Intervention de Michel Forissier

Réunion du 2 avril 2015 à 9h00
Usage contrôlé du cannabis — Suite de la discussion et rejet d'une proposition de loi

Photo de Michel ForissierMichel Forissier :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous sommes appelés aujourd’hui à débattre d’un sujet qui n’est pas nouveau et fait même régulièrement l’objet de débats d’idées passionnels, non seulement en France, mais aussi partout dans le monde. Ce sujet sociétal fait l’objet une proposition de loi visant à faire sortir de l’ombre les non-dits liés à la consommation, et donc à la vente du cannabis.

Légaliser la consommation du cannabis signifie donner un cadre légal à une drogue qui, jusqu’à présent, n’en avait pas dans la mesure où elle était définie comme interdite. Le cadre juridique peut prendre plusieurs formes, de la plus stricte à la plus libérale. L’alcool et le tabac, deux substances addictives et potentiellement dangereuses pour la santé, sont aujourd’hui – tel n’a pas toujours été le cas – vendus et consommés sous la responsabilité de chacun, selon des règles encadrantes : loi Evin, monopole du tabac pour un contrôle de la production jusqu’à la vente, interdiction de vente à des mineurs…

La question de la légalisation se pose actuellement pour ce qui concerne le cannabis. Allons-nous, comme nos amis américains des États du Colorado et de Washington, autoriser la légalisation du cannabis à des fins récréatives, dans une société en quête de repères, avec un gardien, un régulateur, qui serait l’État ? Allons-nous confier à notre administration française le monopole de la vente au détail de cette drogue qu’est le cannabis, lui donner la mission de contrôler sa production, sa fabrication, sa détention et sa circulation ? Selon moi, il faut savoir raison garder.

Autoriser l’usage contrôlé du cannabis et de ses dérivés, c’est donner un mauvais signal à notre République.

La commission des affaires sociales du Sénat a examiné le texte proposé par Mme Benbassa, sénatrice du groupe écologiste. Les débats ont été à la hauteur des passions. Le législateur, garant de l’intérêt général, rappelons-le, ne remplirait pas sa mission en repoussant les limites d’une société déjà ébranlée.

Le texte dans sa globalité me pose problème, car je pense que notre société a un besoin fondamental de repères, surtout aujourd’hui.

Il ne nous appartient pas de minimiser ou de nier les incidences sur la santé liées à l’absorption, même occasionnelle, du cannabis. Je veux parler par exemple de la baisse des facultés cognitives, des troubles psychotiques et de la déscolarisation. Légaliser une drogue, c’est prendre le risque de pouvoir accroître sa disponibilité, et donc le nombre de consommateurs. Voulons-nous prendre ce risque pour nos jeunes ?

Le rapporteur a dressé un excellent tableau de la situation actuelle, et je pense que la légalisation serait un mauvais signal dans le contexte actuel.

Les experts estiment que les substances addictives licites, comme peuvent l’être les deux fléaux que sont l’alcool et le tabac, ont des niveaux de consommation plus de huit fois supérieurs à ceux des drogues illicites.

Enfin, il n’existe aucun lien automatique – le précédent intervenant l’a rappelé – entre la fin de la prohibition et celle des trafics. Le trafic de cigarettes est la source financière principale de certaines organisations criminelles, qui ont mis en place une véritable économie parallèle dans certains pays, alors que le tabac a un statut légal dans le monde entier.

Pour lutter contre les trafics de cannabis, nous disposons déjà d’un arsenal répressif ; une légalisation du cannabis ne permettrait pas d’enrayer les trafics dans nos quartiers.

Si la prohibition du cannabis est une utopie, la légalisation est tout aussi irréaliste quant à sa finalité.

Cependant – et M. le rapporteur a bien mis en évidence cet aspect des choses –, il y a dans la proposition de loi des aspects intéressants, notamment l’article 2, qui est consacré à la prévention. C’est sous cet angle, me semble-t-il, qu’il faut aborder le problème du cannabis.

Voilà un an, madame la secrétaire d'État, le Gouvernement a mis en place un plan stratégique qui donne la priorité à la prévention par rapport à la répression. Les adolescents sont mis en garde par de jeunes adultes, qu’ils ont l’habitude d’écouter plus que les adultes ! Le plan est dit « pédagogique », avec des professionnels au contact des jeunes. C’est cette prévention qu’il faut à mon avis favoriser.

Les associations de lutte contre les drogues donnent les grandes lignes de prévention de la consommation.

Premièrement, il faut donner à son adolescent les bonnes raisons de ne pas prendre de drogues.

Deuxièmement, il faut éviter que son adolescent ne se retrouve dans des situations à risques.

Troisièmement, il faut montrer l’exemple : les comportements des référents comptent aussi dans la prévention. Qu’en est-il de la figure d’autorité qui admet souvent avoir été ou être consommatrice ?

Pour toutes ces raisons, les sénateurs UMP de la commission des affaires sociales ont voté contre la proposition de loi. En somme, l’interdit des drogues en France ne doit pas être affaibli par une légalisation d’une partie d’entre elles. Le cannabis est un vrai sujet de santé publique, et nous devons à notre jeunesse vigilance et bon sens.

Je le redis, la société française a besoin d’affirmer les limites qui sont les siennes, conformes à nos valeurs, à nos principes fondamentaux. L’interdiction de l’usage du cannabis est pour moi un principe essentiel.

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