Intervention de Philippe Knoche

Commission des affaires économiques — Réunion du 1er avril 2015 à 10h00
Audition de M. Philippe Knoche directeur général d'areva

Philippe Knoche, directeur général d'Areva :

Je vous remercie de m'avoir invité à m'exprimer sur la situation financière du groupe Areva et les voies de sorties auxquelles nous travaillons avec l'État et le conseil d'administration dirigé par Philippe Varin, avec lequel nous élaborons un plan de sortie de crise.

C'est avec gravité que nous considérons l'ampleur des pertes enregistrées en 2014. Tout au long de cette année, le groupe a fait face à une dégradation de sa situation, liée à la crise financière et aux conséquences de Fukushima, mais rendue plus aiguës encore par le décalage dans le redémarrage des réacteurs japonais ainsi que dans les projets de construction de réacteurs dans le monde - Arabie saoudite, Afrique du Sud, Pologne, République tchèque, presque tous sont concernés, y compris dans les économies émergentes comme l'Inde ou le Brésil, à l'exception notable de la Chine. Quant aux réacteurs existants, nos clients, en Europe comme aux Etats-Unis, connaissent une situation financière plus fragile que par le passé du fait de l'atonie de la demande électrique : leurs budgets d'investissement et de maintenance s'en trouvent contraints, ce qui pèse sur notre activité de services et de composants de remplacement. L'année 2014 a également été marquée par une poursuite de la chute des prix de l'uranium, ce qui a pénalisé nos activités en amont du cycle, tant celle de nos mines dans le monde que celle du site du Tricastin. C'est aussi l'année où arrivaient à échéance des contrats de conditionnement de déchets ou de conversion des armes qui ont contribué, jusqu'en 2013, à la profitabilité du groupe. Le fait est que depuis, nos clients allemands et japonais ne sont plus en situation d'acheter des prestations d'aval à haute valeur ajoutée.

La première conséquence en est une baisse de plus de 7 % de notre chiffre d'affaires, qui s'établit à 8 milliards d'euros. C'est dire le contraste entre les perspectives de l'avant Fukushima, lorsque le groupe était en croissance, et la situation de 2014. Cela se traduit, dans les comptes, par une perte de 4,8 milliards d'euros. Il s'agit, pour 2,6 milliards, d'une perte de valeur : certains des investissements réalisés en période de croissance ne seront plus aussi rentables à l'avenir. Je précise qu'il s'agit là d'une révision de nos perspectives, qui n'affecte ni notre dette ni notre trésorerie, puisqu'elle concerne des investissements passés. Quant au 1,8 milliard restant, il s'agit de provisions destinées à faire face aux difficultés que vous évoquiez, monsieur le président, dans la gestion des grands projets, en particulier en Finlande - la sûreté de l'EPR n'est pas en cause, mais les conditions de réalisation du projet - ainsi que dans le domaine des énergies renouvelables.

D'où la nécessité d'un plan de sortie de crise. Nous devons faire face à la fois aux difficultés nées de la situation du marché et à celles qui tiennent à nos grands projets. La conséquence en a été une dette de 5,8 milliards d'euros, qui nous entraîne dans une spirale du surendettement dont nous devons sortir.

Ce plan repose sur trois piliers : une feuille de route stratégique, un plan de performance qui doit permettre à nos activités de s'autofinancer à un horizon de trois ans, un plan de financement pour résoudre la question de la dette, et dont le contenu sera communiqué d'ici à la fin du mois de juillet.

