Intervention de André Gattolin

Réunion du 2 avril 2015 à 9h00
Nouveaux indicateurs de richesse — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de André GattolinAndré Gattolin :

D’autres indicateurs sont donc nécessaires, presque tout le monde en convient désormais, non pour remplacer le PIB, mais pour le compléter. Ils existent, me direz-vous. On en trouve même en très grand nombre dans les documents statistiques, et jusque dans les annexes au projet de loi de finances. Ils sont pourtant largement inexploités dans les analyses économiques et absolument inaudibles dans le débat public.

Pour ne prendre qu’un seul exemple, lorsque le Parlement débat longuement, à l’automne, du budget du pays, toutes les interventions évoquent l’évolution du PIB. C’est bien normal ! Combien, toutefois, abordent l’évolution des inégalités territoriales, l’évolution des inégalités de revenus ou l’évolution de l’empreinte carbone ? Très peu, vous en conviendrez. Ces indicateurs ne sont pourtant pas moins importants.

L’évolution de l’empreinte carbone, notamment, offre une première approximation de notre impact sur le climat. Or, depuis la publication, il y a bientôt une dizaine d’années, du fameux rapport Stern, même les économistes les plus orthodoxes admettent désormais que le changement climatique se traduira inexorablement – cela se voit déjà ! – par un coût financier monumental, représentatif d’espèces sonnantes et trébuchantes, et d’autant plus élevé qu’il est différé.

S’interroger avec un minimum d’acuité sur l’évolution de notre empreinte carbone lorsque nous établissons le budget public semblerait donc assez naturel !

Quant à la question des inégalités, elle nous ramène à l’actualité électorale. En effet, plusieurs travaux universitaires récents, croisant géographie, cartographie et sociologie politique, démontrent une corrélation positive entre, d'une part, le vote Front National et, d'autre part, la montée des inégalités et de la précarité, particulièrement importante dans certains de nos territoires.

À l’heure où beaucoup déplorent dans la montée du Front National une fatalité, nous tenons là, au contraire, une piste d’action concrète et prometteuse : agir pour résorber les inégalités sociales territoriales. Mais comment s’y atteler, si nous nous focalisons exclusivement sur l’évolution du PIB, dont la croissance est précisément indépendante de celle des inégalités ?

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, cette proposition de loi, portée avec ténacité par notre collègue députée Eva Sas, qui nous écoute depuis les tribunes et que je salue, a donc l’ambition de contribuer à faire émerger quelques indicateurs complémentaires du PIB, afin qu’ils gagnent en popularité jusqu’à pouvoir aider le Parlement, notamment, à penser des politiques publiques mieux adaptées au contexte de crises multifactorielles dans lequel notre pays se débat.

Ne vous imaginez pourtant pas que cela placerait la France à la tête d’une avant-garde hippie, guidée par le seul « bonheur national brut », un indicateur qui a cours dans ce lointain pays qu’est le Bhoutan. En réalité, cette proposition de loi nous permettrait tout juste de nous inscrire dans les pas de nos voisins anglais, belges et allemands, dont les gouvernements ou les parlements organisent déjà le débat public autour de ces indicateurs complémentaires.

Monsieur le secrétaire d’État, même si ce texte a connu, du temps de vos prédécesseurs, quelques péripéties inattendues à l’Assemblée nationale, je me réjouis que vous nous apportiez aujourd’hui le soutien très clair du Gouvernement, et je ne doute pas que ses auteurs pourront compter sur vous, si le texte était adopté, pour accompagner son ambition dans la durée.

Monsieur le rapporteur, cher Antoine Lefèvre, je tiens à vous remercier très sincèrement d’avoir pris le soin d’examiner ce texte pour ce qu’il est, sans esprit partisan, et je me réjouis que, ce faisant, au-delà de la question de la rédaction, qui pouvait en effet se discuter, vous ayez jugé utile de souligner l’intérêt de cette démarche.

Mes chers collègues, à l’instar de notre commission des finances, je vous invite donc à soutenir cette proposition de loi.

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