Intervention de Éliane Assassi

Réunion du 8 avril 2015 à 14h30
Croissance activité et égalité des chances économiques — Article 2

Photo de Éliane AssassiÉliane Assassi :

La dérégulation des services de transport par autocar en dehors des zones urbaines a souvent été présentée comme étant l’une des grandes mesures qui permettrait de libérer l’activité économique et de faciliter les déplacements des salariés. Il faut reconnaître que cette disposition présente toutes les apparences du bon sens et de la modernité.

En effet, quoi de plus naturel que de vouloir donner aux salariés éloignés des moyens de transports collectifs la possibilité de bénéficier de la souplesse qu’offrent les déplacements en autocar ?

Pourtant, comme le diable se niche dans les détails, le bon sens et la modernité masquent parfois une réalité moins heureuse.

Il est, par exemple, proposé de dessaisir les autorités organisatrices de transport de leur pouvoir d’apprécier la légitimité de l’ouverture d’une ligne d’autocar au regard de la cohérence de l’offre et des enjeux du développement des territoires. Elles ne pourraient donc saisir l’autorité de régulation que si elles estimaient que l’ouverture de lignes d’autocar privées menacerait substantiellement l’équilibre économique du service public.

Il me semble dangereux que l’autorité de régulation se voie ainsi confier le pouvoir exorbitant de mettre en balance intérêt public et intérêt privé, dès lors que l’ouverture d’une ligne privée entrerait en concurrence avec le service public. Cela risque de fragiliser les efforts d’investissement des pouvoirs publics au détriment d’une offre de qualité et comporte un certain nombre de risques, notamment celui de concurrencer le train.

Je crains donc que cette mesure ne menace, à terme, la pérennité du transport ferroviaire, qui est déjà largement fragilisée par la concurrence de l’avion à bas coût, de l’autocar caboteur et du covoiturage. À cet égard, l’étude d’impact du projet de loi était très discrète sur le chiffrage des conséquences sur le secteur ferroviaire.

Par ailleurs, la libéralisation des autocars ne contribuerait en rien à la résolution des problématiques du financement des infrastructures et de l’amélioration de la qualité de notre réseau.

Je veux aussi insister sur d’autres risques liés à cette concurrence.

S’il n’y avait plus d’instance veillant réellement à préserver l’intérêt général et vérifiant avec objectivité que les destinations retenues pour le transport par autocar ne sont pas, ou sont peu, desservies par l’offre de transport actuelle, la porte serait grande ouverte aux intérêts privés.

Concrètement, les entreprises qui ouvriront ces nouveaux services ne choisiront évidemment que des lignes à haut potentiel financier. Elles entreront nécessairement en concurrence soit avec le ferroviaire, soit avec des lignes de bus affrétées par des collectivités territoriales, voire avec les deux.

Enfin, il me semble que la libéralisation ne réglera en rien la question du développement des transports dans les zones sous-dotées où l’ouverture d’une ligne, de toute façon, ne sera pas rentable pour une entreprise privée.

Je ne suis pas non plus persuadée que cette mesure soit si moderne en termes de progrès social.

S’agissant des coûts, il est vrai que certains trajets en autocar sont moins chers que le train. Mais ils ne sont ni plus courts ni plus confortables. Or, en termes de progrès social, l’objectif de favoriser la mobilité de nos concitoyens dans les meilleures conditions doit davantage passer par le développement du secteur ferroviaire.

Enfin, le développement du secteur des autocars n’ira certainement pas dans le sens d’une amélioration de la situation écologique dont apparemment pas grand monde ne se soucie ici ! §C’est un constat !

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