Comme nous l’avons déjà indiqué, cet amendement de fond tend à opposer à une logique nettement libérale une logique sociale et humaniste.
Il y a quelque temps, nous nous faisions taxer de « y-a-qu’à ». Aujourd’hui, certains membres du Gouvernement évoquent la « gauche du passé » en s’adressant à tous ses opposants de gauche, y compris ceux de son propre camp.
Monsieur le ministre, l’objet de cet amendement est de fixer les objectifs d’une politique de croissance destinée à servir l’intérêt général, mais aussi et surtout de proposer des pistes pour le financement de cette nouvelle politique.
Pour ma part, j’insisterai tout particulièrement sur le rôle des banques, et plus généralement de la finance, dans l’économie réelle.
Une évidence se fait jour : la faible maîtrise par la puissance publique de la circulation de l’argent dans notre pays est l’une des causes principales de l’impossibilité à agir sur la réalité économique.
Pour permettre au peuple et à ses représentants de reprendre la main sur la politique financière, sur la politique du crédit, il faut réfléchir à la constitution d’un nouveau pôle public bancaire.
Par exemple, le rôle joué par les banques dans l’évasion fiscale n’est pas acceptable. Ce sont elles qui organisent des placements douteux dans les paradis fiscaux, selon des mécanismes que nous connaissons parfaitement, monsieur le ministre. Nous aimerions vous entendre sur ce sujet. Les banques agissent trop souvent contre l’intérêt général, contre le développement industriel et l’emploi, et cela depuis trop longtemps.
Bien sûr, nous avons besoin d’un système bancaire, mais pour le mettre au service de l’intérêt général il faut profondément en modifier le fonctionnement et la gouvernance.
Nous devons aujourd’hui inventer un mode de maîtrise publique du secteur bancaire en accordant aux salariés et aux usagers de nouveaux pouvoirs d’intervention et de contrôle sur les choix de gestion et de financement. Un peu d’audace serait bienvenue !
Construire ce nouveau pôle bancaire public permettra de changer l’orientation du crédit pour la faire dépendre de décisions politiques et non des pressions continues, indécentes et antidémocratiques des marchés financiers.
Ce pôle public pourrait décider de pénaliser les investissements spéculatifs par des taux dissuasifs et d’encourager les investissements réels, la recherche et développement au sein des entreprises. Si les investissements financiers s’orientaient vers le développement industriel, ils feraient l’objet de taux réduits, nuls, voire négatifs.
Monsieur le ministre, nous pensons nécessaire de vous entendre sur ces points clefs de l’économie, qui concernent l’utilisation des formidables richesses produites dans notre pays. Nous sommes très étonnés que ce volet essentiel du rôle des banques dans l’économie soit oublié dans votre texte.
Il faut le dire, il n’y aura pas de politique de croissance permettant le retour au plein emploi sans une nouvelle utilisation de l’argent, sans une véritable révolution du système bancaire et financier. Un texte de loi visant à stimuler la croissance qui n’aborde pas cette question cruciale ne peut que déboucher, une fois de plus, sur un constat d’impuissance.
Monsieur le ministre, chers collègues, les quatre premiers groupes bancaires français ont affiché, pour l’année 2013, un résultat net cumulé de 15 milliards d’euros. En février de l’année dernière, un grand quotidien économique indiquait que la première banque française, BNP Paribas, voulait porter son taux de distribution des bénéfices à environ 45 % en 2016. N’y a-t-il pas lieu, monsieur le ministre, de s’intéresser à cette manne si l’on veut effectivement promouvoir la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques ?