Aurait-elle été légitime que le Sénat n’a pas, pour autant, choisi cette voie.
L’objectif général du texte n’étant pas remis en cause, nous avons recherché un consensus auquel l'Assemblée nationale n’était pas parvenue, et ce par l’écoute et l’écriture.
Outre les auditions plénières devant la commission spéciale, j’ai reçu environ soixante-dix personnes, représentants d’organismes publics et privés, d’administrations, de syndicats de salariés, d’organisations professionnelles ou personnalités qualifiées. Il a été expressément offert à chacun et chacune de développer ou compléter sa pensée par l’envoi d’une contribution écrite. Peu ont manqué d’user de cette offre ! L’avis du premier président de la Cour de cassation et de tous les premiers présidents de cour d’appel a été suscité. Toutes les contributions spontanées ont fait l’objet d’une lecture attentive.
Il est également à souligner qu’un espace participatif a été ouvert sur le site du Sénat afin de collecter les avis des différentes professions concernées par le texte et des citoyens.
Des dizaines de contributions ont été recensées.
Nous avons veillé à ce que l’expression et l’information soient les plus diverses et les plus complètes.
Il a été proposé à tous et à toutes d’appréhender les avancées et réformes de façon responsable, afin que les objectifs principaux du Gouvernement ne soient pas remis en cause.
Avec pragmatisme, en évitant les postures uniquement conservatrices ou partisanes, des voies raisonnables de compromis et d’apaisement ont aussi été recherchées. Elles ont mené à des solutions qui s’accordent parfaitement avec la mise en place de dispositions visant à favoriser la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.
Même lorsque le projet de loi concernait des domaines extrêmement peu influents dans cette croisade, son contenu et sa rédaction furent non pas amputés, mais amendés, pour que l’incorporation des dispositions en cause s’effectue harmonieusement dans notre État de droit, et, surtout, pour que, au surplus, certaines innovations dépassent le champ premier d’application du texte.
Monsieur le ministre, vous pouvez aisément le constater, le Sénat, par l’intermédiaire de la commission spéciale et sous l’autorité souriante du président de celle-ci, Vincent Capo-Canellas, en associant toutes les forces sociales, économiques et professionnelles, n’a pas déstructuré le projet de loi pour dénaturer son objectif.
À titre d’exemple, vous avez pu noter que, à propos des professions réglementées, nous avons conservé l’avis de l’Autorité de la concurrence, concilié l’approche économique et la spécificité de la prestation juridique, maintenu la péréquation et les remises tarifaires en évitant leur dénaturation, confirmé la liberté d’installation, mais en précisant le régime juridique applicable aux zones non carencées.
S’agissant de la spécialisation des tribunaux de commerce, nous avons trouvé un compromis sur le seuil de compétence de ces juridictions spécialisées, prévu au moins un tribunal spécialisé par cour d’appel pour assurer un maillage territorial satisfaisant, sorti les dispositifs de prévention de la spécialisation.
Nous avons reconnu à l’Autorité de la concurrence la légitimité d’exercer ses pouvoirs, après des débats compatibles avec les grands principes de notre droit au respect desquels veillent tant le Conseil constitutionnel que la Cour européenne des droits de l’homme.
Si nous n’avons conservé qu’une seule des trois dispositions relatives aux sociétés d’exercice du droit – les deux autres ne présentant pas suffisamment de garanties –, c’était pour vous engager, monsieur le ministre, à reprendre la plume au sujet de dispositifs sans doute trop hâtivement rédigés et à proposer un texte plus conforme à la protection de l’indépendance d’exercice des professions juridiques. Cette suppression n’a été faite qu’à titre conservatoire.
J’arrête cette énumération. Nous en reparlerons lors de l’examen des amendements.
Mes chers collègues, ce projet de loi, amendé par la commission spéciale, dans un esprit dont chacun et chacune d’entre vous saluera, je suppose, le caractère constructif, a été sans doute, au surplus, en grande partie défendu, auprès de leurs membres plus radicaux, par les mandataires responsables de la plupart des activités économiques, juridiques ou judiciaires concernées.
Monsieur le ministre, ne laissez pas passer cette occasion, parmi d’autres, qui, contrairement à l’avis de M. le Président de la République, pourrait faire que la future loi soit celle de l’année ! Pour cela, restez-en à ce que vous avez affirmé sur ce projet de loi lors de votre audition par la commission spéciale du Sénat : « Le texte peut être amélioré tout en conservant l’équilibre entre efficacité économique accrue et justice sociale préservée, parfois même renforcée. » Vous indiquiez également : « Je ne doute pas qu’il sera encore enrichi par vos discussions guidées par l’intérêt général. »
Mes chers collègues, monsieur le ministre, il y a les lois qui, dès leur promulgation, se diluent dans les textes préexistants qu’elles ont modifiés ou phagocytés. Il y a les lois qui s’identifient par leur date ; elles ne peuvent alors espérer être évoquées que par quelques juristes et parlementaires. Il y a celles qu’on affuble d’un acronyme ; les médias leur accordent une attention souvent éphémère. Et puis il y a les lois que nos concitoyens, eux, gardent en mémoire, parce qu’ils ont jugé leur genèse et leurs effets. Veillons-y, monsieur le ministre. Ces lois-là sont celles qui portent le nom de leur auteur.