La séance, sus pendue à douze heures quarante, est reprise à quatorze heures trente-cinq, sous la présidence de Mme Jacqueline Gourault.
La séance est reprise.
Nous reprenons l’examen du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.
Dans la discussion des articles, nous poursuivons l’examen des amendements déposés à l’article 12.
L'amendement n° 1664, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – Le code de commerce est ainsi modifié :
1° Après le titre IV du livre IV, il est inséré un titre IV bis ainsi rédigé :
« TITRE IV BIS
« DE CERTAINS TARIFS RÉGLEMENTÉS
« Art. L. 444 -1. – Sont régis par le présent titre les tarifs réglementés applicables aux prestations des commissaires-priseurs judiciaires, des greffiers de tribunaux de commerce, des huissiers de justice, des administrateurs judiciaires, des mandataires judiciaires et des notaires.
« Art. L. 444 -2. – Les tarifs mentionnés à l’article L. 444-1 prennent en compte les coûts pertinents du service rendu et une rémunération raisonnable, définie sur la base de critères objectifs.
« Par dérogation au premier alinéa du présent article, peut être prévue une péréquation des tarifs applicables à l’ensemble des prestations servies. Cette péréquation peut notamment prévoir que les tarifs des prestations relatives à des biens ou des droits d’une valeur supérieure à un seuil fixé par l’arrêté conjoint prévu à l’article L. 444-3 soient fixés proportionnellement à la valeur du bien ou du droit. Cette péréquation assure également une redistribution, au niveau national, des sommes perçues au titre de ces tarifs proportionnels et de celui des droits et émoluments de l’avocat en matière de saisie immobilière et de sûretés judiciaires visés à l’article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, au bénéfice d’un fonds interprofessionnel destiné à financer notamment l’aide juridictionnelle, l’accès au droit et les maisons de justice et du droit.
« Des remises peuvent être consenties lorsqu’un tarif est déterminé proportionnellement à la valeur d’un bien ou d’un droit en application du deuxième alinéa du présent article et lorsque le montant de ce tarif est supérieur à un seuil minimal défini par l’arrêté conjoint prévu à l’article L. 444-3 et inférieur à un seuil maximal défini par le même arrêté. Le montant des remises octroyées par un professionnel est fixe et compris dans des limites définies par voie réglementaire.
« Art. L. 444 -3. – Le tarif de chaque prestation est arrêté conjointement par les ministres de la justice et de l’économie.
« Ces tarifs sont révisés au moins tous les cinq ans.
« Art. L. 444 -3 -1. – Les commissaires-priseurs judiciaires, les greffiers de tribunaux de commerce, les huissiers de justice, les administrateurs judiciaires, les mandataires judiciaires et les notaires affichent les tarifs qu’ils pratiquent, de manière visible et lisible, dans leur lieu d’exercice et sur leur site internet.
« Art. L. 444 -3 -2. – Pour l’application de l’article L. 444-3, le ministre de l’économie peut recueillir :
« 1° toute donnée utile, auprès des professionnels mentionnés à l’article L. 444-1 ;
« 2° les informations statistiques précisées par voie réglementaire, auprès des instances représentatives de ces professionnels.
« Art. L. 444 -4. – Un décret en Conseil d’État, pris après avis de l’Autorité de la concurrence, précise les modalités d’application du présent titre, notamment :
« 1° Les modes d’évaluation des coûts pertinents et de la rémunération raisonnable ;
« 2° Les caractéristiques de la péréquation prévue au deuxième alinéa de l’article L. 444-2.
« 3° La liste des informations statistiques mentionnées au 2° de l’article L. 444-3-2, et les modalités de leur transmission régulière.
2° Après l’article L. 462-2, il est inséré un article L. 462-2-1 ainsi rédigé :
« Art. L 462 -2 -1. – À la demande du Gouvernement, l’Autorité de la concurrence donne son avis sur les prix et tarifs réglementés mentionnés, respectivement, au deuxième alinéa de l’article L. 410-2 et à l’article L. 444-1. Cet avis est rendu public. » ;
« L’Autorité de la concurrence peut également prendre l’initiative d’émettre un avis sur les prix et tarifs réglementés mentionnés au premier alinéa. Cet avis est rendu public au plus tard un mois avant la révision du prix ou du tarif en cause.
« L’engagement d’une procédure d’avis en application du présent article est rendue publique dans les cinq jours ouvrables, afin de permettre aux associations de défense des consommateurs agréées au niveau national pour ester en justice ainsi qu’aux organisations professionnelles ou aux instances ordinales concernées d’adresser leurs observations à l’Autorité de la concurrence.
« Le Gouvernement informe l’Autorité de la concurrence, à la demande de celle-ci, de tout projet de révision des prix ou des tarifs réglementés mentionnés au premier alinéa, au moins deux mois avant la révision du prix ou du tarif en cause. » ;
3° À la première phrase de l’article L. 663-2, les mots : « des administrateurs judiciaires, des mandataires judiciaires, » sont supprimés ;
4° Au premier alinéa de l’article L. 663-3, la référence : « L. 663-2 » est remplacée par la référence : « L. 444-2 » ;
5° À la fin du premier alinéa de l’article L. 743-13, les mots : « par décret en Conseil d’État » sont remplacés par les mots : « en application du titre IV bis du livre IV du présent code ».
II. – La première phrase du troisième alinéa de l’article L. 113-3 du code de la consommation est complétée par les mots : « du présent code, ainsi qu’aux prestations mentionnées au titre IV bis du livre IV du code de commerce ».
III. – L’article 1er de la loi du 29 mars 1944 relative aux tarifs des émoluments alloués aux officiers publics ou ministériels est abrogé à une date fixée par décret, et au plus tard à l’expiration du douzième mois suivant la promulgation de la présente loi. Les arrêtés prévus à l’article L. 444-3 du code de commerce peuvent être adoptés avant cette date.
IV. – Sont applicables à Wallis-et-Futuna :
1° Les articles L. 444-1 à L. 444-4, L. 462-1, L. 462-4, L. 464-1, L. 663-2, L. 663-3 et L. 743-13 du code de commerce, dans leur rédaction résultant du présent article ;
2° L’article L. 113-3 du code de la consommation, dans sa rédaction résultant du présent article.
La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. Il s’agit d’un amendement cher au sénateur Roger Karoutchi.
Sourires.
Cet amendement ne vise pas simplement à rétablir l’article 12 dans sa rédaction première. Tout d’abord, je tiens à le redire ici, la commission spéciale n’a pas absolument rejeté cet article pour promouvoir ses propres vues. Dans quelques instants, sera défendu un amendement du groupe socialiste, qui visera également à introduire des modifications.
Permettez-moi en quelques mots de donner l’esprit des points qui sont portés par le présent amendement.
D’abord, il s’agit d’apporter des éléments de clarification. En plus des notaires, d’autres professionnels pourront avoir des tarifs proportionnels, ce qui n’était pas le cas dans l’article initial du projet de loi.
Ensuite, à la lumière, d’ailleurs, des débats que vous avez eus en commission spéciale et du texte que vous avez élaboré, nous avons retenu une amélioration légistique visant à regrouper toutes les procédures d’avis de l’Autorité de la concurrence au même article du code de commerce.
Par ailleurs, le présent amendement prévoit l’inclusion des tarifs des émoluments de l’avocat en matière de saisie immobilière et de sûretés judiciaires dans le mécanisme de péréquation – c’est un ajout au texte.
Il y a deux sujets, finalement, qui sont en quelque sorte le dissensus. C’est une discussion que nous pourrons avoir avec le sénateur Bigot tout à l’heure, cet amendement aborde le sujet des remises. Comme vous l’avez souligné, durant le débat à l’Assemblée nationale, j’ai souhaité revenir sur le mécanisme initialement appelé de corridor, qui n’était pas adapté et qui était trop compliqué. Les parlementaires ont décidé par voie d’amendement, avec un avis favorable du Gouvernement, d’instaurer un principe de remise. Sans doute est-il possible d’améliorer encore ce système pour le rendre plus simple et plus lisible.
Les choses peuvent se voir de deux façons. Vous en avez exposé une, tout à l’heure, en défendant l’idée de tarifs déterminés. Le grand apport de cet article et, selon moi, le principal apport du projet initial du Gouvernement est d’instaurer un mécanisme de fixation transparent et régulier des tarifs, qui n’existait pas jusqu’alors. C’est le cœur, qui n’est pas remis en cause par les modifications de la commission spéciale. Je veux y insister, nous partageons collectivement une même philosophie sur ce point, et c’est important.
Par ailleurs, certains ont émis le désir de légiférer sur la remise. J’attire votre attention sur le fait que les remises se pratiquent déjà, mais sont insuffisamment encadrées par la loi et le règlement. Surtout, elles restent largement discrétionnaires. L’apport du texte est de prévoir ces remises, avec pour ambition ensuite de définir une limite par voie réglementaire en fixant un seuil au-dessus duquel elles peuvent être effectuées.
L’idée c’est qu’elles ne soient pas opérées client par client, de manière discrétionnaire, mais qu’elles soient affichées de manière transparente par le professionnel. Nous laissons toute latitude à celui-ci de promouvoir, s’il le souhaite, une politique de remise. Somme toute, dans certaines zones, cela peut constituer un élément d’attractivité pour les plus jeunes professionnels, mais encadré par la loi : nous proposons donc ici en quelque sorte un deuxième tarif réglementé.
En particulier pour les classes moyennes ou pour certaines entreprises, notamment sur les transactions les plus élevées, c’est une façon d’améliorer véritablement l’efficacité de certaines prestations. Cette mesure que rétablit l’amendement du Gouvernement constitue le principal distinguo avec l’amendement du groupe socialiste. Il me semble que nous devons avancer dans cette voie pour la rendre la plus simple et la plus transparente possible.
Enfin, sur l’alinéa 5 de l’article initialement voté par l’Assemblée nationale, c’est un dispositif équilibré de remises fixes pour les tarifs proportionnels dont l’assiette est comprise entre deux seuils fixés par voie réglementaire qui était prévu et qui est remis dans le présent amendement, et qui a la faveur du Gouvernement. Il convenait d’insister sur ce sujet.
Tels sont les différents points que je souhaitais évoquer pour défendre cet amendement.
Avant d’expliquer pourquoi la commission a émis un avis défavorable, je vous donnerai mon sentiment sur les raisons à l’origine de l’espèce d’irritation qui s’est fait jour au sein de certaines professions réglementées et qui a gâché le débat sur ce texte.
Les professions réglementées, je l’ai constaté tout au long des auditions, ne sont absolument pas opposées à une réflexion sur les tarifs ni à une réforme. Cependant, – c’est sûrement tout à fait involontaire – selon la présentation qui en a été faite dans les médias, les professions réglementées n’ont pas évolué en nombre, ou très peu, de leur fait, parce qu’elles se seraient auto-protégées et les tarifs seraient ce qu’ils sont parce qu’elles étaient les seules à en décider. Or, monsieur le ministre, vous l’avez reconnu en filigrane, voire de manière expresse, ce n’est pas vrai. Le nombre de professionnels au sein des professions réglementées est fixé non par les professions, mais par le Gouvernement.
Les tarifs, ce ne sont pas les professions réglementées qui en décident. Les tarifs sont fixés non par les notaires, mais par le Gouvernement.
Voilà pourquoi, curieusement, l’opinion, par un effet de miroir, a critiqué ces professions en leur reprochant d’être immobiles et de se protéger par le biais de leurs tarifs, alors qu’elles n’ont strictement aucun pouvoir sur ces questions.
À mon avis, là est le nœud de l’irritation. Sans cette espèce de fumée ou de montage d’image dans l’opinion publique, les professionnels concernés ne se seraient pas crispés. Je tenais à le souligner, ne serait-ce que pour apaiser des débats qui, de toute façon, resteront très calmes cet après-midi.
En proposant cet amendement visant à une nouvelle rédaction intégrale, le Gouvernement réduit assez considérablement l’espace du débat sur cet article. La rédaction suggérée ici est tellement différente de celle qui est proposée par la commission que je pourrais, comme tout à l’heure pour l’amendement du groupe CRC, mettre un terme à la discussion en émettant purement et simplement un avis défavorable.
Néanmoins, je veux profiter de cette occasion pour débattre. Monsieur le ministre, je vais vous poser un certain nombre de questions afin que vos réponses nous permettent d’avancer dans la suite des débats et de la procédure parlementaire.
Votre amendement écrasant le texte de la commission, on pourrait en conclure que les deux dispositifs sont en opposition complète. Or, monsieur le ministre, vous le savez, mais, si ce n’est pas le cas, j’espère vous convaincre, nos accords sont beaucoup plus nombreux que nos divergences.
En premier lieu, nous sommes d’accord sur l’essentiel, à savoir les grands les principes qui traversent le texte et cet amendement. Vous souhaitez un établissement des tarifs plus transparent et plus clair, qui fasse intervenir un regard tiers. Nous aussi ! Les professions n’ont pas manifesté d’opposition majeure sur ce point. Vous souhaitez une péréquation et des remises tarifaires. Nous aussi !
Ne souhaitant pas laisser à nos échanges le goût du regret ou de l’incompréhension, je voudrais que vous précisiez certains points de votre analyse.
Le premier point concerne le texte susceptible d’accueillir ces dispositions. Vous souhaitez qu’elles soient insérées dans le code de commerce. La commission spéciale a préféré retenir la solution que vous avez vous-même promue à l’article 13 bis, à savoir intégrer directement ces dispositions dans la présente loi.
En effet, le code de commerce traite avant tout des actes des commerçants, ce qui est dissonant avec la qualité d’officier public ou ministériel des intéressés.
La commission spéciale a justement noté que l’argument selon lequel les tarifs des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires s’y trouveraient déjà ne permet pas de tirer quelque conclusion que ce soit. Monsieur le ministre, vous le savez bien, la seule raison de cette présence est que les procédures collectives se trouvent dans le code de commerce.
J’ajoute d'ailleurs qu’il ne s’agit pas à proprement parler des tarifs de la profession d’administrateur et de mandataire judiciaire mais de ceux de tous les professionnels qui interviennent sous mandat de justice dans ces procédures collectives.
Comme nous vous l’avons dit précédemment, si vous aviez poussé jusqu’au bout la logique de votre argument, vous auriez inscrit dans le code civil le tarif des notaires et dans le code des procédures civiles d’exécution celui des huissiers de justice.
Le deuxième point a trait à la compétence conjointe que vous réclamez pour fixer les tarifs avec le garde des sceaux. C’est une querelle dans laquelle je ne m’immisce qu’à pas légers. Cela ne nous est pas apparu raisonnable. Il n’est pas nécessaire, le Gouvernement parlant d’une seule voix, comme vous le montrez aujourd'hui. S’il s’agit de colorer l’appréciation du garde des sceaux d’une nuance économique, l’avis de l’Autorité de la concurrence, que nous avons conservé, est bien suffisant.
Cette compétence conjointe n’est pas raisonnable parce qu’il nous semble que la décision doit accompagner la responsabilité. Je ne crois pas que vous revendiquiez d’exercer, monsieur le ministre, comme vous le faites pour les experts-comptables, une tutelle conjointe sur les professions juridiques. Laissons donc la décision au ministre qui exerce cette tutelle, sinon, en partageant sa compétence, nous affaiblirions sa tutelle. De toute façon, je le répète, ce n’est pas le ministre qui décide, c’est le Gouvernement.
Le troisième point est relatif à la péréquation tarifaire et l’aide juridictionnelle.
Vous avez défendu, monsieur le ministre, lors de la discussion générale, le principe d’un prélèvement sur les sommes récoltées au titre de la péréquation pour abonder le financement de l’aide juridictionnelle, soulignant avec étonnement qu’il vous paraissait contradictoire de ne pas faire financer par les officiers publics ou ministériels l’accès au droit auquel ils prétendent, à juste titre, me semble-t-il, participer quotidiennement.
Pouvez-vous expliquer au Sénat pourquoi votre étonnement ne s’est pas étendu à d’autres professions du droit ? Il en est ainsi d’une partie non négligeable des avocats, qui n’ont pas d’activité judiciaire, ou de tous les autres professionnels qui pratiquent le droit à titre accessoire – je pense en particulier aux experts-comptables – et dont on pourrait exiger, en suivant le même raisonnement que le vôtre, qu’ils participent à l’effort commun d’accès au droit.
La commission spéciale s’est opposée à ce qu’en cette matière délicate des arbitrages partiels soient rendus. Pouvez-vous nous dire si le Gouvernement a décidé de limiter la réforme du financement de l’aide juridictionnelle au présent fonds de péréquation ou s’il a d’autres projets ? Dans le cas où il aurait d’autres projets, pouvez-vous nous expliquer pourquoi il a décidé de laisser traiter ce sujet de manière partielle, dans un texte consacré à la croissance économique, alors que nous en attendons un fondateur pour le XXIe siècle en matière de justice ?
Le quatrième point concerne la structure du dispositif de péréquation.
Monsieur le ministre, l’Assemblée nationale a fait le choix, que vous soutenez, d’un fonds interprofessionnel. Or cette interprofessionnalité, à notre avis, pose problème.
En effet, la péréquation mise en œuvre par le fonds peut se concevoir comme un correctif des insuffisances de la péréquation tarifaire puisque cette dernière est construite pour un panier de prestation moyen. Or ce panier ne constitue pas la réalité de l’activité de toutes les études : certaines bénéficieront d’un panier beaucoup plus rémunérateur, selon leur situation géographique et le bassin économique dans lequel elles sont situées, et d’autres d’un panier bien moins profitable. La péréquation financière compense partiellement cette inégalité de situation. Il y a donc un lien entre péréquation tarifaire et péréquation financière, et il est logique que l’une comme l’autre soient organisées au sein de chaque profession. Sinon, cela revient à faire payer par d’autres professionnels – donc d’autres clients – les imperfections du système de péréquation tarifaire retenu pour une seule profession.
Je souhaiterais savoir, monsieur le ministre, comment vous justifiez cela. Vous comprenez bien que ce débat est propre à éclairer des corrections qui pourraient intervenir dans la suite du travail parlementaire.
En outre, la commission spéciale souhaiterait que vous lui indiquiez précisément les raisons de votre hostilité au remboursement, par le fonds de péréquation, des indemnités qu’un nouvel arrivant doit à ses confrères auxquels son installation porte préjudice. Cette mesure me paraissait pourtant présenter un caractère social. Les notaires ne sont pas tous des fils d’archevêque ! §Certains deviennent notaires en suivant des études de droit grâce à l’ascenseur républicain, lorsque celui-ci n’est pas en panne. Ces jeunes, grâce à leurs capacités, à leurs valeurs, seront sélectionnés par le concours que nous vous proposerons d’instaurer pour créer leur étude. Au bout de six ans, il leur sera éventuellement demandé de participer à l’indemnisation de leurs confrères préexistants sur le terrain.
J’avoue que cette proposition de la commission spéciale me paraissait posséder un caractère social. Il m’étonne donc que vous refusiez que le fonds de péréquation puisse aussi servir cet objectif.
Le cinquième point a trait au mécanisme des remises tarifaires.
La commission spéciale a fortement modifié le dispositif des remises tarifaires que vous proposez de rétablir parce qu’il lui a semblé contradictoire avec les objectifs assignés au texte.
En effet, nous en avons discuté, le dispositif que vous proposez ne concerne que des transactions portant sur des biens dont la valeur est comprise entre un seuil plancher et un seuil plafond, c’est-à-dire des transactions de moyenne gamme. Curieusement, les transactions sur les biens de haut de gamme, c'est-à-dire les plus rémunératrices, sont ainsi mises à l’abri de toute concurrence par le biais de la remise.
Au contraire, les prestations de moyenne gamme, qui ne sont pas les plus rémunératrices, pourraient, elles, être soumises à cette remise. Or c’est précisément celles-ci qui, dans les petites études assurant le maillage territorial, dans les études de chefs-lieux de canton, assurent l’équilibre économique de la structure. Paradoxalement, le mécanisme de la remise risque de mettre en péril les unités économiques les plus fragiles…
… et de préserver les plus rentables.
Monsieur le ministre, je pense que ce mécanisme est dangereux pour le maillage territorial des officiers publics ou ministériels. Il est, à mon avis, contraire au principe d’une juste concurrence encadrée. Je souhaiterais que vous nous expliquiez pourquoi vous souhaitez préserver les transactions les plus rémunératrices et frapper, au contraire, celles qui assureront, compte tenu de la réévaluation des tarifs, la rentabilité économique des études. Si vous nous indiquiez tout à l’heure que vous nous avez parfaitement compris, monsieur le ministre, qu’il n’y aura plus de plafond et que nous ne débattrons que du plancher, ce serait déjà une avancée importante. Resterait alors à fixer le montant dudit plancher.
La commission a défendu un mécanisme beaucoup plus simple et plus juste consistant en une remise possible, sur les droits proportionnels, immobiliers ou non, pour un émolument supérieur à un seuil fixé par arrêté ministériel. Ainsi, vous aurez la main.
En outre, monsieur le ministre, pouvez-vous nous donner les raisons de votre opposition au dispositif adopté par la commission spéciale autorisant les officiers publics ou ministériels à consentir des remises sans limite pour les prestations tarifées qu’ils accomplissent lorsque ces prestations sont identiques à celles que d’autres agents économiques effectuent en honoraires libres ? Votre amendement vise à supprimer les remises, ce qui reviendrait par exemple à interdire à un notaire, s'agissant de la rémunération sur les transactions immobilières, de procéder à des remises sur un champ d’activité dans lequel il est en concurrence avec d’autres professionnels qui, eux, peuvent fixer librement leur rémunération.
Monsieur le ministre, la parole sera bientôt à la défense, vous vous exprimerez en dernier ; je ne vous répondrai pas. Nous serons très attentifs aux réponses précises que vous nous apporterez à l’issue des explications de vote en vue de trouver un accord. Vous comprendrez que la commission spéciale émette un avis défavorable sur votre amendement, mais cet avis est expliqué et exprimé dans un climat singulièrement participatif.
Nous sommes, avec l’article 12, au cœur du problème de la réglementation des professions titulaires d’un office, dite « professions réglementées ».
Je relève trois problèmes essentiels : les tarifs, le fonds de péréquation et les remises. La situation a évolué, monsieur le ministre, avec votre amendement, mais je vous incite à vous rapprocher de la position de la commission spéciale, qui a réalisé un travail de fond important et présente une proposition équilibrée.
Les professions réglementées sont tout à fait prêtes à définir des tarifs de manière ouverte et transparente. Concernant la définition de ces tarifs, nous avons précisé que les critères sur la base desquels est définie la rémunération « prennent notamment en compte les sujétions auxquelles sont soumises les professions en cause ».
Pour prendre un exemple, les notaires ont des sujétions importantes en ce qui concerne la publication des actes aux hypothèques et il convient de reconnaître que la profession notariale a réalisé des efforts considérables à cet égard. Ils sont à la pointe en matière de transmission électronique des actes, faisant réaliser d’énormes économies au service de la publicité foncière qui inscrit en un clic dans ses tablettes les actes émanant des études. Cette sujétion, qui a fait l’objet d’un investissement continu, depuis de nombreuses années, de la part des notaires, doit obtenir une rémunération.
N’oublions pas non plus que les notaires sont solidaires entre eux, ce qui est rare dans une profession. Les maniements de fonds sont ainsi garantis par la profession et par les notaires entre eux.
Il convient d’ajouter, ce qui est rarement évoqué, que les notaires récupèrent 22 milliards d'euros d’impôts au profit de l’État et des collectivités territoriales sans que cela coûte un sou aux services de l’État et au ministère des finances. Je trouve que vous n’êtes guère reconnaissant envers les notaires en les traitant ainsi, monsieur le ministre.
Ces sujétions doivent donc être prises en compte dans cette tarification.
La profession de greffiers des tribunaux de commerce, que l’on montre du doigt, a tout de même mis en place, au fil des ans, un accès numérique facile au registre du commerce.
Je renvoie aussi à l’ensemble des informations concernant les procédures collectives. Lorsque l’on a besoin d’un renseignement, on s’aperçoit qu’il vaut mieux s’adresser aux greffes des tribunaux de commerce qu’aux greffes des tribunaux de grande instance. On le constate également outre-mer, où les tribunaux de grande instance n’ont pas pu installer de registre du commerce accessible, difficulté qui sera abordée ultérieurement dans le projet de loi.
Il faudra tenir compte de tous ces services dans les tarifs. En effet, ces professions réglementées ont souvent été à l’initiative de systèmes très performants.
Pour ce qui concerne le fonds de péréquation, monsieur le ministre, la proposition de la commission spéciale va dans le sens que vous souhaitez, qui est de favoriser l’installation des jeunes.
Vous ciblez ce fonds de péréquation vers le service de l’aide juridictionnelle. Vous taxez certains professionnels du droit. J’ai appris que vous alliez taxer les quelques émoluments perçus par les avocats postulants, après un à deux ans de procédure, sur quelques malheureuses saisies immobilières. Ce n’est pas cohérent !
Le dispositif que nous proposons est cohérent, lui, puisqu’il s’agit de la création d’un fonds de péréquation par profession destiné à favoriser l’installation des jeunes. Comment voulez-vous qu’un jeune élabore un projet d’entreprise, monsieur le ministre, s’il doit payer six ans plus tard à des confrères une indemnité résultant de sa compétence et de son travail, indemnité qu’il n’est pas en mesure de chiffrer initialement ? Aucune banque ne lui assurera les fonds nécessaires à la création de cette entreprise !
Nous vous proposons un fonds de péréquation destiné à ces jeunes, financé par la profession, qui permettra de rémunérer tous les petits actes accomplis par les professions réglementées comme les notaires. Je pense notamment aux actes d’échange faits en pure perte au profit des collectivités territoriales, par exemple lors du redressement des chemins ruraux.
Je terminerai mon propos par le problème des remises. Il faut savoir que les remises sont déjà possibles chez les notaires à partir d’un émolument de 80 000 euros. Il faudrait trouver le plafond qui permette d’appliquer une remise aux actes les plus importants tout en assurant une rémunération équitable.
M. Henri Tandonnet. Puisque nous sommes samedi, une journée pendant laquelle les terrains de football et de rugby sont occupés, c'est comme si vous aviez, monsieur le ministre, une équipe de Ligue 1, avec beaucoup de libéros, et que vous vous présentiez face au Stade toulousain. Vous faites une OPA du ministère de l’économie sur le ministère de la justice. Vous pouvez comprendre que les spectateurs ne soient pas vraiment contents de voir arriver des joueurs de Ligue 1, même les meilleurs !
Sourires.
Tout d’abord, j’annonce la couleur : les écologistes ne voteront pas l’amendement proposé par le Gouvernement.
Même s’il reste un certain nombre de choses à revoir, le texte de la commission est plus proche de notre philosophie.
Monsieur le ministre, on ne comprend pas exactement où vous voulez en venir. Je ne sais pas si c'est une équipe de rugby ou de football
Sourires.
Vous voulez des remises pour les PME, pour les actes importants… Si l’on considère que c'est un service public, on met en place une péréquation qui permette un maillage territorial. On sait très bien que, s’agissant de la vente d’un bien en Île-de-France, plus on se rapproche de Paris, plus la commission du notaire est importante. Au lieu de prévoir une remise, il serait préférable que, au-delà d’un certain seuil, les notaires alimentent un fonds de péréquation permettant l’installation dans les territoires ruraux ou dans les zones défavorisées, que ce soit en région parisienne ou ailleurs.
Si vous estimez que la rémunération touchée est presque « abusive », pourquoi ne pas instaurer une telle péréquation ? C'est tout de même simple de faire de la solidarité territoriale ! On nous dit souvent que ce n’est pas possible, par manque de moyens. Mais, là, vous semblez dire que les moyens existent. Il est même envisageable d’aider à l’installation. Alors, pourquoi ne pas le faire ? Je le redis, nous sommes opposés au système des remises.
Vous avez également avancé l’argument selon lequel le système actuel de remises serait opaque.
Je rappelle d’abord que ces remises ne dépendent pas du seul notaire : il est obligé d’en référer à la chambre des notaires. Une autorisation de la corporation est donc au moins nécessaire.
Pour rendre les choses plus transparentes, il suffirait tout simplement de dire que la chambre des notaires doit déclarer les remises au ministère, qui les rendrait publiques. Je ne vois pas quel est le problème. Vous avez aujourd’hui tous les leviers pour agir dans le sens que vous prônez ; pourtant, le texte ne correspond pas tout à fait à vos objectifs. Qu’est-ce que cela signifie exactement ?
M. le rapporteur l’a dit, l’ouverture des études dépend du Gouvernement, plus précisément du ministère de la justice ; les tarifs dépendent aussi du Gouvernement, tout comme les mesures pour améliorer la transparence. Quant à la péréquation, on peut y travailler aujourd’hui. Les remises portent atteinte au principe du service public, alors que nous sommes un certain nombre ici au Sénat à vouloir conserver un service public du notariat.
Si vous trouvez que le service fourni est de mauvaise qualité, je suis prêt à en discuter avec vous. Même si je défends le principe d’un service public, les notaires doivent toujours être contrôlés. On peut leur faire confiance, mais la confiance, elle se mérite ! §Je suis favorable à la mise en place d’un système de contrôle qualité de la profession. Les notaires reconnaissent qu’ils touchent de bonnes commissions sur certaines opérations, mais avancent qu’elles leur permettent de trouver un équilibre avec les petites affaires. On pourrait vérifier que les petites affaires sont bien suivies, que les notaires mettent autant d’application à traiter les petites que les grandes.
Je le redis, nous sommes prêts à discuter du rôle de service public que jouent les notaires et de la façon dont ils assument ce rôle. Nous sommes d’accord pour la péréquation pour l’installation territoriale. Nous sommes également d’accord pour le contrôle qualité. On peut revoir les tarifs, mais cela relève de vos attributions.
Pour toutes ces raisons, nous ne comprenons ni votre amendement ni le sens de la réforme. Nous voulons aller dans le sens d’une modernisation, d’une actualisation du service public du notariat, mais tel n’est pas l’objet de votre amendement.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, ce qui se conçoit bien s’énonce clairement : j’aimerais y arriver, mais le sujet n’est pas simple.
Nous débattons de professionnels réglementés pour lesquels un tarif est fixé. La logique du tarif, c’est d’avoir des coûts pertinents et une rémunération raisonnable. C'est l’équilibre qu’il faut trouver par une péréquation interne à l’étude même, quelle que soit d’ailleurs la profession réglementée. Cet équilibre profite aux usagers, aux clients, parce que, je l’ai déjà dit, pour un certain nombre d’actes, le coût réel pour l’officier ministériel est bien plus important que ses émoluments.
La compensation doit s’effectuer par le biais de cette péréquation interne. Néanmoins, on le sait, vient un moment où cette dernière est largement profitable et, de ce point de vue, on peut considérer que la mise en concurrence des professionnels pourrait profiter aux consommateurs. Soyons clairs, les remises actuelles, ce n’est pas de la mise en concurrence, c'est un geste ponctuel, qui s’explique par des relations amicales ; cela peut éventuellement être une manière d’attirer un promoteur qui ramènera de la clientèle.
Alors, comment organiser la mise en concurrence ? Franchement, aucune des propositions – pas plus la vôtre, monsieur le ministre, que celle de l'Assemblée nationale ou celle du rapporteur – n’atteint cet objectif.
Une véritable mise en concurrence consisterait à faire la même chose que pour les avocats, en supprimant tout numerus clausus. Ce n’est pas ce qu’on veut et ce n’est pas ce que je souhaite parce que les officiers ministériels jouent un rôle particulier, protecteur. Il est important, me semble-t-il, que nous le maintenions dans notre pays.
Dans ce contexte, la seule solution serait de réfléchir à une péréquation externe.
On vous organise une compensation, mais lorsque le gain est trop important, le surplus est reversé à un fonds de l’accès au droit, lequel sera, je n’en doute pas, inséré dans le code de l’action au droit que vous avez appelé tout à l’heure majoritairement de vos vœux. Ce fonds permettra d’abonder plusieurs actions, et pourquoi pas, effectivement, la compensation des conséquences défavorables pour quelques études notariales de la création de nouvelles études.
Il y a un point que je ne comprends pas dans la proposition gouvernementale, même si je suis prêt à m’y rallier s’il n’y a pas d’autre solution : le système plancher-plafond. Je sais que les notaires ne comprennent pas non plus la proposition de la commission sur la suppression du plafond. Ils craignent que seules les études qui ont les affaires les plus importantes, les plus « juteuses » si vous me permettez l’expression, puissent vraiment jouer le jeu de la concurrence et qu’elles se mettent à faire du dumping. C'est une conséquence qu’on ne mesure pas.
Aujourd’hui, nous ne sommes pas capables d’organiser la concurrence dans cette profession. C’est la raison pour laquelle j’ai proposé, au nom du groupe socialiste, un amendement à l’article 12 dont je regrette qu’il ne soit pas débattu en même temps que l’amendement du Gouvernement, car nous aurions peut-être pu trouver un accord.
Pour l’instant, j’avoue que je ne comprends pas comment fonctionnera la profession de notaire et comment nous assurerons le maintien de notaires dans des zones où les valeurs marchandes ne sont pas telles qu’ils puissent forcément gagner beaucoup d’argent.
Monsieur le ministre, ce matin, lorsque j’ai évoqué le fait que vous alliez présenter un amendement de réécriture de l’article 12, vous m’avez répondu : j’ajuste, mais je ne réécris pas. Or les orateurs, même M. Bigot à l’instant, considèrent qu’à l’arrivée on ne sait plus où on est, …
… car plus rien ne fonctionne.
Vous pouvez dire que vous souhaitez amender le texte de la commission spéciale sur tel ou tel élément, mais, en réalité, avec votre amendement n° 1664, vous sortez de la logique qu’elle a suivie. C'est le nom d’une bière, mais, en l’occurrence, vous essayez d’en faire un panaché
Rires.
, un mélange entre le texte de l’Assemblée nationale et celui de la commission spéciale. Eh bien, le résultat est imbuvable !
Nouveaux rires.
D’un côté, il y a le texte de l'Assemblée nationale, rigide, contraignant et impraticable ; de l’autre, celui de la commission spéciale, qui relève d’une logique différente et que vous pouvez amender. Mais vous voulez faire un mélange des deux pour aboutir à un système auquel on ne comprend plus rien ! Comment survivront les études de notaire qui ne gagnent pas beaucoup d’argent ? Comment ferez-vous la péréquation ? Comment assurerez-vous le maillage ? Comment concilier votre système avec le fait que les notaires restent des officiers ministériels chargés d’une mission de service public ?
Au final, cela fait trois mois qu’on évoque ce sujet et que les professions réglementées s’inquiètent. Monsieur le ministre, vous avez évoqué, ce qui n’est pas très gentil pour nous, le fait que ces professions ont plus facilement accès aux parlementaires, car elles sont bien organisées. Certes, mais il y en a d’autres moins bien organisées et qui ont parfois plus encore l’écoute des parlementaires.
La vérité, c’est qu’il y a une inquiétude de la profession, qui a le sentiment d’une remise en cause globale. Vous prétendez que telle n’est pas du tout votre intention, mais en réalité, à la lecture de votre amendement, on se rend compte que c'est bien le cas.
Mais si ! Vous avez conservé la logique de l’Assemblée nationale, sur laquelle vous cherchez à plaquer quelques aménagements proposés par la commission spéciale : cela ne fonctionne pas !
Monsieur le ministre, si vous voulez garder le texte de l'Assemblée nationale, nous n’y serons pas favorables, parce qu’il prévoit une solution rigide et complètement absurde, mettant totalement sous couvert la profession. Certes, celle-ci doit être transformée et doit accepter un certain nombre d’évolutions, mais elle ne doit pas être remise en cause dans ses fondements. Cela n’a pas de sens, parce que c'est une profession qui fonctionne bien. Il y aurait bien d’autres secteurs de l’économie française à transformer et à faire évoluer...
Monsieur le ministre, le groupe UMP a demandé un scrutin public sur votre amendement, si vous le maintenez.
M. le ministre sourit.
Vous êtes un homme de raison. M. Bigot vous propose de débattre pour arriver à un accord et M. le rapporteur vous a posé un certain nombre de questions afin d’essayer de trouver un compromis. À votre place, pour trouver une porte de sortie, rassurer la profession et montrer que le Gouvernement est à l’écoute, je chercherai un accord avec le rapporteur, que nous voterions tous. Nous sommes parvenus à l’unanimité hier sur le gaspillage alimentaire ; il pourrait en aller de même sur cette question, si l’on trouve un système qui fonctionne, qui est logique et qui permet de faire évoluer le notariat sans le déstabiliser.
Applaudissements sur les travées de l'UMP. – M. Philippe Bonnecarrère applaudit également.
J’irai dans le même sens que M. Tandonnet, tout en complétant ses propos.
Monsieur le ministre, comme M. Karoutchi et l’ensemble de mes collègues dans cette assemblée, je ne comprends pas pourquoi vous vous êtes intéressé aux notaires. Vous avez dit ce matin que vous n’aviez pas stigmatisé cette profession : je ne suis pas tout à fait d’accord avec vous. En effet, quand vous avez été auditionné par notre groupe, vous avez évoqué le fait que les notaires étaient des professionnels qu’on ne voyait jamais, car on était reçu par des clercs habilités.
Néanmoins, il y a plusieurs types d’offices. Je peux vous garantir qu’il est des offices, en milieu rural, où les notaires font un travail remarquable, rendent service à la population et souvent, donnent des consultations gratuites de droit rural, dont ils sont spécialistes.
Sur le plan financier, comme Henri Tandonnet l’a souligné, les notaires opèrent des levées de fonds de l’ordre de 22 milliards d’euros au profit de l’État et des collectivités territoriales. Il me semble que, dans le droit latin, l’acte notarié n’est pas un produit commercial. Je ne sais donc pas si l’Autorité de la concurrence est bien placée pour intervenir en la matière.
On sait très bien – nous en avons déjà parlé en commission – que la déréglementation crée des zones blanches et des zones suréquipées. Cette conséquence est logique ! Nous l’avons vu avec les médecins – je vous ai, d'ailleurs, présenté des comparaisons entre la situation des médecins et celle des pharmaciens. Et cela n’a rien à voir avec le numerus clausus, puisque nous sommes maintenant inondés de diplômés en médecine qui viennent de l’étranger, notamment d’autres pays européens.
Je crois que les notaires veulent continuer à exercer leur profession. Pour ce qui concerne la péréquation, ils ne veulent pas être assistés. Ils veulent s’assumer. Je pense qu’ils ne méritent pas le traitement qu’on veut leur infliger.
J’espère donc, monsieur le ministre, comme tous mes collègues, que vous vous en remettrez à la sagesse de la commission spéciale, qui a effectué un travail remarquable sur ce texte, et que vous retirerez cet amendement.
Je serai bref. Monsieur le ministre, ce qui est remarquable dans nos débats de cet après-midi, c’est que vous êtes totalement isolé. Personne n’accepte votre amendement, …
M. François Pillet, corapporteur. … hormis peut-être Mme Bricq, qui, exceptionnellement, ne s’est pas encore exprimée...
Sourires.
Mme Nicole Bricq brandit un magazine.
J’y insiste une dernière fois : ce n’est pas la réforme des tarifs des notaires qui relancera la machine économique de manière considérable dans les quinze jours qui suivront la promulgation de la loi.
Puisque tous les sénateurs semblent prêts à écouter, à travailler et à rechercher un texte avec vous et les membres de votre groupe et puisque vous avez montré une certaine ouverture lors des débats à l’Assemblée nationale, vous avez la possibilité de retirer votre amendement, ici, au Sénat. Nous pourrions alors rediscuter de ce sujet et auditionner de nouveau les professions concernées par le texte, auquel celles-ci doivent adhérer – je suis disponible pour m’y remettre rapidement –, de manière à aboutir à un résultat.
Vous avez été ouvert à l’Assemblée nationale. Vous pouvez l’être au Sénat, qui, vous l’avouerez, est particulièrement à l’écoute et objectif et où l’ambiance, vous l’avouerez tout autant, est particulièrement calme et agréable.
Pour terminer, je veux répondre à mon collègue au sujet des remises : la position que vous défendez – l’absence totale de remises – n’est pas du tout inaudible. Cela va, d'ailleurs, dans le sens de ce que je viens de vous dire.
Sachez toutefois que, si la commission spéciale a retenu cette rédaction sur les remises, c’est parce que les notaires n’y étaient pas du tout opposés. Bien au contraire ! Cela dit, peut-être les notaires accepteraient-ils finalement un système interdisant toute remise, si nous le leur proposions.
Je veux, sur ce dernier point, vous convaincre que le débat mériterait peut-être de mûrir. Avec le printemps et l’été, tout mûrit…
M. le ministre sourit.
Je veux répondre aux différents points soulevés par M. le rapporteur.
Permettez-moi toutefois de faire deux remarques liminaires.
Premièrement, monsieur Karoutchi, nous avons convergé. J’ai fait preuve d’esprit d’ouverture, parce que la commission a très largement repris les apports de la proposition du Gouvernement.
Je tiens à ce que l’on remette les choses à l’endroit : le maul d’idées, pour filer la métaphore rugbystique employée par certains
Sourires.
M. Emmanuel Macron, ministre. Au demeurant, si tout allait très bien, madame la marquise
Nouveaux sourires.
Je crois que, contrairement à ce que vous avez déclaré, la commission reconnaît que cela valait quand même la peine d’avancer.
M. Emmanuel Macron, ministre. Deuxièmement, monsieur Médevielle, je veux rappeler que, y compris lorsque j’ai été auditionné par les membres de votre groupe, j’ai toujours montré le plus grand respect à l’égard de ces professionnels et toujours salué la qualité des prestations qu’ils fournissent. À aucun moment, je ne les ai stigmatisés !
M. Pierre Médevielle s’exclame.
Toutefois, il est vrai que, lorsque nous avons évoqué la pluralité des situations des offices, j’ai déclaré que, dans les grandes études, en particulier parisiennes, de nombreuses prestations étaient assurées sans que les clients concernés aient jamais vu un notaire ! En effet, il arrive souvent que ceux-ci aient uniquement affaire à un clerc habilité. Ce n’est pas manquer de respect que de décrire le réel. Au reste, je ne dis pas que c’est une généralité ! En particulier, cela n’arrive jamais dans les territoires les plus ruraux
M. Pierre Médevielle s’exclame de nouveau.
Telle est réalité des choses. Elle justifie que les uns et les autres soient traités différemment et explique l’une des réformes contenues dans le texte du Gouvernement, concernant les clercs habilités.
Je veux maintenant revenir sur les différents points qui ont été soulevés par M. le rapporteur. Ils sont tous importants.
Premièrement, je veux évoquer la question du code de commerce. Vous le savez – j’ai déjà eu l’occasion de le dire –, je ne suis pas un fétichiste. Cela facilite nos débats ! La commission a proposé la création d’un nouveau code. Pour ma part, dans un souci de pragmatisme, j’ai essayé d’inscrire les dispositions relevant de l’article 12 dans un code existant. Il ne me semblait pas aberrant que l’inscription d’éléments relatifs à la réglementation des tarifs se fasse dans le code de commerce. À cet égard, la réaction qu’a suscitée ce choix est complètement disproportionnée, d’autant que plusieurs tarifs de certaines des professions concernées figurent déjà dans ce code, qui traite quand même de certaines professions réglementées, et pas seulement des commerçants ni du gouvernement d’entreprise ! Au demeurant, si le notaire est un officier public ministériel, il emploie aussi des secrétaires, des clercs habilités, des collaborateurs… Cela s’appelle bien une petite entreprise !
Les dispositions relatives aux tarifs ou encore aux procédures collectives trouvent aussi leur place dans le code de commerce. Il en va de même des dispositions afférentes aux ventes aux enchères publiques, qui touchent directement certaines de ces professions réglementées.
Deuxièmement, la coresponsabilité, dans la fixation des tarifs, du ministre de la justice et du ministre de l’économie relève de la même logique. En effet, il n’est pas aberrant que le ministre de l’économie, qui est responsable des tarifs, cosigne les tarifs de chaque prestation, comme il le fait, d'ailleurs, pour beaucoup d’autres biens et services. C’est pourquoi nous avions prévu une compétence conjointe. Mais en aucun cas celle-ci ne vaudra pouvoir disciplinaire du ministre de l’économie ni ne viendra empiéter sur le rôle pleinement reconnu au garde des sceaux en matière de liberté d’installation – nous y reviendrons – ou encore sur celui qu’il peut avoir notamment sur le plan disciplinaire ou sur les questions d’honorabilité. On ne parle que des tarifs ! Aussi, il me semble qu’il faut remettre les choses à leur place et qu’il n’y a pas d’aberration.
Troisièmement, sur le sujet du fonds de péréquation interprofessionnel, je tiens à remercier M. Desessard pour les propos qu’il a tenus.
Monsieur le sénateur, vous avez parfaitement décrit la situation et démontré l’objectif du Gouvernement et la pertinence de son amendement. Les professions réglementées nous ont souvent dit que nous ne pouvions pas revenir sur leurs tarifs, une péréquation existant déjà entre les conseils gratuits qu’elles délivrent et les tarifs plus ou moins élevés des différentes prestations qu’elles fournissent, les tarifs plus élevés permettant de compenser les choses. En réalité, la compensation s’opère rarement au sein d’un seul et même office notarial. Il y a une péréquation macro-économique, mais elle n’avait pas de réalité jusqu’à présent.
Le fonds de péréquation que le Gouvernement veut créer permettra justement que des transferts soient opérés au sein de la profession, pour que les offices qui sont en meilleure santé puissent aider les plus petits. §C’est même la première fonction de ce fonds.
Et pourquoi avons-nous prévu un plafond en matière de remises tarifaires ? Précisément pour que la péréquation se fasse sur la base des tarifs les plus hauts.
Si, mesdames ! Ce sont les tarifs les plus hauts qui alimenteront le fonds de péréquation.
Je vais y revenir. Je suis ouvert sur ce sujet – je pense que l’on peut progresser –, mais j’estime que cette logique doit être préservée. Nous ne sommes pas allés au bout de la discussion. Pour cette raison, je ne retirerai pas mon amendement.
La logique du texte gouvernemental était bien celle d’un fonds de péréquation nourri par les tarifs les plus élevés des offices les mieux portants et permettant de procéder à une péréquation afin de préserver le maillage territorial. Et que personne ne vienne me dire que le projet de loi vient menacer celui-ci, alors qu’il crée un dispositif qui permettra justement de rendre plus solvables les petits offices notariaux ! C’est un apport notable du texte.
Ensuite, ce fonds permet une seconde péréquation, entre professions, précisément pour aider à l’accès au droit. D'ailleurs, pour répondre à une question qui m’a été posée, nous venons d’inscrire une autre profession – celle d’avocat – dans l’amendement du Gouvernement. Nous suivons donc votre logique. Cependant, nous ne l’inscrivons que pour les tarifs réglementés : autrement dit, les autres tarifs ne seront pas concernés par l’abondement au fonds de péréquation.
Au reste, que ces professionnels du droit aient considéré qu’il était inopportun qu’ils puissent financer l’accès au droit me paraît déplacé, quand leur revendication principale porte précisément sur l’obtention du statut d’officier public ministériel. Il est normal que les professionnels qui pratiquent des tarifs réglementés participent au fonds !
Sur ce point, je veux pleinement lever une ambiguïté qui a été soulevée – à juste titre, parce que ce point relève du niveau réglementaire. Nous proposons de nous en tenir aux tarifs réglementés sur les marchés en concurrence. Autrement dit, les actes réalisés par les professionnels du droit qui ne relèvent pas strictement des tarifs réglementés doivent être totalement sortis de ce giron. Seuls les tarifs des prestations en monopole doivent être régulés.
Par conséquent, toutes les prestations des notaires qui ne sont pas en situation de monopole – je reprends l’exemple que vous avez pris, monsieur le rapporteur – doivent échapper à la péréquation. Ce sera fait par voie réglementaire. Votre question nous a permis de clarifier nos intentions sur ce point, qui ne figure pas dans la loi. Il était important de le faire.
Enfin, derrière ce fonds, se pose la question de l’indemnisation. En effet, je continue à penser que ce fonds doit être abondé par les tarifs les plus élevés.
Je vous ai rappelé la philosophie du fonds, que la commission, d'ailleurs, a préservée, et je m’en félicite. Néanmoins, la commission a réduit sa portée en termes de financement de l’accès au droit, alors que c'est à cet objectif que ces professionnels doivent fondamentalement contribuer, et lui a assigné une nouvelle finalité : l’indemnisation. Je dois vous dire que cet ajout ne me met pas totalement à l’aise.
En effet, dans nos propositions relatives à la libre installation de ces professionnels – j’anticipe le débat que nous aurons sur ce sujet, mais tout cela fait système –, nous disons, finalement, qu’il y a trois zones.
Tout d’abord, il est des zones où des professionnels du droit manquent, des déserts notariaux relatifs. Certes, – je vous rassure, monsieur Médevielle – on n’en trouve pas dans votre département : ces zones sont plutôt dans les couronnes métropolitaines, notamment en Seine-Saint-Denis.
C’est tout l’objet de la cartographie objective que nous avons réalisée : définir des endroits où la libre installation sera possible, parce qu’elle ne lèse personne et, même, améliore l’accès au droit et à ses professions.
Ensuite, il y a des zones normalement pourvues – manifestement, votre territoire en fait partie. Pour ces zones, le système actuel demeurera.
Enfin, il est des zones intermédiaires, où existe un manque, relatif, identifié sur le plan quantitatif, sans que nous soyons sûrs que la libre installation ne déstabilisera pas les études notariales en place. Mais, après avoir examiné attentivement cette question et échangé avec le Conseil d'État, nous nous sommes dit que, si des professionnels en place devaient être pénalisés par cette nouvelle installation, ce ne serait pas du fait de la loi : cela viendrait de la déstabilisation progressive.
Nous avons donc repris la philosophie du décret de 1971, que nous avons élevé au niveau de la loi, en prévoyant que la compensation éventuelle d’une perte de revenus des professionnels en place ne doit pas se faire de manière immédiate : il faut un certain temps pour identifier la nécessité de l’indemnisation – ce sont les fameuses six années, qui figurent dans le décret de 1971.
S’il s’avère que, dans cette zone intermédiaire, le nouveau professionnel a créé une perte durable de chiffre d’affaires, et donc une perte pour les autres professionnels en place, il est normal qu’il l’indemnise. Ce n’est pas illégitime, puisque, d’une certaine manière, il a pris du chiffre d’affaires et de la clientèle… §Monsieur Desessard, votre relative indignation sur ce sujet est intéressante ! Sachez toutefois qu’aujourd'hui pas un professionnel ne s’installe sans acheter la clientèle de celui qui l’a précédé. C’est le principe.
(M. Vincent Delahaye s’exclame.) Toute clientèle se paie, aucun notaire ne cède sa clientèle à titre gratuit, ou alors présentez-le-moi, car cela m’intéresse, même à titre personnel.
Sourires.
S’il y a une clientèle à prendre, qu’elle soit libre ou insatisfaite, une indemnisation sera nécessaire. §
On indemnise justement ce droit de présentation de la clientèle. En l’occurrence, le nouvel entrant, qu’on laisserait s’installer par une libre administration relative en zone intermédiaire, a pris une clientèle sans totalement l’acheter, il est normal qu’il vienne la compenser.
Ce n’est pas au fonds, et donc à l’ensemble de la profession, de le faire, sinon on va entrer dans un débat immédiat : la profession aura intérêt à empêcher l’installation de nouveaux entrants, en raison des risques d’indemnisation.
Tout ce débat que nous avons depuis des mois, qui a parfois été déplaisant, comme vous l’avez justement souligné, dur, alors même qu’il n’est pas fondamental pour la croissance macroéconomique, est aussi lié au fait que le système – pour ma part, je n’incrimine ici personne – ne fonctionne pas depuis des décennies.
En 2009, nous avons compté sur la bonne volonté, mais cela n’a pas fonctionné. Aussi, nous avons dû mettre un coup de bélier dans ce système, car ceux qui sont dans la place ont refusé des évolutions, à savoir davantage ouvrir la profession, favoriser l’accès des jeunes ou changer la logique des tarifs.
Nous avons en quelque sorte produit collectivement une forme de conservatisme qui n’est pas bon pour notre économie et qui n’est pas conforme à l’idée que l’on se fait de la méritocratie républicaine.
Je vous rassure, monsieur le sénateur, il ne s’agit pas de tout renverser. On ne change pas ce qui fonctionne. On ne touche qu’aux tarifs et à la libre installation, et ce de manière relative.
Néanmoins, tout ce tintouin est la preuve qu’il était nécessaire d’agir pour un peu bouger. Donc, nous faisons œuvre utile. Nous cheminons. Au-delà de nos divergences relatives, il existe un cœur de principes sur lequel nous nous rallions collectivement, qui est aussi le fruit du travail accompli par la commission, laquelle est entrée dans la logique initiale du texte. Aussi, contrairement à M. le sénateur Karoutchi, je ne pense pas qu’il y ait deux logiques. Vous avez adopté la logique initiale du texte
M. Roger Karoutchi hoche la tête en signe de doute.
Sur le sujet de la remise, on peut encore travailler. Je reste ouvert à la poursuite du dialogue. À ce stade, je ne retirerai pas mon amendement, mais je pense que nous pouvons encore œuvrer pour faire les derniers petits pas nécessaires, qui sont secondaires par rapport au chemin déjà parcouru.
Je vais faire plaisir à M. le rapporteur : je suis admirative de l’habileté avec laquelle il présente sa position.
Je ne comptais pas m’exprimer car, je dois le dire, j’ai été perturbée par la manière dont la direction de la séance a organisé nos travaux. L’amendement du Gouvernement est isolé. On m’a dit que cela avait été fait à la demande de la commission spéciale.
Néanmoins, cela signifie que tous les amendements des sénateurs, dont celui du groupe socialiste qui traite des remises et de la péréquation, ne sont pas discutés. Or nous devrions être dans une discussion commune, car le dialogue ne se fait pas entre le rapporteur et le Gouvernement, mais avec l’ensemble des parlementaires.
Concernant les notaires et la prétendue stigmatisation de la profession, je suis très à l’aise : par prévention, j’ai reçu la chambre des notaires de Seine-et-Marne bien avant que la discussion s’engage avec le Gouvernement et que la commission spéciale à l’Assemblée nationale et au Sénat soit en place, afin d’écouter leurs doléances.
Le ministre a ouvert la discussion au début de l’été dernier, elle est donc de longue durée et je suppose que tous les parlementaires, quelle que soit leur couleur politique, se sont adressés dans leur département, comme j’ai pu le faire, aux huissiers, ceux-ci étant au départ très opposés au texte du Gouvernement.
Pour des raisons familiales, j’ai un notaire à la campagne ; j’ai également un notaire à Paris. Je suis donc à même de comprendre que les frais de structure ne sont pas les mêmes à la campagne qu’en ville, notamment en plein cœur de Paris. Pour autant, je ne voudrais pas suggérer que les offices notariaux parisiens sont particulièrement juteux.
Je connais bien ce que pratiquent les départements en termes de droits de mutation à titre onéreux, ou DMTO. Le gouvernement, dans sa généreuse bonté, …
Tout le monde y met du sien. À défaut de régler au fond les problèmes des départements, on leur dit qu’ils peuvent augmenter les droits, ce dont ils ne se sont pas privés, ce qui augmente le coût des cessions.
Il me semble que les positions respectives du Gouvernement et du rapporteur sont claires. Néanmoins, concernant la commission, ce que je n’apprécie pas dans cette discussion, c’est le principe de défiance selon lequel un certain nombre de professions ne relèvent pas de l’économie. Comme M. le ministre l’a souligné, ces professions représentent tout de même 20 milliards d’euros, ce qui n’est pas rien par les temps qui courent. Par conséquent, il est normal que l’État se préoccupe de ces professions réglementées. Pour ma part, je défends l’État, qui est incarné actuellement par nous tous quelque part, mais aussi par le Gouvernement et sa majorité.
Contrairement à Mme Bricq, je ne trouve pas que les positions soient claires, alors même que j’écoute attentivement le débat depuis le début.
Je ne comprends pas pourquoi M. le ministre souhaite absolument maintenir son amendement, qui me paraît être effectivement un mix entre la position de l’Assemblée nationale et celle du Sénat.
Une commission spéciale a travaillé sur ce sujet ; n’en faisant pas partie, je n’ai pu suivre dans le détail les travaux. Mais j’avoue que je ne comprends pas – monsieur le ministre, vous n’avez pas été clair sur ce sujet – quelles sont les positions de la commission spéciale que vous ne partagez pas, que ce soit en matière de tarif, de remises ou de péréquation.
Je ne suis absolument pas opposé aux professions réglementées, je trouve d’ailleurs que jusqu’à présent elles fonctionnaient plutôt bien. En effet, dans ma ville, un office a été créé très récemment, et le nouveau titulaire n’a pas acheté la clientèle, mais a créé sa propre clientèle. Une jeune notaire s’est installée et elle développe son activité normalement.
Dans certains secteurs, il est sans doute nécessaire de combler des manques ; dans d’autres, il faut peut-être développer la concurrence. Cependant, il est possible de parvenir à une position commune. Monsieur le ministre, vous avez dit que vous étiez prêt à en discuter. Mais vous avez également dit : je ne retire rien. C’est dommage, car en écoutant les positions des uns et des autres, il me semble que nous ne sommes pas si loin de trouver un accord, alors que pour l’instant nous restons bloqués.
J’aimerais vraiment comprendre les raisons de fond pour lesquelles vous ne partagez pas le résultat du travail de la commission spéciale. À quoi sert-il alors de travailler si vous ne donnez pas suite à ces travaux ?
Je souhaite revenir sur la question soulevée par Mme Bricq, que je peux comprendre.
Néanmoins, c’est la commission spéciale qui a demandé la disjonction de l’amendement du Gouvernement – je veux donc absoudre la direction de la séance, si besoin est, de quelque responsabilité en la matière. Nous l’avons fait dans un souci de clarté des débats, madame Bricq, afin de ne pas écraser la masse des amendements.
Madame Bricq, vous avez eu la parole tout à l’heure et vous l’aurez de nouveau si Mme la présidente vous la redonne, mais, pour l’instant, c’est moi qui l’ai !
À défaut de cette disjonction, M. le ministre aurait dû répondre à la suite d’une litanie de présentations d’amendements et la discussion aurait été particulièrement confuse.
Le Gouvernement propose une réécriture globale de l’article dans la rédaction retenue par la commission. M. le rapporteur a présenté le travail de la commission, qui doit être salué, car il est très fouillé !
Même s’il peut y avoir des divergences, tout le monde s’accorde pour dire que M. le rapporteur a proposé à la commission et au Sénat un travail extrêmement pointu. M. le ministre a présenté, avec le même talent, la vision du Gouvernement. Ce débat honore dans son ensemble, me semble-t-il, le Sénat et la démocratie parlementaire.
Avant d’entamer la discussion, j’ai simplement demandé à M. le rapporteur – je n’ai pas de consigne à lui donner – de prendre le temps de débattre, car ce sujet est un point clef du texte, tout le monde en convient.
Nous avons souhaité qu’il y ait ce débat général. Vous allez pouvoir présenter vos amendements, ensuite la discussion aura lieu et, le cas échéant, nous regarderons les choses.
Il me semblait logique d’avoir au préalable cette présentation globale. Le débat pourra rebondir au fur et à mesure. L’objectif était de clarifier le débat, c’est-à-dire d’opposer les visions pour voir ensuite s’il existe des points de convergence. Voilà le travail qu’on fait l’un et l’autre, et je pense que ce débat est utile.
Mon cher collègue, vous vous êtes déjà exprimé, et je vous demande donc d’être très bref. Vous avez la parole.
Cette explication de vote sera brève, madame la présidente. L’organisation du débat, le fait que l’amendement du Gouvernement soit isolé, pour discuter ensuite des autres amendements est regrettable, car il n’y a pas de forte divergence. Il y a une question sur l’étendue de l’usage du fonds de péréquation et une discussion entre le rapporteur et le ministre sur l’application de la réserve. Pour notre part, nous considérions plutôt qu’il ne fallait pas instaurer de remise.
M. Karoutchi veut faire croire que M. le ministre serait opposé aux notaires, alors que la droite du Sénat les soutiendrait. D’une part, ce n’est pas le sujet et, d’autre part, c’est faux !
Par conséquent, en soutien au Gouvernement, nous voterons cet amendement, en espérant – car le scrutin public donnera sans doute le résultat que l’on sait – que l’amendement que nous proposons pourra être adopté ; nous verrons bien.
Je mets aux voix l'amendement n° 1664.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 141 :
Le Sénat n'a pas adopté.
Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 1342, présenté par MM. Guerriau, Kern, Bonnecarrère et Longeot, Mme Morin-Desailly et M. Cadic, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 1
Supprimer les mots :
des greffiers des tribunaux de commerce,
II. – Alinéa 8
Supprimer les mots :
les greffiers des tribunaux de commerce,
La parole est à M. Philippe Bonnecarrère.
Cet amendement vise à retirer les greffiers des tribunaux de commerce du champ d’application des dispositions de l’article 12.
Cette profession, en tant que telle, n’est pas soumise à des modalités de concurrence. Comment cela serait-il possible entre juridictions ?
Par ailleurs, il s’agit d’une profession dont les tarifs, qui ont fortement baissé dans la période récente, sont à la disposition des pouvoirs publics.
Dans ces conditions, comment serait-il possible d’adopter une approche « pro-concurrence » ? En effet, on ne choisit pas le ressort du tribunal de commerce dont on relève.
L'amendement n° 196 rectifié, présenté par MM. Mézard, Barbier, Bertrand, Arnell, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Requier et Collombat, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Supprimer les mots :
des greffiers des tribunaux de commerce,
La parole est à M. Guillaume Arnell.
Cet amendement est, pour le groupe RDSE, le premier d’une longue série sur la question des professions réglementées.
Le sujet revêt un enjeu majeur pour les territoires ruraux et périphériques. De nos discussions, et plus encore de vos réponses, monsieur le ministre, dépend probablement notre appréciation globale sur le projet de loi, comme a pu vous l’indiquer le président Mézard dans un autre contexte.
La France compte aujourd’hui près de 230 greffiers répartis dans 135 offices de greffe. Le salaire mensuel moyen d’un greffier de tribunal de commerce – qui réalise chaque année environ 5 millions d’actes majeurs – est de 31 700 euros.
Ces rémunérations élevées s’expliquent par la nature ambivalente de la profession : les greffiers des tribunaux de commerce ne sont pas des fonctionnaires, contrairement à ceux des autres tribunaux, mais des professionnels libéraux.
Les greffiers des tribunaux de commerce exercent donc à titre privé, en situation de monopole. De fait, les greffiers des tribunaux de commerce sont en situation de monopole pour de nombreux actes de procédure : ils sont, par exemple, les seuls habilités à la transcription des débats et à la conservation des jugements. Ils sont rémunérés à l’acte selon un tarif réglementé par décret.
La véritable question est celle de la clarification de leur statut. La question de leur fonctionnarisation pourrait même se poser. Il aurait ainsi mieux valu réfléchir à une réforme en profondeur de leur statut afin de savoir s’ils rentrent véritablement dans le champ de l’article 12 du présent projet de loi.
Cet amendement vise donc à retirer la mention des greffiers des tribunaux de commerce de l’article 12.
Il n’a échappé à personne, à raison des débats qui viennent d’avoir lieu, que la commission spéciale a créé une construction globale, avec des garanties globales.
Dès lors, il serait contraire à sa position, à sa logique, de vouloir peu à peu exclure une profession réglementée après l’autre. Je ne puis qu’émettre un avis défavorable sur ces deux amendements.
Même avis défavorable.
Je voudrais cependant apporter toute réponse dans la mesure où le groupe RDSE fait de cette question un point particulièrement structurant.
Nous proposons d’appliquer aux greffiers des tribunaux de commerce la même régulation tarifaire que celle dont nous parlons depuis quelques instants. Il s’agit donc simplement de mettre en place une rémunération raisonnable et un dispositif transparent. Comment peut-on être contre ?
Or il apparaît aujourd’hui que les greffiers des tribunaux de commerce, malgré des baisses de tarif récentes – plus de 60 %, ce qui montre qu’on avait tout de même de la marge –, sont tout de même à l’origine d’un prélèvement sur l’économie, certes pour partie justifié.
Cette révision régulière des tarifs nous permettra justement de voir si nous sommes face à une rémunération raisonnable telle que définie. Si tel est bien le cas, je ne vois pas où est le risque de révolution pour ces professionnels.
Nous avons besoin de transparence, surtout pour une profession réglementée dont les tarifs ont été – il faut bien le dire, sans stigmatiser qui que ce soit – résolument excessifs ces dernières décennies. Une telle situation n’est pas bonne pour notre économie et, en l’occurrence, ce sont véritablement nos entreprises qui le paient.
Je voudrais enfin apporter une clarification : l’Alsace-Moselle, qui a son régime propre, et les territoires d’outre-mer, où le système est public et où il n’est donc pas question de greffes privés de tribunaux de commerce, ne sont pas concernés par la réforme.
Je souhaitais remettre quelque peu les choses en perspective. Je partage totalement l’avis du rapporteur : on ne peut détricoter, profession par profession, ce qui est décidé pour l’ensemble des professions réglementées de manière équilibrée.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 364 rectifié, présenté par MM. Vaspart, Doligé, Pointereau, Laménie, Calvet, Commeinhes et Charon, Mme Deseyne et MM. Revet, de Nicolaÿ, César et Vasselle, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 1
Remplacer les mots :
des administrateurs judiciaires, des mandataires judiciaires et des notaires
par les mots :
des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires
II. – Alinéa 8
Supprimer les mots :
et les notaires
La parole est à M. Charles Revet.
Dans beaucoup de villes et d'agglomérations, les études notariales sont souvent composées d'un ou de deux notaires, et parfois de plusieurs dizaines de collaborateurs salariés.
Abaisser la tarification aura pour effet de mettre en difficulté un grand nombre d'études dans les petites villes et dans la ruralité, alors même que le service rendu est indispensable à toutes les populations de cette ruralité et contribue sans nul doute à l'aménagement des territoires ruraux.
En mettant ces petites et moyennes études en difficulté, nous courons le risque d'en accentuer la concentration, ce qui conduira à diminuer leurs effectifs.
Le Gouvernement a la possibilité de créer des charges supplémentaires, notamment dans les zones où les études ont pris des dimensions anormales. Il s’agit donc bien d’un problème de régulation, dont le Gouvernement a la maîtrise.
Baisser les tarifs, notamment en milieu rural, n’augmentera pas le pouvoir d'achat de nos concitoyens : dans une vie, combien de fois en moyenne vont-ils chez le notaire pour la rédaction d'actes, étant rappelé que le conseil est gratuit ?
Mme Catherine Procaccia opine.
Pour cet ensemble de raisons, nous proposons, à travers cet amendement, d'exclure les notaires du champ des professions juridiques réglementées visées à cet article, et plus généralement dans ce texte.
Cet amendement prévoit l’exclusion totale des notaires du dispositif tarifaire sur lequel nous nous sommes entendus voilà quelques instants.
Cela revient à détricoter totalement ce que nous avons fait, raison pour laquelle, monsieur Revet, je vous suggère de retirer cet amendement ; à défaut, je me verrai contraint d’émettre un avis défavorable.
L'amendement n° 364 rectifié est retiré.
L'amendement n° 186 rectifié, présenté par M. Gorce, Mme Jourda, M. Aubey et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
La fixation des tarifs prend en compte les conditions de l'équilibre économique des offices situés dans les départements dont le potentiel financier par habitant est inférieur à 1, 5 fois le potentiel financier moyen par habitant des départements et le revenu par habitant est inférieur à 1, 5 fois le revenu moyen par habitant des départements.
La parole est à M. Jacques Bigot.
Il s’agit simplement de préciser que la fixation des tarifs doit prendre en compte les conditions de l’équilibre économique des offices situés dans les départements dont le potentiel financier par habitant est inférieur à 1, 5 fois le potentiel financier moyen par habitant des départements et le revenu par habitant est inférieur à 1, 5 fois le revenu moyen par habitant des départements.
Il s’agit en général des départements dans lesquels les activités des notaires ne sont pas suffisamment importantes et où le maintien des notaires passe aussi par le fait que les tarifs prennent bien en compte ce besoin de péréquation.
Cet amendement est assez ingénieux : il vise à introduire, dans les paramètres d’élaboration des tarifs, les bases de calcul de la dotation globale de fonctionnement, la DGF.
À mon sens, c’est un système très compliqué. Le Gouvernement s’appuiera plutôt sur un tarif représentatif de la moyenne des offices, …
… et justement de ceux des départements compris dans la fourchette proposée à travers cet amendement.
Pour pourquoi la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, je me verrai contraint d’émettre un avis défavorable.
Comme M. le rapporteur, je comprends l’objectif visé par les auteurs de cet amendement.
Les différentes expertises qui ont été menées par l’Autorité de la concurrence, par l’Inspection générale des finances ou par différentes missions parlementaires montrent que les départements ruraux ne sont pas les plus carencés. Au contraire : en Aveyron, par exemple, on compte proportionnellement trois fois plus de notaires qu’en Seine-Saint-Denis.
Les prix immobiliers différant d’une région à l’autre, les notaires de ces départements dressent des actes portant sur des transactions moins élevées qu’en milieu urbain. La piste que vous esquissez à travers cet amendement est donc intéressante.
Toutefois, je vous suggère de ne pas élever une telle disposition au niveau de la loi.
Nous avons un mécanisme. D’ailleurs, votre amendement, nous en reparlerons, vise aussi à le simplifier – c’était un petit point de dissensus –, mais il s’inscrit dans le même esprit.
Le Gouvernement s’engage à prendre en compte, par voie réglementaire, les critères pertinents – potentiel financier par habitant et revenu par habitant – que vous retenez.
À l’aune de cet engagement, je vous invite à retirer votre amendement.
L'amendement n° 186 rectifié est retiré.
Je suis saisie de douze amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 716, présenté par MM. Karoutchi, Danesi, Milon et Calvet, Mme Canayer, MM. Mayet et Mandelli, Mmes Des Esgaulx et Imbert, MM. Charon et Laménie, Mme Mélot, MM. Cambon et Houel, Mmes Hummel, Primas, Duchêne et Procaccia, MM. Fouché, Leleux, Vogel, Chaize et Laufoaulu et Mmes Bouchart et Micouleau, est ainsi libellé :
Alinéas 4 et 12
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Roger Karoutchi.
M. Emmanuel Macron, ministre. M. Karoutchi se rallie à la motion majoritaire !
Sourires.
L’amendement n° 716 est retiré.
L'amendement n° 724, présenté par MM. Bigot et Sueur, Mme Génisson et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 4
1° Deuxième phrase
Après les mots :
ministre de la justice
insérer les mots :
et le ministre chargé de l’économie
2° Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Ce fonds est enfin destiné à financer l’aide juridictionnelle, l’accès au droit et les maisons de justice et du droit.
II. - Alinéa 5
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Jacques Bigot.
L’amendement du Gouvernement n’ayant pas reçu la faveur du Sénat, nous examinons le texte issu des travaux de la commission.
Le présent amendement, dont j’ai déjà beaucoup parlé, vise à insérer après les mots « ministre de la justice » les mots « et le ministre chargé de l’économie » à l’alinéa 4 de l’article 12.
Il est d’autres domaines, notamment en matière médicale et pharmaceutique, où des décisions tarifaires sont cosignées par le ministre des affaires sociales et le ministre de l’économie. Il ne me paraît donc pas choquant d’envisager une cosignature du ministre de la justice et du ministre de l’économie sur de tels sujets. Mais là n’est pas l’essentiel.
Cet amendement vise également à compléter l’alinéa 4 par une phrase ainsi rédigée : « Ce fonds est enfin destiné à financer l’aide juridictionnelle, l’accès au droit et les maisons de justice et du droit. » Il s’agit de faire en sorte que ce fonds ne finance pas exclusivement l’installation de nouveaux notaires.
Enfin, nous proposons de supprimer la notion de remise, à savoir l’alinéa 5.
Les amendements n° 102, 588 et 587 ne sont pas soutenus.
L'amendement n° 717, présenté par MM. Karoutchi, Milon et Calvet, Mme Canayer, MM. Mayet et Mandelli, Mmes Des Esgaulx et Imbert, MM. Charon et Laménie, Mme Mélot, MM. Cambon et Houel, Mmes Hummel, Primas, Duchêne et Procaccia, MM. Fouché, Leleux, Vogel, Chaize et Laufoaulu et Mmes Bouchart et Micouleau, est ainsi libellé :
Alinéa 5, seconde phrase
Supprimer cette phrase.
La parole est à M. Roger Karoutchi.
Cet amendement n’est, lui, pas retiré, d’autant que j’ai cru entendre M. le ministre me donner raison avant même que je ne le présente en déclarant que les actes soumis à la concurrence des autres professionnels du droit ne doivent pas être soumis à un tarif réglementé. En conséquence, la disposition prévue dans la seconde phrase de l’alinéa 5 n'a pas lieu d'être.
Les cinq amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 207 rectifié est présenté par MM. Mézard, Bertrand, Arnell, Castelli, Collin, Collombat, Esnol et Fortassin, Mmes Laborde et Malherbe et M. Requier.
L'amendement n° 275 rectifié quinquies est présenté par M. Calvet, Mmes Primas et Bouchart, MM. Perrin, Raison, Vogel et B. Fournier, Mme Deseyne, M. Milon, Mme Deromedi, M. Grand, Mme Micouleau, MM. Médevielle et Laménie et Mme Lamure.
L'amendement n° 413 est présenté par M. Navarro.
L'amendement n° 606 rectifié bis est présenté par Mme Gruny, MM. Commeinhes et Mayet, Mme Mélot et MM. Pierre, Revet et Vasselle.
L'amendement n° 1060 est présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces cinq amendements sont ainsi libellés :
I. – Alinéa 9
Supprimer les mots :
, pris après avis de l’Autorité de la concurrence,
II. – Alinéas 14 à 18
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Guillaume Arnell, pour présenter l’amendement n° 207 rectifié.
Cet amendement vise à supprimer l’emprise tentaculaire de l’autorité administrative indépendante qu’est l’Autorité de la concurrence.
Le projet de loi fait de cette institution la clé de voûte de tout le code de commerce, comme si son intervention constituait le remède à toutes les rentes de situation, aux corporatismes et autres blocages identifiés par le texte. C’est oublier que l’Autorité de la concurrence n’est pas un organisme totalement neutre, qui répondrait à une « idée » platonicienne du bien et du juste définis ontologiquement par des principes immuables, universels et indépendants de l’intellect. Elle-même n’est que le reflet d’une certaine idée politique de la concurrence, dont les règles doivent être fixées par le Parlement. Nous refusons que de telles entités accaparent de plus en plus le débat politique sous couvert de neutralité.
Comme le soulignait en 2010 le vice-président du Conseil d’État, M. Jean-Marc Sauvé, « les autorités administratives indépendantes ne sauraient devenir un mode d’administration de droit commun. »
« Le recours à cette catégorie juridique particulière doit rester adapté et raisonné. »
Comme vous le savez, le groupe du RDSE a demandé la création d’une commission d’enquête sénatoriale sur le bilan et le contrôle des autorités administratives indépendantes, dont le nombre n’a cessé de croître. Confier toujours plus de missions à ces autorités revient à remettre en cause la summa divisio entre pouvoir exécutif, pouvoir législatif et autorité judiciaire.
Concernant les professions réglementées plus particulièrement, il apparaît que l’arbitrage du ministère de la justice est amplement suffisant, puisque le présent texte confie au garde des sceaux le pouvoir de créer de nouveaux offices en fonction de critères dynamiques et à intervalles réguliers.
La parole est à Mme Chantal Deseyne, pour présenter l'amendement n° 275 rectifié quinquies.
L'avis de l'Autorité de la concurrence est superfétatoire. En effet, les services de l'État, tant ceux de la Chancellerie que le bureau des services financiers et des professions réglementées de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, direction rattachée au ministère de l'économie, traitent déjà de ces questions et disposent des moyens nécessaires pour réaliser ces missions.
Par ailleurs, le coût de l'intervention de l'Autorité de la concurrence ne paraît pas compatible avec la politique de réduction des dépenses publiques.
L'amendement n° 413 n'est pas soutenu.
La parole est à Mme Pascale Gruny, pour présenter l'amendement n° 606 rectifié bis.
L’article 12 est contestable dans sa philosophie même. L’Autorité de la concurrence, dont la vocation est exclusivement économique et qui a pour mission de s’assurer de l’absence d’entraves à la concurrence, n’a aucune compétence pour émettre un avis sur des professions du droit relevant du ministère de la justice. Nous proposons donc de supprimer toute référence à cette autorité administrative indépendante et donc toute intervention de sa part dans la fixation des tarifs des professions réglementées. Son avis sur les tarifs ne peut en effet être guidé que par un esprit qui entre en totale contradiction avec celui des professions juridiques réglementées, puisqu’il fait l’impasse sur leurs missions, qui relèvent de l’intérêt général, pour ne les envisager que comme une activité marchande ordinaire.
L’intérêt des professions du droit n’est pas tant d’être concurrentielles que d’être de qualité, accessibles à tous, sur tout le territoire, à des tarifs donnés, et ce afin de garantir la sécurité juridique de tous les citoyens, préoccupations qui sont bien éloignées de celles de l’Autorité de la concurrence.
L'amendement n° 1482 n'est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur les amendements restant en discussion ?
Comme l’ont indiqué ses auteurs, l’amendement n° 724 présente trois objets assez distincts.
Tout d’abord, il vise à rétablir la compétence conjointe du ministre de l’économie et du ministre de la justice dans la fixation des tarifs. Nous nous sommes déjà expliqués sur ce point ; je n’y reviens pas.
Ensuite, il tend à supprimer le mécanisme des remises. J’ai déjà indiqué qu’une telle mesure était en soi tout à fait acceptable, mais pas dans le cadre que la commission spéciale ou le Gouvernement s’efforcent de construire.
Enfin, il a pour objet de restaurer l’affectation du fonds à l’abondement de l’aide juridictionnelle. Là encore, je me suis expliqué lorsque j’ai donné mon avis sur l’amendement du Gouvernement.
L’amendement n° 724 étant contraire au texte de la commission spéciale comme à la position du Gouvernement, je ne peux qu’émettre un avis défavorable.
Je comprends parfaitement l’intention des auteurs de l’amendement n° 717, mais, compte tenu des précisions qui ont été apportées précédemment par M. le ministre et qui demandent à être confirmées – je pense en particulier au cas des prestations qui entrent en « conflit » avec celles qui sont effectuées par d’autres professionnels –, je suggère le retrait.
Quant aux quatre amendements identiques, qui visent à supprimer l’intervention de l’Autorité de la concurrence dans la détermination des critères d’autorisation des nouveaux tarifs, ils sont en complète contradiction avec tout ce qui a été construit jusqu’à présent ; l’avis de la commission spéciale est par conséquent défavorable. Je rappelle d’ailleurs un argument : il me paraît normal, pour une raison que j’ai expliquée, que le ministère de la justice conserve ses compétences actuelles relativement à certaines professions réglementées et que l’Autorité de la concurrence, et non le ministère de l’économie, émette un avis. Nous pensons être ainsi parvenus à un équilibre.
L’avis est également défavorable sur les quatre amendements identiques.
L’amendement n° 724 contient plusieurs dispositions intéressantes : il reprend pour l’essentiel des éléments de l’amendement gouvernemental n° 1664 et n’en diffère que sur la question des remises, dont nous avons déjà discuté. Aussi, je m’en remets à la sagesse du Sénat.
Concernant l’amendement n° 717, j’en partage l’objet, mais la suppression de la seconde phrase de l’alinéa 5 me semble excéder quelque peu l’objectif visé.
Il y a donc deux possibilités, monsieur Karoutchi : soit vous vous en remettez à mon engagement de prendre les décrets d’application ; soit vous acceptez de rectifier votre amendement en rédigeant ainsi la seconde phrase de l’alinéa 5 : « Pour chaque profession concernée par le présent article, un décret en Conseil d’État détermine les prestations accomplies en concurrence avec celles, non soumises à un tarif, d’autres professionnels, et qui ne sont pas soumises à un tarif réglementé. » Cette rédaction me semble à la fois mieux correspondre à l’objet de votre amendement et à la position du Gouvernement.
J’accepte volontiers de rectifier mon amendement dans le sens suggéré par le Gouvernement.
Je suis donc saisie d’un amendement n° 717 rectifié, présenté par MM. Karoutchi, Milon et Calvet, Mme Canayer, MM. Mayet et Mandelli, Mmes Des Esgaulx et Imbert, MM. Charon et Laménie, Mme Mélot, MM. Cambon et Houel, Mmes Hummel, Primas, Duchêne et Procaccia, MM. Fouché, Leleux, Vogel, Chaize et Laufoaulu et Mmes Bouchart et Micouleau, et ainsi libellé :
Alinéa 5, seconde phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Pour chaque profession concernée par le présent article, un décret en Conseil d'État détermine les prestations accomplies en concurrence avec celles, non soumises à un tarif, d'autres professionnels, et qui ne sont pas soumises à un tarif réglementé.
Quel est l’avis de la commission ?
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement est adopté.
La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote sur les amendements identiques n° 207 rectifié, 275 rectifié quinquies, 606 rectifié bis et 1060.
Avec cet article, nous sommes en présence d’une logique de fond : sortir le plus possible d’activités du secteur public pour les faire entrer dans le secteur marchand.
Quand je vous entends dire « La réforme, la réforme, la réforme ! », j’entends en même temps la petite musique de l’Europe, qui, outre le pacte de stabilité et la règle des 3 %, exige que le plus d’activités possible soient soumises à la concurrence, d’où l’intervention de l’Autorité de la concurrence.
Comme l’a dit notre collègue Médevielle, les prestations fournies par les professions juridiques réglementées sont assimilables à des services publics. C’est pourquoi nous pensons, comme lui et comme d’autres, que ces professions doivent rester sous le contrôle de l’État, en l’occurrence du ministère de la justice, et qu’elles ne doivent pas relever d’une logique marchande.
Au début, on fera semblant de maintenir ces activités dans les territoires ruraux, mais on sait bien ce qu’il adviendra par la suite : si les notaires, les huissiers et toutes les autres professions juridiques réglementées n’ont pas la possibilité de trouver un équilibre entre ce qui est rentable pour eux et ce qui l’est moins – je pense notamment au cas de l’aide juridictionnelle pour les avocats –, progressivement, de larges pans des territoires en province, et pas seulement dans les zones rurales d’ailleurs, se retrouveront dépouillés, c’est-à-dire qu’on verra ces professions se concentrer dans les endroits où il y a matière à faire beaucoup d’argent, comme cela s’est produit pour les laboratoires.
Telle est la logique à l’œuvre dans cet article, et il fallait que cela fût clairement dit.
Je soutiens l’amendement de nos collègues du RDSE, qui a été admirablement défendu.
Si l’avis que l’Autorité de la concurrence est appelée à exprimer publiquement en amont est favorable à la décision du Gouvernement, cela laisse présager la façon dont elle pourrait se prononcer ultérieurement ; si cet avis est défavorable, cela ouvre un conflit. Il est difficile pour une autorité qui a vocation à être saisie pour trancher des conflits de donner son avis ex ante.
J’approuve l’architecture générale de l’article 12 tel que l’a rédigé la commission spéciale, mais cet appel à l’avis public de l’Autorité de la concurrence sera source d’équivoques et ouvrira des conflits permanents. C’est la raison pour laquelle, à titre personnel, même si cela n’a aucune importance puisque le texte sera adopté, je ne suis pas favorable au fait qu’on sollicite l’avis public de l’Autorité de la concurrence.
Je remercie notre collègue Longuet de s’être exprimé avec mesure en nous faisant part de la position qui a toujours été la sienne.
J’ai cru comprendre que vous vous abstiendrez, mon cher collègue, décision tout à fait raisonnable pour le législateur responsable que vous êtes. En effet, le travail que nous avons accompli cet après-midi serait entièrement mis à bas si ces quatre amendements identiques étaient adoptés.
Je ne suis pas tout à fait d’accord avec vous, monsieur le corapporteur.
Sourires.
Le travail de construction du texte ne date pas de cet après-midi ; comme l’a dit M. le ministre, le Gouvernement a donné un coup de bélier à la suite duquel les notaires se sont mobilisés, ce qui a conduit la commission spéciale du Sénat à temporiser par rapport à la position du Gouvernement.
La logique qui s’est dégagée cet après-midi des différentes interventions, c’est celle du service public et de la solidarité territoriale pour aider aux installations là où c’est nécessaire.
Je le répète, la position de la commission spéciale est à mi-chemin : vous dites qu’il est envisageable d’introduire de la concurrence, que des remises peuvent être consenties, mais sans expliquer à quoi elles vont servir.
Pour ma part, je me range à l’avis selon lequel la logique qui doit prévaloir, c’est celle du service public. Dès lors, que vient faire là l’Autorité de la concurrence ? Quelle est son utilité ? C’est le Gouvernement qui fixera les tarifs en veillant à respecter ces impératifs de maintien d’un service public sur l’ensemble du territoire national.
Il est vrai que l’intrusion de l’Autorité de la concurrence dans le dispositif a « irrité » et suscité beaucoup de réactions.
Dans une logique de dialogue avec l’Assemblée nationale et le Gouvernement, la commission spéciale a finalement estimé qu’il ne fallait pas supprimer la référence à l’Autorité de la concurrence. Nous avons conscience que cette disposition peut heurter, mais le travail d’une grande subtilité juridique mené par le corapporteur a permis de gommer très largement cet aspect « irritant » et a eu le mérite de parvenir à un équilibre ; je recommande de le préserver.
Nous sommes entre nous, ce samedi après-midi, et c’est fort agréable.
La première solution s’étant révélée extrêmement désagréable, on essaie là de nous faire avaler une potion un peu moins amère.
Pour ma part, je vais suivre la commission spéciale, qui a accompli un travail remarquable, dans cet exercice de mithridatisation.
Mme la présidente. Ma chère collègue, la séance étant retransmise en direct sur Public Sénat, notre audience est un peu plus large que ce que vous imaginez.
Sourires.
Je mets aux voix les amendements identiques n° 207 rectifié, 275 rectifié quinquies, 606 rectifié bis et 1060.
Les amendements ne sont pas adoptés.
L'amendement n° 1697, présenté par M. Pillet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 24, seconde phrase
Supprimer cette phrase.
II. – Après l’alinéa 24
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Toutefois, les dispositions tarifaires fixées en vertu de cet article demeurent en vigueur jusqu'à leur modification opérée conformément aux I à I quinquies du présent article.
III. – Alinéa 26
Remplacer les références :
L. 462-1, L. 462-4, L. 464-1
par la référence :
L. 462-2-1
La parole est à M. François Pillet, corapporteur.
L'amendement est adopté.
La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote sur l'article.
En commission spéciale, monsieur le corapporteur, vous avez dit souhaiter que la discussion de ce projet de loi soit l’occasion de montrer la plus-value qu’apporte le Sénat. Je n’ai pas le sentiment que les modalités d’examen de l’article 12 illustrent cette volonté.
Vous avez adopté une stratégie consistant à séparer l’examen de l’amendement du Gouvernement de celui des autres amendements, ce qui n’a pas permis d’engager une discussion globale et de comprendre pourquoi certains voulaient introduire de la concurrence dans ces professions réglementées et tarifées, et selon quelles modalités. Or, vous avez pu le constater, nous n’avons pas la même position que la commission spéciale sur le sujet, nous sommes même plus en retrait.
La majorité sénatoriale est convaincue de la nécessité de réformer ces professions, dont l’organisation date maintenant d’un certain temps. Mais, plutôt que de mettre ses pas dans ceux du Gouvernement, qui n’est pas issu de ses rangs, elle a préféré laisser son empreinte, allant même jusqu’à vouloir mettre l’avis de l’Autorité de la concurrence « sous réserve ». Or, dans une société de marché où l’on envisage que les coûts des actes des professions réglementées et leur rémunération soient aussi soumis au contrôle d’une instance, l’Autorité de la concurrence a toute sa place.
Je ne retrouve pas dans la manière dont vous avez abordé ce débat l’état d’esprit dans lequel vous souhaitiez vous inscrire au départ. C’est dommage ! C’est la raison pour laquelle nous ne voterons pas l’article 12.
Je ne comptais pas intervenir, mais je trouve l’intervention de notre collègue un peu excessive.
La technique parlementaire est ce qu’elle est : l’amendement du Gouvernement visant à réécrire l’article 12 – c’est l’équivalent inversé, si je puis dire, d’un amendement de suppression d’article –, examiner préalablement les autres amendements n’aurait eu aucun sens. C’est pourquoi la commission spéciale a choisi d’appeler l’amendement du Gouvernement en premier. Je le répète, elle a usé là d’une technique parlementaire tout à fait classique dans laquelle il ne faut voir aucune volonté d’isoler cet amendement des autres.
Contrairement à M. Bigot, je considère que nous avons eu sur cet article 12, qui a suscité bien des débats dans la presse, dans la société et chez les professionnels concernés, des discussions tout à fait correctes et équilibrées. Les uns et les autres ont pu défendre leurs positions, qui ne manqueront pas d’alimenter les travaux de la commission mixte paritaire ou d’autres textes que pourrait être amené à défendre le Gouvernement. Je veux en remercier le président de la commission spéciale, l’ensemble des corapporteurs et le ministre
Au contraire de notre collègue, je considère que, sur l’article 12, le Sénat a fait un bon travail dont il peut se montrer fier.
Monsieur Bigot, qui n’a pas supprimé, sur mon initiative, l’article 12 ? C’est nous ! Qui a conservé le principe de la péréquation ? C’est nous ! Qui a maintenu les remises ? C’est nous ! Qui a gardé l’Autorité de la concurrence ? C’est nous ! Qui a gardé le principe du coût pertinent ? C’est nous ! Qui a ajouté dans son calcul les sujétions que subissent les professions réglementées ? C’est nous ! Qui a fait un pas pour trouver des solutions et éviter que les professions réglementées descendent dans la rue ? C’est nous ! Qui a permis d’aboutir à un texte permettant à la Chancellerie de retrouver de l’air, alors que les professions, insuffisamment consultées et écoutées, estimaient qu’on était allé trop loin et qu’elles avaient été stigmatisées au départ ? C’est nous ! C’est la commission spéciale du Sénat qui a permis d’avoir ce débat !
Si nous avions eu une deuxième lecture, si la procédure accélérée n’avait pas été engagée, nous serions sans doute parvenus à un accord. Je vous ai cent fois tendu la main. C’est pourquoi je trouve que les reproches que vous formulez à l’encontre de la commission spéciale et, indirectement, à mon endroit sont parfaitement illégitimes.
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l’UDI-UC.
Je mets aux voix l'article 12, modifié.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant de la commission spéciale.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 142 :
Le Sénat a adopté.
I. – La loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques est ainsi modifiée :
1° Les III à VI de l’article 1er sont abrogés ;
2° L’article 5 est ainsi rédigé :
« Art. 5. – Les avocats exercent leur ministère et peuvent plaider sans limitation territoriale devant toutes les juridictions et organismes juridictionnels ou disciplinaires, sous les réserves prévues à l’article 4.
« Ils peuvent postuler devant l’ensemble des tribunaux de grande instance du ressort de cour d’appel dans lequel ils ont établi leur résidence professionnelle et devant ladite cour d’appel.
« Par dérogation au deuxième alinéa, les avocats ne peuvent postuler devant un autre tribunal que celui auprès duquel est établi leur résidence professionnelle ni dans le cadre des procédures de saisie immobilière, de partage et de licitation, ni au titre de l’aide judiciaire, ni dans des instances dans lesquelles ils ne seraient pas maîtres de l’affaire chargés également d’assurer la plaidoirie. » ;
2° bis (nouveau) Après l’article 5, il est inséré un article 5-1 ainsi rédigé :
« Art. 5-1 (nouveau). – Par dérogation au deuxième alinéa de l’article 5, les avocats inscrits au barreau de l’un des tribunaux de grande instance de Paris, Bobigny, Créteil et Nanterre peuvent postuler auprès de chacune de ces juridictions. Ils peuvent postuler auprès de la cour d’appel de Paris quand ils ont postulé devant l’un des tribunaux de grande instance de Paris, Bobigny et Créteil, et auprès de la cour d’appel de Versailles quand ils ont postulé devant le tribunal de grande instance de Nanterre.
« La dérogation du dernier alinéa de l’article 5 leur est applicable. » ;
3° Le second alinéa de l’article 8 est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« L’association ou la société peut postuler auprès de l’ensemble des tribunaux de grande instance du ressort de cour d’appel dans lequel un de ses membres est établi et devant ladite cour d’appel par le ministère d’un avocat inscrit au barreau établi près l’un de ces tribunaux.
« Par dérogation au deuxième alinéa, l’association ou la société ne peut postuler devant un autre tribunal que celui auprès duquel est établi un de ses membres ni dans le cadre des procédures de saisie immobilière, de partage et de licitation, ni au titre de l’aide judiciaire, ni dans des instances dans lesquelles ce dernier ne serait pas maître de l’affaire chargé également d’assurer la plaidoirie. » ;
4° L’article 8-1 est ainsi modifié :
a) À la deuxième phrase du deuxième alinéa, les mots : « les trois » sont remplacés par les mots : « le délai d’un » ;
b) (Supprimé)
5° Les quatre premiers alinéas de l’article 10 sont remplacés par cinq alinéas ainsi rédigés :
« Les honoraires de postulation, de consultation, d’assistance, de conseil, de rédaction d’actes juridiques sous seing privé et de plaidoirie sont fixés en accord avec le client.
« En matière de saisie immobilière, de partage, de licitation et de sûretés judiciaires, les droits et émoluments de l’avocat sont fixés sur la base d’un tarif déterminé selon des modalités prévues par décret.
« Sauf en cas d’urgence ou de force majeure ou lorsqu’il intervient au titre de l’aide juridictionnelle totale ou de la troisième partie de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, l’avocat conclut par écrit avec son client une convention d’honoraires, qui précise, notamment, le montant ou le mode de détermination des honoraires couvrant les diligences prévisibles, ainsi que les divers frais et débours envisagés.
« Les honoraires tiennent compte, selon les usages, de la situation de fortune du client, de la difficulté de l’affaire, des frais exposés par l’avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci.
« Toute fixation d’honoraires qui ne le serait qu’en fonction du résultat judiciaire est interdite. Est licite la convention qui, outre la rémunération des prestations effectuées, prévoit la fixation d’un honoraire complémentaire en fonction du résultat obtenu ou du service rendu. » ;
6° Le 4° de l’article 53 est abrogé.
II. –
Supprimé
III. – Les articles 1er, 5, 8, 8-1, 10 et 53 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, dans leur rédaction résultant du présent article, sont applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna.
III bis. – Le présent article est applicable sur le territoire de Saint-Pierre-et-Miquelon aux membres du corps des agréés aux îles Saint-Pierre et Miquelon.
En matière administrative, les agréés en exercice à Saint-Pierre-et-Miquelon peuvent postuler devant la cour administrative d’appel territorialement compétente pour connaître des appels interjetés à l’encontre des jugements du tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon.
IV. – Les articles 1er, 5, 8 et 53 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 précitée, résultant des 1° à 3° et du 6° du présent I, sont applicables à titre expérimental dans le ressort de deux cours d’appel pendant trois ans à compter du premier jour du douzième mois suivant celui de la promulgation de la présente loi. Les cours d’appel concernées sont déterminées par un arrêté du garde des sceaux.
Six mois au moins avant le terme de l’expérimentation, le Gouvernement adresse au Parlement un rapport procédant à son évaluation.
Cet article aborde trois questions importantes.
La première concerne la postulation dans le ressort des cours d’appel que le Gouvernement voudrait rendre définitive et généraliser et que la commission spéciale souhaiterait voir passer, dans un premier temps, par une phase d’expérimentation. Cette question est déterminante pour l’avenir de la profession, …
… car elle pourrait annoncer la mort des petits barreaux dans des départements déjà affectés par la disparition de nombreux services publics. L’accès au droit pour les justiciables serait ainsi remis en cause, comme il l’a été avec la fermeture de nombreux tribunaux. Ce serait un pas de plus vers un traitement inéquitable sur nos territoires, contraire aux principes de notre République.
Le Gouvernement a su mettre en avant les principes républicains en ce début d’année. Il conviendrait aujourd’hui de les voir se réaliser par des actes pour tous les citoyens, quel que soit leur lieu de résidence.
Passer par une phase d’expérimentation pourrait effectivement permettre une étude d’impact dans le réel, mais nous savons tous que c’est aussi la porte ouverte à la généralisation à plus ou moins brève échéance.
Comme l’indique le rapport, « le risque d’une dévitalisation de certains territoires doit être pris en considération ». Des avocats situés sur le territoire du tribunal peuvent se voir dépossédés de nombreux dossiers – 70 % à 80 % selon le bâtonnier de Libourne. Cela peut conduire aussi à une réelle précarisation de la profession, comme le précise une note de l’observatoire du Conseil national des barreaux, qui « fait apparaître que, dans le classement des dix barreaux dans lesquels les revenus moyens des avocats sont les plus faibles, on retrouve cinq des barreaux situés dans une zone de multipostulation : trois barreaux de la cour d’appel de Paris – Seine-Saint-Denis, Val-de-Marne et Essonne – ainsi que les barreaux de Libourne et d’Alès ».
L’expérimentation ayant été effectuée dans ces villes, on peut s’appuyer sur les effets produits. Pourquoi alors vouloir en ajouter une autre ? De notre point de vue, c’est inutile ! Nous y sommes opposés dans la mesure où nous en connaissons déjà les résultats. Programmer ainsi la mort des petits barreaux, la précarisation de la profession, y compris en passant par cette phase, n’est à nos yeux pas acceptable.
La deuxième question a trait à un assouplissement du régime de création des bureaux secondaires, dès lors que ce sont des bureaux réels avec une véritable activité.
La commission spéciale a maintenu la demande d’autorisation qui devait, dans le texte présenté au Sénat, se transformer en simple information du barreau.
La troisième question porte sur la décision de soumettre, dans le texte initial, à la DGCCRF les conventions d’honoraires des avocats. Le bâtonnier serait en quelque sorte dessaisi de cette question, puisqu’il ne serait pas associé aux perquisitions éventuelles, et le secret professionnel risque donc de ne pas être garanti.
Cet article, tel qu’il ressort des travaux de la commission spéciale, représente un progrès indéniable par rapport au texte d’origine, à la seule exception de l’expérimentation pour la postulation dans le ressort des cours d’appel.
Je suis saisie de quatre amendements identiques.
L'amendement n° 14 est présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 288 rectifié bis est présenté par M. Détraigne, Mme Férat, MM. Savary, Guerriau, Kern, Longeot et Canevet, Mme Loisier, MM. Bockel, Roche, Marseille et Jarlier, Mme Joissains, M. Namy et Mme Billon.
L'amendement n° 338 est présenté par M. Joyandet.
L'amendement n° 769 est présenté par MM. Ravier et Rachline.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Pierre Bosino, pour présenter l’amendement n° 14.
L’article 13, dans sa version initiale, étendait le périmètre de postulation des avocats du tribunal de grande instance à la cour d’appel. Bien que très largement atténué en commission spéciale, cet article n’en conserve pas moins son esprit d’origine, qui aboutit à un bouleversement complet de la carte judiciaire. J’en profite pour préciser que cet élargissement n’a pas fait l’objet d’une étude d’impact, ce qui mériterait au moins un renvoi à la commission.
La commission spéciale a certes restreint le dispositif pour ne plus en faire qu’une expérimentation dans le ressort de deux cours d’appel pendant une durée de trois années. Cependant, la seule attitude positive à nos yeux aurait été de supprimer ces dispositions en l’absence d’évaluation.
Cette expérimentation peut sembler constituer un petit progrès, mais, en réalité, elle entérine le principe même de cette extension, tout en ne l’assumant pas, et remet en cause le monopole de la postulation des avocats dans le ressort de chaque tribunal de grande instance. Cela est d’autant plus vrai qu’une expérimentation de l’extension du périmètre de postulation des avocats a déjà été réalisée à Bordeaux, Libourne, Nîmes et Alès et qu’elle n’a pas produit d’effets positifs, bien au contraire.
Cet élargissement aura des conséquences sur l’équilibre économique et numérique des barreaux, notamment dans les régions rurales, mais pas seulement, et sur le maillage territorial de la justice. En portant le périmètre de postulation des avocats du tribunal de grande instance à la cour d’appel, on constatera l’apparition de déserts juridiques – après les déserts médicaux –, ce qui remettra en cause l’accès de tous les citoyens à la justice.
La diminution du nombre d’avocats dans les barreaux où les effectifs sont moindres constitue une source de difficultés juridiques : l’éloignement de l’avocat des justiciables, sans compter la répercussion en termes de coût que cet éloignement ne manquera pas d’avoir pour ces derniers. Ce phénomène d’élargissement aboutira en effet à une concentration des cabinets d’avocats autour de la cour d’appel, au regroupement de ces professionnels dans les mêmes zones, voire dans les mêmes cabinets, en fait, comme pour les notaires, là où ils pourront gagner de l’argent.
Une étude menée par le Conseil national des barreaux démontre que cette mesure affecterait en priorité les cabinets de petite taille situés dans les barreaux aux effectifs plus réduits, loin des grandes villes. Cela signifie donc tout simplement la fin d’une justice de proximité, par une concentration excessive de la présence des avocats dans de grandes villes, au détriment des zones moins peuplées, déjà désertées par les services publics.
Les amendements n° 288 rectifié bis, 338 et 769 ne sont pas soutenus.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 14 ?
Encore un sujet difficile ! Abordons-le avec la responsabilité et la sagesse qui nous caractérisent…
La suppression ou la modification de la postulation emporterait des conséquences très importantes pour le maillage territorial. Je m’explique : la postulation oblige un justiciable à passer par un avocat situé dans le ressort du tribunal de grande instance auprès duquel le dossier est attrait, ce qui procure à cet avocat une clientèle, locale ou provenant d’autres barreaux, et donc un chiffre d’affaires.
Si vous supprimez totalement la postulation, ce qui, je le crois, est l’objectif de certains à terme, que se passera-t-il ? Les cabinets d’avocats se regrouperont au siège de la cour d’appel et ouvriront éventuellement un bureau secondaire, forain, dans les villes du ressort de cette cour d’appel.
Si les barreaux n’ont plus assez, voire plus du tout d’avocats par suite de la baisse de leur chiffre d’affaires global, à qui demanderez-vous d’assurer les gardes à vue le samedi, le dimanche ou la nuit, de se rendre devant le juge d’instruction ou dans une gendarmerie située à l’autre extrémité du département ?
Certes, je le répète, la postulation procure aux avocats un chiffre d’affaires, mais, en contrepartie, ils assurent un service public à travers les gardes à vue et l’aide juridictionnelle.
Aussi une réforme de la postulation exige-t-elle la plus grande prudence.
On peut parfaitement comprendre les motifs sur lesquels se fondent les auteurs de cet amendement de suppression. Néanmoins, vous l’aurez compris mes chers collègues, je suis avant tout pragmatique : comment se poursuivra la navette parlementaire si nous supprimons purement et simplement cet article ? Le texte du Gouvernement sera rétabli par l’Assemblée nationale, et le Sénat n’aura pas pu apporter une plus-value pourtant fondée sur une analyse intelligente de l’économie locale. Voilà pourquoi j’ai proposé d’instaurer un autre système. Ce dernier, je le concède, n’est pas parfait, mais il présente un avantage : si, comme je le pense, le dispositif du Gouvernement est dangereux, une expérimentation permettra de le démontrer. À l’inverse, si l’on observe que cette réforme n’a pas d’effets négatifs, elle pourra être mise en œuvre.
Tout cela, me direz-vous, ce sont des mots… Mais nous sommes d’ores et déjà en mesure d’analyser les effets d’une suppression ou d’un éclatement de la postulation. En effet, nous pouvons nous référer aux expérimentations menées par les barreaux de Bordeaux et Libourne et les barreaux de Nîmes et Alès.
Comme toujours, lorsqu’une mesure n’a pas fait l’objet d’une étude d’impact assez précise, on peut dire tout et n’importe quoi à son sujet. Néanmoins, je dispose en la matière de bonnes références, au nombre desquelles l’étude menée par la Chancellerie dans laquelle le bâtonnier de Libourne indique que, depuis la mise en place de la multipostulation, les avocats ont perdu 70 % à 80 % des dossiers de postulation… Ce n’est pas fabuleux pour le barreau considéré !
Par ailleurs, une note de l’observatoire du Conseil national des barreaux en date du 7 octobre 2014 – j’attends qu’elle soit contredite, ce qui, jusqu’à présent, n’a pas été pas le cas – dresse le constat suivant : parmi les dix barreaux où les revenus moyens des avocats sont les plus faibles figurent cinq des barreaux situés dans une zone de multipostulation. Il s’agit de trois barreaux de la cour d’appel de Paris, ceux de la Seine-Saint-Denis, du Val-de-Marne et de l’Essonne, et des barreaux de Libourne et d’Alès.
Ainsi, les seuls documents dont nous disposons nous conduisent à penser que le terrain est défavorable au projet du Gouvernement. Voilà pourquoi je propose d’attendre ! De toute façon, ce n’est pas cette mesure qui va nous permettre de rembourser la dette nationale d’ici à quinze jours.
Sourires sur les travées de l'UMP.
Évaluons avec précision l’impact de la mesure gouvernementale par la voie d’une expérimentation, dont, au demeurant, les précisions que je viens d’apporter ne rendent pas compte de façon exhaustive. En effet, l’impossibilité de postulation ne s’étend pas à tout le ressort de la cour d’appel de Bordeaux, dont dépend Libourne. Pour ma part, je demande une expérimentation beaucoup plus large afin d’obtenir des résultats beaucoup plus précis.
Cette solution n’est pas idéale, je le sais, mais, si nos collègues députés émettent le souhait de ne pas aller trop loin, c’est la seule qu’ils peuvent éventuellement accepter.
M. François Pillet, corapporteur. Voilà pourquoi, même si je comprends les positions radicales qui se font jour sur ce sujet, je vous propose cette solution. Je suis conscient qu’elle ne plaît à personne. Malgré cela, elle pourra peut-être satisfaire tout le monde si chacun se lance à la recherche d’un consensus.
Applaudissements sur les travées de l’UMP.
Plusieurs membres du groupe UDI-UC ont, à l’instar des sénateurs du groupe CRC, déposé un amendement tendant à supprimer cet article. On le voit, le sujet divise les groupes politiques. Pour ma part, pour les raisons que M. le corapporteur vient d’exposer, l’expérimentation proposée par la commission spéciale me semble pertinente.
À travers l’article 13, deux questions sont posées : celle de la postulation – faut-il ou non la conserver ? – et celle de sa territorialisation.
Sauf erreur de ma part, le maintien de la postulation ne fait pas débat. D’ailleurs, l’enjeu financier est, à mon sens, nul pour le Gouvernement. Ce dernier a déjà obtenu la suppression des états de frais, exception faite des procédures de saisie immobilière ou de licitation. J’ajoute que, si l’on cherchait à porter atteinte à la postulation, on se heurterait aussitôt à un problème, celui de la responsabilité des professionnels : la responsabilité d’un professionnel vis-à-vis de ses clients, vis-à-vis des usagers, joue notamment, dans le cadre de la postulation, vis-à-vis de la juridiction. Dès lors, le constat est clair : la postulation est bel et bien indispensable.
Reste la question de la territorialisation.
M. Bosino, au nom du groupe CRC, et M. le corapporteur viennent de nous détailler les arguments en faveur du maintien de la postulation au niveau de chaque tribunal de grande instance. Je souscris globalement à ces motifs. En matière judiciaire, gardons-nous de créer une France à deux vitesses !
Si vous me permettez un raccourci sans doute un peu hasardeux, je dirai que, en concentrant la postulation au niveau des cours d’appel, on appliquerait en quelque sorte une loi MAPTAM au monde de la justice. En d’autres termes, on mènerait, dans ce domaine, une politique de métropolisation. Pour ma part, je suis favorable au maintien d’un maillage territorial. Cependant, je constate que, face à cette question, les avocats eux-mêmes sont partagés. Les membres de la profession sont très majoritairement favorables à une postulation au niveau de chaque tribunal de grande instance, mais quelques avis divergents se sont également exprimés.
Au total, deux motifs justifient, à mon sens, le choix de s’en tenir au texte de la commission.
D’une part – M. Pillet l’a clairement expliqué –, le système présenté par M. le corapporteur constitue une solution équilibrée. Nous pourrions souhaiter une suppression pure et simple de l’article 13, mais, en la matière, il convient d’éviter un affrontement avec l’Assemblée nationale. Cet argument est pertinent. Nous connaissons tous le point de vue de Gérard Larcher, qui privilégie un travail de coconstruction législative entre l’Assemblée nationale et le Sénat. Cette méthode est, du reste, le propre du bicamérisme.
D’autre part, si, en définitive, malgré sa pertinence, la proposition de notre commission spéciale n’emportait pas l’adhésion du Gouvernement, j’invoquerai un second argument : en imposant une postulation au niveau des cours d’appel, on créerait des coûts supplémentaires pour la justice française.
Je m’explique : quel que soit le degré de perfectionnement des systèmes informatiques encadrant les procédures de mise en état – il s’agit du réseau privé virtuel des avocats, que l’on nomme, dans le jargon, le RPVA –, toutes les procédures conserveront nécessairement leurs spécificités. À un moment ou un autre, le praticien et le magistrat devront s’entretenir de vive voix, nonobstant la qualité des tuyauteries informatiques aujourd’hui en place.
Ce dialogue entre les conseils et les magistrats exige bel et bien la territorialisation. Si l’on porte atteinte à cette dernière, la gestion des dysfonctionnements exigera de nouveaux dispositifs.
Monsieur le ministre, en d’autres termes, plus on voudra concentrer la postulation au niveau des cours d’appel, plus on aura besoin de magistrats et de greffiers pour traiter les problèmes qui ne manqueront pas de se produire.
Ainsi, que l’on raisonne, comme M. le corapporteur, dans la perspective d’une coconstruction entre l’Assemblée nationale et le Sénat ou que l’on se fonde sur des impératifs de technique économique, le système élaboré par la commission spéciale apparaît comme une solution de sagesse.
Certes, au sein du groupe UDI-UC, des positions divergentes ont pu s’exprimer quant à la suppression de cet article, mais, pour ma part, j’estime que la direction indiquée par M. Pillet est la bonne. Voilà pourquoi je voterai contre l’amendement n° 14.
Ne nous trompons pas de débat et distinguons clairement les enjeux. De quoi parlons-nous ?
Historiquement, la postulation relevait de la profession d’avoué. Elle s’exerçait devant les tribunaux de grande instance, uniquement dans un certain nombre de matières, dont l’ampleur s’amenuise de plus en plus, et pour lesquelles on considérait qu’un auxiliaire de justice, l’avoué, devait déposer les écrits. Quant à l’avocat, il pouvait, ensuite, venir plaider.
Lorsqu’un justiciable doit être représenté, il ne peut être représenté que par un avocat. En contrepartie, ce dernier peut relever de n’importe quel barreau de France et peut se présenter devant toutes les juridictions, qu’il s’agisse des conseils de prud’hommes, des chambres sociales des cours d’appel, des tribunaux correctionnels, etc. Nous débattons donc d’un nombre de cas extrêmement limités.
J’entends ici ou là que la postulation est un moyen de défendre les territoires. Au reste, la Chancellerie n’est sans doute pas tout à fait hostile à cette procédure, car celle-ci permet de faire face à un réel problème : comment, demain, pourrons-nous disposer d’avocats assurant l’aide juridictionnelle si ces professionnels ne disposent pas d’un petit monopole, celui de la postulation, qui, cela étant, va sans doute fondre comme neige au soleil ?
La rédaction adoptée par l’Assemblée nationale maintient un certain nombre de procédures – saisies immobilières, etc. –, qui resteront réservées aux avocats et qui seront assorties d’émoluments. Mais, dans les autres domaines, la profession à laquelle j’ai appartenu jusqu’au 1er avril 2014, …
… devra se bouger.
Je suis entré au barreau de Strasbourg en 1975. À cette époque, on y comptait 140 avocats. À l’heure actuelle, ils sont plus de 1 000 ! En réalité, les avocats devraient aujourd’hui conseiller à leurs jeunes confrères de s’inscrire à un petit barreau, non parce qu’il est petit mais parce que les habitants de son ressort ont besoin d’avocats, y compris pour plaider ailleurs. Voilà ce que doit faire la profession : se battre, comme on le ferait dans un secteur concurrentiel, en s’efforçant d’être présente sur le terrain.
Pourquoi certains barreaux de la grande couronne parisienne manquent-ils d’avocats ? Parce que la clientèle de ces territoires relève essentiellement de l’aide juridictionnelle et parce que les honoraires perçus à ce titre ne permettent pas à un avocat de vivre convenablement.
Ce problème, lui non plus, n’a pas encore été réglé par les gouvernements successifs, quels qu’ils soient.
Au sujet de la présence territoriale, la véritable question est la suivante : comment la profession va-t-elle s’organiser pour inciter les jeunes diplômés à s’installer dans les barreaux qui manquent d’avocats ? Je note que les médecins font face au même problème. Aujourd’hui, les jeunes praticiens veulent rester dans leur secteur universitaire, exercer dans les grandes villes. Il faut les aider à voir la réalité en face : mieux vaut être riche dans une petite province, quitte à prendre un TGV pour se rendre de temps à autre à Paris ou dans une grande ville, que rester pauvre dans une vaste agglomération. C’est ce qu’il faut expliquer aux élèves des écoles d’avocats, et ce dès leur admission !
À terme, les dispositions du présent texte poseront certes des problèmes en termes d’organisation territoriale. Peut-être devons-nous, au titre du code de l’accès au droit dont la commission spéciale souhaite la rédaction, nous poser la question suivante : comment faire pour qu’un justiciable français bénéficie effectivement d’une défense, quels que soient ses moyens, même si, pauvre ouvrier, il doit se défendre devant les prud’hommes ou devant un tribunal de grande instance, parce qu’il est à l’initiative ou fait l’objet d’une demande de divorce ?
Pour ces raisons, la suppression de l’article 13 me semble inutile. À force de repousser les décisions, on empêche l’évolution des choses. On a su, en un temps, avec la réforme de la carte judiciaire, supprimer divers tribunaux de grande instance. A-t-on alors réfléchi au fait que le justiciable de Dole devrait aller à Lons-le-Saunier, malgré les carences des réseaux de transports en commun ? En tout cas, on ne s’est pas préoccupé du sort des avocats. Les avocats sont restés à Dole mais les tribunaux, eux, sont partis.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
En ce samedi après-midi, j’aurais bien besoin de l’assistance des avocats de mon groupe pour m’éclairer… En tout cas, je constate qu’il y en a ici qui connaissent très bien le sujet.
J’aimerais savoir quelle est la position de l’Assemblée nationale. Souhaite-t-elle étendre la postulation ou pas ? J’ai cru comprendre que la commission spéciale du Sénat voulait conserver la postulation et l’étendre aux cours d’appel. En fait, je n’ai pas bien compris s’il s’agissait d’une extension ou d’un glissement.
Monsieur le corapporteur, dans votre volonté de tendre la main, de ne pas vous opposer frontalement à l’Assemblée nationale, vous vous êtes dit qu’il fallait adopter une position médiane. Toutefois, je peine à comprendre : si nos collègues députés souhaitent étendre la postulation et que vous êtes plutôt favorable à cette procédure, que vous la défendez au nom de l’intérêt des territoires...
M. François Pillet, corapporteur, manifeste son désaccord.
Apparemment, votre position est plus nuancée ; je n’ai donc pas compris, ce n’est pas grave !
Sourires.
Vous affirmez avoir panaché la position du Sénat et celle de l’Assemblée nationale afin de trouver un équilibre. Or, pour parvenir à un équilibre, il faut être deux ! Je pose donc la question au groupe socialiste et au ministre : acceptez-vous cet équilibre ou le remettrez-vous en cause en commission mixte paritaire ? Si la solution qui va nous être soumise ne devait pas être soutenue par le ministre ni conservée par l’Assemblée nationale, peut-être devrions-nous plutôt assumer nos positions sans nous préoccuper de cet équilibre.
La question de la suppression de la postulation se pose depuis longtemps et revient comme mars en carême.
Lorsque nous avions examiné la réforme de la carte judiciaire portée par Mme Dati, nous avions été quelques-uns à mettre en garde le gouvernement de l’époque contre les graves difficultés à venir, surtout en l’absence d’étude d’impact. Puis les avoués près la cour d'appel ont été supprimés, ce qui a également emporté des conséquences négatives.
Aujourd’hui – j’ai écouté notre corapporteur et notre collègue Philippe Bonnecarrère avec beaucoup d’attention –, nous risquons de provoquer une raréfaction des personnels en mesure de porter les actions en justice, en particulier en matière pénale. N’oublions pas que la présence d’un avocat est requise lors de la garde à vue, à certains moments de la procédure, comme l’exige la Cour européenne des droits de l’homme, et que les procédures accélérées se multiplient. Nous avons donc besoin de permanence du droit. Je le dis d’autant plus que mon département a la chance – ce n’est pas le seul – d’avoir conservé deux tribunaux de grande instance, en particulier parce qu’il accueille à Argentan une importante prison.
Les effets matériels des propositions qui nous sont faites sur les relations avec la justice me paraissent très inquiétants. À mon sens, nous subissons une nouvelle fois le contrecoup de la suppression des avoués. Certes, certains n’étaient que des boîtes aux lettres, mais beaucoup donnaient un sérieux coup de main en matière de procédure. Cet échelon-là a disparu.
Au moment de la suppression des avoués, certains d’entre nous avaient proposé d’aller jusqu’au bout, de supprimer la postulation et de revoir entièrement le système. Une fois de plus, nous restons au milieu du gué.
Pour le groupe du RDSE, la postulation n’est pas un droit octroyé aux avocats, mais une garantie pour les justiciables. La question du maillage territorial nous semble en outre essentielle.
Je vais ajouter un peu de piment au débat – après tout, c’est une spécialité de ma région. Pourquoi ne pas instaurer une postulation départementale, en lieu et place de la postulation dans le ressort de chaque tribunal de grande instance et de la cour d’appel ? Ainsi, le problème du maillage territorial serait réglé.
L'amendement n'est pas adopté.
Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 179 n'est pas soutenu.
L'amendement n° 281 rectifié, présenté par MM. Mézard, Bertrand, Arnell, Barbier, Castelli, Collin, Collombat et Fortassin, Mmes Laborde et Malherbe et M. Requier, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 5
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Ils peuvent postuler devant l’ensemble des tribunaux de grande instance du département dans lequel ils ont établi leur résidence professionnelle.
II. - Alinéas 6 à 12
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Guillaume Arnell.
L'amendement n° 281 rectifié est retiré.
Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 725, présenté par MM. Guillaume, Bigot, Sueur et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 15
Rétablir le b) dans la rédaction suivante :
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« L’avocat satisfait à ses obligations en matière d’aide judiciaire et de commission d’office au sein du barreau dans le ressort duquel est établie sa résidence professionnelle et au sein du barreau dans le ressort duquel il dispose d’un bureau secondaire. » ;
II. – Alinéa 23
Rétablir le II dans la rédaction suivante :
II. – Le III de l’article L. 141-1 du code de la consommation est complété par un 16° ainsi rédigé :
« 16° Du troisième alinéa de l’article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, dans le respect du secret professionnel mentionné à l’article 66-5 de la même loi. »
III. – Alinéas 27 et 28
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
IV. – Les 1° à 3° et le 6° du I du présent article entrent en vigueur le premier jour du douzième mois suivant celui de la promulgation de la présente loi.
La parole est à M. Jacques Bigot.
C’est vrai, comme l’a souligné notre collègue Nathalie Goulet, que certains territoires pourront être confrontés à une pénurie d’avocats, notamment lorsqu’il s’agira de répondre aux exigences de la Cour européenne des droits de l’homme, à savoir la présence de l’avocat lors de la garde à vue ou pour certaines procédures, mais cette situation est le fruit d’une responsabilité collective. Les jeunes sont souvent intéressés par le droit pénal, mais ils considèrent que, en dehors des grandes affaires, sa pratique n’est pas assez lucrative. Le fonds d’accès au droit doit permettre de mieux rémunérer cette activité. Si l’on assurait la solvabilité de leurs clients sur un territoire donné, ils s’y installeraient, pour peu qu’ils ne refusent pas de vivre dans le monde rural, mais c’est un autre sujet...
On ne peut pas perpétuellement retarder les choses. L’Assemblée nationale a adopté une solution de compromis : ne pas supprimer la postulation dans toute la France et la réserver aux ressorts des cours d’appel. Pardonnez-moi de revenir à ma région, mais c’est celle que je connais le mieux ; il n’est pas difficile aujourd’hui d’aller de Strasbourg à Colmar ou à Mulhouse ou de Mulhouse à Strasbourg ou à Saverne. Jadis, on devait aller à cheval au tribunal de grande instance ; aujourd’hui, il suffit de prendre sa voiture ou le TER pour y être rapidement. N’oublions pas non plus que l’informatique, notamment grâce au RPVA, permet d’avoir un contact avec les juridictions.
Tôt ou tard, le monopole de la postulation disparaîtra. Retarder cette évolution, qui adviendra quoi qu’il arrive, n’a pas d’intérêt. C’est la raison pour laquelle mon groupe a repris le texte de l’Assemblée nationale, lequel n’est déjà qu’une politique des petits pas. En revanche, ce qui restera, en tout cas je le souhaite, c’est la présence d’avocats, de professionnels du droit qui ont prêté serment, qui ont une déontologie, pour représenter les justiciables, qu’il s’agisse de grandes entreprises, de petites, de moyennes ou de particuliers, que l’on oublie trop souvent dans cette discussion sur la réforme des professions réglementées.
Contrairement à l’amendement du Gouvernement, qui tendait à rédiger intégralement l’article, le présent amendement ne s’attache qu’aux aspects du texte que la commission spéciale a modifiés. Toutefois, il produit exactement les mêmes effets.
Tout d’abord, il vise à supprimer l’expérimentation de la postulation. J’espère que le vote qui a déjà eu lieu sur cette question va se reproduire.
Ensuite, il tend à rétablir la disposition imposant à un avocat ouvrant un bureau secondaire de satisfaire à ses obligations en matière d’aide judiciaire au sein du barreau dans le ressort duquel est situé ce bureau secondaire. L’adoption de cette mesure conduirait à une curieuse situation : l’alinéa 6 du présent article interdit aux avocats de postuler, au titre de l’aide judiciaire, dans un ressort différent de celui où ils ont leur résidence professionnelle. Ces deux obligations entrent donc en contradiction. D’un côté vous obligeriez un avocat à accepter d’être commis d’office dans un tribunal quand, de l’autre, vous lui interdiriez d’y postuler.
Plutôt que de chercher absolument à rétablir la rédaction de l’Assemblée nationale, il conviendrait de régler cette contradiction. En outre, une telle évolution confronterait les barreaux à des difficultés de fonctionnement. Un avocat se trouverait soumis à l’autorité d’un bâtonnier au barreau principal et sous celle d’un autre dans le bureau secondaire, qui effectuerait les commissions d’office.
Enfin, l’amendement a pour objet de rétablir la compétence de la DGCCRF pour contrôler les conventions d’honoraires. C’est un point sur lequel j'ai appelé l’attention du Gouvernement dès les auditions. S’il ne s’agit que de constater la remise, ou non, d’un document fixant le mode de rémunération de l’avocat – la convention d’honoraires –, nous n’y voyons aucun inconvénient. En revanche, s’il s’agit de s’assurer que ce document est suffisamment complet ou qu’il correspond bien à ce que l’avocat doit prévoir pour son client au regard de l’affaire, alors il faudra accéder au fond du dossier, au risque de violer le secret professionnel. Seul le bâtonnier est habilité à une telle intrusion.
J’ajoute que la DGCCRF pourrait déployer lors de ce contrôle l’ensemble de ses prérogatives, y compris ses pouvoirs de perquisition ou de saisie. Or le texte de l’amendement ne contient pas de dispositions relatives à l’intervention du bâtonnier, pourtant prévue pour une perquisition en matière pénale.
Concernant les deux premiers points de l’amendement, l’avis de la commission ne peut être que défavorable. Sur le troisième, si ce que la DGCCRF m’a précisé au cours de son audition se confirme, c’est-à-dire que son contrôle ne sera que formel et ne visera qu’à garantir l’existence d’une convention sans, à aucun moment, empiéter sur le secret professionnel de l’avocat, nous n’y sommes pas opposés.
Je le dis d’emblée, l’avis du Gouvernement est favorable, mais je veux profiter de ce moment pour évoquer le fond de la réforme, ce que je n’ai pas encore fait, ce qui me permettra d’apporter les éclaircissements demandés par M. Desessard.
C’est un fait, nous ne parviendrons pas à un accord avec la commission spéciale. Je crois vraiment qu’elle est trop frileuse sur le sujet.
Ne jouons pas à nous faire peur ! De quoi parlons-nous ? Il n’est question ici que du droit civil. En matière pénale ou prud’homale, il n’y a pas de postulation territoriale. C’est la conséquence logique de la suppression des avoués votée en 2011.
Comment expliquer que, dans une affaire pénale, l’avocat peut aller plaider à l’autre bout de la France, et donc a fortiori dans la cour d’appel voisine, alors qu’en matière familiale, pour divorcer à Annecy si vous vous trouvez à Chambéry, vous devez passer par la postulation ? Cette situation entraîne un coût pour nos concitoyens et conduit à rendre une moins bonne justice. Au regard de l’organisation générale de notre système juridique, elle constitue véritablement un archaïsme inexplicable.
L’évolution que nous proposons risque-t-elle d’emporter une profonde déstabilisation ? Le chiffre d’affaires de la profession d’avocat s’élève à 11 milliards d’euros environ. La postulation représente 50 millions d’euros. Sauf à ce que cette somme soit concentrée dans quelques barreaux que la réforme anéantirait, elle n’est pas significative d’un point de vue macroéconomique. Il ne s’agit que d’un ajustement, qui ne touche en rien à l’essentiel de la matière de la profession.
J’ai bien entendu les chiffres qu’a cités M. le corapporteur à propos des barreaux d’Alès et de Nîmes, mais sont-ils vraiment la conséquence de l’expérimentation qui a été menée ? Je n’en suis pas certain, et nous n’en avons d’ailleurs pas la preuve. Quelle était la situation avant la réforme ? D’ailleurs, la profession d’avocat n’a jamais pu fournir les chiffres arguant du fait qu’il serait catastrophique de mettre fin à la postulation territoriale.
Cela a été rappelé, nous avons déjà fait un compromis : la postulation n’a pas été supprimée, elle a été élargie au ressort des cours d’appel. Certaines affaires, qui ont été définies, restent du ressort du tribunal de grande instance, même pour ce qui concerne les affaires civiles, et continueront à être plaidées avec la postulation ; on a déjà procédé à des aménagements. On ne saute donc pas dans le grand bain.
Procéder à une expérimentation, alors même que cette réforme est relativement logique, très marginale et qu’elle a déjà fait l’objet d’un compromis, ce n’est pas, selon moi, à la hauteur de l’enjeu qui est le nôtre.
Cela a également été dit, il existe un système d’informatisation des actes. Il est déployé à 80 %, précisément en matière civile. L’automaticité de la postulation sera supprimée, mais, si besoin est, cela n’empêche pas de rencontrer le magistrat, ce qui est possible, concernant la cour d’appel, dans de nombreux territoires, ou de choisir un correspondant ; cette liberté demeure.
Très honnêtement, la réforme est encadrée, aménagée, marginale et va dans le sens de l’histoire. Eu égard à l’ampleur du sujet et à la réforme que nous sommes en train de mettre en place, avançons !
Monsieur le corapporteur, prévoir, dans un an, une expérimentation sur trois ans, cela signifie qu’on ne bougera pas avant 2019.
On bouge pour améliorer le bon fonctionnement du droit.
Concernant les affaires civiles, cela nous évite d’en rester à un système de postulation territoriale au niveau du tribunal de grande instance, à l’instar de ce qui a été fait en 2011 pour les avoués. D’ailleurs, votre majorité sénatoriale, qui était alors aux affaires, était pour ! La réforme concernant les avoués était, je peux vous le dire, beaucoup plus substantielle ; elle a d’ailleurs donné lieu à indemnisation, ce qui n’est pas le cas de la réforme que nous proposons.
Allons au bout de la logique. Je le répète, ne jouons pas avec les peurs. Bien au contraire, l’enjeu est circonscrit. Nous apporterons ainsi un meilleur service à nos contribuables. Honnêtement, ne cédons pas aux mauvais corporatismes en voulant différer la réforme.
Je formulerai simplement une observation.
Vous partez du présupposé selon lequel votre réforme est la bonne. La force de l’expérimentation est de vérifier si tel est bien le cas.
Je déplore que Mme le garde des sceaux ne soit pas parmi nous pour nous faire part de sa position sur ce sujet à la fois très intéressant et très important, car ces professions dépendent de son ministère.
On fait comme si c’était la même chose sur tout le territoire.
On fait comme si les tribunaux de grande instance traitaient globalement toujours les mêmes affaires, quel que soit le lieu où l’on se trouve.
On fait comme si les cabinets d’avocats ou les différentes professions judiciaires avaient les mêmes revenus à Paris, à Bordeaux ou à Briey, dans le nord de la Meurthe-et-Moselle. Mais le problème des moyennes, c’est qu’elles ne s’appliquent à personne.
Monsieur le ministre, il ne s’agit absolument pas de jouer avec les peurs ; là n’est pas le problème. Mais, objectivement, nous rencontrons déjà des difficultés sociales dans des territoires assez déshérités comme les nôtres, que certains connaissent…
Le tribunal d’instance fonctionne avec un barreau, certes pas très important, mais il fonctionne. En tout cas, les habitants du territoire peuvent y trouver les services dont ils ont besoin.
Notre collègue Bigot a indiqué qu’il n’y avait aucune difficulté pour aller de Colmar à Strasbourg. Mais, là encore, en termes de mobilité, tous les territoires ne sont pas égaux.
Je ne veux pas faire peur, c’est un constat : nous risquons vraiment de voir apparaître des territoires déshérités. Déjà qu’il est compliqué de s’adresser à la justice, mais là, je suis prête à parier que nous allons créer un déséquilibre complet, dans certains territoires en tout cas. Les justiciables devront se passer de ces services, faute de moyens.
Monsieur le ministre, vous ne voulez pas entendre parler d’expérimentation.
Mais quand on les décide, ce serait bien d’aller jusqu’au bout ! Sur ce point, je rejoins M. le corapporteur. Et quand l’expérimentation ne donne pas satisfaction, il ne faut pas la balayer d’un revers de la main. Je vous assure qu’il n’y aura tout simplement plus d’avocats dans certains barreaux.
Certes, la postulation ne représente pas un volume énorme, mais tout mis bout à bout, cela finissait par faire quelque chose d’à peu près correct. Les avocats iront s’installer à Metz, Nancy, Strasbourg ou ailleurs, ce qui entraînera, de fait, la suppression des petits tribunaux d’instance, ainsi que des petits barreaux. Telle est la réalité !
Ne dites pas, monsieur le ministre, que nous disons n’importe quoi ! Je ne suis pas d’accord avec votre façon de discréditer nos propos au seul motif que nous n’avons pas la même position que vous.
Très bien ! sur les travées du groupe CRC.
Permettez-moi tout d’abord d’apporter une information complémentaire à M. le corapporteur.
Les agents de la DGCCRF sont habilités et, lors des contrôles, le secret sera préservé, car les conventions sont « anonymisées ».
Ce n’est inscrit nulle part, monsieur le ministre, mais si vous m’en donnez acte…
Je vous en donne acte ; j’ai déjà clarifié ce point à l'Assemblée nationale et pris cet engagement. D’ailleurs, aujourd'hui, c’est déjà le cas pour les contrôles auxquels procèdent les agents de la DGCCRF, qui ont dû vous le confirmer lors de vos auditions.
Madame Didier, je me réjouis de constater qu’une réponse vaille, selon vous, exclusion de l’argumentation de l’autre.
Mais si nous faisons le même constat…
Permettez-moi de formuler quelques remarques.
Détrompez-vous, aujourd'hui, les avocats les plus pauvres sont non pas en province, mais à Paris. Par ailleurs, cette réforme va plutôt réduire le coût pour les justiciables, car la postulation a un coût.
On ne va pas interdire aux avocats de travailler dans un TGI ; on va justement leur permettre de plaider devant le TGI voisin ou la cour d’appel, pour ce qui concerne les affaires civiles, alors que ce n’est pas possible aujourd'hui. L’expérimentation doit donc être mesurée à l’aune non pas du barreau – ce sont les chiffres qui ont été avancés –, mais du professionnel. L’avocat gagnera peut-être moins d’argent dans le barreau dont il dépend, mais il pourra plaider ailleurs. Je ne peux pas dire aujourd'hui ce qui se passera à l’avenir, mais il est évident qu’on accroît ainsi leurs possibilités de plaider en matière civile. Sachez, madame la sénatrice, que, en matière pénale, ils peuvent le faire non pas dans le ressort de la cour, mais dans toute la France.
L'amendement n'est pas adopté.
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 305 rectifié bis est présenté par MM. Antiste, Cornano, S. Larcher, J. Gillot, Desplan et Patient et Mme Jourda.
L'amendement n° 515 rectifié est présenté par MM. Cigolotti, Roche, Médevielle, Pozzo di Borgo, Kern et Jarlier.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’alinéa 18
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Toute contestation relative à la fixation et au recouvrement des honoraires dus par le client à l’avocat, ainsi qu’à la demande de dommages et intérêts liée à un défaut d’information et de conseil préalable de l’avocat quant aux conditions de sa rémunération, relève de la procédure prévue aux articles 53 et 174 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat.
La parole est à M. Serge Larcher, pour présenter l’amendement n° 305 rectifié bis.
Cet amendement vise à permettre le prononcé par le bâtonnier de la responsabilité de l’avocat vis-à-vis de son client quand il a manqué à son devoir d’information préalable sur les conditions de sa rémunération. En effet, le bâtonnier est déjà compétent pour juger du montant des honoraires.
Dans un souci de simplification – la procédure simplifiée du décret de 1991 auprès du bâtonnier étant plus rapide que la procédure judiciaire – et afin d’assurer la pleine effectivité des nouvelles dispositions de la loi imposant la convention d’honoraires aux avocats, nous proposons que le bâtonnier puisse juger à la fois du montant des honoraires et de la bonne information initiale sur leur montant. Il n’est pas simple pour les consommateurs de déterminer à coup sûr lequel de ces deux interlocuteurs – le bâtonnier ou l’autorité judiciaire – est compétent pour trancher un litige.
L’amendement n° 515 rectifié n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 305 rectifié bis ?
En matière de contrôle des honoraires, le bâtonnier a un rôle d’arbitre. Il vérifie si les honoraires dus dans le cadre de l’exécution d’un mandat sont conformes aux usages, selon la formule habituellement utilisée. Cependant, lorsque la contestation porte non pas sur le chiffrage des honoraires, mais sur le fait que l’avocat aurait commis une faute dans l’exercice de son mandat, il s’agit d’une action d’une nature totalement différente.
L’adoption de cet amendement visant à soumettre au bâtonnier ces deux litiges remettrait en cause une jurisprudence constante de la Cour de cassation – l’arrêt du 10 mars 2004, confirmé par un arrêt du 26 mai 2011 –, selon laquelle le bâtonnier n’est pas le juge de la responsabilité.
Le contrôle de la responsabilité suppose d’apprécier une faute dans l’exécution du mandat, un lien de causalité, un préjudice ; je ne développerai pas plus la mise en œuvre de ce contrôle.
Je ne puis émettre un avis favorable sur cet amendement. Adopter cette mesure reviendrait à modifier considérablement le rôle du bâtonnier, en faisant de lui une juridiction à part entière, ce que, me semble-t-il, aucun bâtonnier de France ne souhaite.
Pour les mêmes raisons, je demande à M. Larcher de bien vouloir retirer son amendement ; à défaut, le Gouvernement émettra un avis défavorable.
L'amendement n° 305 rectifié bis est retiré.
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 181 est présenté par M. Bouvard.
L'amendement n° 197 rectifié est présenté par MM. Mézard, Barbier, Bertrand, Arnell, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Requier et Collombat.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’alinéa 22
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
… Avant l’article 54, il est inséré un article 54 A ainsi rédigé :
« Art. 54 A. – La consultation juridique consiste en une prestation intellectuelle personnalisée tendant, sur une question posée, à la fourniture d’un avis ou d’un conseil fondé sur l’application d’une règle de droit en vue, notamment, d’une éventuelle prise de décision. »
L’amendement n° 181 n’est pas soutenu.
La parole est à M. Guillaume Arnell, pour présenter l’amendement n° 197 rectifié.
La consultation juridique n’est définie à aucune étape de la réglementation de l’exercice du droit, alors qu’elle constitue la pierre angulaire du dispositif contenu dans la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques.
Pourtant, la consultation juridique n’est pas un acte anodin pour qui la sollicite. Son exercice à titre principal est réservé aux seuls professionnels juridiques réglementés. Nous proposons de définir cet acte pour clarifier le champ d’intervention de l’avocat au bénéfice du citoyen, afin de réduire de façon significative les difficultés d’interprétation et les contentieux en résultant.
La commission spéciale a émis un avis défavorable sur cet amendement, qui a déjà été repoussé en commission.
Mon cher collègue, vous proposez d’introduire dans la loi la définition jurisprudentielle actuelle de la consultation juridique. Permettez-moi d’appeler votre attention sur plusieurs points.
Le caractère jurisprudentiel de la définition actuelle ne soulève aucune difficulté particulière. D’ailleurs, si l’on poussait la logique jusqu’au bout, il serait cohérent de définir « la rédaction d’acte sous seing privé », qui constitue, avec la consultation, l’autre prestation délivrée par les professionnels de droit.
En outre, la définition proposée diffère de celle de la jurisprudence, selon laquelle la consultation juridique peut se définir « comme une prestation intellectuelle personnalisée qui tend à fournir un avis, parfois un conseil, qui concourt, par les éléments qu’il apporte, à la prise de décision du bénéficiaire de la consultation ». C’est une définition très large.
Enfin, la définition proposée pose un problème délicat à l’égard des obligations en matière de lutte contre le blanchiment. En effet, dans le système TRACFIN, les avocats sont exonérés de toute obligation déclarative s’agissant des consultations juridiques qu’ils effectuent pour leurs clients, sauf lorsqu’elles sont directement fournies à des fins de blanchiment des capitaux ou de financement du terrorisme ou lorsque l’avocat sait que son client les demande à cette fin.
Dans cette perspective, une définition trop large de la consultation juridique qui permettrait qu’elle puisse concerner autre chose que des prises de décision ou qui mettrait le conseil sur le même plan que l’avis aurait pour effet d’étendre le champ de la déclaration TRACFIN et de diminuer d’autant l’efficacité du dispositif.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 13 est adopté.
I. – Les notaires, les huissiers de justice et les commissaires-priseurs judiciaires peuvent librement s’installer dans les zones où l’implantation d’offices apparaît utile pour renforcer la proximité ou l’offre de services.
Ces zones sont déterminées par une carte établie par le ministre de la justice, après avis de l’Autorité de la concurrence rendu conformément à l’article L. 462-4-1 du code de commerce. Elles sont définies de manière détaillée au regard de critères précisés par décret, notamment sur la base d’une analyse économique et démographique de l’évolution prévisible du nombre de professionnels installés.
À cet effet, cette carte identifie les secteurs dans lesquels, pour renforcer la proximité ou l’offre de services, la création de nouveaux offices de notaire, d’huissier de justice ou de commissaire-priseur judiciaire apparaît utile.
Afin de garantir une augmentation progressive du nombre d’offices à créer, de manière à ne pas causer de préjudice anormal aux offices existants, cette carte est assortie de recommandations sur le rythme d’installation compatible avec une augmentation progressive du nombre de professionnels dans la zone concernée.
Cette carte et l’avis de l’Autorité de la concurrence sont rendus publics. La carte est révisée tous les deux ans.
II. – Dans les zones mentionnées au I, le ministre de la justice fait droit à la demande de création d’office de notaire, d’huissier de justice ou de commissaire-priseur judiciaire qui lui est adressée, lorsque le demandeur remplit, par ailleurs, les conditions de nationalité, d’aptitude, d’honorabilité, d’expérience et d’assurance requises et qu’aucune autre demande de création d’office n’entre en concurrence avec elle.
Lorsque plusieurs demandes concurrentes de créations d’office lui sont adressées, le ministre de la justice nomme les titulaires après classement des candidats suivant leur mérite.
Lorsqu’une zone mentionnée au I apparaît suffisamment pourvue en raison des installations intervenues, ou lorsque la création de nouveaux offices n’apparaît plus conforme aux recommandations mentionnées à l’avant-dernier alinéa du I, le ministre de la justice peut refuser l’installation de nouveaux officiers.
Si, dans un délai de six mois à compter de la publication de la carte mentionnée au I, le ministre de la justice constate un nombre insuffisant de demandes de créations d’office au regard des besoins identifiés, il procède, dans des conditions prévues par décret, à un appel à manifestation d’intérêt en vue d’une nomination dans un office vacant ou à créer ou de la création d’un bureau annexe par un officier titulaire.
Si l’appel à manifestation d’intérêt est infructueux, le ministre de la justice confie la fourniture des services d’intérêt général en cause, selon le cas, à la chambre départementale des notaires, à la chambre départementale des huissiers de justice ou à la chambre des commissaires-priseurs judiciaires concernée. Le ministre de la justice précise, en fonction de l’insuffisance identifiée, le contenu et les modalités des services rendus. À cet effet, une permanence est mise en place dans une maison de justice et du droit. La chambre concernée répartit, entre les officiers publics ou ministériels de son ressort, les charges et sujétions résultant du présent II.
III. – Dans les zones, autres que celles mentionnées au I, le ministre de la justice peut refuser une demande de création d’office, après avis de l’Autorité de la concurrence rendu dans un délai de deux mois après le dépôt de la demande de création d’office. Cet avis est rendu public. Le refus est motivé au regard, notamment, des caractéristiques de la zone et du niveau d’activité économique des professionnels concernés.
IV. – Lorsque la création d’un office porte atteinte à la valeur patrimoniale d’un office antérieurement créé, le titulaire de ce dernier est indemnisé, à sa demande, par le titulaire du nouvel office dont la création a causé ce préjudice.
La valeur patrimoniale de l’office antérieurement créé correspond à celle du fonds libéral d’exercice de la profession avant la création du nouvel office.
Le cas échéant, les parties saisissent le tribunal de grande instance de leur désaccord sur le montant ou la répartition de l’indemnisation.
La demande d’indemnisation doit être accompagnée d’une évaluation précise du préjudice et des pièces justificatives.
La demande doit être introduite dans un délai de six ans après la création du nouvel office. Le juge peut prévoir un étalement dans le temps du versement de l’indemnité par le titulaire du nouvel office, dans la limite de dix ans. Si le titulaire du nouvel office cesse d’exercer ses fonctions avant l’expiration de ce délai, les indemnités sont dues par son successeur.
Un décret en Conseil d’État fixe les conditions dans lesquelles le fonds de péréquation professionnelle mentionné au deuxième alinéa du I bis de l’article 12 de la loi n° … du … pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques prend en charge, pour le compte du titulaire du nouvel office, l’indemnisation à laquelle il est tenu.
V. – Le chapitre II du titre VI du livre IV du code de commerce est complété par un article L. 462-4-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 462 -4 -1. – Le ministre de la justice peut saisir pour avis l’Autorité de la concurrence de toute question relative à la liberté d’installation des notaires, des huissiers de justice et des commissaires-priseurs judiciaires.
« L’Autorité de la concurrence adresse au ministre de la justice toutes recommandations en vue d’améliorer l’accès aux offices publics ou ministériels dans la perspective de renforcer la cohésion territoriale des prestations et d’augmenter de façon progressive le nombre d’offices sur le territoire. Ces recommandations sont rendues publiques au moins tous les deux ans. Elles sont assorties de la carte mentionnée au I de l’article 13 bis de la loi n° … du … pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.
« La demande d’avis relative à l’élaboration de la carte mentionnée au I de l’article 13 bis de la loi n° … du … pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques est rendue publique, dans un délai de cinq jours, afin de permettre aux associations de défense des consommateurs agréées au niveau national pour ester en justice, aux instances ordinales des professions concernées ainsi qu’à toute personne remplissant les conditions de nationalité, d’aptitude, d’honorabilité, d’expérience et d’assurance requises pour être nommée par le ministre de la justice en qualité de notaire, d’huissier de justice ou de commissaire-priseur judiciaire, d’adresser à l’Autorité de la concurrence ses observations.
« Lorsque l’Autorité de la concurrence délibère en application du présent article, son collège comprend deux personnalités qualifiées nommées par décret pour une durée de trois ans non renouvelable. »
VI. – L’article L. 462-4-1 du code de commerce, dans sa rédaction résultant du présent article, est applicable à Wallis-et-Futuna.
VII. – Le présent article ne s’applique pas dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle.
VIII
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 15 est présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 771 est présenté par MM. Ravier et Rachline.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Évelyne Didier, pour présenter l’amendement n° 15.
