Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, de toute évidence, l’estimation avancée par le COE en septembre 2013 doit susciter une certaine inquiétude : comment peut-il exister 820 000 emplois non pourvus dans notre pays, qui connaît un taux de chômage de plus de 10 % ? M. Desessard a très bien souligné ce point.
Les employeurs déclarent rencontrer des difficultés pour recruter dans un quart à un tiers des cas. Environ 400 000 tentatives de recrutement sont abandonnées chaque année faute de candidats. On peut alors se demander si tout a été fait pour mettre en contact les employeurs potentiels et les demandeurs d’emploi.
Nous connaissons les conséquences néfastes de ce décalage entre l’offre et la demande d’emplois : les entreprises, surtout celles de taille modeste, voient leur fonctionnement ralenti, et l’image des chômeurs se dégrade.
Ce phénomène est préoccupant, et le groupe UMP ne peut que partager les motivations de la résolution proposée par Jean Desessard et le groupe écologiste. Il faut en effet se doter d’un outil statistique qui permette de mesurer finement les besoins en compétences des entreprises, en les étudiant au plus près des bassins d’emploi et de chaque filière.
Si des ressources existent déjà, tels l’enquête « Besoins en main-d’œuvre » de Pôle emploi, l’observatoire Tendance emploi compétence du MEDEF, l’enquête OFER de 2005 ou l’enquête annuelle mondiale sur la pénurie de talents de Manpower, elles ne sont pas suffisantes et se fondent sur des critères souvent différents.
Les causes majeures des vacances d’emploi sont connues, mais le poids de chacune d’entre elles est difficile à estimer, car cette « anomalie » ne touche pas identiquement les différentes régions et les différents corps de métiers.
Les postes peuvent rester non pourvus du fait de problèmes structurels, d’un manque de fluidité du marché du travail, par exemple de conditions particulières de mobilité, ou d’une saisonnalité de l’emploi proposé.
Ils peuvent également être refusés en raison de leur manque d’attractivité en termes de salaire, de conditions de travail ou d’image de l’entreprise, facteur dont l’importance est très significative pour certains métiers difficiles. On peut citer par exemple, à cet égard, des secteurs comme l’hôtellerie-restauration, la maintenance, les métiers de la santé, les industries mécaniques ou le travail des métaux.
Enfin, l’explication le plus souvent mise en avant par les employeurs est l’inadéquation des candidats au poste proposé. Sur ce point, il appartiendrait aux pouvoirs publics d’effectuer des réformes, en revoyant notre dispositif de formation initiale et continue ou en favorisant l’acquisition d’expérience, notamment par l’apprentissage et l’alternance. Nous sommes tous d’accord sur le constat, mais nous ne parvenons malheureusement pas à faire évoluer les choses.
La création du guide de pilotage statistique préconisée au travers de cette proposition de résolution doit être un premier pas en vue d’une meilleure orientation de l’action des opérateurs du marché de l’emploi, partant des besoins des entreprises.
Je partage le diagnostic et les conclusions présentés dans le rapport du COE. Si nous connaissons les causes des emplois non pourvus, nous sommes incapables, à l’heure actuelle, d’en établir la hiérarchie claire et d’utiliser ces informations à des fins opérationnelles.
On peut d’ailleurs regretter que, devant la montée du chômage, le Gouvernement n’ait pas tiré les enseignements de ce rapport et qu’une initiative parlementaire se soit révélée nécessaire.
Notre politique de l’emploi ne peut faire l’économie de l’approfondissement de la connaissance statistique des emplois à pourvoir, qui améliorera la collaboration entre les différents acteurs. À court terme, le COE estime que cet approfondissement doit permettre de répertorier, d’ici à cinq ans, les offres aux échelons local et national, et de rendre public le nombre d’offres en stock toutes les fins de mois à Pôle Emploi, quel que soit le type de contrat.
À l’échelon régional, le guide de pilotage statistique permettra de systématiser l’identification par les acteurs locaux – je pense notamment aux DIRECCTE, les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, aux observatoires régionaux, aux maisons de l’emploi – des métiers rencontrant des difficultés de recrutement, sur la base d’une méthodologie harmonisée, et de faire un meilleur usage de ces informations.
Je n’entrerai pas davantage dans le détail des recommandations formulées dans le rapport, mais nous ne pouvons pas, me semble-t-il, nous permettre de ne les suivre qu’à moitié.
En tant que membre de la commission des affaires européennes, j’insisterai sur le fait que le phénomène visé par la proposition de résolution ne peut être efficacement combattu sans une coopération à l’échelle européenne des instances de recherche statistique publiques et privées, qui permettra de comparer les différentes situations nationales.
Le développement d’une sociologie de l’emploi solide requiert que le guide de pilotage ne figure pas seulement dans les résolutions adoptées par les parlements nationaux et qu’il soit présenté au Parlement européen. Les instances communautaires ont déjà requis la trimestrialisation des données relatives aux emplois vacants dans les TPE ; il faut y ajouter la collecte des données sur ces emplois dans tous les types d’entreprises et la fonction publique.
Cette fois en tant que membre de la commission de la culture et de l’éducation, j’ajouterai que s’il est bien une évidence que souligne le rapport et que soutient l’UMP, c’est que la gouvernance actuelle de notre système de formation et les modalités de financement qui en découlent ne facilitent pas la collaboration entre les employeurs et les acteurs de la formation. L’outil statistique est nécessaire, mais il ne servira à rien si l’identification des besoins des employeurs n’a aucun effet sur les formations continues proposées par Pôle emploi, ainsi que sur les formations du secondaire et du supérieur.
Améliorer la réactivité des formations en amont de la recherche d’emploi suppose non seulement, comme le préconise le rapport, d’associer les présidents d’université plus étroitement aux comités de coordination régionaux de l’emploi et de la formation professionnelle, mais aussi, inversement, d’assurer une meilleure représentation des entreprises et autres pourvoyeurs d’emplois dans l’élaboration des formations elles-mêmes.
Nous espérons donc, en conclusion, que le Gouvernement saura tirer les conséquences de cette proposition de résolution pour la définition de sa politique de formation à l’emploi.