Intervention de Emmanuel Macron

Réunion du 11 avril 2015 à 14h30
Croissance activité et égalité des chances économiques — Article 12

Emmanuel Macron, ministre :

Si, mesdames ! Ce sont les tarifs les plus hauts qui alimenteront le fonds de péréquation.

Je vais y revenir. Je suis ouvert sur ce sujet – je pense que l’on peut progresser –, mais j’estime que cette logique doit être préservée. Nous ne sommes pas allés au bout de la discussion. Pour cette raison, je ne retirerai pas mon amendement.

La logique du texte gouvernemental était bien celle d’un fonds de péréquation nourri par les tarifs les plus élevés des offices les mieux portants et permettant de procéder à une péréquation afin de préserver le maillage territorial. Et que personne ne vienne me dire que le projet de loi vient menacer celui-ci, alors qu’il crée un dispositif qui permettra justement de rendre plus solvables les petits offices notariaux ! C’est un apport notable du texte.

Ensuite, ce fonds permet une seconde péréquation, entre professions, précisément pour aider à l’accès au droit. D'ailleurs, pour répondre à une question qui m’a été posée, nous venons d’inscrire une autre profession – celle d’avocat – dans l’amendement du Gouvernement. Nous suivons donc votre logique. Cependant, nous ne l’inscrivons que pour les tarifs réglementés : autrement dit, les autres tarifs ne seront pas concernés par l’abondement au fonds de péréquation.

Au reste, que ces professionnels du droit aient considéré qu’il était inopportun qu’ils puissent financer l’accès au droit me paraît déplacé, quand leur revendication principale porte précisément sur l’obtention du statut d’officier public ministériel. Il est normal que les professionnels qui pratiquent des tarifs réglementés participent au fonds !

Sur ce point, je veux pleinement lever une ambiguïté qui a été soulevée – à juste titre, parce que ce point relève du niveau réglementaire. Nous proposons de nous en tenir aux tarifs réglementés sur les marchés en concurrence. Autrement dit, les actes réalisés par les professionnels du droit qui ne relèvent pas strictement des tarifs réglementés doivent être totalement sortis de ce giron. Seuls les tarifs des prestations en monopole doivent être régulés.

Par conséquent, toutes les prestations des notaires qui ne sont pas en situation de monopole – je reprends l’exemple que vous avez pris, monsieur le rapporteur – doivent échapper à la péréquation. Ce sera fait par voie réglementaire. Votre question nous a permis de clarifier nos intentions sur ce point, qui ne figure pas dans la loi. Il était important de le faire.

Enfin, derrière ce fonds, se pose la question de l’indemnisation. En effet, je continue à penser que ce fonds doit être abondé par les tarifs les plus élevés.

Je vous ai rappelé la philosophie du fonds, que la commission, d'ailleurs, a préservée, et je m’en félicite. Néanmoins, la commission a réduit sa portée en termes de financement de l’accès au droit, alors que c'est à cet objectif que ces professionnels doivent fondamentalement contribuer, et lui a assigné une nouvelle finalité : l’indemnisation. Je dois vous dire que cet ajout ne me met pas totalement à l’aise.

En effet, dans nos propositions relatives à la libre installation de ces professionnels – j’anticipe le débat que nous aurons sur ce sujet, mais tout cela fait système –, nous disons, finalement, qu’il y a trois zones.

Tout d’abord, il est des zones où des professionnels du droit manquent, des déserts notariaux relatifs. Certes, – je vous rassure, monsieur Médevielle – on n’en trouve pas dans votre département : ces zones sont plutôt dans les couronnes métropolitaines, notamment en Seine-Saint-Denis.

C’est tout l’objet de la cartographie objective que nous avons réalisée : définir des endroits où la libre installation sera possible, parce qu’elle ne lèse personne et, même, améliore l’accès au droit et à ses professions.

Ensuite, il y a des zones normalement pourvues – manifestement, votre territoire en fait partie. Pour ces zones, le système actuel demeurera.

Enfin, il est des zones intermédiaires, où existe un manque, relatif, identifié sur le plan quantitatif, sans que nous soyons sûrs que la libre installation ne déstabilisera pas les études notariales en place. Mais, après avoir examiné attentivement cette question et échangé avec le Conseil d'État, nous nous sommes dit que, si des professionnels en place devaient être pénalisés par cette nouvelle installation, ce ne serait pas du fait de la loi : cela viendrait de la déstabilisation progressive.

Nous avons donc repris la philosophie du décret de 1971, que nous avons élevé au niveau de la loi, en prévoyant que la compensation éventuelle d’une perte de revenus des professionnels en place ne doit pas se faire de manière immédiate : il faut un certain temps pour identifier la nécessité de l’indemnisation – ce sont les fameuses six années, qui figurent dans le décret de 1971.

S’il s’avère que, dans cette zone intermédiaire, le nouveau professionnel a créé une perte durable de chiffre d’affaires, et donc une perte pour les autres professionnels en place, il est normal qu’il l’indemnise. Ce n’est pas illégitime, puisque, d’une certaine manière, il a pris du chiffre d’affaires et de la clientèle… §Monsieur Desessard, votre relative indignation sur ce sujet est intéressante ! Sachez toutefois qu’aujourd'hui pas un professionnel ne s’installe sans acheter la clientèle de celui qui l’a précédé. C’est le principe.

(M. Vincent Delahaye s’exclame.) Toute clientèle se paie, aucun notaire ne cède sa clientèle à titre gratuit, ou alors présentez-le-moi, car cela m’intéresse, même à titre personnel.

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