Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce texte consensuel vient conforter la liberté de la presse en introduisant d’importants éléments de modernisation. Il ne constitue certes pas une réforme d’ensemble de la presse, mais il répond à une urgence. C’est la raison pour laquelle il a été rapidement discuté : il s’agissait de débloquer certaines situations et d’introduire de la fluidité, notamment pour permettre à l’AFP de conserver le rang que le monde lui reconnaît.
Nous sommes satisfaits de l’esprit consensuel qui a présidé à la discussion. Certes, ce caractère ne suffit pas à prouver la qualité du résultat – c’est même bien souvent le contraire ! –, mais en l’occurrence nous avons abordé les questions posées de façon concrète et pragmatique, pour aboutir à un bon texte.
Cette étape a pris place quelque temps après une autre discussion au Sénat au sujet de la liberté de la presse et de l’indépendance des médias : la loi sur l’audiovisuel, en garantissant l’indépendance des nominations, avait permis de développer et de conforter la liberté de la presse. Je tiens à ce rappel, alors que l’on entend aujourd’hui des déclarations que l’on n’attendrait pas de la part de ceux qui les prononcent. Des nominations sont précisément à l’ordre du jour, et l’on est en droit de se satisfaire qu’elles ne se règlent plus par un coup de téléphone de l’exécutif ! La liberté de la presse est inséparable de son indépendance.
Ce texte reprend principalement les dispositions adoptées par le Sénat. Je remercie à ce propos M. le rapporteur de son travail précis et important. Si l’initiative vient de l’Assemblée nationale, on peut constater que l’apport du Sénat, notamment grâce au travail de son rapporteur, a permis d’avancer.
Les trois grandes parties de la proposition de loi correspondent aux trois éléments clefs de la presse en France : la distribution, l’Agence France-Presse et le financement de la presse.
Le texte entend moderniser les statuts de la presse, et non réaliser une réforme complète du secteur. D’autres sujets restent donc en suspens, qui ne concernent pas seulement la culture et la communication, comme le secret des sources. Il ne faudra pas attendre trop longtemps pour les aborder. Il est en effet souhaitable que soient discutés des projets qui sont dans les tiroirs depuis trop longtemps, sans que se soit produite une avancée tangible, exprimée par la présentation d’un texte.
Le titre Ier s’attache à moderniser le système de distribution de la presse, qui se trouve dans une situation de crise structurelle. La principale avancée est due au Sénat : la fixation des barèmes, qui interviendra désormais après une décision de l’Agence de régulation de la distribution de la presse, précédée par un avis motivé du Conseil supérieur des messageries de presse. Le texte prône donc un dialogue entre ces deux institutions. Il a, par ailleurs, renforcé l’ARDP – créée à l’initiative du Sénat, au cours de travaux auxquels j’avais participé – en lui conférant une indépendance institutionnelle vis-à-vis de l’État, puisqu’elle sera désormais une autorité administrative indépendante.
Le titre II concerne l’Agence France-Presse. Sur ce point, nos chambres ont connu des divergences, relatives, notamment, à la sécurité juridique du dispositif proposé par le Sénat : la création d’une commission de surveillance de l’AFP.
J’ai contribué à débloquer la situation en commission mixte paritaire, et l’état d’esprit des uns et des autres a permis d’y parvenir. Le compromis sur lequel nous nous sommes accordés consiste à appliquer au conseil supérieur de l’AFP toutes les dispositions introduites au Sénat par le biais d’une commission de surveillance, afin de renforcer son rôle de contre-pouvoir au conseil d’administration, lui-même consolidé par des dispositions introduites à l’Assemblée nationale. Ainsi, les motivations des deux assemblées ont été prises en considération, tout en garantissant la sécurité juridique du dispositif, qui était de toute évidence défaillante.
En ce qui concerne la présidence de ce conseil, je veux dire ma satisfaction d’avoir été entendu en commission mixte paritaire. L’indépendance d’une agence de presse comme l’AFP ne pouvait souffrir que son conseil d'administration fût présidé par un parlementaire. Sur ma proposition, cela a été rendu impossible, confortant ainsi son indépendance. Nous éviterons ainsi les faux procès, voire les vrais, relatifs à l’interventionnisme politique. S’agissant de la presse et des médias, il nous faut rester très prudents et bien séparer les choses.
Enfin, le conseil d’administration de l’AFP voit sa composition modifiée, avec cinq personnes qualifiées, et il a l’obligation de se réunir au moins quatre fois par an. Par ailleurs, nous avons sécurisé le dispositif d’aide à l’AFP vis-à-vis du droit européen.
Je suis également satisfait qu’ait été rétablie une disposition présente dans le texte de l’Assemblée nationale, mais qui, une fois n’est pas coutume, a été supprimée au Sénat, visant à autoriser les journalistes à accéder aux lieux de privation de liberté, prisons ou centres de rétention.
J’ai fortement plaidé en ce sens, en faisant valoir que le maintien cette sorte d’inaccessibilité n’empêcherait pas que ces lieux fassent l’objet de débats publics. À défaut de regard indépendant, ceux-ci, en revanche, souffriraient d’un déficit d’information, ce qui alimenterait tabous, a priori et positionnements politiciens qui empêchent d’avancer.
Quand les portes sont fermées, les informations qui sortent malgré tout sont moins crédibles, mais, comme elles sont les seules disponibles, elles prennent beaucoup de place, notamment à l’époque des réseaux sociaux. Permettre à des professionnels, astreints normalement à une déontologie, de regarder et de raconter est la meilleure façon de couper court à ces discours fallacieux.
Pour terminer, je suis très heureux de l’adoption d’une panoplie de dispositifs visant à encourager le don aux entreprises de presse, afin de soutenir le pluralisme. Après les attentats de janvier dernier, le massacre contre Charlie Hebdo et contre la liberté d’expression, ces amendements pour lesquels Charb, notamment, militait fortement devaient être introduits dans la loi. C’était juste, et c’était important d’un point de vue symbolique.
Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste votera avec enthousiasme les conclusions de la commission mixte paritaire, ainsi que l’ensemble des amendements, pour l’essentiel de coordination et de précision juridique, qui ont été présentés par le Gouvernement.