Intervention de Michel Billout

Réunion du 2 avril 2015 à 14h30
Modernisation de la presse — Adoption des conclusions modifiées d'une commission mixte paritaire

Photo de Michel BilloutMichel Billout :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la presse connaît une grave crise. Afin de répondre à une partie des difficultés rencontrées par ce secteur de l’économie, cette proposition de loi aborde des thèmes assez larges, allant de la distribution de la presse jusqu’à la gouvernance de l’AFP, en passant par des dispositions fiscales, à l’image de l’amendement dit « Charb », que notre groupe a souhaité voir intégré à ce texte.

Nous nous félicitons particulièrement que cet amendement, que nous avions déposé pour la première fois lors de l’examen de la loi de finances pour 2015, ait finalement été retenu, fort d’une belle unanimité, guidée par une volonté de soutien à la presse d’opinion à la suite des événements douloureux du début du mois de janvier dernier, qui ont, notamment, touché la rédaction de Charlie Hebdo. C’est un beau symbole, qui permet à la fois de rendre hommage aux victimes des attentats et de répondre au besoin de préservation et de sécurisation du financement des supports directs d’une liberté menacée, incarnée par les supports de presse écrite d’information politique et générale.

Cet amendement vise ainsi à clarifier le régime de défiscalisation des dons émanant des particuliers effectués au bénéfice d’associations d’intérêt public ou de fonds de dotation exerçant des actions en faveur du pluralisme de la presse d’information politique et générale. Cette pratique, qui repose pour le moment sur un simple rescrit fiscal, sera désormais inscrite dans le marbre de la loi.

Malgré cela, nous nous étions abstenus sur ce texte, car si nous soutenons sans condition certaines dispositions contenues dans le projet de loi, d’autres, concernant notamment l’Agence France Presse, nous paraissent beaucoup plus contestables ; j’y reviendrai.

En ce qui concerne la distribution de la presse, le texte réforme les modes de gouvernance des systèmes coopératifs, en rappelant l’objectif de garantie d’un système coopératif dans la distribution de la presse et l’absence de concurrence entre les deux messageries.

Le renforcement de la portée du principe de solidarité dans et par la loi constitue un élément positif, de même que l’évocation qui est faite, en l’absence de coopération harmonieuse, d’une possibilité de mutualisation renforcée entre les sociétés de messagerie de presse. Nous continuons cependant à estimer qu’il conviendrait d’aller plus loin, en prévoyant la fusion de ces deux coopératives au bénéfice d’une structure unique de distribution.

En ce qui concerne l’AFP, la CMP est revenue sur un certain nombre de dispositions que nous contestions – il s’agit là d’un effort louable, nous semble-t-il –, mais elle a malheureusement conservé telle quelle la rédaction de l’article 12.

Certes, le projet de création d’une commission de surveillance remplaçant le conseil supérieur et la commission financière de l’AFP a été abandonné, en faveur du renforcement des instances actuelles, ce qui nous satisfait et répond en partie à nos remarques. En revanche, l’article 12 continue de distinguer les comptes de l’AFP, ce qui laisse entendre que l’AFP exercerait des activités ne relevant pas de l’intérêt général. Ce faisant, le montant des aides de l’État est remis en cause et la question de la définition du périmètre des activités d’intérêt général est posée.

Ces dispositions, qui s’inspirent de la récente décision de la Commission européenne, saisie d’une plainte d’une agence de presse allemande, risquent de conforter la diminution de la dotation de l’État et de remettre en cause le statut unique de l’AFP : ni étatisation ni privatisation, garant de son indépendance, par la privatisation d’une partie de l’agence, quand bien même elle constituerait une filiale technique.

En effet, la Commission européenne, si elle a admis l’existence de ces aides en reconnaissant le caractère d’intérêt général qui s’attache au rôle de l’AFP, demande la distinction, dans les versements de l’État, entre dotations de compensation des missions d’intérêt général et paiement des amendements commerciaux. Or, à notre sens, une agence de presse française de rayonnement international, promouvant la liberté d’information et l’indépendance éditoriale, constitue en elle-même l’accomplissement d’une mission d’intérêt général. Cela devrait l’exclure totalement du champ d’application du droit communautaire de la concurrence.

Il y a là, à notre sens, des dossiers et des valeurs dont la défense nécessite de s’opposer avec plus de fermeté aux appréciations, souvent dogmatiques, de la Commission européenne.

Pour conclure, c’est principalement ce dernier point qui nous conduit à réitérer notre abstention face à la présente proposition de loi. J’ajouterai que c’est avec regret, car le texte contient des aspects positifs, dont la presse d’opinion a bien besoin pour continuer d’exister.

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