Intervention de Nicolas Revel

Commission des affaires sociales — Réunion du 8 avril 2015 à 10h00
Audition de M. Nicolas Revel directeur général de la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés

Nicolas Revel, directeur général de la Cnam :

A ce stade, nous sommes confiants sur notre capacité à tenir l'objectif de croissance des dépenses en 2015. Nous menons des actions de gestion du risque et de maitrise des dépenses médicalisées ; par ailleurs, l'année 2014 a marqué une montée en charge des traitements du virus de l'hépatite C, qui ne devrait pas trouver d'équivalent en 2015.

Je ne dispose pas d'éléments précis expliquant la hausse des dépenses au titre des indemnités journalières. L'année 2014 est atypique car la grippe a été peu virulente. Le nombre de personnes en arrêt maladie n'a pas augmenté. En revanche, la durée des arrêts a progressé, notamment sur la population des salariés de plus de 60 ans. Nous constatons un allongement des arrêts pour troubles musculo-squelettiques (TMS) et pour troubles psychologiques. Il n'y a pas de différence notable entre les régions ou les départements. Nous travaillons à un plan d'accompagnement du retour à l'emploi. Il est possible que la réforme du temps partiel thérapeutique ait eu un impact.

Nous cherchons à reconstituer la part des différents éléments de rémunération des médecins, rapportée au prix de la consultation. En 2011, le tarif de la consultation était de 23 euros, mais son prix réel, de 31,50 euros. Il y a lieu de tenir compte de 3,60 euros de prise en charge des cotisations, dont le coût annuel est de 737 millions d'euros. La majoration de la rémunération de la consultation des personnes âgées, introduite en 2013, a représenté un coût de 66 millions d'euros en 2014 et devrait s'élever à 135 millions d'euros en 2015. La rémunération du médecin traitant est de 40 euros pour chaque patient en affection longue durée (ALD), soit 353 millions d'euros annuels. Le forfait médecin traitant de cinq euros pour les personnes qui ne sont pas en ALD, représente 170 millions d'euros annuels. La RSOSP a atteint 300 millions d'euros en 2014 et pourrait augmenter légèrement. Au total, 900 millions d'euros sont liés à des majorations et forfaits et 700 millions d'euros à la prise en charge des cotisations. Cette structuration a du sens, mais cette sédimentation conventionnelle pourrait être revue afin d'améliorer la prise en compte de la patientèle, la qualité des pratiques, la structure de l'exercice et la coordination entre professionnels.

Vous avez évoqué le taux de 28 % à 30 % d'actes injustifiés : à ma connaissance, l'assurance maladie n'a pas donné ce chiffre. Nous déployons de nombreux efforts pour atteindre l'objectif du juste soin au juste coût qui constitue l'ADN de la gestion des risques à la française. Il existe des marges d'économies considérables. Nous avons lancé un programme sur la pertinence des soins et nous examinons 4 à 5 opérations chirurgicales sur lesquelles la Haute Autorité de santé (HAS) a produit des recommandations.

Le système national d'information inter-régimes de l'assurance maladie (Sniiram) est une source d'informations, indispensable pour cibler nos actions. Il inclut le programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI) qui nous permet de connaître l'activité hospitalière.

Le mode de fixation du prix des médicaments me paraît adapté. Il est fondé sur une base conventionnelle : un accord-cadre complété par quelques dispositions législatives venues régler des situations individuelles. Il a permis d'atteindre l'objectif de baisse des prix au rythme d'un milliard d'euros par an, sans pour autant créer de retard dans la mise à disposition des innovations thérapeutiques. Le système présente un inconvénient : le cadre conventionnel aboutit à déconnecter le prix facial du médicament de son prix réel. Les professionnels défendent ce prix affiché -en France, le prix facial du médicament est proportionnellement moins élevé que dans les autres pays européens- quitte à consentir des prix nets intéressants. En effet, les remises négociées sont couvertes par le secret des affaires et ne sont pas connues des marchés financiers. La conséquence en est, d'une part, qu'il devient impossible d'effectuer des comparaisons internationales et, d'autre part, qu'il n'y a plus de transparence des prix, notamment vis-à-vis de la représentation nationale. Pour autant, il semble difficile de définir un cadre européen permettant de contourner les stratégies des laboratoires.

Il existe différentes propositions des laboratoires sur la différenciation du prix du médicament en fonction de l'efficacité évaluée en vie réelle. Nous la pratiquons déjà pour quelques médicaments ou en fonction des indications thérapeutiques, nous la pratiquons également pour un produit dont la prise varie dans une proportion de un à quinze. Pouvons-nous généraliser ces modèles ? La première piste est très exigeante : elle implique la fixation d'indicateurs d'efficacité et de suivi, partagés, sécurisés et incontestables. Cela n'est pas simple et nécessiterait de doter le Comité économique des produits de santé (CEPS) de plus de moyens. La seconde est envisageable uniquement si le service médical rendu (SMR) est très différent d'une indication à l'autre. Il serait difficile de justifier que l'on paie la même molécule à des prix différents selon les cancers. Cela ne signifie pas que le calcul des remises ne puisse intégrer la prise en compte des différentes indications thérapeutiques. Pour donner un exemple, des produits d'immuno-oncologie arrivent sur le marché, ils peuvent être utilisés pour soigner différents cancers. Nous devons fixer des indicateurs de résultats différents selon les pathologies. Pour autant, la fixation de prix faciaux différents ne s'impose pas.

Vous m'interrogez sur la prise en compte des économies réalisées par l'assurance maladie dans la fixation du prix des médicaments. L'idée a été soulevée à propos de traitements qui permettraient de diminuer les dépenses d'hospitalisation. Je ne suis pas certain que la question puisse être posée ainsi. Lorsqu'une innovation thérapeutique est réelle, nous en tenons compte dans la détermination du prix afin d'encourager la recherche mais je suis sceptique sur l'idée d'introduire des clauses d'intéressement en fonction du nombre de lits ou de services fermés dans un horizon temps donné, en lien avec l'utilisation d'un médicament.

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