Intervention de Évelyne Didier

Réunion du 9 avril 2015 à 15h00
Croissance activité et égalité des chances économiques — Article 5

Photo de Évelyne DidierÉvelyne Didier :

Vous le savez, nous défendons depuis toujours la renationalisation des autoroutes : nous pensons que celles-ci devraient être gérées par l’État.

En effet, selon nous, face aux grandes entreprises, seul l’État est en mesure d’établir une règle commune s’appliquant sur tout le territoire national et seul l’État peut être garant de l’intérêt général.

Prétendre que, parce qu’elles exerceraient des missions de service public, certaines entreprises pourraient se substituer à l’État, confondre leur intérêt avec l’intérêt général, c’est à nos yeux une faute morale et politique.

Malheureusement, nous ne disposons pas aujourd’hui d’une majorité pour appliquer la solution que nous préconisons. En revanche, tous les groupes politiques semblent d’accord pour que l’État assure mieux qu’il ne l’a fait jusqu’à présent une régulation et un contrôle efficaces à tous les niveaux. C’est en tout cas ce qu’ils ont déclaré et nous verrons tout à l’heure si les membres de notre assemblée partagent tous cet état d’esprit.

La proposition sur laquelle nous aurions pu nous entendre est celle du député Jean-Paul Chanteguet : l’État aurait pu dénoncer les concessions en cours pour un motif d’intérêt général, en application des dispositions énoncées à l’article 38 de chacun des contrats de concession. Cette solution était soutenue par la société civile, ainsi que par un bon nombre de députés, dont 152 membres du groupe socialiste de l’Assemblée nationale, qui avaient adressé une lettre au Premier ministre.

Le Gouvernement en a toutefois décidé autrement. Et c’est pourquoi, monsieur le ministre, vous avez présenté les articles 1er, 5 et 6 de ce projet de loi comme une bonne solution. Mais je pense que nous ne voyons qu’une petite partie du sujet.

L’examen des amendements déposés sur l’article 5 va nous permettre de juger de votre détermination à mettre en place ce contrôle strict.

J’en viens maintenant au plan de relance du BTP. Il nous a été dit qu’on allait créer 10 000 ou 15 000 emplois.

Toutefois, il faudra d’abord tenir compte de tous les emplois qui ont été supprimés pour réaliser des gains de productivité. Ensuite, en quoi consisteront ces 15 000 emplois sur onze ans ? À des CDD de trois mois, par exemple ? Comme je vous l’ai dit déjà ce matin, monsieur le ministre, je suis très curieuse de savoir sur quoi reposent ces chiffres. En tout cas, nous allons demander aux représentants du personnel de les vérifier ; je suis sûre que la CGT est prête à faire ce décompte.

Aujourd’hui, les personnels, notamment ceux qui assurent la maintenance et la sécurité sur les autoroutes, nous expliquent qu’un plancher a été atteint en termes d’effectifs, ce qui commence à poser des problèmes de sécurité pour eux et pour les usagers.

Mais revenons à la régulation et au contrôle.

L’article 1er crée l’ARAFER. Nous avons exprimé nos craintes à ce sujet lors de l’examen de cet article. En effet, le projet de loi ne donne pas les moyens à l’ARAFER d’assurer l’existence d’un système garantissant une concurrence honnête au service de l’intérêt général. Pour l’instant, aucun financement n’est prévu pour accompagner l’extension des missions de l’ancienne ARAF. Dans ce contexte, le risque est sérieux de noyer cette autorité sous de lourdes missions, et donc de l’affaiblir.

Or, il faut quand même le dire, face à la puissance des sociétés concessionnaires d’autoroutes qui relèvent de groupes privés disposant de véritables armées d’experts juridiques, financiers et économiques, les moyens alloués au contrôle doivent être à la hauteur.

L’article 5 tend à renforcer la régulation des tarifs des péages et les règles de mise en concurrence applicables lors de la passation des marchés. Si nous pouvons trouver position commune à l’Assemblée nationale comme au Sénat, force est de constater que le Gouvernement continue à négocier avec les sociétés concessionnaires sans véritablement en référer à la représentation nationale.

Monsieur le ministre, vous avez bien voulu répondre à nos questions. Pour autant, est-ce qu’on nous a véritablement demandé notre avis ?

Certes, M. Capo-Canellas, président de la commission spéciale, vous invite à « plancher » devant les commissions compétentes des deux assemblées, mais dans le but d’informer les parlementaires et non pour recueillir leur avis. En vérité, je soupçonne que tout est déjà bouclé !

Enfin, l’article 6 pose l’obligation pour les sociétés concessionnaires et l’État d’insérer, dans les conventions de délégation, un mécanisme correcteur applicable lorsque les résultats financiers excèdent les prévisions initiales. Il impose également la mise en ligne de l’ensemble des documents contractuels liant l’État à ces sociétés. C’est bien, mais ces dispositions ne valent que pour le futur et ne changent rien l’impasse dans laquelle nous sommes engagés concernant les concessions historiques, qui ont été prolongées une nouvelle fois.

À mon avis, ce prolongement est annonciateur de concessions que j’ai qualifiées de « perpétuelles ». Le cadre retenu reste très favorable aux sociétés concessionnaires et la rémunération des actionnaires demeure prioritaire puisque, vous le savez, monsieur le ministre, ces sociétés ont contracté des emprunts dès le départ, sans même attendre que l’activité ait commencé à rapporter le moindre centime, afin de pouvoir verser immédiatement des dividendes à leurs actionnaires.

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