Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques porte-t-il bien son nom ?
La réponse à la crise économique, à la faiblesse de la croissance, à la hausse du chômage qui en découle, et la prise en compte des enjeux relatifs à la modernisation de la société française peuvent-elles prendre la forme d’un feuilleton de mesures législatives, sans véritable ligne directrice, ni interrogation sur le modèle de société que nous voulons ?
Nous ne pensons pas que la méthode utilisée permette des réformes structurelles en profondeur, menant à un environnement plus favorable au développement économique. Cette méthode parcellaire et transversale, qui a déjà été utilisée à l’automne dernier pour le projet de loi relatif à la simplification de la vie des entreprises, semble pourtant avoir la préférence du Gouvernement.
Le programme de mesures aurait plusieurs ambitions.
Premièrement, moderniser les conditions d’exercice de nombre de professions réglementées.
Deuxièmement, revoir, pour les rendre plus performants, le cadre d’exercice de nombre de secteurs : écoles de conduite, justice prud’homale, activité des tribunaux de commerce, organisation du transport public de personnes, urbanisme.
Troisièmement, renforcer ou assouplir, pour les rendre plus justes, un certain nombre de dispositifs : les retraites chapeaux, l’emploi des personnes handicapées, les contrats d’insertion ou la prestation de services internationale.
Quatrièmement, et, à en juger par l’intitulé du projet de loi, c’est l’élément essentiel, relancer l’activité économique en proposant des exceptions au travail dominical – je pense à la création de zones touristiques internationales et d’autres sites à caractère concurrentiel, notamment dans les zones frontalières –, en facilitant la vie des entreprises et en favorisant le financement des projets d’investissement.
Je m’arrête là. Je n’aurai pas le temps de passer en revue les quelque 250 articles de ce projet de loi, qui touchent de manière parfois trop superficielle les domaines les plus divers de notre vie économique et sociale.
Permettez-moi d’insister sur le manque de lisibilité de la méthode choisie, qui, de projet de loi en projet de loi, ne rend pas notre horizon plus perceptible.
Vous nous demandez de nous prononcer dans sa globalité sur un texte qui comprend des mesures d’importance inégale. Certaines sont hautement symboliques ; d’autres sont plus pragmatiques. D’autres encore sont sans doute même inopportunes, notamment lorsqu’il s’agit d’essayer de poser l’empreinte du marché dans le domaine du droit. Dans l’ensemble, on ne peut pas avoir de position tranchée a priori ; certaines orientations méritent d’être recadrées, quand d’autres sont à encourager ou à accentuer.
Prenant acte de la méthode retenue, la commission spéciale du Sénat a joué le jeu. Elle a mené un travail significatif d’amélioration de l’ensemble des volets du texte. Je tiens ici à remercier son président, M. Vincent Capo-Canellas, ainsi que les corapporteurs, Mmes Catherine Deroche et Dominique Estrosi Sassone et M. François Pillet. Je souligne leur capacité à allier qualité de dialogue et travail constructif en vue d’aboutir à un texte plus équilibré. Ce texte, je n’en doute pas, trouvera encore à s’améliorer grâce à nos travaux.
À cet égard, monsieur le ministre, je trouve tout à fait regrettable que l’on prête à votre entourage immédiat – la presse s’en fait l’écho – des propos dénonçant le détricotage que le Sénat tenterait d’opérer.