Autre coup porté à la démocratie, le recours aux ordonnances, notamment pour modifier le code de l’environnement, mais aussi le code du travail, en particulier l’organisation de l’inspection du travail.
Alors que l’État devrait se donner les moyens de lutter efficacement contre la fraude aux cotisations patronales et le travail illégal, l’inspection du travail sort affaiblie de ce texte. Par voie d’ordonnances, elle devrait voir un certain nombre de ses prérogatives passer aux mains de l’administration ou des juges.
Quand les salariés doivent accepter toujours plus de sacrifices et d’insécurité, quand les assurés sociaux perçoivent de moins en moins de prestations, le détournement du droit du travail à moindres frais est organisé.
C’est notamment le sens de la suppression de la peine d’emprisonnement en cas de délit d’entrave. Certes, cette peine n’avait jamais été utilisée. Pour autant, elle comportait une force dissuasive réelle et envoyait un message fort. Aujourd’hui, une simple amende de 15 000 euros maximum pourra être demandée. Or l’exemple de l’emploi des travailleurs handicapés nous prouve que les entreprises préfèrent trop souvent payer plutôt que de respecter leurs obligations.
Il en va de même concernant les licenciements abusifs. Avec le référentiel indicatif imposé aux conseillers prud’homaux, l’employeur pourra déterminer à l’avance ce qu’il lui en coûtera s’il licencie un salarié sans respecter le droit.
La casse des prud’hommes est également organisée, sous prétexte de raccourcir les délais de jugement. Effectivement, cette juridiction n’est pas du goût du MEDEF : chaque année, 200 000 salariés s’adressent à elle pour faire valoir leurs droits. Au lieu d’allouer les moyens nécessaires au bon fonctionnement de l’institution, le texte organise la mise en œuvre d’une justice expéditive et privilégie la relation directe entre l’employeur et le salarié, laquelle est forcément inéquitable.
Cette idée parcourt d’ailleurs l’ensemble du texte : la relation patron-salarié prime les accords collectifs. À terme, le code civil pourrait l’emporter sur le code du travail, qui a pour fondement et particularité de reconnaître le lien de subordination existant entre employeurs et salariés.
De même, les décisions prises d’en haut priment les décisions des responsables locaux. L’exemple du travail du dimanche est significatif : pour la délimitation des zones touristiques internationales, les maires ne sont consultés que pour avis, la décision finale revient au Gouvernement.
La liste des mesures qui nous posent problème est longue.
Nous aurions pu aussi évoquer l’assouplissement des conditions de licenciement ou encore des règles concernant l’emploi des travailleurs handicapés.
Ces mesures, cyniques, ultralibérales, inefficaces pour sortir notre pays de la crise, la droite sénatoriale les approuve. Elle va même plus loin : ouverture à la concurrence des trains régionaux, remise en cause des seuils sociaux et des 35 heures, suppression du compte pénibilité, doublement du plafond du dispositif ISF-PME, etc. Elle propose même un amendement spécial « ferme des 1 000 vaches ». Car, oui, la recherche de rentabilité à tout prix n’épargne pas l’agriculture. Tant pis si cela nuit au consommateur et à l’environnement !
Nous ne voulons pas avoir à choisir entre le libéralisme du Gouvernement et l’ultralibéralisme d’une droite décomplexée qui se réjouit de voir passer les mesures qu’elle affectionne, mais qu’elle n’a pas mises en œuvre quand elle était au gouvernement, pour ne pas en supporter le coût électoral…
Nous ne pouvons assister sans réagir à cette casse de tous les garde-fous qui permettaient encore à notre pays de résister à la précarisation profonde de la société. En cela, madame Bricq, je vous rejoins.
D’après l’OCDE, « jamais en trente ans le fossé entre riches et pauvres n’a été aussi prononcé ». Ce n’est pas acceptable et cela ne vient pas de nulle part : c’est le fruit d’une politique délibérément libérale et injuste, qui consiste à supprimer tout ce qui fait obstacle à l’enrichissement des plus riches et à la mainmise des actionnaires sur les entreprises.
Le résultat est au rendez-vous. Dans certains pays d’Europe, pendant que les peuples luttent pour survivre, garder leur emploi, se soigner, les dividendes versés ont augmenté de 22 % depuis 2009 !
Pourtant, monsieur le ministre, vous continuez de suivre les dogmes libéraux, ce qui vous a attiré les compliments de la Chancelière allemande, Angela Merkel, et du président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker. Ce dernier voudrait d’ailleurs que la France aille plus loin dans ses efforts. À lui qui a oublié de lutter contre la fraude fiscale lorsqu’il était Premier ministre du Luxembourg, vous offrez des gages, en lui promettant une loi « Macron II ».