organisée à Europol et Eurojust. L’amélioration substantielle de l’information d’Europol et d’Eurojust, outils de coopération policière et judiciaire éprouvés, et des moyens de ces agences doit figurer au nombre des priorités européennes.

Dans ce contexte particulier du départ de 3 000 djihadistes et donc de leur potentiel retour des théâtres d’opérations syrien et irakien, la question du contrôle de la circulation des personnes a pris un sens particulier. Aujourd’hui, l’espace Schengen, mis en place dans les années quatre-vingt-dix, permet une libre circulation des personnes et des biens, que le retrait de la carte d’identité n’arrêtera pas. Si nous ne pouvons empêcher les djihadistes de partir, il faut essayer de les empêcher de revenir.

Une réflexion sur le renforcement des frontières extérieures de l’Union européenne doit s’engager. Il s’agira notamment de compléter le système d’information Schengen. Le ministre de l’intérieur a demandé une adaptation du code frontières Schengen, afin que le signalement « combattant étranger » soit introduit dans le SIS. Nous espérons que les négociations aboutiront, et rapidement, au vu de l’urgence qui se fait jour. Comme nous l’avons déjà dit à l’occasion d’autres débats – nous l’avions notamment demandé en novembre dernier – et comme la présente proposition de résolution le rappelle justement, la création de la base européenne PNR doit aussi être accélérée. Ce système, permettant d’avoir des contrôles plus efficaces dans les aéroports, constitue une mesure de bon sens. Toutefois, il a été rejeté en avril 2013 par le Parlement européen, qui avait pourtant donné son aval à la conclusion d’un accord PNR entre l’Union européenne et les États-Unis.

Enfin, parce que les groupes terroristes ne sont pas autarciques, il faut poser la question du financement du terrorisme. Le ministre des finances a annoncé une série de mesures, notamment le passage du seuil de paiement en liquide autorisé de 3 000 euros aujourd’hui à 1 000 euros « pour les personnes physiques ou morales résidentes en France ». Ce seuil passera de 15 000 à 10 000 euros pour les non-résidents. Mais, là encore, il faut une volonté politique exprimée au niveau européen, et la présente proposition de résolution rappelle justement qu’il faut « tarir les sources de financement du terrorisme ». C’est absolument indispensable, et, là aussi, la rapidité est essentielle. Je ne reviendrai pas sur le tas d’or qui se trouve entre les mains de Daech, mais nous voyons bien le rôle que jouent certains États de la région dans le financement du terrorisme… Cela doit être dit et, surtout, combattu !

Les membres du groupe du RDSE considèrent que, la législation européenne ayant été récemment complétée par un paquet législatif, avalisé hier par les deux commissions parlementaires compétentes au sein du Parlement européen, l’Europe disposera d’un nouveau dispositif contre les « sociétés opaques », qui permettent au crime organisé et au terrorisme de prospérer financièrement. Le combat contre celles-ci doit être mené beaucoup plus fortement. La tâche est ardue ; elle doit signifier la victoire de nos démocraties sur ceux qui veulent les détruire. Pour ces raisons, nous voterons, unanimement, la proposition de résolution.

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