Intervention de Éric Bocquet

Réunion du 2 avril 2015 à 9h00
Nouveaux indicateurs de richesse — Article unique

Photo de Éric BocquetÉric Bocquet :

La véritable limite de la logique quantitative qui a animé la construction de l’appareil statistique en France tient au fait que l’économie n’est pas seulement affaire de chiffres, mais également de ressenti et de comportement individuel de ses acteurs.

En particulier, on peut penser que la mesure des inégalités de revenus, même si elle fait bien ressortir le creusement de l’inégalité dans notre pays, ne suffit pas à rendre compte de l’état des discriminations sociales, spatiales et économiques. Il nous semble que l’on pourrait tout aussi bien mesurer les inégalités de patrimoine, d’autant que moult dispositions fiscales prises depuis trente ans ont favorisé l’enrichissement de certains, parfois au détriment d’autres.

De la même manière, nous devons nous interroger sur la qualité du service public et sur son apport à la qualité de vie dans le pays. Ainsi, si l’allongement global de la durée de vie participe au progrès de l’ensemble de la société, il semble bel et bien qu’il ne soit pas équitablement partagé. Nous devons pouvoir disposer en la matière de données mesurées, de nature à nous aider, en particulier, à concevoir et à voter des lois de financement de la sécurité sociale assurant la permanence, la pertinence et la qualité des soins.

À la vérité, la commission constituée, il y a déjà plusieurs années, autour de Joseph Stiglitz avait réservé une place relativement importante à la prise en compte de certains indicateurs sociaux touchant à la qualité de vie de la population.

L’abstention de la moitié des électeurs inscrits lors des récentes opérations électorales atteste, selon nous, une crise réelle des modes de représentation politique et démocratique, qui participe d’un certain sentiment général de mal-être. La crise économique et sociale du monde occidental se traduit, dans les faits, par le désinvestissement croissant du corps électoral et civique, en France comme dans l’ensemble des pays développés.

Je le répète, il importe que nous nous interrogions sur l’apport décisif des services publics à la qualité de vie et à la richesse de notre pays. En particulier, chacun s’accorde à reconnaître la contribution de l’éducation à la capacité d’innovation, de création, de recherche et de développement, c’est-à-dire à la compétitivité d’une économie et à la force d’une société.

Plus généralement, le service public, dont l’activité est déterminante pour la société tout entière, est dans son ensemble facteur de valeur ajoutée. Ainsi, sans service public de la recherche, les capacités de recherche et de développement dans notre pays ne seraient sans doute pas très importantes, et nul doute que, sans la sécurité sociale, la qualité de notre main-d’œuvre serait moindre. Contrairement aux fonds de pension et aux assurances maladie personnelles existant aux États-Unis, nos budgets sociaux ne relèvent pas de la capitalisation boursière.

Par ailleurs, nous devons aussi réfléchir à la question des actifs nets publics, qu’ils soient détenus par l’État, les établissements de santé ou les collectivités territoriales. En effet, leur évaluation est un autre enjeu essentiel, alors que l’on continue de nous raconter bien des choses erronées sur la dette publique.

Le débat est ouvert, et nous devrons le poursuivre, sans oublier la réalité des antagonismes à l’œuvre en toile de fond de l’économie et de la société contemporaines.

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