Intervention de Fleur Pellerin

Réunion du 2 avril 2015 à 14h30
Modernisation de la presse — Adoption des conclusions modifiées d'une commission mixte paritaire

Fleur Pellerin :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, en démocratie, les idées et les mots s’opposent, les opinions se confrontent et les partis politiques mesurent leurs forces dans l’arène électorale. Nous l’avons encore observé ces deux derniers dimanches.

Toutefois, aujourd’hui, nous faisons la démonstration que notre attachement aux libertés publiques, que notre recherche démocratique du bien commun et que notre République, enfin, sont plus forts et plus enracinés que nos différences, pourtant bien réelles. Le Gouvernement, sa majorité et la majorité sénatoriale ont su, pour la liberté de la presse, construire, ensemble, un consensus.

À mon sens, ce succès tient au sujet dont traite la présente proposition de loi : la presse, son avenir, sa pérennité, sa diversité pluraliste, sa qualité, à laquelle l’Agence France-Presse apporte une contribution essentielle, et sa distribution sur tous les points du territoire.

Cette réussite est également – je tiens à le souligner – une nouvelle illustration du remarquable travail dont la Haute Assemblée est capable. Loin des affrontements théâtraux et des jeux de rôle, la majorité et l’opposition sénatoriales ont su, par leurs échanges, par leurs idées et par leurs discussions constructives, enrichir le texte que vous allez, je l’espère, adopter aujourd’hui, et lui donner son équilibre.

Je tiens tout particulièrement à remercier M. Bonnecarrère, qui, à la suite du remarquable travail accompli par Michel Françaix à l’Assemblée nationale, s’est saisi, avec beaucoup de finesse, de justesse et d’énergie, des questions de presse écrite.

En outre, je salue les contributions précieuses et inventives que MM. Assouline, Laurent et d’autres encore, sur toutes les travées de cet hémicycle, ont su apporter à cette proposition de loi.

Je le disais la semaine dernière à l’attention des députés, qui examinaient le présent texte : une telle réforme prouve que « Nous sommes Charlie » est non pas une simple formule ou une posture politique, mais une exigence républicaine de rassemblement.

Permettez-moi à présent de détailler l’équilibre trouvé, sujet par sujet, par la commission mixte paritaire, à l’unanimité, et traduit au sein de cette proposition de loi, adoptée la semaine passée, également à l’unanimité, par l’Assemblée nationale. Quelques amendements rédactionnels, que vos collègues députés ont également votés à l’unanimité, tendent à compléter, sans nullement le modifier, l’équilibre atteint.

La première partie du présent texte réforme la régulation de la distribution de la presse au numéro.

Le renforcement du rôle de l’Autorité de régulation de la distribution de la presse, l’ARDP, ne faisait pas débat dans son principe. En première lecture, nous avons consacré, dans cet hémicycle, des discussions approfondies à cette question. La réunion de la commission mixte paritaire a permis d’aboutir sur plusieurs points essentiels.

L’ARDP devient une autorité administrative indépendante en bonne et due forme. Dotée de son propre budget, elle pourra réformer les principales décisions du Conseil supérieur des messageries de presse, le CSMP. Surtout, elle approuvera désormais les barèmes des messageries de presse, après avis du président du CSMP. Cette procédure a le triple mérite de préserver le secret des affaires, de conserver le rôle précieux d’expertise du président et de la commission économique du CSMP et d’affirmer le rôle de régulation de l’ARDP. Là est le premier point d’équilibre.

La deuxième partie du présent texte modernise le statut de l’AFP, dans le respect de sa singularité et de son indépendance, envers l’État aussi bien qu’envers tout acteur privé.

Conformément au souhait exprimé par Michel Françaix dans son rapport, chaque organe de gouvernance de l’agence est renforcé dans son rôle propre.

Ainsi, grâce à un apport décisif du Sénat, la mission déontologique et d’orientation du conseil supérieur de l’AFP est clarifiée, et sa composition évolue pour inclure un parlementaire de chaque assemblée. Le conseil d’administration voit sa composition élargie à cinq personnalités qualifiées et indépendantes, dont trois au moins, comme la Haute Assemblée l’a proposé, devront posséder une expérience significative au niveau international, notamment européen.

Le nombre des représentants des personnels de l’AFP au conseil d’administration est porté de deux à trois. Les désignations au sein de ces deux organes doivent respecter la parité. Enfin, la commission financière, entièrement composée de magistrats de la Cour des comptes en activité, voit ses prérogatives de supervision comptable et budgétaire consolidées. C’est là le second point d’équilibre.

Parallèlement, l’article 12 du présent texte transcrit en droit interne les mesures utiles proposées par la Commission européenne pour garantir le respect du droit européen de la concurrence, en sécurisant le financement public de l’AFP.

La troisième et dernière partie de cette proposition de loi renferme diverses dispositions importantes. Elle traduit, elle aussi, un point d’accord et d’efficacité pour l’accompagnement du développement de la presse.

Ainsi, la création du statut d’entreprise solidaire de presse d’information, inspiré de l’économie sociale et solidaire, doit permettre à des investisseurs de fonder ou de soutenir des projets éditoriaux d’information politique et générale, en s’engageant à maintenir le capital et les dividendes dans la société suffisamment longtemps pour consolider le projet et fidéliser les lecteurs. C’est là une belle occasion pour les projets innovants qui émergent dans ce secteur et pour les repreneurs d’entreprises en difficulté qui choisiraient ce modèle de financement.

Mesdames, messieurs les sénateurs, deux mesures fiscales sont également soumises à votre approbation.

La première permet une réduction d’impôt sur le revenu pour la souscription de capital d’entreprises de presse d’information politique et générale, réduction accrue pour les titres dotés du statut d’entreprise solidaire de presse d’information.

La seconde mesure, inscrite dans cette proposition de loi sur l’initiative de plusieurs membres de la Haute Assemblée, rend déductibles de l’impôt sur le revenu les dons aux associations, s’ils sont reversés ou investis par ces dernières au capital des titres de presse. Il s’agit là des dispositions de l’amendement dit « Charb ».

Enfin, selon le souhait des deux assemblées, le droit pour des journalistes d’accompagner des parlementaires visitant les prisons est affirmé et précisé.

Telle est la teneur de la proposition de loi que le Sénat examine aujourd’hui en dernière lecture. Je suis heureuse de l’appui, de l’élan et de l’énergie que cette réforme donnera au secteur de la presse. Mesdames, messieurs les sénateurs, je suis heureuse comme ministre, et fière comme citoyenne, des conditions dans lesquelles vous avez bien voulu que ce texte fût débattu et adopté.

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