La réunion est ouverte à 10 heures.
Nous accueillons ce matin M. Nicolas Revel, directeur général de la caisse nationale d'assurance maladie, pour une première audition depuis sa prise de fonctions officielle, le 17 novembre 2014. L'actualité, traditionnellement riche, de la branche maladie revêt une acuité particulière en raison de l'examen, par l'Assemblée nationale, du projet de loi relatif à la santé.
Dans ce contexte, nous avons demandé à M. Revel de faire un point sur l'exécution 2014 des dépenses de la branche. Un certain suspense a été entretenu sur la capacité à tenir l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (Ondam) pour la cinquième année consécutive, alors que des tensions apparaissent sur le médicament ou les indemnités journalières. Le solde semble finalement plus positif -ou moins négatif- que prévu. Les relations conventionnelles avec les professions de santé constituent un autre sujet d'actualité. La Cour des comptes a livré un rapport critique sur le sujet, mettant en évidence les difficultés du pilotage et l'insuffisance de l'outil conventionnel pour assurer une régulation efficace. Les discussions n'ont pas abouti avec les médecins, achoppant notamment sur les rémunérations d'équipes. Un syndicat de généralistes appelle à une facturation de la consultation à 25 euros. Les pharmaciens, dont la convention vient d'entrer en vigueur, souhaitent rouvrir les discussions... Un point d'ensemble est nécessaire au moment où certaines dispositions du projet de loi santé, telles le tiers payant chez le médecin, cristallisent les oppositions. Enfin, nous souhaitons connaître les grandes priorités du directeur général de l'assurance maladie.
Je vous remercie de votre invitation et aborderai ces différents sujets successivement.
En 2014, l'exécution budgétaire de la branche maladie fait apparaître un solde supérieur aux prévisions de 800 millions d'euros, provenant pour 500 millions d'économies sur les charges et pour 300 millions de produits supérieurs à ceux escomptés. L'année s'achève sur une sous-réalisation de l'Ondam de 300 millions d'euros grâce, notamment, à la bonne tenue des dépenses hospitalières et médico-sociales. L'Ondam de ville a été, en revanche, plus dynamique qu'anticipé. On notera une économie de 80 millions d'euros par rapport aux prévisions en ce qui concerne les soins réalisés en France au profit d'assurés relevant de régimes étrangers, à hauteur de 50 millions en ce qui concerne les dépenses liées à la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C) et aux soins urgents ; enfin, de 120 millions sur les charges de gestion de la caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés (Cnam). La caisse est allée au-delà du rythme annuel de sa trajectoire d'économies, fixée par la Convention d'objectifs et de gestion (COG). Les 300 millions de recettes supplémentaires proviennent de la contribution sociale généralisée (CSG) et de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), tandis que le produit des cotisations sociales a été un peu inférieur aux prévisions.
En ce qui concerne l'Ondam 2014, la fin de l'exercice est marquée par un effort sur l'Ondam hospitalier et par une augmentation de 3,1 % des dépenses de soins de ville. La rétrocession hospitalière, liée à l'impact des nouveaux traitements du virus de l'hépatite C, a pesé à hauteur de 700 millions d'euros ; les dépenses sur les dispositifs médicaux sont restées dynamiques. Le montant des indemnités journalières (IJ) a augmenté de 4,3 % ; les dépenses des auxiliaires médicaux de 4,9 %. La hausse des dépenses d'honoraires de médecine de ville, supérieure à 3 %, est la conséquence des revalorisations consenties dans le cadre de la convention signée en 2011 et de ses avenants, en particulier l'avenant n° 8. Les dépenses en matière de soins dentaires, de transports sanitaires ou d'actes réalisés en laboratoires sont demeurées contenues.
J'en viens à l'actualité conventionnelle. Les négociations menées durant les derniers mois par la Cnam sur la coordination des soins et l'exercice regroupé n'ont pas abouti. S'agissant de la négociation visant à conclure un accord conventionnel interprofessionnel (ACI), une procédure arbitrale confiée à Bertrand Fragonard a été mise en oeuvre ; elle a débouché, en février, sur un règlement arbitral qui fixe les critères permettant de bénéficier de la rémunération d'équipe pluriprofessionnelle. Il n'a en revanche pas été possible de recourir à l'arbitrage sur la négociation de l'accord-cadre interprofessionnel (Acip) qui a, elle aussi, échoué. Des négociations devront être reprises sur les sujets qui la concernent ; il conviendra de trouver un pendant à la procédure arbitrale sur la question de l'exercice groupé. Une négociation est en cours visant à transmettre aux centres de santé des éléments de rémunération -forfaits majorés, rémunération sur objectifs de santé publique (RSOSP)- versés aux médecins libéraux. La Cnam doit enfin négocier prochainement avec les sages-femmes afin de reconnaître et valoriser certains actes qu'elles réalisent : les enjeux financiers de cette négociation restent limités.
L'actualité immédiate concerne la convention médicale. L'ensemble des syndicats ont sollicité l'ouverture rapide d'une négociation en vue de la signature d'un avenant à la convention de 2011 relatif, d'une part, à la revalorisation tarifaire de deux euros de la consultation du médecin généraliste et, d'autre part, à la révision de la nomenclature des spécialités médicales. Cependant, les conditions d'ouverture d'une négociation ne sont pas réunies. Les demandes exprimées représentent des dépenses supplémentaires d'un milliard d'euros qui ne sont pas envisageables dans le cadre d'un avenant à une convention proche de son terme -septembre 2016. Contrairement à ce qui est mis en avant pour justifier ces demandes, la rémunération des médecins n'est pas bloquée depuis quatre ans : sur cette période, les revalorisations consenties dans le cadre de la convention et de ses avenants ont abouti à une augmentation de 8,9 % des rémunérations versées par l'assurance maladie aux médecins généralistes. La dynamique se poursuivra en 2015, notamment en raison de l'abaissement à 80 ans au lieu de 85 ans du seuil de déclenchement de la majoration du prix de la consultation pour les personnes âgées. Les élections des unions des représentants des professionnels de santé (URPS) se dérouleront à l'automne ; nous engagerons les négociations après le scrutin, ce qui n'empêche pas l'ouverture de discussions informelles préalables avant l'été. Même si le rapport de la Cour des comptes me semble sévère au sujet de la politique conventionnelle, je souhaite que la prochaine convention puisse contribuer à améliorer l'efficacité de notre système de soins. Elle devra être l'occasion de réfléchir à la structure des rémunérations : différents éléments annexes au prix de la consultation -majorations, forfaits, RSOSP, prise en charge des cotisations- se sont sédimentés pour former un ensemble peu lisible. Il conviendra de simplifier. Un travail doit aussi être conduit avec les médecins spécialistes, que ce soit sur la classification commune des actes médicaux (CCAM) ou la rémunération sur objectifs de santé publique.
L'amélioration de l'accès aux droits et aux soins, mission essentielle de l'assurance maladie, constitue ma première priorité d'action. La situation en France est globalement favorable mais des progrès restent à accomplir. Les assurés vulnérables doivent pouvoir accéder à la CMU-C et à l'aide pour une complémentaire santé (ACS) : 2 millions de personnes éligibles à la CMU-C n'y ont pas recours. Mon objectif est d'augmenter le nombre de bénéficiaires de la CMU-C et de l'ACS respectivement de 3 % et de 12 %. Les nouveaux contrats labellisés, qui entreront en vigueur le 1er juillet, offriront une meilleure protection complémentaire. Je souhaite, en second lieu, éviter les ruptures de droits, liées à des changements de régime ou de caisse primaire. Sur les 42 millions d'assurés du régime général, 3,6 % doivent justifier de leurs droits et peuvent avoir le sentiment de n'être pas couverts par l'assurance maladie. Il faut y remédier. Enfin, l'accès aux soins passe par la maîtrise des dépassements d'honoraires. La situation s'améliore : pour les signataires de contrats d'accès aux soins, qui sont au nombre de 11 000, la part des honoraires au tarif opposable est passée de 51,9 % en 2012 à 56,4 % en 2014; le taux de dépassement a reculé de 27,7 % à 23 % sur la même période.
Ma seconde priorité concerne la maîtrise des dépenses de santé. L'assurance maladie doit réaliser dix milliards d'euros d'économies de 2015 à 2017 qui représentent une moindre dépense par rapport à une augmentation tendancielle, et non une diminution des dépenses. Elle sera partie prenante de 30 des 49 actions du plan d'économies présenté par le Gouvernement et elle pilotera 16 actions directement avec des objectifs très ambitieux l'an prochain. Nous visons un Ondam de 2 % sur trois ans. De même, nous augmentons nos objectifs de réduction des dépenses de santé de ville : nous chercherons à les atteindre dans le cadre d'un travail partenarial entre l'assurance maladie et les agences régionales de santé (ARS).
La gestion de l'assurance maladie représente ma troisième priorité. La COG prévoit une diminution des effectifs de 4 500 personnes sur 4 ans et une baisse de 15 % des autres dépenses de fonctionnement. Il nous faudra réaliser ces économies sans diminuer la qualité du service, en préservant les conditions de travail de nos collaborateurs grâce à la dématérialisation, la simplification des procédures et à leur automatisation.
Une fois le rebasage effectué en loi de finances rectificative, la hausse des dépenses sous Ondam est de 2,5 % en 2014 contre 2,4 % anticipée. L'Ondam est-il maîtrisé ? Pour 2015, pensez-vous tenir l'objectif de croissance de 2,1 % ? Comment expliquez-vous l'augmentation des dépenses d'indemnités journalières ? Comment la contenir ? Les honoraires médicaux ont dépassé les objectifs fixés. Pouvez-vous détailler le nouveau mode de rémunération conventionnel ? Les médecins, eux-mêmes, semblent mal le connaître, et n'être pas conscients de l'augmentation de 9 % de la rémunération des généralistes depuis 2011, que vous avez évoquée et sur laquelle nous avons peu d'informations. Une part importante -28 à 30 %- des actes médicaux seraient inutiles ou redondants. La maîtrise des relations ville-hôpital est capitale pour faire baisser ce chiffre. Envisagez-vous une action dans ce domaine ? Le thème, cher à Gilbert Barbier, de l'open data resurgit ici : les informations que vous détenez constituent l'outil majeur pour atteindre cet objectif de façon sereine et transparente.
Du point de vue de l'assurance maladie, le mode de fixation du prix des médicaments est-il adapté ? Que répondre à la proposition du laboratoire Roche de différencier ce prix en fonction des indications thérapeutiques ? La demande des laboratoires d'intégrer les économies réalisées par l'assurance maladie au prix des médicaments innovants est-elle légitime ? La Cnam peut-elle attaquer en justice les brevets reposant sur des fondements contestables tels que celui détenu par Téva sur le trisénox qui permet de guérir la leucémie aigüe mais repose sur l'arsenic et sur trente ans de recherches publiques ? Un mécanisme de limitation des prescriptions médicamenteuses à l'image de celui qui existe en Allemagne est-il envisageable en France ?
A ce stade, nous sommes confiants sur notre capacité à tenir l'objectif de croissance des dépenses en 2015. Nous menons des actions de gestion du risque et de maitrise des dépenses médicalisées ; par ailleurs, l'année 2014 a marqué une montée en charge des traitements du virus de l'hépatite C, qui ne devrait pas trouver d'équivalent en 2015.
Je ne dispose pas d'éléments précis expliquant la hausse des dépenses au titre des indemnités journalières. L'année 2014 est atypique car la grippe a été peu virulente. Le nombre de personnes en arrêt maladie n'a pas augmenté. En revanche, la durée des arrêts a progressé, notamment sur la population des salariés de plus de 60 ans. Nous constatons un allongement des arrêts pour troubles musculo-squelettiques (TMS) et pour troubles psychologiques. Il n'y a pas de différence notable entre les régions ou les départements. Nous travaillons à un plan d'accompagnement du retour à l'emploi. Il est possible que la réforme du temps partiel thérapeutique ait eu un impact.
Nous cherchons à reconstituer la part des différents éléments de rémunération des médecins, rapportée au prix de la consultation. En 2011, le tarif de la consultation était de 23 euros, mais son prix réel, de 31,50 euros. Il y a lieu de tenir compte de 3,60 euros de prise en charge des cotisations, dont le coût annuel est de 737 millions d'euros. La majoration de la rémunération de la consultation des personnes âgées, introduite en 2013, a représenté un coût de 66 millions d'euros en 2014 et devrait s'élever à 135 millions d'euros en 2015. La rémunération du médecin traitant est de 40 euros pour chaque patient en affection longue durée (ALD), soit 353 millions d'euros annuels. Le forfait médecin traitant de cinq euros pour les personnes qui ne sont pas en ALD, représente 170 millions d'euros annuels. La RSOSP a atteint 300 millions d'euros en 2014 et pourrait augmenter légèrement. Au total, 900 millions d'euros sont liés à des majorations et forfaits et 700 millions d'euros à la prise en charge des cotisations. Cette structuration a du sens, mais cette sédimentation conventionnelle pourrait être revue afin d'améliorer la prise en compte de la patientèle, la qualité des pratiques, la structure de l'exercice et la coordination entre professionnels.
Vous avez évoqué le taux de 28 % à 30 % d'actes injustifiés : à ma connaissance, l'assurance maladie n'a pas donné ce chiffre. Nous déployons de nombreux efforts pour atteindre l'objectif du juste soin au juste coût qui constitue l'ADN de la gestion des risques à la française. Il existe des marges d'économies considérables. Nous avons lancé un programme sur la pertinence des soins et nous examinons 4 à 5 opérations chirurgicales sur lesquelles la Haute Autorité de santé (HAS) a produit des recommandations.
Le système national d'information inter-régimes de l'assurance maladie (Sniiram) est une source d'informations, indispensable pour cibler nos actions. Il inclut le programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI) qui nous permet de connaître l'activité hospitalière.
Le mode de fixation du prix des médicaments me paraît adapté. Il est fondé sur une base conventionnelle : un accord-cadre complété par quelques dispositions législatives venues régler des situations individuelles. Il a permis d'atteindre l'objectif de baisse des prix au rythme d'un milliard d'euros par an, sans pour autant créer de retard dans la mise à disposition des innovations thérapeutiques. Le système présente un inconvénient : le cadre conventionnel aboutit à déconnecter le prix facial du médicament de son prix réel. Les professionnels défendent ce prix affiché -en France, le prix facial du médicament est proportionnellement moins élevé que dans les autres pays européens- quitte à consentir des prix nets intéressants. En effet, les remises négociées sont couvertes par le secret des affaires et ne sont pas connues des marchés financiers. La conséquence en est, d'une part, qu'il devient impossible d'effectuer des comparaisons internationales et, d'autre part, qu'il n'y a plus de transparence des prix, notamment vis-à-vis de la représentation nationale. Pour autant, il semble difficile de définir un cadre européen permettant de contourner les stratégies des laboratoires.
Il existe différentes propositions des laboratoires sur la différenciation du prix du médicament en fonction de l'efficacité évaluée en vie réelle. Nous la pratiquons déjà pour quelques médicaments ou en fonction des indications thérapeutiques, nous la pratiquons également pour un produit dont la prise varie dans une proportion de un à quinze. Pouvons-nous généraliser ces modèles ? La première piste est très exigeante : elle implique la fixation d'indicateurs d'efficacité et de suivi, partagés, sécurisés et incontestables. Cela n'est pas simple et nécessiterait de doter le Comité économique des produits de santé (CEPS) de plus de moyens. La seconde est envisageable uniquement si le service médical rendu (SMR) est très différent d'une indication à l'autre. Il serait difficile de justifier que l'on paie la même molécule à des prix différents selon les cancers. Cela ne signifie pas que le calcul des remises ne puisse intégrer la prise en compte des différentes indications thérapeutiques. Pour donner un exemple, des produits d'immuno-oncologie arrivent sur le marché, ils peuvent être utilisés pour soigner différents cancers. Nous devons fixer des indicateurs de résultats différents selon les pathologies. Pour autant, la fixation de prix faciaux différents ne s'impose pas.
Vous m'interrogez sur la prise en compte des économies réalisées par l'assurance maladie dans la fixation du prix des médicaments. L'idée a été soulevée à propos de traitements qui permettraient de diminuer les dépenses d'hospitalisation. Je ne suis pas certain que la question puisse être posée ainsi. Lorsqu'une innovation thérapeutique est réelle, nous en tenons compte dans la détermination du prix afin d'encourager la recherche mais je suis sceptique sur l'idée d'introduire des clauses d'intéressement en fonction du nombre de lits ou de services fermés dans un horizon temps donné, en lien avec l'utilisation d'un médicament.
Je le sais. C'est un argument de négociation... Jusqu'à présent, les prix consentis, même nets de remise, n'ont jamais freiné le déploiement de l'innovation.
En ce qui concerne les brevets, je ne crois pas avoir qualité pour agir devant l'office européen des brevets ou devant les juridictions françaises. L'article L. 613-16 du code de la propriété industrielle donne compétence au ministre et non à la Cnam.
Notre système de prescription des médicaments diffère du système allemand et il n'est pas envisagé d'adopter un mécanisme macro-budgétaire semblable à celui qui existe outre-Rhin. La régulation existe cependant grâce au système des autorisations de mise sur le marché (AMM) et grâce aux dispositifs d'autorisations préalables que nous pouvons déclencher afin de réguler les prescriptions. Nous les avons utilisés sur trois statines l'an dernier.
Au motif que le régime général ne prend en charge que 7 % des dépenses en matière d'optique, il s'est peu investi sur la question des réseaux ouverts -ou fermés- par les mutuelles dans ce domaine. Est-ce normal ? La chasse aux gaspillages que représentent les actes inutiles et redondants ne permettrait-elle pas de sortir, par le haut, du débat actuel sur la généralisation du tiers payant, en insistant sur la nécessaire coopération entre médecines de ville et hospitalière ? L'imagerie médicale a fait des progrès considérables mais cela a occasionné une hausse des coûts, y compris, parfois, du prix de l'acte qui n'est pourtant pas toujours plus dangereux que les anciens actes, bien au contraire ! Il y a bien des obstacles liés au corporatisme à lever pour favoriser la coopération interprofessionnelle, méconnue, en particulier, dans le milieu hospitalier et qui prend la forme du salariat dans la médecine libérale.
Vous nous dites que 3,6 % des assurés, sans être en rupture, ont des difficultés à justifier leurs droits, ce qui peut créer des problèmes d'accès aux soins. L'association Vingt-quatre heures vitales nous explique que ce problème est de plus en plus courant : des assurés entre deux systèmes, des étudiants ayant passé six mois à l'étranger se voient rejetés. Comptez-vous mettre en place un médiateur ou un « SOS » accès aux soins ?
Des études de la Cnam montrent-elles les bienfaits de la prévention, non seulement qualitativement, mais aussi financièrement ? Pour rendre acceptable la généralisation du tiers payant, le flux unique signifierait, semble-t-il, que l'assurance maladie rembourserait entièrement le médecin, faisant son affaire de recouvrer auprès des complémentaires la part leur revenant. Où en est-on sur ce point ? Comment conjuguer la nécessaire réduction de vos moyens et l'action pour faire reculer le non-recours, alors que 2 millions de personnes n'ont pas de complémentaire. Le numérique pourra régler certains sujets, mais pas tout : certains ont besoin d'un contact direct. La simplification du dossier, que j'avais proposée dans mon rapport au Premier ministre de septembre 2013, avance peu. Cela allègerait pourtant considérablement le travail de vos équipes.
La part de l'assurance maladie obligatoire est tellement faible dans le champ de l'optique que nous n'avons pas voulu nous y impliquer. C'est un problème d'allocation des ressources parmi des sujets très divers. Nous y intéresser de manière plus large et au-delà des opticiens relèverait de la loi ; décliner le degré de prise en charge des mêmes actes en fonction des professionnels au sein d'une même catégorie ferait considérablement évoluer le modèle français.
Il faut fluidifier la coordination entre médecine de ville et hôpital ; nous le ferons en couplant le dossier médical partagé (DMP) et la messagerie sécurisée de santé, dont le pilotage devrait être confié à l'assurance maladie selon des amendements du Gouvernement. Cela devrait éviter la redondance des actes
Nous reprenons ce projet à zéro, à partir des besoins des utilisateurs. J'ai missionné une personne depuis quatre mois pour qu'elle rencontre des spécialistes du DMP au sein des ordres et les syndicats, mais aussi des généralistes qui auront à s'en servir.
Nous avons conclu un accord sur l'imagerie médicale qui a dégagé d'importantes économies en 2012-2013 ; cette phase de maîtrise des dépenses devrait se poursuivre en 2015 avec l'imagerie orthéo-articulaire, conformément au rapport charges et produits, publié en 2014 pour 2015. La coopération interprofessionnelle, notamment entre les ophtalmologistes et orthoptistes, souffre d'une difficulté juridique que ne règle pas l'arrêté de janvier 2015. Je souhaite réenclencher la négociation interprofessionnelle dans le cadre de l'Acip après les élections des URPS. Les coopérations interprofessionnelles ne doivent pas, en effet, se réduire au statut de salarié, qui ne permet pas tous les transferts ou les délégations de tâches possibles.
Je me donne quelques mois pour construire un plan d'ensemble sur l'accès aux droits, dans la limite de ce que peut faire le régime général. Je distingue les difficultés à justifier de ses droits à la rupture pure. Je connais l'association dont vous parlez, liée à un drame survenu à un étudiant du Havre.
Un point d'entrée unique pour régler des situations de rupture caractérisée des droits est une bonne piste. Plus largement, certains assurés, sans être en rupture, en ont le sentiment, car nous leur imposons une complexité que nous ne savons internaliser : c'est la priorité des priorités.
Nous menons de nombreuses actions de prévention : Sophia pour le diabète -qui va même jusqu'à l'accompagnement- dépistage des cancers, notamment du col de l'utérus et du sein, sur lequel nous ne progressons plus, ou du cancer colorectal avec un nouveau test immunologique fin avril 2015 deux fois plus performant que l'ancien test au gaïac. Le rapport charges et produits 2016 prolongera ce programme.
Je n'ai pas lu l'amendement sur le flux unique comme vous : l'assurance maladie obligatoire n'avancera pas les frais pour les complémentaires, mais il ne faut pas que le professionnel reçoive deux flux désynchronisés. Pour généraliser le tiers payant, nous devons d'abord garantir le paiement en vérifiant les droits de l'assuré : des travaux déjà engagés aboutiront lors du déploiement pour les ALD au 1er juillet 2016 ; nous travaillons aussi conjointement avec les complémentaires pour qu'au 1er janvier 2017 un médecin puisse connaître exactement les droits du patient qu'il reçoit au titre de sa complémentaire ; un rapport sera rendu sur ce sujet fin octobre. Nous devons aussi garantir au professionnel qu'il n'aura pas à vérifier le remboursement dans les sept jours par l'assurance maladie obligatoire puis deux jours après celui de la complémentaire - d'où le flux unique. L'avance est impossible : elle supposerait que nous connaissions les droits des patients au titre de la complémentaire dans le détail et de manière actualisée, chaque jour. Je ne suis pas sûr que les complémentaires en aient envie, ni que ce soit simple juridiquement. Nous pouvons faire sans.
La loi prévoit qu'un rapport sur les solutions techniques soit rendu le 31 octobre 2015, pour une généralisation du tiers payant le 1er janvier 2017.
et pas même voté par Assemblée nationale, vous avez raison. C'est une gageure de réduire les moyens tout en développant de nouvelles missions et en améliorant la qualité de service ; mais c'est ce que l'assurance maladie fait depuis vingt ans. Nous n'en sommes pas à notre première convention d'objectifs et de gestion, et le ressenti des agents reste parmi les meilleurs dans les branches. Il y a des gisements d'économies dans la dématérialisation des échanges et l'automatisation des processus, mais aussi dans la simplification administrative, à travers trois pistes : la première, qui fait l'objet d'un amendement du Gouvernement, concerne les modalités d'admission et de renouvellement en ALD, qui occupent 130 praticiens conseils et 600 agents administratifs, pour une validation finale de 95 % des dossiers ; nous pourrions cibler davantage les contrôles et rendre l'ALD plus longue pour certaines pathologies comme le diabète ou la maladie d'Alzheimer. Les autres pistes sont la CMU-C et les modalités de calcul des indemnités journalières, qui occupent beaucoup de ressources.
L'idée ne serait pas seulement de rendre des postes, mais de redéployer des moyens vers l'accompagnement individualisé des assurés, des patients -notamment pour le retour à domicile, le diabète ou l'insuffisance cardiaque- ou des professionnels de santé eux-mêmes. L'objectif n'est pas seulement de rendre 4 500 postes, mais d'aller au bout des simplifications qui ont du sens.
Vous évoquez l'évolution des modes de rémunérations des centres de santé : ceux du régime minier sont-ils concernés ? Anticipez-vous les évolutions liées au vieillissement ? Agir le plus en amont possible serait préférable. Disposez-vous d'une cartographie des postes de travail les plus pathogènes ? Si oui, qu'en faites-vous ?
Dans mon département, des assistantes maternelles ont lancé un mouvement sur la question des droits à justifier, qui représentent pour elles une lourde charge.
