Intervention de Pascal Allizard

Réunion du 1er avril 2015 à 14h30
Lutte contre le terrorisme — Adoption d'une proposition de résolution européenne

Photo de Pascal AllizardPascal Allizard :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, avant toutes choses, je voudrais remercier la commission des affaires européennes et la commission des lois de leur travail sur ce sujet difficile. Je tiens également à saluer la récente initiative internationale prise par Gérard Larcher sur le dossier du terrorisme.

Les attentats de Paris ont fait resurgir le spectre de l’islamisme radical et du terrorisme. Pour la plupart des Français, ces derniers ne constituaient, me semble-t-il, ni une menace immédiate ni une priorité nationale.

Pourtant, le phénomène n’est pas nouveau, puisque le terrorisme islamiste a été particulièrement meurtrier en France, notamment au milieu des années quatre-vingt-dix. Permettez-moi de rappeler également, mes chers collègues, que le plan Vigipirate existe depuis 1995 et que les politiques de sécurité ont été renforcées après le 11 septembre 2001 ou l’affaire Merah, notamment.

Même si des évolutions sont impératives, et même si une meilleure application des lois existantes est peut-être souhaitable, la France est sans doute l’un des pays européens les mieux préparés. Elle doit le rester, car elle demeure une cible prioritaire.

Contrairement à leur discours, les terroristes ne portent pas un projet pour l’humanité ; ils sont plutôt, au contraire, la négation de l’humanité, au point de vouloir effacer toute trace de son passé. Cette négation culturelle s’attaque à la mémoire, aux témoignages de l’histoire et des civilisations. Je pense aux destructions des bouddhas en Afghanistan, à l’incendie de bibliothèques et mausolées au Mali. Que dire, encore, de l’acharnement à fracasser les statues préislamiques de Mossoul ou à raser la cité assyrienne de Nimrud ? À Bruxelles et Tunis, des musées ont été volontairement visés. Il nous faut réagir, et cela à la bonne proportion, car les faits criminels s’enchaînent.

Compte tenu des aspects protéiformes de la menace, la lutte contre le terrorisme n’appelle pas une réponse univoque. Elle réside dans la complémentarité entre différentes actions : des mesures défensives et offensives ; des mesures nationales, européennes – c’est le sens de notre débat – et internationales ; des mesures à court, moyen et long terme ; mais aussi, cela a été dit, des mesures sectorielles, dans les domaines du renseignement, de la défense, de la police, de la justice, de l’éducation, lesquelles devront être assorties de moyens.

Cette réponse impose aussi une prise de conscience des citoyens de la réalité de la menace et des efforts que les sociétés démocratiques devront consentir, notamment en matière de finances ou de libertés publiques.

Pour indispensable qu’elle soit, l’option strictement militaire a montré ses limites. Al-Qaïda dans la péninsule arabique, AQPA, vient encore de démontrer sa capacité de nuisance au Yémen ; Daech poursuit son expansion au Moyen-Orient et au Maghreb ; la Libye est livrée au chaos ; la Tunisie est menacée de déstabilisation.

Voilà peu, Jean-Claude Juncker appelait à la création d’une armée européenne. Ce concept daté n’a jamais vraiment pris corps et, malgré des moyens militaires en berne, la France a dû prendre, souvent seule, ses responsabilités dans le combat contre le terrorisme. Nos soldats et leurs matériels sont mis à rude épreuve dans les opérations extérieures, les OPEX, ou en soutien au plan Vigipirate. Ce point sera, je l’espère, l’objet d’un autre débat.

Le seul bienfait, si j’ose dire, de ce contexte tragique est de placer désormais les Européens au pied du mur et de ne plus laisser la place aux atermoiements.

Nous pourrions envisager une révision ciblée du code Schengen et mieux préserver nos frontières extérieures. L’agence FRONTEX doit monter en puissance et disposer des moyens adéquats.

Par ailleurs, la coopération judiciaire et policière devrait connaître une nouvelle ambition, soutenue par Europol et Eurojust.

De même, l’utilisation des données de voyage des passagers devrait être facilitée, et la lutte contre le cybercrime relancée.

Il faudra aussi lutter contre le trafic d’armes de poing et de fusils d’assaut qui fleurit en Europe, compte tenu des porosités entre le milieu du banditisme et celui du terrorisme.

Si, au final, nous réussissions à renforcer la coopération européenne en matière de sécurité et de renseignement, la lutte devra impérativement se prolonger sur le terrain des idées et des valeurs : la République de la raison contre l’obscurantisme !

L’école doit ainsi reprendre toute sa place dans la promotion de la laïcité, des valeurs de la démocratie et l’apprentissage de la citoyenneté.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion