Si la sécurité des Français est votre priorité, elle requiert un effort de la nation en faveur de la défense et de l’intérieur. Il ne saurait y avoir de reprise économique, de recul du chômage, d’avancée sociale, de culture ou de développement durable sans la sécurité de tous les Français. Nous savons que l’engagement des forces doit s’exercer sur notre territoire national, mais aussi loin de nos frontières, afin d’empêcher la pieuvre djihadiste qu’est Daech de déstabiliser des régions entières, et de projeter vers l’Europe des terroristes, via notamment le retour de combattants étrangers formés au Yémen, au Sahel ou au Levant.
Dans trois mois, monsieur le ministre, vous présenterez l’actualisation de la LPM, devenue absolument nécessaire au regard de ces menaces.
Vous avez indiqué les cinq grandes réorientations qui devraient être opérées dans le cadre de cette actualisation.
Premièrement, il s’agit de revoir la trajectoire des effectifs et d’intégrer le nouveau modèle de l’armée de terre, intitulé « Au contact », que le général Bosser vient de vous présenter. Des crédits, nouveaux et complémentaires, devront donc être affectés à cette priorité.
Deuxièmement, vous souhaitez renforcer, selon nous à juste titre, certaines priorités fixées en 2013. Parmi celles-ci, vous citez les moyens de renseignement techniques et humains, le volet « cyber » de notre stratégie et l’importance des forces spéciales.
À ce sujet, Gérard Larcher, Daniel Reiner et moi-même avons montré dans notre rapport sur le sujet que la montée en puissance du commandement des opérations spéciales, le COS, – il passera de 3 000 à 4 000 hommes – ne suffisait pas si elle n’était pas accompagnée de livraisons d’équipements individuels et collectifs. Il faut donc consacrer un budget supplémentaire, fût-il modeste, pour doter en urgence nos forces spéciales du matériel dont elles ont besoin.
De même, il faut simplifier les procédures, toujours trop longues et trop administratives, en faveur de l’homogénéisation et de l’homologation des équipements et matériels des forces spéciales – et cela ne coûte rien ! La fourniture de ces matériels, pourtant limités en nombre, devrait se voir appliquer des procédures simplifiées du code des marchés publics. La solution pourrait passer par un abondement d’une dizaine de millions d’euros, somme ridicule, dont le COS dispose pour les préparations et les équipements d’urgence.
Vous évoquez, monsieur le ministre, l’effort réalisé dans le domaine de l’intelligence-surveillance-reconnaissance, l’ISR, avec l’acquisition d’un troisième Reaper, la commande de trois autres, et le lancement d’études pour le futur drone européen à l’horizon 2025, avec l’Allemagne et l’Italie. Des crédits doivent être affectés à cette recherche et développement ; les industriels les attendent.
À ce sujet, il serait temps que le ministère de l’intérieur comprenne l’importance des drones pouvant être utilisés au-dessus du territoire national. Ce type de matériel existe « sur étagère » ; Beauvau doit maintenant les acquérir.
Troisièmement, vous entendez faire porter un effort plus marqué sur les équipements majeurs de nos forces et sur notre politique industrielle. Je ne peux que m’en réjouir. Vous me permettrez, monsieur le ministre, de saluer au passage votre engagement personnel pour l’exportation de nos matériels militaires.
Quatrièmement, vous voulez, selon vos propres termes, « crédibiliser et sanctuariser les ressources financières nécessaires à la LPM ». C’est là un vrai défi !
Dès la fin de l’année 2014, cela a été dit, il vous a fallu inventer les sociétés de projet pour pallier l’absence des 2, 2 milliards d’euros de ressources exceptionnelles. Vous le savez bien, cela devrait être encore le cas en 2016 et en 2017, d’autant que Bercy, dans le triennal et le projet de loi de finances pour 2015, a ajouté 1, 8 milliard d’euros de REX sur la période, en remplacement de vrais crédits budgétaires.
Bercy va encore vous faire le coup, monsieur le ministre, en invoquant la faible inflation, la baisse du prix des carburants, le report des versements ou les économies provoquées par les ventes de FREMM – frégates européennes multimissions – ou de Rafale !
Cela n’est pas acceptable. Nos armées, non seulement l’armée de terre, mais aussi l’armée de l’air et la marine, sont en surchauffe ; on ne peut ni réduire leurs effectifs, ni toucher aux crédits d’entraînement, déjà insuffisants, ni faire des économies dans le secteur du maintien en conditions opérationnelles – MCO –, déjà sinistré.