Intervention de Catherine Deroche

Réunion du 7 avril 2015 à 16h30
Croissance activité et égalité des chances économiques — Discussion générale

Photo de Catherine DerocheCatherine Deroche, corapporteur de la commission spéciale :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’ai l’honneur d’engager le débat en séance publique au nom de notre commission spéciale, qui soumet aujourd’hui à la Haute Assemblée le fruit de ses travaux sur un texte d’une ampleur peu commune et, si l’on se fie à son intitulé, lourd de forts enjeux politiques, économiques et sociaux.

Il m’est revenu d’examiner les dispositions du volet social du projet de loi, c’est-à-dire la réforme des dérogations au repos dominical, le renforcement de la lutte contre le détachement illégal de salariés, les ajustements au droit des plans de sauvegarde de l’emploi et l’épargne salariale, ainsi que celles portant sur le financement des entreprises.

Le travail dominical est une thématique qui, chaque fois qu’elle est soumise au législateur, suscite un débat passionnel. Au-delà de questions purement juridiques sur l’évolution du droit du travail, ses enjeux sociétaux sont majeurs. Pourtant l’époque où toute activité cessait en fin de semaine est désormais révolue : la loi du 13 juillet 1906 prévoyait déjà de nombreuses dérogations au repos dominical, ce qui n’a pas empêché, au fil du temps, le développement des pratiques d’ouverture dominicale illégale.

En 2009, la loi Mallié a tenté d’apporter des réponses à ces situations, sans toutefois parvenir à simplifier la réglementation. Elle l’a même, à certains égards, complexifiée, sans apporter de solution pérenne aux problématiques liées à l’ouverture des commerces le dimanche, alors que la concurrence a désormais lieu en ligne, à tout instant du jour et de la nuit.

C’est pourquoi notre commission spéciale a conforté l’esprit des modifications de la réglementation du travail dominical proposées dans le cadre de ce projet de loi. Elle adhère à la philosophie du rapport remis par Jean-Paul Bailly en novembre 2013, intitulé La question des exceptions au repos dominical dans les commerces : vers une société qui s’adapte en gardant ses valeurs, que l’on peut résumer ainsi : simplifier le cadre juridique existant ; harmoniser, dans la mesure du possible, les contreparties en faveur des salariés privés du repos dominical et respecter leur volontariat ; faire du dialogue social et territorial la clé de ces dérogations et prendre en compte les enjeux d’attractivité touristique internationale de notre territoire associés à l’ouverture dominicale des commerces.

Tout en respectant l’équilibre du texte voté par l’Assemblée nationale, en particulier sur la question des « dimanches du maire », et sans prôner une libéralisation du travail dominical, nous avons souhaité compléter la réforme. Deux objectifs nous ont guidés : tout d’abord, garantir son effectivité afin que, demain, les dérogations au repos dominical que nous allons approuver ne restent pas purement virtuelles ; ensuite, éviter que des commerces qui, aujourd’hui, peuvent ouvrir le dimanche ne se voient contraints de fermer ce jour-là.

La commission spéciale a donc rétabli, pour les commerces situés dans une zone où le travail dominical est autorisé, la possibilité, subsidiaire et ouverte uniquement si la négociation d’un accord collectif de branche, d’entreprise ou d’établissement a échoué, d’ouvrir le dimanche sur la base d’une décision de l’employeur. Cette décision devra être approuvée par les salariés lors d’un référendum et sera soumise aux mêmes obligations, en matière de contreparties sociales, qu’un accord.

Il faut sans nul doute faire confiance au dialogue social. C’est la raison pour laquelle nous pensons, comme vous, monsieur le ministre, que la loi ne doit pas fixer un montant minimal de majoration salariale pour les employés travaillant le dimanche. Pour autant, on ne peut nier, et on peut même regretter, l'existence de nombreuses situations de blocage du dialogue social dans les entreprises sur cette question ainsi qu’une opposition de principe de certaines organisations syndicales, malgré le volontariat de nombreux salariés.

Nous avons ensuite exonéré les entreprises de moins de onze salariés situées dans les zones touristiques des obligations nouvelles en matière de dialogue social et de contreparties fixées par ce texte. Il s’agit d’ailleurs de la traduction d’une des recommandations du rapport Bailly. Ces commerces peuvent ouvrir aujourd’hui sans condition préalable. De petite taille, ils n’ont ni institutions représentatives du personnel ni habitude de la négociation collective. Commerces indépendants, ils assurent l’animation des centres-villes de nos communes touristiques, mais la plupart d’entre eux sont fragilisés économiquement par le développement des zones commerciales périurbaines et l’évolution des modes de consommation. À l’avenir, il ne faut pas qu’ils baissent le rideau le dimanche à cause de ce projet de loi. Je suis d’ailleurs heureuse de constater que Mme Carole Delga, secrétaire d’État chargée du commerce et de l’artisanat, a rejoint, dans une interview récente, notre position sur ce sujet.

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