Intervention de Michelle Demessine

Réunion du 2 avril 2015 à 14h30
Débat sur la préparation de la révision de la loi de programmation militaire

Photo de Michelle DemessineMichelle Demessine :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, deux mois après les attentats commis en région parisienne qui ont coûté la vie à dix-sept personnes entre le 7 au 9 janvier, tout le monde a pris conscience du fait que la menace terroriste contre notre pays constituait une donnée majeure et durable et qu’elle devait être prise en compte en conséquence dans la réflexion sur les moyens qu’il faut consacrer à notre défense.

Parallèlement, ces événements ont relancé le débat public sur le coût de la sécurité du pays. Dans la perspective de l’actualisation de la loi de programmation militaire – dont vous avez à juste titre, monsieur le ministre, avancé la présentation au Parlement du fait de ces événements –, le débat de cet après-midi, dû à l’initiative de nos collègues de l’UMP, est tout à fait opportun et nécessaire.

À ce stade, l’expérience des derniers mois m’incite à penser qu’il faut réexaminer la LPM sur au moins deux points particuliers, qui ont du reste un lien entre eux.

Il s’agit, d’une part, de la décision de réduire les effectifs de nos armées de 26 000 postes d’ici à 2019 et, d’autre part, des solutions envisagées d’ici au mois de juillet pour faire face à un manque se chiffrant, selon le président de notre commission des affaires étrangères, à 3 milliards d’euros pour garantir, comme s’y est engagé le Président de la République, les 31, 4 milliards prévus dans la LPM. En effet, l’un des enseignements à tirer des attentats du mois de janvier est que l’objectif de réduction inconsidérée des effectifs était une profonde erreur, sûrement due à une vision étroitement comptable des choses.

Il faut admettre aujourd’hui que le format d’armée résultant d’une baisse des effectifs dont la seule justification était de faire des économies au profit des équipements ne permet pas de répondre à une situation de crise imprévue.

En ne comptant que les opérations en Irak, dans la bande sahélo-saharienne et en République centrafricaine, c’est la première fois que notre pays a pratiquement autant de soldats engagés à l’extérieur du pays.

Bien sûr, le Président de la République a eu raison de considérer que la lutte contre le terrorisme djihadiste ne se déroulait pas uniquement sur les théâtres d’opérations extérieurs et que, pour combattre ce fléau, il fallait aussi assurer la protection de nos concitoyens sur le territoire national.

Le Livre blanc de 2013 prévoyait bien que 10 000 soldats pourraient être déployés pour une mission de protection du territoire, mais il n’en avait pas précisé la durée. Or, avec l’opération Sentinelle, ce sont 10 500 hommes qui sont déployés en permanence depuis plus de deux mois.

Tous les chefs d’état-major l’ont dit avec force, chacune des trois armées est aujourd’hui engagée au maximum de ses capacités, et aucune ne peut tenir ce rythme dans la durée. Cet engagement s’est fait au prix de l’annulation de permissions, de la prolongation de la présence de certaines unités en opérations extérieures, de l’annulation d’exercices et de formations, enfin, plus grave encore, du raccourcissement des préparations opérationnelles.

Autant dire qu’il n’est pas acceptable que, pour remplir la mission particulière de protection de nos concitoyens, nos armées soient conduites à réduire leurs capacités futures à combattre.

En conséquence, le Président de la République, pour assurer cette mission dans de bonnes conditions sans réduire les capacités de nos armées, a pris la juste décision de moins diminuer les effectifs qu’il n’était prévu, puisque l’on parle de réductions inférieures de 30 % au projet initial.

Je vous demanderai donc, monsieur le ministre, de nous préciser comment vous envisagez d’appliquer cette décision, qui présente bel et bien un coût budgétaire.

Ma seconde préoccupation a trait au mode de financement des engagements prévus par la LPM et aux solutions que vous proposez, en particulier pour remplacer des recettes exceptionnelles qui feront défaut.

Je veux évidemment parler de la mise en place des sociétés de projet, sur lesquelles pèsent encore beaucoup d’incertitudes malgré votre volonté de les voir aboutir et les éclaircissements que vous avez récemment apportés.

D’abord, sur le plan de la méthode, il est regrettable que ce sujet, fondamental pour l’équilibre et la sincérité de la LPM, soit abordé, voire réglé avant que cette dernière soit discutée, et cela au détour d’un article d’un texte fourre-tout sur la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques !

J’ai bien compris qu’il y avait urgence et qu’il fallait impérativement trouver une solution avant le mois de juillet. Mais, précisément, le flou qui entoure encore cette question et les réticences du ministre des finances – il semble qu’il cherche une autre solution – ne sont pas de nature à nous rassurer et pourraient même nous faire craindre que vous n’agissiez dans la précipitation. Au demeurant, je ne suis pas persuadée que nous aurons, dans quinze jours, plus d’éléments en main pour nous prononcer en toute connaissance de cause.

Dans l’immédiat, je suis très partagée sur la solution que vous avancez. L’une de mes principales interrogations porte sur le fait que cette solution ne permettrait évidemment pas d’assurer des recettes pérennes. En ce sens, elle ne traduit pas une vision à long terme du financement de nos équipements militaires.

Je n’irais peut-être pas jusqu’à employer les mots – souvent repris ces derniers temps – de « cavalerie budgétaire ».

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