Intervention de Philippe Knoche

Commission des affaires économiques — Réunion du 1er avril 2015 à 10h00
Audition de M. Philippe Knoche directeur général d'areva

Philippe Knoche, directeur général d'Areva :

J'ai pleinement conscience de la gravité de la situation. Tout au long de l'année 2014, je me suis employé à communiquer sur la situation du groupe, afin que le diagnostic soit partagé, tant en interne qu'à l'extérieur. Je suis sensible à vos messages de soutien, qui seront d'un grand réconfort pour les salariés.

J'ai entendu le message de M. Navarro sur la nécessaire évolution des équipes. Dans une situation de crise, il faut savoir tirer les enseignements du passé et reconnaître les compétences qui sont capables de mener vers le haut. Au sein du comité exécutif, nous avons d'ores et déjà procédé à un certain renouvellement, et l'encadrement aussi évolue. L'exercice auquel nous sommes soumis, extrêmement exigeant, appelle des adaptations permanentes. Les équipes, j'en ai bien conscience, ont besoin de leaders légitimes et reconnus pour les emmener vers la transformation. C'est bien la sauvegarde de l'entreprise qui nous anime, et non le souci de communiquer.

Plusieurs questions m'ont été posées sur l'EPR. Sachez tout d'abord qu'il est le produit le plus reconnu dans la gamme des fortes puissances, ce qui n'est pas remis en cause : il n'y a ainsi pas de pertes sur le contrat de Taishan. S'agissant de la rentabilité des contrats en Chine, vous comprendrez que je ne puisse rendre publiques les marges par client, mais je puis dire que certains contrats européens - et je ne parle pas de la Finlande - pourraient susciter davantage de questions. La Chine est un pays qui a soif de nos compétences et de nos matières. C'est un marché qui peut produire des marges, ce qui ne veut pas dire qu'il faut être présent sur tous ses segments et se mettre en concurrence directe sur des prestations à moins fort contenu technologique. J'ajoute que les Chinois se posent bien des questions sur l'AP1000 de Westinghouse, qui était jusqu'il y a peu la filière de référence en Chine. Il y a donc une place pour l'EPR pour peu que l'on tire les enseignements des difficultés que nous avons connues et que l'on sache, avec EDF, faire évoluer le produit, comme on a su le faire par le passé. Et n'oublions pas, au-delà de la Chine, le projet mené par EDF à Hinkley Point, qui avance bien et sera source de valeur ajoutée.

Il est vrai, monsieur le président, que le premier béton à Taishan a été coulé quatre ans et demi après le premier béton finlandais. Taishan a rattrapé aujourd'hui ce décalage de départ. Outre la maturité que nous avons acquise, qui a fait évoluer la vitesse de réalisation, le contexte est très différent. Le client chinois, qui a grand besoin de cette capacité, est très allant. La situation n'a rien à voir avec celle de la Finlande, où nous sommes dans le contentieux. Ce qui ne veut pas dire que les exigences de sûreté sont moindres en Chine : l'autorité de sûreté chinoise est très exigeante.

Le phénomène de sinisation qui peut être la conséquence du transfert de technologie ? Mais chaque fois que l'on vend en Chine, on tire aussi les prestations françaises de nos PME, qui sont très actives. C'est ce que nous observons dans nos joint venture en Chine. Le savoir-faire français s'y exporte non seulement via les expatriés, mais aussi pour les pièces détachées, les composants clé. Une part de l'activité de notre filiale de Jeumont, dans le Nord, vient ainsi de ses exportations en Chine. Bref, nous abordons le marché chinois sans naïveté, car nous savons que les Chinois seront bientôt nos concurrents, mais plutôt que nous installer dans une opposition frontale, nous privilégions une stratégie de partenariat sans candeur, qui tire notre activité sur le sol français.

Oui, monsieur Courteau, nous avons demandé la prolongation de l'autorisation d'exploitation à Pierrelatte jusque fin 2017, sachant que les essais de Comurhex II auront lieu en 2018 pour un démarrage en 2019. La décision devrait être prise en mai, pour une publication de l'arrêté préfectoral en juillet. Nous prenons toutes les mesures requises pour limiter les risques durant la période transitoire.

Vous m'interrogez également sur la politique d'achat d'EDF. Si l'on veut convaincre l'entreprise d'acheter davantage en France, il faudra faire des efforts. Et cela ne vaut pas que pour la conversion. Nous devons gagner en productivité. Les frais de personnel représentent la plus grande part de nos coûts : nous devons gagner 15 % à 20 %. Pour gagner sur l'emploi, sur les compétences, mais aussi sur le temps de travail, où les situations, tant pour les emplois postés que pour les cadres, sont très disparates, et divergent largement des conventions collectives, nous devons dialoguer avec les organisations syndicales. C'est un axe de travail que nous traiterons dans le cadre de l'accord de méthode, afin de progresser vers un équilibre emploi-rémunération. Il s'agit non pas de tout révolutionner, mais d'évoluer pour nous permettre d'être plus compétitifs et de convaincre EDF que parce nous avons beaucoup investi, nous pouvons compter, à la différence de nos concurrents, sur des installations qui garantissent la sécurité de l'approvisionnement sur le long terme, et qu'elle a intérêt à se tourner vers nous.

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