Intervention de Christian Favier

Réunion du 8 avril 2015 à 14h30
Croissance activité et égalité des chances économiques — Article 1er quinquies nouveau

Photo de Christian FavierChristian Favier :

Cet article a été ajouté par la commission spéciale du Sénat, à mon grand regret.

Dans le rapport de nos collègues, il est indiqué que « la concurrence entre ces deux modes de transport, ferroviaire et routier, va être accrue, et l’attractivité du transport ferroviaire ne pourra être maintenue ». Nous partageons pleinement ce constat et nous aurons l’occasion de l’expliciter davantage lorsque nous aborderons l’article 2.

Toutefois, notre accord s’arrête là, car nous sommes totalement opposés aux conclusions et préconisations figurant dans cet article 1er quinquies.

En effet, la solution proposée pour mieux répondre à la concurrence déloyale du car consiste à libéraliser encore davantage le transport ferroviaire et à anticiper un peu plus l’application du règlement OSP à ce secteur, comme vient de le rappeler ma collègue Évelyne Didier.

Après le transport de marchandises en 2003 et les services internationaux de voyageurs en 2010 – le tout au travers des paquets ferroviaires successifs –, la majorité sénatoriale propose donc d’accélérer encore un peu plus le calendrier de la libéralisation du transport national de voyageurs, conformément aux injonctions de la Commission européenne, en mettant fin au monopole exercé par l’entreprise publique SNCF sur les TER.

Pour rappel, en Europe, le secteur ferroviaire suscite un chiffre d’affaires de 73 milliards d’euros et emploie 800 000 personnes. Il bénéficie d’investissements considérables de la part des autorités publiques : en 2009, quelque 20 milliards d’euros ont été versés au titre des obligations de service public et 26 milliards d’euros au profit des infrastructures. Les trains régionaux représentent 15 % du transport ferroviaire hexagonal, avec 800 000 usagers empruntant chaque jour les 5 700 TER. Il s’agit donc d’un marché colossal suscitant naturellement bien des appétits…

Quel est le bilan des premières phases de libéralisation du secteur ferroviaire ? Je m’appuierai en partie sur le rapport d’information de notre collègue Roland Ries relatif aux enjeux du quatrième paquet ferroviaire : pour lui, ce qui est proposé « ne prend malheureusement pas en compte les leçons économétriques de la libéralisation pratiquée dans le domaine du fret ferroviaire : contrairement à ce qui était attendu, la concurrence n’a joué aucun rôle positif en faveur de la modalité ferroviaire, dont les déterminants doivent être cherchés ailleurs. […]

Tendant à condamner les liaisons peu rentables lorsqu’elle est pratiquée sans restriction, la libéralisation des chemins de fer doit prendre en compte l’expérience malencontreuse du fret pour préserver les liaisons de voyageurs obéissant à des impératifs de service public. »

En proposant une entrée en vigueur au 1er janvier 2019, vous refusez de voir ce bilan négatif et continuez à démanteler le service public ferroviaire. Bien entendu, nous ne sous-estimons pas les difficultés rencontrées par les usagers sur de nombreux trajets. Toutefois, il nous semble évident que seul un investissement public fort permettrait de relever le défi des transports de demain.

Si cet article est adopté, l’ouverture à la concurrence se traduira sans aucun doute par une hausse des tarifs, une qualité de service amoindrie et une dégradation des conditions sociales des salariés.

On le sait, la mise en concurrence favorise les entreprises les moins-disantes et, par là même, le dumping social. De même, il est plus que probable que les lignes les moins « rentables » seront rapidement abandonnées, au risque de créer de véritables déserts ferroviaires dans de nombreuses régions.

Pour toutes ces raisons, nous voterons contre cet article extrêmement dangereux.

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