Je le confirme ; c'est aussi vrai pour l'Yonne. Comment réglerez-vous ce problème ? Grâce à une amélioration des systèmes d'information ? Les modifications de la structure de la rémunération des médecins n'est-elle pas un jeu de bonneteau permettant d'afficher une augmentation faciale qui n'en serait pas une en réalité ?
Un de vos propos sur le DMP m'a fait sursauter : vous voulez « reprendre le chantier à zéro ». C'est pourtant un serpent de mer ! En tant que professionnel, c'est une des choses qui me choquent le plus. Les autorités semblent subir les événements sans vouloir traiter les difficultés... De quand date ce dossier ?
Il y a plus de dix ans. Quels ont été les blocages ? Combien cela a-t-il coûté ? J'ai entendu parler il y a quelques années de 500 millions d'euros.
Ces situations heurtent nos concitoyens. Je retrouvais il y a peu, dans mon département d'outre-mer, une personne âgée aux urgences : on lui refaisait une analyse de sang et des radios que son généraliste lui avait déjà fait passer avant de l'envoyer à l'hôpital ! Il faut dire la vérité : le problème est bien réel. M. Vanlerenberghe parlait de 30 % d'actes redondants, taux que vous remettiez en cause...
Je ne crois pas qu'un grand pays comme la France ne trouve pas de solution à un problème si coûteux. Au moment où la traçabilité de nos vies quotidiennes est totale, comment se fait-il que nous ne sachions pas que M. Vergoz a pris tel médicament et a subi tel examen ?
Les maisons de santé sont une réponse adaptée pour lutter contre les déserts médicaux ; c'est pourtant le parcours du combattant pour en créer une. Que ferez-vous pour y remédier ?
Certaines ALD sont parfois renouvelées tous les cinq ans, ce qui demandent un travail de contrôle. Il y a, en effet, des économies à faire de ce côté-là. Ce qui me paraîtrait important pour la coopération entre la médecine de ville et l'hôpital, c'est qu'un courrier électronique ou un fax soit envoyé à chaque sortie d'hôpital au médecin traitant qui est parfois obligé d'aller au domicile du patient. Les actes redondants ? Les empêcher totalement est difficile : faire une radio à un patient qui souffre d'une arthrose de la hanche et en a passé une peu de temps auparavant, est inutile, mais il y a des cas où des examens sont nécessaires.
Avez-vous procédé à une étude d'impact sur vos services avant de prévoir une généralisation du tiers payant le 1er janvier 2017 ? Comment gérerez-vous le remboursement des franchises ?
Pour rebondir sur les propos de M. Vergoz, selon le président du syndicat des biologistes, la pratique visant à effectuer une prise de sang à chaque arrivée à l'hôpital, alors que bien souvent elle a été faite par le médecin traitant, représenterait un coût de 350 millions d'euros par an.
Ces analyses sont refaites, même si on arrive à l'hôpital les résultats à la main !
Pour illustrer les gains que permettrait la généralisation des technologies numériques, j'ai appris lors d'une récente conférence que les hôpitaux qui envoient leurs relances de factures impayées par SMS étaient payés immédiatement pour 25 % des sommes, contre 5 à 10 % pour une relance par courrier.
Les centres de santé du régime minier sont concernés par la réforme. Nous avons engagé un travail sur les personnes âgées depuis deux ans ; la réponse doit prendre la forme de la prévention, mais aussi d'une meilleure coordination des acteurs. Nous n'avons pas prévu de prévention spécifique. Nous disposons d'une cartographie des risques d'accidents du travail et des pathologies professionnelles -qui relève d'une branche à part mais qui est logée dans l'assurance maladie- repérant les entreprises où se concentrent les troubles TMS ou risques psycho-sociaux.
Je ne pourrai pas répondre précisément sur le cas des assistantes maternelles ; mais j'ai repéré ce sujet et missionné une direction au sein de la Cnam, nous donnant un ou deux mois pour trouver une réponse opérationnelle. La modification de la rémunération des médecins ne relève pas du bonneteau ; sinon, je n'aurais pas trouvé de signataires ! Mais il n'est pas interdit de réfléchir sur la structure des rémunérations.
Je me suis mal exprimé sur le DMP : nous repartons, non pas de zéro, mais de l'attente des professionnels. Je ne me lancerai pas dans l'autopsie des deux phases passées du projet ; je me concentre sur la troisième qui commencera par le transfert de son pilotage à la Cnam. Comment faire en sorte que demain, les médecins utilisent le DMP, alors que cela n'a pas fonctionné jusqu'à présent ? Il doit, pour cela, être intégré dans le logiciel du médecin, qui ne veut pas aller chercher ailleurs des éléments qui prenaient la forme d'un empilement de documents PDF sans moteur de recherche. C'est pourquoi nous construirons avec les professionnels un cahier des charges qui aille dans ce sens.
Appartient-il toujours au malade ? Une des pierres d'achoppement était la volonté de dissimuler certains éléments qui auraient, en effet, provoqué des refus de soin. De même, le format : devait-il être un roman fleuve ou ne contenir que les données fondamentales à la période ?
Il ne comportera que les données simples.
L'historique des remboursements n'est pas important. Il faut rebâtir le DMP sur le modèle du carnet de santé, avec des notes assorties de pièces jointes, de manière à ce que tout médecin puisse les trouver en lisant la carte. Le médecin ne veut rien savoir des remboursements, mais tout de l'échographie faite il y a moins de trois mois.
Le DMP ne sera pas une source d'information pour l'assurance maladie, qui n'y aura pas accès.
Les éléments de blocage sont connus après dix ans. J'ai l'impression que nous patinons dans la gadoue, faute de nous dire clairement ce qui ne va pas. Pour vous, c'est du passé, mais les blocages persistent.
Je récupère un chantier dans lequel l'assurance maladie n'a jamais été partie prenante auparavant. Je souhaite déployer, dans un délai bref de deux ans, un DMP efficace en lien avec les professionnels qui doivent avoir envie de l'utiliser ; c'est un moyen d'éviter les actes redondants...Je ne sais pas s'ils sont 30 % !
Le droit récent a rendu plus facile l'émergence des maisons de santé.
Un amendement du Gouvernement renvoie à la Haute Autorité de santé le soin de faire le tri entre les ALD devant faire l'objet d'un contrôle plus ou moins approfondi et régulier.
Mieux gérer la sortie de l'hôpital est une préoccupation essentielle. Nous avons ainsi lancé le Programme d'accompagnement du retour à domicile (Prado) pour le retour de maternité, que nous étendons à des cas plus difficiles -orthopédie ou insuffisance cardiaque- et aux personnes âgées. Ce programme garantit que le médecin traitant est informé de toute sortie.
Le tiers payant existe pour un tiers des consultations et pour la moitié des ALD. La difficulté concerne le refus de prise en charge : droits à justifier, CMU-C pour 1 à 2 % des cas, parce que la situation du patient n'est pas établie. Nous devons mener ces deux chantiers de front. Nous recouvrons les franchises à 95 % grâce à des prélèvements sur d'autres flux. Nous espérons demain être autorisés à solliciter une autorisation de prélèvement bancaire auprès de nos assurés dont nous connaissons déjà les coordonnées bancaires.
Lors des questions d'actualité, j'ai interrogé Mme Rossignol sur le prélèvement, sans obtenir de réponse. Avez-vous évalué le coût de sa mise en oeuvre et avez-vous procédé à une étude d'impact ?
Quels moyens mettez-vous en oeuvre pour ouvrir des centres de dépistages de la tuberculose et de la drépanocytose, qui sévissent en Seine-Saint-Denis, et qui demain se répandront ailleurs ?
Sans étude d'impact sur le prélèvement, je peux prévoir un coût différent du recueil des autorisations de prélèvement selon qu'il se fera sous forme dématérialisée ou par courrier. Aujourd'hui, 17 millions de personnes ont un compte sur notre site, et ils sont 1 million de plus par an : nous approcherons bientôt de la moitié de nos 42 millions d'assurés. À l'inverse, le non-recouvrement au bout de cinq ans donne lieu à un abandon de créance qui coûte 40 millions d'euros par an. Il est évident que le coût de fonctionnement du prélèvement sera inférieur à cette somme.
Je répondrai par écrit à la question sur la tuberculose et la drépanocytose.
Claire-Lise Campion et M. Philippe Mouiller sont nommés rapporteurs sur le projet de loi de ratification de l'ordonnance n° 2014-1090 du 26 septembre 2014 relative à la mise en accessibilité des établissements recevant du public, des transports publics, des bâtiments d'habitation et de la voirie pour les personnes handicapées.
La réunion est levée à midi.