Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des finances, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, depuis plusieurs décennies, le produit intérieur brut constitue l’un de nos principaux repères de pilotage des politiques publiques.
Indicateur central de la comptabilité nationale, le PIB exerce une influence déterminante sur nos politiques publiques. C’est en effet en fonction de cet indicateur de notre performance économique que nos budgets, notre déficit, notre dette sont calculés et que bien des décisions sont prises.
Cet outil, qui se voulait être un instrument de mesure pour nous permettre de mieux appréhender les évolutions de notre croissance économique, constitue aujourd’hui le critère déterminant pour juger de l’efficacité des politiques publiques et donc de l’action menée par un gouvernement.
Toutefois, la situation de crises à laquelle nous devons aujourd’hui faire face interroge cet indicateur, qui n’a assurément pas permis de nous alerter sur les dangers sociaux, économiques et environnementaux qui s’annonçaient. D’autres indicateurs s’en sont chargés, fort heureusement...
Ainsi, le PIB présente un bon nombre de limites, en ce qu’il n’appréhende que de manière quantitative la performance de notre activité économique, sans en mesurer la soutenabilité et les effets qualitatifs, d’un point de vue social, mais aussi environnemental.
Le développement d’une société ne peut plus se résumer au seul développement économique, même si ce dernier reste primordial pour assurer le bien-être !
Le PIB ne permet d’analyser ni les inégalités croissantes dans la répartition des richesses créées ni l’épuisement des ressources naturelles nécessaires à leur production. En effet, cet indicateur ne distingue pas les activités qui ont une incidence positive de celles qui ont un impact négatif sur le bien-être individuel et collectif des êtres humains. Il comptabilise même positivement des catastrophes naturelles, qui, bien qu’à la source de pertes matérielles voire humaines, font croître le PIB du fait des réparations des dégâts qu’elles engendrent !
De nombreux travaux ont déjà été consacrés aux limites de cet indicateur de notre modèle économique et social. À ce titre, les Nations unies et l’OCDE ont travaillé à de nouveaux instruments de mesure, le plus connu étant l’indice de développement humain, l’IDH.
Les conclusions de la Commission sur la mesure de la performance économique et du progrès social, dite « commission Stiglitz », réunie par M. Sarkozy lorsqu’il était Président de la République, sont également venues conforter l’idée d’une remise en cause du PIB et la nécessité d’élaborer de nouveaux indicateurs de développement humain durable.
En France, Dominique Méda, Patrick Viveret ou encore Florence Jany-Catrice ont contribué à enrichir ces travaux avec, notamment, l’indice de santé sociale et l’empreinte écologique.
Si ces indicateurs sont utilisés par l’INSEE ou encore par le Commissariat général au plan, leur rôle reste secondaire dans l’évaluation des politiques publiques.
Aussi les sénateurs du RDSE souscrivent-ils à la philosophie qui sous-tend cette proposition de loi : cette dernière constitue un début de réflexion – et de réponse - sur un vrai sujet.
L’article unique du présent texte indique que, chaque année, le Gouvernement remet au Parlement un rapport présentant « l’évolution, sur les années passées de nouveaux indicateurs de richesse, tels que des indicateurs d’inégalités, de qualité de vie et de développement durable », ainsi qu’une évaluation des politiques publiques engagées et à venir sur la base de ces indicateurs.
Nous sommes toujours très réservés quant à l’efficacité des demandes de rapport, surtout que ces derniers tardent à arriver jusqu’au Parlement...
Il est nécessaire de ne plus évaluer nos politiques publiques au seul prisme quantitatif et d’affiner nos outils statistiques.
De plus, il devient urgent d’appréhender nos politiques à l’aune de véritables objectifs : la création d’emplois, la qualité de vie, la réduction des inégalités et la protection de l’environnement. Il s’agit, par là même, de rendre tout son sens à l’action politique. C’était d’ailleurs l’esprit de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF.
Il faut poursuivre le travail engagé. L’examen de cette proposition de loi nous en offre l’occasion. Qui plus est, le présent texte nous permet d’ouvrir un plus large débat démocratique sur ces nouveaux indicateurs à mettre au point, dont la liste reste ouverte.
Ces indicateurs devront témoigner de notre capacité collective à passer de la société du « beaucoup d’avoir pour quelques-uns », à une société du « bien vivre pour tous, ensemble, dans un environnement préservé et partagé ». Toutefois, ne cédons pas pour autant aux sirènes de la décroissance. Sans croissance économique, nous n’aurons qu’une seule issue : le déclin et la paupérisation !
(Sourires.) Il a fallu le rapport de la commission des finances pour m’éclairer. À l’origine, je craignais qu’au PIB l’on n’ajoute des indices de croissance relevant – passez-moi l’expression – de la philosophie bobo, des petits oiseaux, et j’en passe…