Intervention de Évelyne Didier

Réunion du 8 avril 2015 à 14h30
Croissance activité et égalité des chances économiques — Article 1er

Photo de Évelyne DidierÉvelyne Didier :

L’article 1er du projet de loi élargit le champ de compétence de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires, l’ARAF – qui deviendra l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières, l’ARAFER –, pour y inclure les entreprises de transport public routier de personnes et les sociétés concessionnaires d’autoroutes.

Cet article précise également les cas de saisine de l’Autorité de la concurrence, ainsi que la nature des affaires sur lesquelles celle-ci pourra être consultée par l’ARAFER.

La création d’autorités administratives accompagne, on le sait, la libéralisation et la dérégulation des services concernés. Le désengagement de l’État de secteurs essentiels pour le développement économique et social, tels que l’énergie, les télécommunications, les transports, amène légitimement à s’interroger sur sa capacité à défendre l’intérêt général dans un système de concurrence prétendument libre et non faussée.

De plus, le projet de loi ne donne pas les moyens à l’ARAFER de garantir une concurrence honnête, au service de l’intérêt général. En l’état actuel du texte, il ne s’agit que d’affichage. On verra si les moyens suivront.

D’une part, en effet, comme le montre le rapport de la commission spéciale, aucun financement n’a été prévu pour accompagner l’extension des missions de l’ARAFER.

L’absence de moyens, notamment en termes de personnel, constitue un grief sérieux que l’on peut formuler à l’encontre de l’article 1er.

L’une des recettes dégagées pour financer l’ARAFER est assise sur les sociétés d’autoroutes, c’est-à-dire que la dépense sera supportée par les usagers de celles-ci. C’est totalement injuste et injustifiable !

D’autre part, les nouvelles missions confiées à l’ARAFER concernent des domaines larges pour lesquels il faudra réunir de nombreuses expertises. C’est pourquoi il existe selon nous un risque sérieux de noyer cette autorité sous de trop lourdes missions, et donc de l’affaiblir.

Depuis l’adoption de la réforme ferroviaire, les missions de l’ARAF ont été largement étendues. À titre d’exemple, en plus de ses missions traditionnelles, elle rend un avis conforme sur la fixation des redevances d’infrastructures ferroviaires, ainsi que sur celles qui sont liées à l’accès aux infrastructures de services. Son avis est également requis pour la fixation des redevances relatives aux prestations régulées offertes dans les gares de voyageurs et les autres infrastructures de services. C’est encore elle qui constatera si SNCF Réseau a manqué à ses obligations contractuelles envers l’État ou si la trajectoire financière s’est écartée de celle prévue dans le contrat et qui, le cas échéant, en analysera les causes, etc.

Enfin, face au monopole privé des autoroutes, à l’expertise juridique, financière et économique dont disposent les sociétés concessionnaires d’autoroutes, l’ARAFER aura beaucoup de mal à jouer son rôle.

Je pense ici aux montages juridiques et financiers des contrats de concession, qui manifestement ont été rédigés en faveur des concessionnaires, au détriment de l’État et des usagers. Nous nous sommes tous émus de ce que les différents rapports de la Cour des comptes et de l’Autorité de la concurrence nous ont appris. Il s’agira également de contrôler le respect par les sociétés concessionnaires d’autoroutes des obligations qui leur incombent.

Concernant les autoroutes, plus que le rôle de régulateur, c’est celui de contrôleur que l’organisme et son collège vont devoir tenir, dans des domaines aussi techniques et sensibles que ceux de la justification des augmentations de péage ou du contrôle de la passation des marchés de travaux par les concessions autoroutières. C’est d’ailleurs en ce sens que Pierre Cardo, l’actuel président de l’ARAF, avait demandé qu’une partie des nouvelles missions dévolues au futur régulateur lui soient retirées.

L’article 1er s’inscrit donc dans la logique de l’ouverture à la concurrence. C’est à ce titre que nous ne pouvons pas l’approuver. Cependant, en raison des dysfonctionnements lourds inhérents au système des concessions et devant la nécessité d’y regarder de près, nous aurions pu considérer que la création de l’ARAFER était un mal nécessaire dans l’état actuel des choses.

C’est d’ailleurs dans cet esprit que nous avons déposé des amendements à l’article 5. Mais, monsieur le ministre, vous ne mobilisez pas les moyens nécessaires : on a l’impression que vous instituez une autorité par avance vouée à l’impuissance, ce que nous ne pouvons accepter.

Comme je l’ai déjà dit, en l’état, cet article ne relève donc que d’un affichage et ne procède pas d’une réelle volonté de faire la transparence. Si vraiment on veut introduire de la transparence, il faut donner à l’ARAFER les moyens de fonctionner et d’exercer des contrôles. C’est d’ailleurs ce que vous avez déclaré lors de votre audition par la commission spéciale du Sénat, monsieur le ministre. Je vous demande donc aujourd’hui de confirmer ces propos.

Nous avions l’intention de déposer des amendements visant à donner à l’ARAFER les moyens de travailler, mais ils auraient été immédiatement écartés au nom de l’article 40 de la Constitution. C’est pourquoi nous y avons renoncé.

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