Intervention de Leila Aïchi

Réunion du 2 avril 2015 à 14h30
Débat sur la préparation de la révision de la loi de programmation militaire

Photo de Leila AïchiLeila Aïchi :

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, mes chers collègues, alors que nous débattions la semaine dernière de la diplomatie française, nous discutons aujourd’hui de la révision de la LPM 2014-2019, qui aura lieu dans le courant du mois de juin.

Avant tout, je tiens à saluer l’engagement remarquable de nos soldats au cours des derniers mois. Dans un contexte particulièrement difficile, ils ont contribué de manière substantielle à la solidarité et à la cohésion sociale.

Force est de le constater, l’évolution de la situation internationale, avec des opérations extérieures toujours plus nombreuses depuis deux ans, et le plan Vigipirate, qui est maintenu à son niveau maximum depuis le début du mois de janvier, obligent le ministère de la défense à réajuster les trajectoires définies voilà presque deux ans maintenant.

Monsieur le ministre, vous avez vous-même déclaré voilà peu devant notre commission que les déploiements actuels se situaient déjà à un niveau légèrement supérieur aux contrats opérationnels définis en 2013.

Il y a donc urgence ! Nous ne pouvons pas faire l’économie d’une réflexion en profondeur sur les priorités diplomatiques de la France. Avons-nous toujours aujourd’hui les moyens d’intervenir à la fois en Afrique et au Moyen-Orient ?

La question de la soutenabilité de la multiplication des engagements de la France à l’étranger se pose. Nous avions déjà largement attiré votre attention sur la faible provision OPEX pour 2015. Or ces surcoûts ont un impact regrettable sur les crédits d’équipements, ainsi que sur les moyens alloués à la formation et à la préparation opérationnelle des forces. Pourtant, l’une et l’autre sont primordiales ! Les soldats doivent en effet être la priorité : ils sont au cœur de la vision écologique de la défense que nous portons. Je sais que c’est également votre souci, monsieur le ministre, et je connais votre engagement à cet égard.

La prévention des conflits et la gestion des crises passent avant tout par l’humain.

En effet, les difficultés croissantes d’accès aux ressources, difficultés dues à des raisons climatiques, mais aussi anthropiques, sont déjà responsables d’une montée des tensions qui va croissante. Ces tensions, à l’échelle d’un village, d’une région, d’un pays, voire de plusieurs pays, seront des facteurs de déstabilisation majeurs dans les années à venir. C’est pourquoi les missions des forces armées doivent être repensées.

Monsieur le ministre, le dérèglement climatique n’est pas un simple « effet multiplicateur ». C’est un risque stratégique à part entière !

Les hommes sont indispensables pour répondre à de tels défis. Alors que les annonces de début d’année sur les 7 500 postes qui seront conservés répondent à un contexte particulier à court terme, il est temps de revoir de manière globale la logique de déflation des effectifs qui domine depuis de nombreuses années.

Plus encore, la réévaluation de la loi de programmation militaire doit impérativement s’inscrire dans une réflexion au niveau européen.

Les difficultés du ministère de la défense à trouver des recettes exceptionnelles afin de boucler son budget doivent nous pousser à réfléchir hors du cadre national. Récemment encore, les sociétés de projet ont relancé le débat. Comme vous pouvez l’imaginer, monsieur le ministre, les écologistes s’interrogent franchement sur le bien-fondé d’une privatisation du matériel opérationnel.

Face à de telles difficultés, nous devons à nouveau réfléchir à l’opportunité d’une mutualisation au niveau européen. En effet, il serait possible de répondre aux besoins des uns et des autres tout en mutualisant les coûts. Nous ne pouvons plus nous cantonner dans une approche franco-française.

Ainsi, alors que le développement de la cyberdéfense et des moyens alloués aux renseignements apparaissent comme deux priorités majeures de la LPM, nous devons appréhender ces nouveaux enjeux dans le cadre européen.

D’une part, la capacité à gérer au mieux l’intégrité du cyberespace français passe par une défense concertée à l’échelle de l’Union européenne, notamment parce qu’une grande partie des normes en matière de système d’information relève de la compétence communautaire.

D’autre part, l’utilisation croissante de drones dans le renseignement devrait être accompagnée de l’élaboration d’une doctrine d’emploi ainsi que du développement d’une position européenne commune.

Au-delà du seul aspect capacitaire, face aux menaces transnationales d’aujourd’hui – dérèglement climatique, terrorisme, instabilité régionale, risques de la faiblesse, menaces de la force –, il est indispensable d’adapter notre approche stratégique.

Pour conclure, revenant à l’échelon national, je dirai quelques mots sur le renforcement du lien entre l'armée et la nation.

Je voudrais tout particulièrement porter à votre attention le programme « Unis pour faire face » lancé par le chef d’état-major de l’armée de l’air. Ce programme permet à des aviateurs en formation de parrainer des jeunes en difficulté scolaire et de leur transmettre le goût de l’aéronautique et ses valeurs. Il s’agit là d’une réelle chance pour ces jeunes qui, parallèlement à leurs cours, ont ainsi la possibilité, quelques heures par semaine, de découvrir et d’apprendre en dehors du cadre scolaire. §Les premiers retours montrent un effet d’entraînement et un impact très positif sur les études.

C’est ce genre d’initiative que nous devons financer et encourager, monsieur le ministre, puisque ce sont elles qui, au quotidien, contribuent au renforcement du lien entre l’armée et les citoyens, lien ô combien important aujourd’hui.

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