Mme Bataille m'a interrogé sur nos priorités en matière d'investissement. Nous arrivons au terme d'une phase importante d'investissement - 14milliards d'euros au cours des huit dernières années. Nous avons investi plus de 2 milliards par an en 2010 et 2011. Nous sommes redescendus cette année à 1,1 milliard, et projetons de réduire encore la voilure pour améliorer notre financement. Ces investissements ont été pour certains, dont on parle peu, un succès. C'est le cas de l'usine d'enrichissement d'uranium Georges Besse II au Tricastin, un investissement qui pérennise l'activité sur une plate-forme très importante. Georges Besse II a atteint, sur une technologie que nous maitrisons fort bien en Europe, 90 % de sa capacité. Dans la phase nouvelle dans laquelle nous entrons, où l'investissement ne sera pas à même hauteur, nous entendons nous concentrer sur notre outil industriel et sur l'innovation. Certaines de nos plates-formes, comme celle de la Hague, dans l'aval du cycle, ont vieilli, et appellent un investissement renforcé. Nous devons nous donner les moyens de faire face au programme du grand carénage. Quant à l'innovation, elle nous est nécessaire pour trouver les solutions permettant à nos clients, qui subissent une forte pression économique, de réduire leurs coûts.
S'agissant du rapprochement avec EDF, j'ai eu le sentiment que vous me reprochiez de ne pas vous fournir les réponses avant la presse. Mais la presse va un peu vite en livrant une réponse que nous n'avons pas encore : nous sommes en train d'instruire. Dans le schéma qui sera retenu, il est clair que la capacité à conquérir des marchés à l'export sera un élément clé. Il faudra, en matière de gouvernance, faire mieux que par le passé. Areva et EDF ne sont pas seules en cause, le CEA l'est aussi, et l'État a son rôle à jouer. Ce qui ne signifie pas que je sous-estime la gravité des pertes enregistrées.
Le renforcement des fonds propres ? C'est une question à l'étude, même s'il appartient avant tout à l'entreprise de faire un effort sur elle-même. Y compris par des cessions. Nous avons cédé, par le passé, plus de 7 milliards d'actifs. Nous ne disposons plus aujourd'hui d'une telle latitude, mais il n'en reste pas moins que l'ensemble des produits de cession s'exprimera en milliards d'euros si l'on prend en compte nos participations, le chiffre de 450 millions estimé pour le seul recentrage étant un minorant. Les décisions, pour répondre à la question qui m'a été posée, ne sont pas prises, mais elles se préparent, en vue du plan de financement qui sera annoncé fin juillet. Notre intention n'est pas de brader nos actifs, mais bien de mener le dialogue avec les acheteurs potentiels sur des segments qui n'appartiennent pas à notre coeur de métier.
L'inquiétude des salariés sur l'évolution de l'emploi est légitime. Notre premier devoir était d'informer sur la situation ; c'est chose faite. Il s'agit ensuite de partager sur l'ambition et la stratégie du groupe ; c'est ce que nous sommes en train de faire. Le dialogue, enfin, doit se nouer non seulement au niveau central, pour s'assurer de la solidarité et de l `équité, mais aussi localement, parce que c'est par bassin d'emploi qu'émergeront les solutions. Les arbitrages sur le triptyque rémunération-temps de travail-emploi dépendront des situations locales. Le dialogue entre les élus, les salariés et les directeurs de sites comptera, de ce point de vue, pour beaucoup. Paris n'a pas à décider de tout.
En ce qui concerne l'emploi, la pyramide des âges peut nous aider. Avec plus de 2 800 salariés de plus de 57 ans, nous pouvons compter, outre les régimes de retraite spécifiques, sur une attrition naturelle. Nous n'en sommes que plus attentifs au renouvellement des compétences : nous avons aujourd'hui quelque 1 500 apprentis. En tout état de cause, nous ferons tout pour que les évolutions interviennent sur la base du volontariat.
L'emploi ne sera jamais pour nous une variable d'ajustement. En ce qui concerne nos sous-traitants - auxquels le démantèlement fait beaucoup appel - l'enjeu est pour nous de travailler dans une logique de filière. Il s'agit, pour nous, d'affiner nos spécifications afin d'aider nos sous-traitants à produire à moindre coût. C'est par cette logique de co-développement que l'on fera des économies. Une filière mieux structurée est une filière plus résistante.
M. Bosino m'a interrogé sur le CICE et le CIR. Nous recevons 15 millions du premier, trois fois plus du second. Il est logique que l'entreprise, très axée sur les procédés, bénéficie davantage du CIR que du CICE, davantage axé sur les salaires.
Les perspectives de développement en Chine sont réelles. Étant donné son potentiel de croissance, il y a là un vrai marché pour la construction de nouveaux réacteurs. Quant au marché des services, notre part, qui est actuellement de 20 %, pourrait passer à 24 %.
Areva a mené, par le passé, des partenariats capitalistiques. Georges Besse II doit son succès à ses actionnaires minoritaires, non seulement parce qu'ils participent au financement de l'investissement, mais aussi parce qu'ils nous ouvrent des perspectives de marché. Nous sommes, encore une fois, pragmatiques, mais sans naïveté.
Le groupe a investi 14 milliards d'euros alors que la dynamique de marché était très différente. Il a fallu, depuis, déprécier ces investissements. Pour faire face à nos difficultés, nous avons réduit nos ambitions et n'investissons plus, comme je l'ai dit, que de manière très ciblée. Nous n'entendons plus, à l'avenir, nous engager seuls dans de grands projets, qui présentent des risques importants, d'où le rapprochement avec EDF. Hormis dans l'aval du cycle, nos activités exigent plus d'investissement qu'elles n'apportent de marges. Nous ne pouvons plus continuer ainsi. C'était un mal nécessaire, dans les années 1970, pour développer le parc, de même que plus récemment, pour développer l'EPR, mais désormais, nos marges doivent excéder nos besoins d'investissement.
L'essentiel de notre dette, monsieur Gremillet, est obligataire : 6 milliards d'euros sont sur les marchés financiers, pour des intérêts qui vont de 100 à 200 millions selon les années. Nous ne sommes pas concernés par les taux d'intérêt secondaires. En revanche, il nous faudra convaincre les investisseurs pour l'échéance de refinancement à venir, à hauteur de 1,7 milliard d'euros.
Le démantèlement n'est pas un marché en Russie, monsieur Houel. La Russie demeure pour nous un partenaire et un client, et nous avons intérêt à y rester présents pour améliorer le niveau de sûreté des installations, mais l'activité, compliquée encore par la dévaluation du rouble, y reste très limitée.
Vous m'interrogez, monsieur le président, sur UraMin : dans nos comptes, tout a été déprécié, hormis la valeur de l'uranium en terre.