Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens à saluer la qualité du travail accompli par l’ensemble des membres de la commission mixte paritaire, en particulier par notre rapporteur.
Chacun a bien pris conscience qu’il fallait donner de nouveaux moyens à la presse écrite, pour qu’elle puisse, non pas survivre, mais retrouver les voies de son développement. Bien sûr, la présente proposition de loi n’annonce ni la révolution ni le big bang que d’aucuns pourraient appeler de leurs vœux. Il ne s’agit même pas de la réforme d’ampleur qui serait pourtant nécessaire pour permettre au métier de journaliste et aux entreprises de presse de faire face aux défis et aux difficultés qui les assaillent et qui jettent une ombre menaçante sur leur avenir, ainsi que, par voie de conséquence, sur la vitalité et la qualité du débat démocratique dans notre pays.
À la vérité, cette proposition de loi ne s’attache qu’à quelques aspects épars des problèmes profonds rencontrés par notre système de production et de diffusion de l’information. Elle a cependant le mérite de préciser la gouvernance de l’Agence France-Presse et celle de nos messageries de presse.
En ce qui concerne les messageries de presse, si certaines dispositions de la proposition de loi initiale pouvaient inquiéter les acteurs de la distribution, alors que la loi du 20 juillet 2011 relative à la régulation du système de distribution de la presse commence tout juste à produire ses pleins effets, il faut reconnaître que la navette parlementaire a largement contribué, notamment grâce aux amendements adoptés par notre assemblée, à lever les doutes et à rassurer ce secteur d’activité en mutation.
Par un terrible hasard de l’actualité, cette proposition de loi a pris une dimension tout à fait nouvelle lorsqu’elle a été mise en débat au Sénat, le 5 février dernier, moins d’un mois après les événements tragiques du 7 janvier. Son examen a été l’occasion de poser haut et fort la question de la liberté d’expression et des conditions d’exercice du pluralisme de la presse, aujourd’hui, dans notre pays.
À l’urgente nécessité d’agir a répondu l’amendement déposé au Sénat et tendant à autoriser la défiscalisation d’une partie des dons consentis en faveur de certains titres de presse d’information générale. Cet amendement, dit « Charb » d’après le nom de plume de l’ancien directeur de la publication de Charlie Hebdo, a été, rappelons-le, adopté à l’unanimité par notre chambre, avant que le Sénat n’adopte à l’unanimité la proposition de loi elle-même.
Bien des fois et dans bien des domaines, on a invoqué le fameux esprit du 11 janvier pour rassembler nos concitoyens autour des valeurs supposées nous animer individuellement et collectivement.
Bien plus que symboliques, ces votes à l’unanimité ont sans doute été l’une des concrétisations les plus marquantes de l’esprit du 11 janvier. Pour preuve, la commission mixte paritaire et, à travers elle, l’Assemblée nationale ont fait leur la disposition issue de cet amendement. En outre, sa mise en œuvre concrète a été largement facilitée par le Gouvernement, qui, à la faveur de son examen en CMP, a accepté de lever le gage pesant sur lui. Nous ne pouvons que saluer cette décision, en faveur de laquelle, madame la ministre, vous avez joué un rôle déterminant.
Reste que cette mesure significative en faveur du pluralisme et de la liberté de la presse ne doit pas occulter que c’est tout notre système d’aides à la presse qui doit être réévalué et repensé.
Comme je l’ai déjà signalé à de nombreuses reprises dans cet hémicycle, nos critères et nos mécanismes d’aide à la presse sont, pour une bonne part, devenus obsolètes et parfois même contre-productifs ; nous ne couperons pas, tôt ou tard, à leur remise à plat. Or plus cette réforme aura lieu tardivement, plus le secteur de la presse et de l’information aura atteint un point de quasi-non-retour.
De fait, nos titres d’information et nos supports d’opinion présentent désormais un taux de mortalité bien supérieur à leur taux de natalité, tant sous la forme papier que sous la forme numérique. Madame la ministre, il est temps d’inverser aussi cette courbe-là, si essentielle à la vie démocratique de notre pays.
Lors du discours qu’il a prononcé pour le soixante-dixième anniversaire de l’Agence France-Presse, le 19 janvier dernier, le Président de la République a annoncé que ce chantier était ouvert et que c’était vous, madame la ministre, qui en aviez la charge. En ces périodes budgétaires difficiles, nous savons que nous pouvons, avec les mêmes moyens, faire bien mieux qu’aujourd’hui, en réajustant nos priorités.
Nous savons aussi que cette refonte doit trouver sa concrétisation en termes de réaffectation des aides, au moyen d’un plan qui devra s’étaler sur trois à cinq ans : trop rapide, ce plan déstabiliserait certains titres dont la santé financière est actuellement correcte ; mais, sans ligne de conduite, sans objectifs clairs ni engagements à terme, il pourrait vite passer à la trappe, sous l’effet des rabots budgétaires successifs et de la découverte de nouvelles urgences encore plus urgentes que les précédentes.
Lors de l’examen de la proposition de loi par le Sénat, le 5 février dernier, j’avais présenté un amendement tendant à prescrire au Gouvernement de remettre au Parlement, avant le 31 juillet 2015, un rapport proposant dans le détail un plan de ce type, destiné à améliorer la répartition des aides directes à la presse écrite en vue de renforcer le pluralisme et la diversité de nos sources d’information. Je regrette que, à une misérable voix près, cet amendement n’ait pas été adopté ! C’est bien dommage.
Je le regrette d’autant plus que nous devons veiller au non-dévoiement du système d’aide à la presse au profit de quelques titres dont la préoccupation majeure n’est pas le commerce des idées, mais le commerce tout court. C’est pourquoi je me permets de vous rappeler l’engagement que vous avez pris, madame la ministre, d’associer le Parlement à toute réforme, même de nature strictement réglementaire.
Bien évidemment, le groupe écologiste votera le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire !