Vous avez donc su minorer cette intention de votre prédécesseur et revenir à des principes un peu plus réalistes.
M. Pillet vient de le rappeler, vous avez gardé un certain nombre de dispositions relatives aux professions réglementées qui visaient à désigner du doigt ces dernières : elles allaient rendre une partie des milliards d'euros en question. Nous y reviendrons. Quoi qu’il en soit, l’essentiel de l’idéologie a disparu, au moins dans le discours. Nous veillerons avec les corapporteurs à ce qu’il en soit de même dans les actes.
Monsieur le ministre, ce satisfecit est très partiel. Il vise une partie du travail accompli et vous invite à continuer à progresser avec nous. C’est ce que le Sénat s’est employé à faire lors des travaux de la commission spéciale.
À vrai dire, le Gouvernement et le Parlement vont vivre un moment singulier. Selon que seront défendues dans cette enceinte des positions utiles à la discussion, à la réforme du pays, au déblocage du marché de l’emploi et à la compétitivité – les deux vont de pair – ou que sera conduit un débat politicien, c’est une certaine idée de la réforme et de l’adaptation du pays au temps présent qui sortira consolidée ou entravée des travaux du Sénat.
Nous mesurons la responsabilité qui est la nôtre. Aussi l’ambition de la commission spéciale a-t-elle été, par son travail, d’apporter une contribution éclairée, exigeante, afin que la Haute Assemblée offre au Gouvernement l’occasion de clarifier sa démarche, non par plaisir, mais simplement pour être utile à l’emploi. Les temps actuels appellent de la clarté et requièrent que l’on s’intéresse aux véritables questions.
Monsieur le ministre, nous nous interrogeons : êtes-vous prêt à bouger ? Je vous donne acte du retrait de certains amendements par le Gouvernement et de votre volonté de discuter maintenant avec le Sénat. C’est cela qui compte.
La Haute Assemblée tente d’aborder les véritables enjeux : la situation de l’emploi et celle de la compétitivité des entreprises. Ces situations sont telles, si difficiles, que nous pourrions trouver des accords. Si vous sortiez du flou, monsieur le ministre, comme nous vous y invitons, des avancées seraient possibles.
Si je devais caricaturer votre action, je dirais que vous nous proposez trop souvent une mesure favorable à la compétitivité pour deux mesures d’atténuation, ce qui rend le tout illisible et peu opérationnel. Trop tard, trop peu, de façon contradictoire : c’est souvent la manière de faire du Gouvernement. Toutefois, je m’en tiendrai au fond.
Parmi les pays de l’OCDE, l’Organisation de coopération et de développement économiques, seule l’Italie a connu une croissance par tête plus faible que celle de la France au cours des vingt-cinq dernières années. C’est à dessein que je procède à une comparaison sur un laps de temps long, afin de ne stigmatiser ni le Gouvernement actuel ni aucun autre gouvernement. Je pense que nous devons méditer ensemble ce constat. Tel est tout l’enjeu de nos débats : en finir avec la fatalité qui fait que nous sommes à la traîne des pays européens.
Cela étant, l’examen de votre texte révèle plusieurs paradoxes.
Le premier a déjà été relevé à plusieurs reprises. Alors que vous parlez de favoriser la croissance et la compétitivité, vous traitez beaucoup du secteur réglementé, lequel n’est presque pas ouvert à la concurrence, en tout cas à la concurrence internationale.
Ensuite, vous abordez dans le présent projet de loi de nombreux sujets qui ne relèvent pas du champ de votre ministère, comme la justice, le travail, l’urbanisme, et j’en oublie. L’exercice a un côté classique, mais jamais un texte n’avait embrassé autant de champs ministériels, allant parfois jusqu’à les étouffer, au point qu’un certain nombre de ministères se sont sentis non seulement dépossédés, mais aussi désavoués.
Au final, et c’est là le principal paradoxe, l’ambition initiale de ce texte, favoriser la croissance et l’activité, disparaît assez vite.
D’abord, il faut souligner que le secteur du numérique est absent du projet de loi, même si vous nous assurez, monsieur le ministre, qu’il sera abordé plus tard. Or, à terme, le numérique constituera sans doute une véritable révolution, à laquelle nous devons donc nous préparer.
Ensuite, il manque à votre texte de véritables dispositions en faveur de la croissance et de l’activité, comme l’a fort bien relevé Catherine Deroche voilà quelques instants. La commission spéciale les a légitimement introduites. Alors que vous nous parliez de croissance et d’activité, monsieur le ministre, on se disait qu’il y avait une erreur d’étiquette, pour ne pas dire tromperie sur la marchandise, car le texte ne contenait aucune mesure susceptible de les favoriser.