Quelle est, tout d'abord, notre feuille de route ? Elle repose sur un maître mot, le recentrage sur notre coeur de métier, soit la maîtrise technologique des procédés, qui fait l'excellence française. Ce qui suppose de renoncer aux grands projets clé en main que nous menions seuls, et de réviser nos ambitions dans le renouvelable. Deuxième axe de notre feuille de route : le rapprochement avec EDF. Nous avons quatre défis à relever dans le domaine des réacteurs : engager le programme du grand carénage, qui vise à étendre la durée de vie du parc ; tirer les enseignements des grands projets actuels pour Hinkley Point et, au-delà, pour le renouvellement du parc ; offrir, main dans la main avec EDF, une gamme de réacteurs compétitifs ; répondre, enfin, au basculement géographique des marchés vers les économies émergentes. Nous anticipons une croissance de 2 % par an du parc installé d'ici à 2030, pour un quasi doublement des capacités actuelles. D'où le troisième axe de notre feuille de route, qui vise à nous tourner vers les économies émergentes, au premier rang desquelles la Chine, qui représentera plus de la moitié de la croissance dans la décennie à venir. D'ici à quinze ans, elle détiendra le premier parc nucléaire mondial, et représentera donc le premier marché pour les services et les composants de remplacement. Nous abordons le marché chinois sans naïveté, mais dans la conviction que l'on peut s'y implanter.

Ces trois axes sont de nature à offrir un avenir à nos activités, à la condition de nous rendre opérationnellement plus performant. Cela suppose de mettre l'accent sur la sécurité et la sûreté. Soyez assurés que dans la période difficile que nous traversons avec nos salariés, je veillerai personnellement à ce que nos installations fassent l'objet de tous nos soins. Contrairement à d'autres, je n'oppose pas sûreté et compétitivité, au contraire. L'enjeu, pour le groupe, est bien de mobiliser les acteurs de terrain et les salariés au service de cette alliance entre sûreté et compétitivité.

Pour sortir de la spirale du surendettement, nous devons dégager des marges sur nos activités, qui ont perdu en volume, et maîtriser les risques attachés aux grands projets à venir, où nous ne serons pas nécessairement ensemblier mais fournisseur de matière, d'équipements, de systèmes. Pour nous mettre en situation, à partir de 2018, de rembourser une part de notre dette et cesser de nous endetter pour payer nos investissements - dont une part, qui concerne la sûreté, doit être sanctuarisée -, ainsi que nos salaires, il nous faut regagner 1 milliard d'euros de chiffre d'affaires.

Pour gagner en compétitivité, nous travaillerons sur nos achats, en collaborant avec nos fournisseurs, afin de structurer la filière. Nous travaillerons également à améliorer nos perspectives commerciales, étant entendu que le volontarisme, en la matière, n'est pas de mise ; il faut savoir faire preuve de réalisme. Nous engagerons clairement le dialogue social, comme je l'ai dit aux organisations syndicales, autour des sujets de l'emploi, des compétences, du temps de travail et des rémunérations. C'est en faisant plus simple, plus proche du terrain et en travaillant sur la qualité que l'on améliorera la productivité.

J'en viens au plan de financement, sur lequel l'entreprise doit porter l'essentiel de l'effort, à la fois par des financements opérationnels, des efforts de compétitivité, des cessions - dont je ne puis dès à présent vous livrer le détail. J'ajoute que nous étudions les moyens de renforcer nos fonds propres.

Nous souhaitons engager ce plan de sortie de crise dans le dialogue social, qui a toujours été fort dans l'entreprise, et que la crise rend plus que jamais nécessaire. Il s'agit de poser un diagnostic partagé, et de susciter le consensus sur les voies de sortie. Au cours des dernières rencontres que j'ai eues avec les organisations syndicales et les salariés, j'ai pu constater que le diagnostic sur la situation du groupe est partagé. Il s'agit à présent de définir un accord de méthode et un calendrier.

Le groupe va aborder une transformation majeure pour remédier à ses propres faiblesses et faire face à la situation de marché. Il doit devenir plus simple, plus compétitif, mieux adapté au marché, tout en restant innovant. Nous y parviendrons en lui donnant une ambition : mettre ses coeurs de métier au service de la nation française, de son parc industriel, de sa production d'électricité. Il s'agit d'être, dans les décennies à venir, fiables et compétitifs au service de cette ambition.

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