Par ailleurs, nous souhaitons faire de ce texte un véritable texte de réformes, celles que nous pensons bonnes et utiles pour la France, notamment en termes d’emploi.
Encore une fois, nous avons adopté une approche constructive. Nous avons écouté ce que vous avez déclaré ici ou là, monsieur le ministre. Nous avons retenu vos propos et, dans les prochains jours, nous vous dirons : « Chiche ! »
Vous avez déclaré à Beaune, il y a quelques jours : « Il faut accélérer les réformes maintenant, sinon on va rater ce train ». Or nous souhaitons justement que la France ne rate pas le train.
Les propositions que nous vous ferons ne seront pas des marqueurs idéologiques. Elles seront parfaitement compatibles avec votre corpus de pensée, ainsi qu’avec celui de tous les réformistes, peu importe qu’ils soient du centre, de droite ou de gauche… Car l’important, c’est de lutter contre le chômage.
Quelles sont ces propositions ?
S’agissant de l’accès au marché du travail, nous ne vous proposerons pas, monsieur le ministre, d’instaurer un contrat unique, qui pourrait, nous le savons, heurter tel ou tel. Nous vous soumettrons un contrat de mission, qui permettrait d’assouplir le marché du travail. §Vous le savez parfaitement, la rigidité de celui-ci se paie par la précarité et le chômage de millions d’hommes et de femmes.
Pourquoi, en France, plus de 80 % des CDD, qui constituent les contrats d’entrée dans les postes de travail, durent-ils moins d’un mois ? C’est bien évidemment le modèle des insiders-outsiders !
À propos des 35 heures, nous aurions pu vous proposer une solution brutale : la sortie du dispositif. Nous ne l’avons pas fait, Vincent Capo-Canellas vous l’a dit. Nous préférons assouplir, parce qu’ils ne marchent pas, les accords défensifs. Comme vous l’aviez déclaré à un hebdomadaire à la fin du mois d’août dernier – vous le pensiez, et peut-être le pensez-vous encore aujourd'hui si votre fonction ne vous a pas complètement transformé, puisque, à l’époque, vous n’aviez pas encore été nommé ministre –, pourquoi ne pas étendre ce qui est bon pour les entreprises en difficulté à celles qui sont en bonne santé, au travers d’accords de maintien de l’emploi offensifs ? N’attendons pas que les entreprises aillent mal pour développer des accords offensifs ! Nous défendrons aussi bien la première formule que la seconde.
Pour ce qui concerne la simplification de la vie des entreprises et la question des seuils, vous nous dites qu’il faut attendre. Nous vous répondons qu’il faut décider. Il y a un temps pour le dialogue social et un temps pour la décision. La démocratie, c’est la souveraineté du peuple, qui s’exprime dans notre assemblée, surtout lorsqu’il y a tant de chômeurs en France. Nous prenons nos responsabilités, de façon non pas violente ou brutale, mais en vous proposant de faire sauter un certain nombre de seuils.
Une autre mesure de simplification a trait au dispositif de M. Hamon, avec lequel nous ne souhaitons toutefois pas vous brouiller. §Nous ne défendrons donc pas une sortie brutale de son système d’information des salariés ; nous limiterons simplement celui-ci, par pragmatisme, aux cessations d’activité.
Enfin, nous aurions pu supprimer le compte pénibilité, mais telle n’est pas notre volonté. Nous proposerons des dispositifs qui sont réclamés par les petites et moyennes entreprises, pour sauver l’emploi et tuer cette peur de l’embauche, dont même le Président de la République se plaint. C’est aujourd'hui qu’il faut des actes et, surtout, des réformes.
Telles seront donc nos propositions, monsieur le ministre. J’espère que vous y serez attentif, plus attentif que ce que la séquence de vendredi nous a laissé craindre. Au demeurant, vous vous êtes tout à l’heure expliqué à cette tribune, et je vous en donne acte. Ce sera sur vos actes et votre capacité à réformer et à prendre en considération le travail de la commission spéciale que nous jugerons de vos intentions.
Je conclurai très brièvement. À titre personnel, vous avez sans doute joué un rôle déterminant dans la conversion du Président de la République à l’économie de l’offre. Car vous établissez souvent le bon diagnostic, mais vos remèdes sont trop faibles. Certes, nous comprenons vos contraintes politiques. Toutefois, l’urgence que j’ai évoquée tout à l’heure, et que vous ne remettez pas en cause, ne permet plus les demi-mesures ou les faux-semblants.
La France est dans un entre-deux : elle est en panne économiquement, mais voit se profiler à l’horizon une petite croissance exogène, comme on dit dans les manuels. C’est un entre-deux, dans lequel, je le sais, le Président de la République se complaît.
Ce que la France subit aujourd'hui, c’est beaucoup plus qu’une crise. J’emprunterai à Antonio Gramsci – je suis sûr que vous ne refuserez pas cette référence – son analyse : la crise, c’est le moment où le vieux monde ne veut pas mourir et où le monde nouveau tarde à naître. Monsieur le ministre, appuyez-vous sur le Sénat et sa majorité pour que ce monde nouveau puisse naître, pour que la France connaisse demain, enfin, un redressement, un renouveau, pour les générations actuelles et futures.