Je tiens à vous rassurer, monsieur le ministre, nous n’avons rien contre votre personne ; nous exprimons simplement notre point de vue. Je vous invite d’ailleurs à vous rapprocher de votre éminent collègue Christian Eckert, qui est élu du même territoire que moi et qui vous le confirmera.
Par cet amendement, nous demandons la suppression de l’article 13 bis. En effet, cet article instaure la liberté d’installation des professions réglementées du droit, revenant sur le numerus clausus et remplaçant le dispositif d’autorisation préalable par un principe de liberté d’installation encadrée. Ce dispositif se trouve actuellement sous le contrôle du ministre de la justice.
Le garde des sceaux dispose d’une visibilité et d’un pouvoir stratégique sur la carte de la justice et prend en compte l’exigence d’accès de tous les citoyens au service public de la justice. Nous ne voyons donc aucune raison de libéraliser les implantations et de déposséder le ministre du pouvoir de décider de la création de nouveaux offices. Le ministre paraît au contraire le mieux placé pour prendre une telle décision, puisqu’il est le seul à disposer d’une vision d’ensemble et d’une capacité de régulation stratégique, qui, concernant des professions déréglementées, ayant par délégation des missions de service public, est en l’occurrence tout à fait appropriée.
L’article 13 bis a certes été réécrit par la commission spéciale dans un sens qui restreint cette liberté d’implantation, mais, tout en l’encadrant, il la valide et en fait un principe de fonctionnement légitime.
La commission spéciale a limité le champ d’exercice de cette liberté à des zones identifiées par le ministère lui-même et dans lesquelles un déficit d’offices serait constaté par lui. Seules ces zones font l’objet d’une liberté d’installation totale. Dans les autres zones non carencées, les nouvelles implantations ne seraient pas libres mais soumises à l’approbation du ministre.
Bien que ne s’exerçant que dans les zones dans lesquelles l’implantation d’offices est jugée utile pour renforcer la proximité ou l’offre de services, cette liberté nous paraît peu compatible avec les exigences d’égal accès des citoyens à la justice partout sur le territoire.
Enfin, cette solution risque de fragiliser l’équilibre existant entre les offices.
Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, nous vous demandons de supprimer cet article.
La position de la commission spéciale est identique à celle qu’elle a eue précédemment sur les autres amendements de suppression d’un article. Nous aurons l’occasion d’être plus explicites dans la suite du débat pour éclairer vos avis, qui ne changeront probablement pas.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 1618, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – Les notaires, les huissiers de justice et les commissaires-priseurs judiciaires peuvent librement s’installer dans les zones où l’implantation d’offices apparaît utile pour renforcer la proximité ou l’offre de services.
Ces zones sont déterminées par une carte établie conjointement par les ministres de la justice et de l’économie, sur proposition de l’Autorité de la concurrence en application de l’article L. 462-4-1 du code de commerce. Elles sont définies de manière détaillée au regard de critères précisés par décret, notamment sur la base d’une analyse démographique de l’évolution prévisible du nombre de professionnels installés.
À cet effet, cette carte identifie les secteurs dans lesquels, pour renforcer la proximité ou l’offre de services, la création de nouveaux offices de notaire, d’huissier de justice ou de commissaire-priseur judiciaire apparaît utile.
Afin de garantir une augmentation progressive du nombre d’offices à créer, de manière à ne pas causer de préjudice anormal aux offices existants, cette carte est assortie de recommandations sur le rythme d’installation compatible avec une augmentation progressive du nombre de professionnels dans la zone concernée.
Cette carte est rendue publique et révisée tous les deux ans.
II. – Dans les zones mentionnées au I, lorsque le demandeur remplit les conditions mentionnées au deuxième alinéa du présent II, le ministre de la justice ne peut refuser une demande de création d’office de notaire, d’huissier de justice ou de commissaire-priseur judiciaire.
Un décret précise les conditions dans lesquelles le ministre de la justice nomme dans un office les personnes remplissant les conditions de nationalité, d’aptitude, d’honorabilité, d’expérience et d’assurance requises pour être nommées en qualité de notaire, d’huissier de justice ou de commissaire-priseur judiciaire.
Si, dans un délai de six mois à compter de la publication de la carte mentionnée au I, le ministre de la justice constate un nombre insuffisant de demandes de créations d’office au regard des besoins identifiés, il procède, dans des conditions prévues par décret, à un appel à manifestation d’intérêt en vue d’une nomination dans un office ou de la création d’un bureau annexe par un officier titulaire.
Si l’appel à manifestation d’intérêt est infructueux, le ministre de la justice confie la fourniture des services d’intérêt général en cause, selon le cas, à la chambre départementale des notaires, à la chambre départementale des huissiers de justice ou à la chambre des commissaires-priseurs judiciaires concernée. Le ministre de la justice précise, en fonction de l’insuffisance identifiée, le contenu et les modalités des services rendus. À cet effet, une permanence est mise en place dans une maison de justice et du droit. La chambre concernée répartit, entre les officiers publics ou ministériels de son ressort, les charges et sujétions résultant du présent II.
III. – Dans les zones, autres que celles mentionnées au I, où l’implantation d’offices supplémentaires de notaire, d’huissier de justice ou de commissaire-priseur judiciaire serait de nature à porter atteinte à la continuité de l’exploitation des offices existants et à compromettre la qualité du service rendu, le ministre de la justice peut refuser une demande de création d’office, après avis de l’Autorité de la concurrence rendu dans un délai de deux mois après le dépôt de la demande de création d’office. Cet avis est rendu public. Le refus est motivé au regard, notamment, des caractéristiques de la zone et du niveau d’activité économique des professionnels concernés.
IV. – Lorsque la création d’un office porte atteinte à la valeur patrimoniale d’un office antérieurement créé, le titulaire de ce dernier est indemnisé, à sa demande, par le titulaire du nouvel office dont la création a causé ce préjudice.
La valeur patrimoniale de l’office antérieurement créé correspond à celle du fonds libéral d’exercice de la profession avant la création du nouvel office.
En cas de désaccord sur le montant ou sur la répartition de l’indemnisation, les parties peuvent saisir le juge de l’expropriation, qui fixe le montant de l’indemnité dans les conditions définies au livre III du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique.
La demande d’indemnisation doit être accompagnée d’une évaluation précise du préjudice et des pièces justificatives.
La demande doit être introduite dans un délai de six ans après la création du nouvel office. Le juge peut prévoir un étalement dans le temps du versement de l’indemnité par le titulaire du nouvel office, dans la limite de dix ans. Si le titulaire du nouvel office cesse d’exercer ses fonctions avant l’expiration de ce délai, les indemnités sont dues par son successeur.
V. – Le chapitre II du titre VI du livre IV du code de commerce est complété par un article L. 462-4-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 462 -4 -1. – L’Autorité de la concurrence rend au ministre de la justice, qui en est le garant, un avis sur la liberté d’installation des notaires, des huissiers de justice et des commissaires-priseurs judiciaires.
« Elle fait toutes recommandations en vue d’améliorer l’accès aux offices publics ou ministériels dans la perspective de renforcer la cohésion territoriale des prestations et d’augmenter de façon progressive le nombre d’offices sur le territoire. Elle fait également des recommandations afin de favoriser l’égal accès des femmes et des hommes aux offices publics ou ministériels, sur la base de données sexuées et d’une analyse de l’évolution démographique des femmes et des jeunes au sein des professions concernées. Ces recommandations sont rendues publiques au moins tous les deux ans. Elles sont assorties de la carte mentionnée au I de l’article 13 bis de la loi n° … du … pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.
« L’ouverture d’une procédure visant à l’élaboration de la carte mentionnée à l’alinéa précédent est rendue publique, dans un délai de cinq jours suivant la date de cette ouverture, afin de permettre aux associations de défense des consommateurs agréées au niveau national pour ester en justice, aux instances ordinales des professions concernées ainsi qu’à toute personne remplissant les conditions de nationalité, d’aptitude, d’honorabilité, d’expérience et d’assurance requises pour être nommée par le ministre de la justice en qualité de notaire, d’huissiers de justice ou de commissaire-priseur judiciaire, d’adresser à l’Autorité de la concurrence leurs observations.
« Lorsque l’Autorité de la concurrence délibère au titre du présent article, son collège comprend deux personnalités qualifiées nommées par décret pour une durée de trois ans non renouvelable. »
VI. – L’article L. 462-4-1 du code de commerce, dans sa rédaction résultant du présent article, est applicable à Wallis-et-Futuna.
VII. – Le présent article ne s’applique pas dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle. Dans un délai de deux ans suivant la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’opportunité d’étendre l’application du présent article à ces trois départements.
La parole est à M. le ministre.
Je vais indiquer rapidement les principaux points de l’article 13 bis, tel qu’il ressort des travaux de la commission spéciale du Sénat, que le Gouvernement souhaite modifier.
Le premier est la définition des zones utiles. Il est prévu, dans le texte de la commission spéciale, que ces zones soient définies par le ministre de la justice après avis de l’Autorité de la concurrence. La détermination des zones telles que proposées par notre amendement vise à ce que l’Autorité de la concurrence établisse une carte objective et que, sur ce fondement, la décision soit prise par les deux ministres.
Le deuxième point est le mécanisme de classement au mérite si plusieurs candidats à l’installation existent dans une zone utile. Cette mesure nous paraît relever du domaine réglementaire : elle correspond aux modalités de nomination par le ministre de la justice d’un officier public ou ministériel.
Le troisième point est le refus d’installation dans les zones utiles prononcé par le ministre de la justice si un nombre suffisant d’offices s’est installé après la publication de la cartographie. Ce refus intervient sans avis de l’Autorité de la concurrence. À mes yeux, la libre installation doit être automatique dès lors que la zone est déclarée utile pendant deux ans. Ce délai, court, doit permettre d’éviter un surnombre et justifie une révision régulière. C’est toute la philosophie de la proposition initiale du Gouvernement, qui a été confortée par l’Assemblée nationale.
Le quatrième point est relatif au contentieux de l’indemnisation liée à la perte de valeur patrimoniale d’un office. Le texte de la commission spéciale confie ce contentieux au juge judiciaire et non plus au juge de l’expropriation. Or le Conseil constitutionnel a reconnu que la valeur d’un office revêtait un caractère patrimonial. Dès lors, le juge de l’expropriation peut être compétent.
Le cinquième point concerne le fonds de péréquation – j’ai eu l’occasion de m’en expliquer -, prévu à l’article 12. Aux termes de l’alinéa 17 du texte de la commission spéciale, ce fonds peut servir à l’indemnisation à laquelle le titulaire d’un nouvel office est tenu. Nous souhaitons que l’atteinte à la valeur d’un office existant par un nouvel entrant soit reconnue sur la base d’une analyse locale et au cas par cas. Pourquoi ? Parce que si une perte de chiffre d’affaires est constatée, la compensation équivaudra en quelque sorte au rachat d’une clientèle. Le titulaire d’un office a davantage de solvabilité après six ans d’exercice qu’un jeune professionnel qui doit racheter une clientèle lors de son installation.
Tels sont les points essentiels – je m’en tiens à une présentation synthétique, parce que je me suis déjà exprimé sur l’article 12 – que cet amendement tend à modifier.
Madame Didier, soyez pleinement rassurée : j’ai pu mesurer depuis le début de nos débats la qualité de nos échanges.
Le fait que vous ayez été synthétique, monsieur le ministre, va me conduire à l’être un peu moins. La commission spéciale souhaite en effet profiter de l’occasion que vous lui offrez pour obtenir des explications plus précises au sujet des modifications que vous avez apportées au texte rédigé par les députés.
Encore une fois, je rappelle, ce qui m’évitera la volée de bois vert de tout à l’heure, que la commission spéciale a validé certains des principes de votre projet de loi : la liberté d’installation encadrée dans les zones carencées, l’avis de l’Autorité de la concurrence et l’indemnisation des concurrents. Comme à l’article 12, et pour la même raison, nous avons supprimé le principe d’une compétence partagée entre le ministre de la justice et le ministre de l’économie.
Le premier point sur lequel j’appelle votre attention est celui concernant les demandes concurrentes dans les zones de libre installation. Or votre texte ne contient pas un mot sur le sort qu’il conviendrait de réserver à ces candidatures. Vous indiquez que cette question ressortit au domaine réglementaire. Je n’en suis pas certain ; le principe étant la libre installation, je pense qu’il est nécessaire que la loi l’encadre.
La commission spéciale a prévu que le ministre de la justice ouvre un concours afin de classer les demandeurs par ordre de mérite avant de désigner ceux qui pourront créer un office. Nous avons fait avancer les choses puisque certains amendements prévoyaient que ce soit le premier professionnel qui dépose son dossier qui obtienne l’office, ce qui était un peu curieux.
De la même manière, compte tenu des créations déjà intervenues, il est nécessaire de prévoir la situation où l’offre ou la proximité de services est devenue satisfaisante avant que la carte ait été révisée. Dans ce cas, je persiste à penser qu’il faut donner au ministre de la justice toute latitude pour refuser les demandes d’installation qui lui seraient encore adressées. Je suppose qu’il s’agit là d’une compétence à laquelle vous ne tenez pas, monsieur le ministre…
Si vous n’êtes pas d’accord avec le dispositif prévu par la commission spéciale, pouvez-vous nous dire précisément comment ces demandes concurrentes doivent être traitées ?
Le deuxième point sur lequel je souhaite insister est celui des zones intermédiaires. Vous l’avez dit à plusieurs reprises avec raison lors des débats, il existe trois types de zone. Or le dispositif que vous proposez en distingue deux. Il en laisse une troisième dans l’ombre : entre les zones où la proximité ou l’offre de services est insuffisante et celles où la création d’un office nouveau porterait atteinte à l’exploitation des offices existants, il y a celle où l’offre de services est satisfaisante et où un office pourrait être créé sans forcément compromettre la qualité du service ni porter atteinte à l’exploitation d’autres offices. Dans ce cas-là, j’élargis la possibilité de créer des offices.
Dans le silence du texte, on ne sait pas si le ministre de la justice pourrait ou non refuser une nouvelle demande de création d’un office. Noter une telle lacune dans le texte relève peut-être du juridisme. En tout cas, la question de la conformité de cette disposition à la Constitution, compte tenu de la jurisprudence constitutionnelle relative à l’incompétence négative du législateur, se pose.
J’appelle votre attention sur le fait qu’à plusieurs reprises, à l’Assemblée nationale et lors de la discussion générale, vous avez évoqué ces trois zones alors que le texte n’en propose que deux. Nous avons comblé cette lacune.
Le troisième et dernier point dont je souhaiterais que nous débattions est le dispositif d’indemnisation des concurrents lésés. Le choix fait par le Gouvernement de confier le soin de fixer cette indemnité au juge de l’expropriation – c’est peut-être là aussi du juridisme, mais après tout on attend de nous de voter des lois qui soient compatibles avec celles qui préexistent – me paraît surprenant. Certes, une telle mesure s’inspire du dispositif d’indemnisation des avoués, mais il s’agissait à l’époque de la suppression d’une profession et d’une indemnisation par l’État, pour un motif d’intérêt général. Les situations ne sont donc pas les mêmes. Le juge de l’expropriation connaît des litiges entre un particulier et une personne publique. Or, dans le cas qui nous occupe, il s’agit d’un contentieux entre personnes privées pour un préjudice portant sur une perte de chiffre d’affaires. Cela doit relever de la compétence du tribunal de grande instance.
Nous serons bien sûr attentifs aux réponses exhaustives que vous nous apporterez. Il est vraisemblable qu’elles ne combleront pas toutes nos attentes. C’est la raison pour laquelle j’émets un avis défavorable sur cet amendement, en espérant que ce ne soit qu’à titre conservatoire.
Il y a bien trois zones dans le texte que nous proposons.
Premièrement, il y a les zones dites « carencées », dans lesquelles un appel d’offres est organisé. En effet, pourquoi forcément envisager un concours ? Il peut y avoir d’autres procédures. C’est la raison pour laquelle il appartient à un décret de le préciser. Vous avez d’ailleurs tout à fait raison de dire que c’est au garde des sceaux d’en décider.
Deuxièmement, il y a les zones dites « libres », c’est-à-dire celles dans lesquelles l’installation d’un nouveau professionnel ne porte pas atteinte à l’équilibre en place. Il est néanmoins prévu un droit de veto, parce qu’il ne s’agit pas d’une liberté complète d’installation. Cette deuxième zone est identifiée par la cartographie.
Troisièmement, il y a les zones dites « interdites », c’est-à-dire celles dans lesquelles toute nouvelle installation porterait atteinte à l’équilibre des professionnels qui sont déjà installés.
En conséquence, on distingue trois logiques d’installation.
Dans les zones qui sont carencées de manière manifeste, un appel d’offres est organisé, qui peut prendre la forme d’un examen, pour que des professionnels puissent s’installer librement. L’examen peut être un concours, mais on constate que les délais sont parfois très longs. D’autres procédures beaucoup plus souples existent, qui permettent de valoriser les acquis de l’expérience. À qui veut-on laisser la possibilité de s’installer ? Plusieurs types de candidats peuvent se présenter : de jeunes notaires désireux de créer leur office, mais aussi des notaires salariés. Dès lors, il convient de prendre en compte non seulement l’honorabilité, les diplômes et les autres critères habituellement considérés, mais également les acquis de l’expérience. Une grande vigilance s’impose donc dans la définition des modalités de sélection ; c’est pourquoi ce travail est renvoyé au pouvoir réglementaire.
Dans les zones intermédiaires, où il n’y a pas de carence mais où les équilibres ne sont pas menacés, les installations seront libres, mais le garde des sceaux disposera d’un droit de veto ; nous instaurons donc une régulation, parce que nous ne sommes pas sûrs des résultats que donnera ce système. Dans ce cas de figure, nous avons également prévu un régime d’indemnisation et, suivant les recommandations du Conseil d’État, l’intervention du juge de l’expropriation, destinée à apporter une garantie procédurale et justifiée par la perte de valeur patrimoniale qu’un professionnel pourrait prouver avoir subie du fait de l’installation d’un jeune confrère.
Quant à la troisième zone, le système actuel y sera maintenu sans changement : les professionnels qui veulent céder leur place continueront, en vertu du droit de présentation, à soumettre la succession de leur office au garde des sceaux, qui peut l’accepter ou non.
J’espère vous avoir mieux fait comprendre l’organisation que nous avons conçue, les raisons pour lesquelles nous avons prévu la compétence du juge de l’expropriation et celles pour lesquelles l’Autorité de la concurrence aura le rôle que j’ai évoqué.
C’est parfaitement exact, monsieur le corapporteur ; je tenais simplement à insister de nouveau sur le rôle d’objectivation qui sera confié à cette instance.
Quoi qu’il en soit, je vous remercie d’avoir, sur toutes ces questions, suivi la logique du projet de loi initial. De fait, la commission spéciale n’a pas remis en cause les principes fondamentaux du système que nous avons conçu. De légers désaccords subsistent néanmoins au sujet de certains aménagements, s’agissant notamment des trois zones ; c’est pourquoi le Gouvernement a présenté l’amendement n° 1618.
Monsieur le ministre, je vous remercie pour vos explications. L’inconvénient d’en fournir, c’est qu’on s’expose à susciter de nouvelles questions…
Vous proposez de définir trois zones : en gros, une zone où l’on met le paquet, une autre où l’on calme et une autre où l’on expérimente. Seulement, qu’est-ce qui empêche le Gouvernement de le faire aujourd’hui, puisque la garde des sceaux a le pouvoir de créer des études ? Faut-il penser que les ministères sont à ce point bloqués qu’on n’ose plus rien faire sans le vote d’une loi ? C’est une explication possible, quoique vous n’en ayez rien dit.
M. Roger Karoutchi s’esclaffe.
Monsieur le ministre, je ne comprends véritablement pas ce qui, à l’heure actuelle, empêche le Gouvernement de définir des zones et de lancer dans certaines d’entre elles des appels d’offres.
Il y a un autre aspect qui ne me paraît pas clair. Je m’excuse de vous parler aussi directement, car j’aimerais poursuivre jusqu’au bout de cette semaine les bons rapports que nous entretenons, d’autant que vous avez donné des explications intéressantes et que nous aurons l’occasion de nous fâcher la semaine prochaine.
Sourires.
Voici de quoi je veux parler. Actuellement, lorsqu’ils veulent reprendre une étude, les notaires salariés passent une sorte de concours. Vous dites qu’il faut tenir compte de leur expérience, ce que je puis comprendre. Seulement, le concours n’est-il pas dès lors remis en cause ? Ou bien s’agit-il de prendre en considération l’expérience parallèlement au concours ? Je n’ai pas très bien compris vos intentions, d’autant que vous avez également expliqué qu’il fallait favoriser l’installation des jeunes, qui, par nature, n’ont pas beaucoup d’expérience.
Peut-être voulez-vous dire qu’un brassage est nécessaire entre les jeunes et ceux qui sont expérimentés ; mais qu’est-ce qui empêche de réaliser ce brassage aujourd’hui ? À moins que vous ne songiez à remettre en cause le concours, lequel présente l’avantage, comme M. le corapporteur l’a fait observer, de pouvoir être passé par tout le monde, et pas seulement par les fils d’archevêque.
Vous voyez, monsieur le ministre, que votre louable effort d’explication m’a inspiré des questions nouvelles.
C’est un fait, monsieur Desessard, que le système est aujourd’hui bloqué. Il faut, pour l’ouvrir, créer les conditions d’une plus grande objectivité. Assurer l’objectivité, c’est précisément l’objet des dispositions défendues par le Gouvernement ; du reste, c’est également celui des dispositions adoptées par la commission spéciale, qui permettraient déjà de débloquer les choses.
Je vous rappelle que, en 2009, lorsque des discussions se sont tenues avec le précédent gouvernement, les professionnels eux-mêmes avaient reconnu qu’il fallait ouvrir l’accès à la profession ; seulement, les mesures n’ont pas été prises.
Demandez à M. le président de la commission spéciale s’il y a eu une création massive d’offices notariaux en Seine-Saint-Denis ! Au contraire, ce département en manque cruellement.
De fait, les déserts notariaux existent – nous les connaissons bien.
En créant les conditions d’une transparence et d’une objectivité plus grandes, la réforme que la garde des sceaux et moi-même défendons vise à résoudre le blocage actuel du système, qui résulte du jeu d’acteurs qui s’est progressivement constitué en vertu d’un phénomène sociologique qui se produit dans différents secteurs professionnels.
En ce qui concerne les professionnels auxquels nous voulons permettre d’accéder à la création d’office dans les zones carencées, je n’ai peut-être pas été suffisamment clair. Bien sûr, les jeunes diplômés remplissant toutes les conditions requises de diplômes, de stages et d’honorabilité – tous critères dont la définition appartient à la garde des sceaux – pourront se porter candidat. Toutefois, si nous instaurions seulement un concours de type académique, ces jeunes diplômés frais émoulus des études, très au fait des dernières jurisprudences, disposeraient d’une forme d’avantage, au détriment de notaires salariés qui aspirent à créer leur propre office.
Aujourd’hui, un notaire peut faire la totalité de sa carrière en tant que salarié. Or les différences de rémunération sont substantielles entre un notaire salarié, un notaire associé et un notaire qui a son propre office. Pour qu’un notaire devienne associé, il faut que son confrère qui tient l’office le lui propose, en vertu du principe d’affectio societatis ; la décision appartient donc à celui qui l’emploie. C’est pourquoi l’accès à la création d’un office doit être ouvert aux notaires salariés, qui doivent avoir la liberté de faire ce choix.
Telle est, monsieur Desessard, la raison pour laquelle je suis prudent en ce qui concerne les modalités de la sélection, qui pourrait prendre la forme d’un examen de type académique, mais aussi d’un appel d’offres ou d’un concours dans le cadre duquel les compétences académiques seraient prises en considération, mais aussi valorisés les acquis de l’expérience.
En définitive, la Chancellerie devra réaliser un travail très fin pour aménager les conditions d’un juste accès à la création d’office et prendre en compte les aspirations de l’ensemble des professionnels du secteur.
Je déplore que ce débat entre M. le ministre et notre corapporteur, extrêmement technique, ait lieu en séance publique, alors qu’il aurait pu se tenir en commission spéciale, si nous avions choisi, non pas d’associer le ministre à tous nos travaux – nous étions d’accord pour ne pas le faire –, mais de l’auditionner pour débattre avec lui.
Faut-il que le juge de l’expropriation intervienne ou bien un autre magistrat du tribunal de grande instance ? Franchement, c’est une question de détail !
Mes chers collègues, alors que nous sommes d’accord sur le fond, cette discussion donne l’impression qu’on veut pinailler sur des points de détail pour se prévaloir d’être à l’origine, plutôt que le Gouvernement, de telle ou telle mesure ; je trouve que cette démarche n’a pas d’intérêt, et je regrette que ces débats très techniques n’aient pas eu lieu en commission spéciale.
Je n’ai pas réagi avant cet instant, mais je suis un peu lassé d’entendre que la commission spéciale n’aurait pas passé assez de temps à étudier le projet de loi.
Je rappelle que la commission spéciale a été constituée dès le mois de janvier et que, contrairement à celle de l’Assemblée nationale, elle a choisi de procéder à des auditions. Lors de ces auditions, qui ont été nombreuses, elle a entendu l’ensemble des membres du Gouvernement intéressés par le projet de loi. Je remercie le Gouvernement d’avoir accepté que tous, en particulier la garde des sceaux, se rendent à notre invitation. Au cours de ces auditions, qui ont été longues, tous nos collègues ont eu la possibilité, à la suite de nos corapporteurs, d’interroger chacun des membres du Gouvernement. Nous avons accompli un travail très approfondi.
Nous avons également pris le temps d’examiner le texte proposé par chacun des corapporteurs, ainsi que les différents amendements, même si nous n’avons pas consommé l’intégralité du temps qui nous avait été imparti, chacun ayant fait des efforts dans une période préélectorale qui n’était pas la plus propice au travail. Nous n’avons jamais écourté nos débats !
Quant à M. le corapporteur, à qui revenait la matière la plus complexe, il a toujours pris le temps d’exposer sa vision et de laisser le débat prospérer, comme il le fait depuis le début de la discussion en séance publique. J’ai moi-même veillé à ce que le débat ait lieu.
Monsieur Bigot, vous déplorez que des points de détail surgissent dans le débat en séance publique. Chacun sait que le diable est dans les détails ; c’est particulièrement vrai sur des sujets juridiques comme ceux dont nous traitons, qui méritent une discussion en séance publique.
Dès le début des travaux de la commission spéciale, des demandes se sont manifestées, venant y compris de votre groupe, monsieur Bigot, pour que les amendements des corapporteurs soient examinés hors la présence des membres du Gouvernement ; cette demande a été formulée, en particulier, par l’ancien président de la commission des lois. M. le ministre a bien voulu comprendre que telle est la tradition du Sénat. Je pense que cette méthode n’a pas nui au travail parlementaire.
Au reste, nous souhaitions que le débat prospère en séance, parce que la séance publique est utile ; elle doit rester le moment où chacun de nos collègues peut prendre la parole pour apporter sa contribution au débat, même s’il n’est pas membre de la commission.
Je ne puis pas rester sans réagir après l’intervention de M. Bigot. En effet, j’ai tenu soixante-dix auditions, ouvertes à tous ; j’en ai même fait certaines deux fois, pour m’assurer que mes propositions étaient sérieuses et admissibles.
En ce qui concerne le travail que nous avons mené avec le ministère de l’économie, j’ai organisé, en plus de l’audition solennelle de M. le ministre, une audition, ouverte à tous, de plusieurs membres de son cabinet. À cela se sont ajoutées deux auditions particulières organisées à ma demande et une audition informelle à laquelle M. le ministre a pris l’heureuse initiative de me convier. Au total, cinq auditions ont donc eu lieu.
Madame Bricq, je vois que vous hochez la tête. Vous pouviez très bien venir…
Vous vous arrangerez avec M. le ministre.
Au cours de ces différentes auditions, toutes les questions dont nous débattons cet après-midi ont été abordées. Aussi, je ne puis pas laisser dire, parce que le groupe socialiste a décidé de rétablir brutalement le texte adopté par l’Assemblée nationale, que nos avancées seraient insuffisantes. Nous sommes les seules à en avoir fait !
Chaque fois que j’ai demandé une audition, je l’ai obtenue, et M. le ministre lui-même m’a proposé une audition supplémentaire ; je le remercie pour cela, ainsi que les membres de son cabinet.
Et n’oubliez pas les diverses rencontres qui se déroulent au moment des suspensions de séance pour tenter de s'entendre sur différents points concernant les articles…
Enfin, je vous indique, nonobstant votre propos, que le travail parlementaire est aussi un travail de détail.
Monsieur Bigot, certes, ce débat est très technique. Mais dans nos départements respectifs, quelle que soit notre formation – vous êtes avocat, j’ai un diplôme de médecin, d’autres sont chefs d’entreprise… –, nous sommes tous sollicités depuis des mois par les professions réglementées.
Alors je suis sincèrement satisfaite – je pense qu’il en va de même de nombre d’entre vous, mes chers collègues – de pouvoir, cet après-midi, entendre M. le ministre, M. le corapporteur et chacun d’entre vous s'exprimer sur ces sujets. Il ne s’agit pas simplement d’un débat de commission ! Oui, je suis heureuse que, dans cet hémicycle, nous puissions débattre de l’un des points forts du projet de loi que nous examinons !
L'amendement n'est pas adopté.
Je suis saisie de vingt-cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 363 rectifié, présenté par MM. Vaspart, Calvet, Commeinhes et Pointereau, Mme Deseyne et MM. Laménie, de Nicolaÿ, Doligé, Revet, Charon, César et Vasselle, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 1
Supprimer les mots :
Les notaires,
II. – Alinéa 3
Après les mots :
nouveaux offices
supprimer les mots :
de notaire,
III. – Alinéa 6
Après les mots :
création d’office
supprimer les mots :
de notaire,
IV. – Alinéa 10
Supprimer les mots :
à la chambre départementale des notaires,
V. – Alinéa 19
Après les mots :
liberté d’installation
supprimer les mots :
des notaires,
VI. – Alinéa 21
Après les mots :
en qualité de
supprimer les mots :
de notaires,
La parole est à Mme Chantal Deseyne.
L’amendement n° 364 rectifié déposé sur l’article 12 n’ayant pas été adopté, je retire le présent amendement, qui est dans le même esprit.
L'amendement n° 363 rectifié est retiré.
L'amendement n° 199 rectifié, présenté par MM. Mézard, Barbier, Bertrand, Arnell, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Requier et Collombat, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2, première phrase
Supprimer les mots :
, après avis de l’Autorité de la concurrence rendu conformément à l’article L. 462-4-1 du code de commerce
II. – Alinéa 5
Rédiger ainsi cet alinéa :
Cette carte est rendue publique et révisée tous les deux ans.
III. – Alinéa 11
1° Première phrase :
Supprimer les mots :
, après avis de l’Autorité de la concurrence rendu dans un délai de deux mois après le dépôt de la demande de création d’office
2° Deuxième phrase
Supprimer cette phrase.
IV. - Alinéas 18 à 22
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Guillaume Arnell.
La logique est la même que précédemment : l'Autorité de la concurrence ne doit pas voir ses attributions étendues de manière si extensive qu’elle deviendrait coproductrice de la réglementation.
Les trois amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 282 rectifié quater est présenté par M. Calvet, Mme Micouleau, M. Médevielle, Mmes Deromedi et Bouchart, MM. Perrin, Raison, Vogel, B. Fournier et Commeinhes, Mme Deseyne, MM. Milon, Grand et Laménie et Mme Lamure.
L'amendement n° 414 est présenté par M. Navarro.
L'amendement n° 634 rectifié bis est présenté par Mme Gruny, M. Mayet, Mme Mélot et MM. Pierre, Revet et Vasselle.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
I. - Alinéa 2, première phrase
Supprimer les mots :
, après avis de l'Autorité de la concurrence rendu conformément à l'article L. 462-4-1 du code de commerce
II. - Alinéa 5
Rédiger ainsi cet alinéa :
Cette carte est rendue publique et révisée tous les deux ans.
III. - Alinéas 18 à 22
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Chantal Deseyne, pour présenter l’amendement n° 282 rectifié quater.
L'amendement n° 282 rectifié quater est retiré.
Les amendements identiques n° 414 et 634 rectifié bis ne sont pas soutenus.
L'amendement n° 1063, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2, première phrase
Supprimer les mots :
, après avis de l’Autorité de la concurrence rendu conformément à l’article L. 462-4-1 du code de commerce
II. – Alinéa 5, première phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Cette carte est rendue publique.
III. – Alinéas 18 à 22
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Michel Le Scouarnec.
De la même manière que nous nous sommes opposés, lors de l’examen de l’article 12, à l’introduction de l’Autorité de la concurrence dans la procédure de détermination des tarifs des professions réglementées, nous nous opposons maintenant à son introduction dans la réflexion concernant l’élaboration de cartes relatives aux zones d’implantation des nouveaux offices des professions susvisées.
Parce que ces professions ne concernent pas des activités purement marchandes et concurrentielles, parce qu’elles traitent du rapport des citoyens au droit et de l’accès à la justice, parce qu’elles sont, sans être complètement sous la tutelle du ministère de la justice, réglementées par ce dernier pour garantir la réalisation des missions de service public dans le respect de l’intérêt général, la responsabilité de la détermination de l’implantation de nouveaux offices ne peut incomber à l’Autorité de la concurrence.
Or nous retrouvons, au sein de l’article 13 bis traitant de la réglementation de l’installation des professions juridiques, l’intervention de l’Autorité de la concurrence. Il est prévu que celle-ci donne un avis sur la carte établie par le ministre de la justice pour déterminer les zones où l’implantation et la création de nouveaux offices sont libres en raison d’un besoin identifié en termes de proximité ou d’offre.
Il est également prévu, aux alinéas 19 à 22 de cet article, que le garde des sceaux puisse saisir pour avis l’Autorité de la concurrence de toute question relative à la liberté d’installation des notaires, huissiers de justice et commissaires-priseurs judiciaires, et qu’elle puisse adresser des recommandations au ministre de la justice relatives à l’augmentation du nombre d’offices sur le territoire.
Nous demandons donc la suppression de toute mention de l’Autorité de la concurrence dans le présent article visant l’installation et la création d’offices de professions réglementées. En effet, cette autorité administrative n’est ni légitime ni compétente en la matière. Sa vocation est exclusivement économique et idéologique, puisqu’elle doit favoriser la libre concurrence et qu’elle est guidée par le dogme de l’autorégulation théorisé par Adam Smith sous le nom de « main invisible », ce qui est en l’occurrence antinomique avec des délégations de service public réglementées qui, par définition, ne peuvent être entièrement concurrentielles.
Le meilleur interlocuteur en l’espèce reste encore le ministère de la justice, et l’intervention de l’Autorité de la concurrence, loin de lui être utile, introduit un premier jalon dans la volonté de libéralisation de ces professions, libéralisation que nous combattons.
L’amendement n° 340 n’est pas soutenu.
Les cinq amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 284 rectifié quater est présenté par M. Calvet, Mme Micouleau, M. Médevielle, Mmes Deromedi et Bouchart, MM. Perrin, Raison, Vogel et B. Fournier, Mme Deseyne, MM. Milon et Laménie et Mmes Mélot et Lamure.
L'amendement n° 374 rectifié est présenté par Mmes Duchêne et Primas et M. Gournac.
L'amendement n° 416 est présenté par M. Navarro.
L'amendement n° 567 rectifié est présenté par MM. A. Marc et Commeinhes.
L'amendement n° 671 rectifié bis est présenté par Mme Gruny et MM. Mayet, Pierre, Revet et Vasselle.
Ces cinq amendements sont ainsi libellés :
Alinéas 6 et 21
Remplacer les mots :
d'expérience
par les mots :
de diplôme
La parole est à Mme Chantal Deseyne, pour présenter l'amendement n° 284 rectifié quater.
Le présent projet de loi entend imposer à toute personne sollicitant son installation en tant que notaire de satisfaire à des conditions d'expérience.
Les dispositions actuelles régissant la nomination des notaires exigent la possession d'un diplôme d'aptitude à ces fonctions, ce qui assure la qualité des candidats et l'équité.
La seule référence à l'expérience ne peut suffire pour l'exercice d'une délégation de puissance publique. Le présent amendement tend ainsi à remplacer les mots « d'expérience » par les mots « de diplôme ».
La parole est à Mme Marie-Annick Duchêne, pour présenter l’amendement n° 374 rectifié.
Les amendements identiques n° 416, 567 rectifié et 671 rectifié bis ne sont pas soutenus, de même que les amendements n° 118 rectifié, 365 et 341.
Les six amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 229 rectifié est présenté par MM. Mézard, Bertrand, Arnell, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Requier et Collombat.
L'amendement n° 283 rectifié quater est présenté par MM. Calvet et Grand, Mme Micouleau, M. Médevielle, Mmes Deromedi et Bouchart, MM. Perrin, Raison, Vogel, B. Fournier et Commeinhes, Mme Deseyne, MM. Milon et Laménie et Mme Lamure.
L'amendement n° 372 rectifié est présenté par Mmes Duchêne et Primas et M. Gournac.
L'amendement n° 415 est présenté par M. Navarro.
L'amendement n° 651 rectifié bis est présenté par Mme Gruny, MM. Chasseing et Mayet, Mme Mélot et MM. Pierre, de Raincourt, Revet et Vasselle.
L'amendement n° 1061 est présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces six amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 11
1° Première phrase
Après la référence :
I,
rédiger ainsi la fin de cette phrase :
le ministre de la justice refuse la création d'office dans un délai de deux mois après le dépôt de la demande de création d'office.
2° Deuxième phrase
Supprimer cette phrase.
La parole est à M. Guillaume Arnell, pour présenter l’amendement n° 229 rectifié.
Le présent amendement tend à permettre au ministre de la justice de ne pas accéder à une demande de création d’office si elle est de nature à porter atteinte à la continuité de l’exploitation des offices existants ou à compromettre la qualité du service rendu.
La parole est à Mme Chantal Deseyne, pour présenter l’amendement n° 283 rectifié quater.
En effet, le ministre de la justice doit pouvoir refuser la demande de création s’il est avéré que cette création est de nature à porter atteinte à la continuité de l'exploitation des offices existants ou à compromettre la qualité du service rendu. De fait, dès lors qu'il n'y a pas de carence, il n'est pas justifié d'envisager la possibilité d'une nouvelle installation.
La parole est à Mme Marie-Annick Duchêne, pour présenter l’amendement n° 372 rectifié.
Les amendements n° 415 et 651 rectifié bis ne sont pas soutenus.
La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l’amendement n° 1061.
L’article 13 bis, dans sa nouvelle rédaction, crée un système de zones comprenant des zones d’implantation libres, déterminées par le ministre de la justice et qui correspondent à des secteurs dans lesquels le nombre d’offices paraissant insuffisant, l’implantation de nouveaux offices pourrait renforcer la proximité juridique.
Dans les autres zones, où l’implantation n’est donc pas libre, le projet de loi prévoit que le ministre de la justice peut refuser une demande de création d’office. Pourtant, s’il ne s’agit pas d’une zone où une éventuelle carence a été constatée, le garde des sceaux n’a aucune raison d’autoriser l’ouverture d’un nouvel office, ce qui déstabiliserait l’équilibre des offices existants.
Au-delà, autoriser une telle implantation dans des zones non prioritaires, alors que le ministère de la justice définit lui-même les zones présentant un besoin de création, paraît complètement illogique. Maintenir en l’état l’alinéa 11 de l’article 13 bis revient, en réalité, à conserver le principe de dérégulation, peut-être en le camouflant…
C’est pourquoi nous proposons que le ministre de la justice refuse systématiquement toute création d’office dans ces zones.
Nous souhaitons ainsi, au travers de cet amendement, maintenir l’idée de deux zones distinctes et d’une liberté d’installation contrôlée par le garde des sceaux uniquement dans les zones que celui-ci aura identifiées comme présentant une offre insuffisante en matière de professions juridiques.
Les quatre amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 119 rectifié est présenté par M. Grand et Mme Cayeux.
L'amendement n° 230 rectifié est présenté par MM. Mézard, Bertrand, Arnell, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Requier et Collombat.
L'amendement n° 650 rectifié bis est présenté par MM. Tandonnet et Médevielle, Mme Joissains, MM. Gabouty, Détraigne, Bonnecarrère, Canevet, Kern, Roche, Longeot et Guerriau, Mmes Férat, Gatel et Loisier, MM. Cigolotti, Bockel, Delahaye, Marseille, Pozzo di Borgo, Namy et les membres du groupe Union des démocrates et indépendants - UC.
L'amendement n° 1062 est présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 21
Remplacer les mots :
d’expérience
par les mots :
de diplôme
L’amendement n° 119 rectifié n’est pas soutenu.
La parole est à M. Guillaume Arnell, pour présenter l’amendement n° 230 rectifié.
Bien que cet amendement soit très proche d’un autre, je me fais fort de le présenter, car la nuance qu’il comporte me semble utile au débat.
Le projet de loi prévoit que le ministre de la justice pourra faire droit à la demande de création d’offices de notaire, d’huissier de justice ou de commissaire-priseur judiciaire qui lui est adressée lorsque le demandeur remplit, par ailleurs, les conditions de nationalité, d’aptitude, d’honorabilité, d’expérience et d’assurance requises.
Concrètement, cela signifie que ces nominations seront discrétionnaires, et rien ne garantit que les candidats détiennent les compétences nécessaires à l’exercice des missions de notaire, d’huissier de justice ou de commissaire-priseur judiciaire. Quid de la qualité du conseil qui sera dispensé aux clients ?
Aujourd’hui, sept années d’études après le baccalauréat sont nécessaires pour devenir notaire. Après avoir suivi des études juridiques jusqu’au master 1, donc à bac +4, les aspirants notaires doivent choisir entre deux types de formation, l’une universitaire, l’autre professionnelle. Dans les deux cas, ils doivent effectuer un stage rémunéré.
Pour devenir huissier, il faut obtenir un master 1 de droit ou un diplôme reconnu comme équivalent, puis réaliser un stage de deux années clôturé par le passage de l’examen.
Pour ce qui concerne les commissaires-priseurs judiciaires, deux diplômes sont requis pour s’inscrire à l’examen : l’un en droit et l’autre en histoire de l’art, en arts appliqués, en archéologie ou en arts plastiques. L’un de ces diplômes doit être au moins une licence, et l’autre de niveau bac +2 au minimum. Par ailleurs, quatre-vingt-dix euros sont demandés au titre de l’inscription à l’examen ; ce versement devrait être supprimé, afin de garantir un égal accès de tous à cet examen public.
Ces exigences scolaires sont loin d’être superflues, quand on connaît la complexité du droit et l’importance que le conseil juridique aura pour ceux qui le demandent.
S’il est nécessaire d’ouvrir ces professions, il est également salutaire de préserver leur niveau d’exigence en matière de compétences !
La parole est à M. Henri Tandonnet, pour présenter l’amendement n° 650 rectifié bis.
Monsieur le ministre, vous l’avez remarqué, un grand nombre d’amendements tendent à remplacer les mots « d’expérience » par les mots « de diplôme ». Il faut dire que les différentes professions concernées ont été fortement préoccupées par cette référence à l’expérience. Il s'agit en effet de professions réglementées, pour l’accès desquelles les diplômes sont essentiels.
Parmi les conditions requises, l’aptitude est mentionnée. Je suppose que ce terme recouvre la notion de diplôme. Mais il faudrait clairement le préciser, ce qui permettrait de rassurer les professionnels. Alors, les amendements que j’ai évoqués pourraient être retirés.
La parole est M. Jean-Pierre Bosino, pour présenter l’amendement n° 1062.
Je souhaite rappeler que l’article 13 bis, tout en introduisant la déréglementation des implantations et de la création des offices dans certaines zones, pourrait remettre en cause l’exigence d’un diplôme pour l’accès aux professions de notaire et d’huissier, ainsi qu’à l’ensemble des professions juridiques réglementées, et déréglementer ainsi cet accès.
En effet, l’alinéa 21 de cet article fait référence aux personnes « remplissant les conditions de nationalité, d’aptitude, d’honorabilité, d’expérience et d’assurance requises » pour être nommées par le ministre de la justice dans les différentes professions précédemment évoquées.
Aucune condition de diplôme n’est clairement visée, Henri Tandonnet vient de l’indiquer, la notion d’aptitude étant bien trop floue. Les conditions d’aptitude et d’expérience ne paraissent pas à même de garantir la qualité professionnelle et la formation des personnes exerçant des professions chargées de missions de service public relevant de la justice. D’ailleurs, monsieur le ministre, dans l’une de vos interventions, vous avez bien utilisé le mot « diplôme ».
En revanche, le projet de loi entend imposer à toute personne sollicitant son installation en tant que notaire, commissaire-priseur judiciaire ou huissier de justifier d’une durée d’expérience, ce qui limite l’entrée des jeunes dans la profession.
Pour ce qui concerne les notaires, les dispositions actuelles régissant leur nomination exigent la possession d’un diplôme d’aptitude aux fonctions de notaire, ce qui assure la qualité des candidats et permet l’équité dans l’accès à la profession et la bonne réalisation du service rendu, dans une vocation d’intérêt général, à laquelle ces professionnels sont attachés.
La seule référence à l’expérience ne peut pas suffire pour l’exercice d’une délégation de puissance publique. Il faut qu’un diplôme garantisse l’acquisition d’un certain nombre de compétences contrôlées.
C’est pourquoi il est proposé de remplacer les termes « d’expérience » par les mots « de diplôme ».
Quel est l’avis de la commission sur l’ensemble des amendements restant en discussion ?
Sur l’amendement n° 199 rectifié, qui vise à supprimer l’avis de l’Autorité de la concurrence pour la définition des zones carencées dans lesquelles l’installation d’un office serait libre, la commission spéciale émet un avis défavorable. Compte tenu des débats qui se sont déroulés cet après-midi, je n’ajouterai pas d’autre commentaire.
La commission spéciale est également défavorable à l’amendement n° 1063.
Les amendements identiques n° 284 rectifié quater et 374 rectifié tendent à remplacer la condition d’expérience requise pour devenir notaire, huissier de justice ou commissaire-priseur judiciaire par une condition de diplôme. Or cette condition de diplôme – je le dis avec fermeté – est d’ores et déjà incluse dans celle d’aptitude. Le problème est donc réglé.
En outre, supprimer toute référence à la notion d’expérience pourrait conduire à autoriser la titularisation de diplômés qui n’auraient jamais accompli de stage professionnel. Or, actuellement, au cours de la préparation au diplôme supérieur de notariat, par exemple, les candidats doivent accomplir un stage de deux ans.
Pour dissiper toute crainte, j’ajoute que le droit en vigueur prévoit déjà la validation des acquis de l’expérience des clercs de notaire, des mandataires judiciaires ou des avocats.
Finalement, les amendements proposés sont en retrait par rapport au droit en vigueur. J’en suggère donc le retrait, pour éviter d’avoir à émettre un avis défavorable.
Les amendements identiques n° 229 rectifié, 283 rectifié quater, 372 rectifié et 1061 visent à obliger le ministre de la justice à refuser toute installation dans une zone autre que carencée. Je le répète, il existe trois zones. Une seule n’est pas carencée, et il convient d’y conserver une certaine souplesse.
Par ailleurs, ces amendements sont en retrait par rapport au droit en vigueur. À titre d’exemple, leur adoption aurait pour conséquence d’interdire au garde des sceaux la création d’un nouvel office dans une grande ville ou à Paris.
J’ajoute que, en tout état de cause, il paraît raisonnable de conserver au ministre de la justice une certaine liberté d’appréciation, d’autant que M. le ministre nous a indiqué tout à l’heure que celui-ci n’en avait pas abusé pendant la période antérieure au dépôt du projet de loi.
La commission spéciale est donc défavorable à ces amendements identiques.
Quant aux amendements n° 230 rectifié, 650 rectifié bis…
L’amendement n° 650 rectifié bis est retiré.
Veuillez poursuivre, monsieur le corapporteur.
La commission spéciale demande aux auteurs des amendements n° 230 rectifié et 1062, qui portent également sur la question du diplôme, de bien vouloir les retirer. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
Je mets aux voix les amendements identiques n° 284 rectifié quater et 374 rectifié.
Les amendements ne sont pas adoptés.
Je mets aux voix les amendements identiques n° 229 rectifié, 283 rectifié quater, 372 rectifié et 1061.
Les amendements ne sont pas adoptés.
Les amendements ne sont pas adoptés.
L’amendement n° 592 rectifié n’est pas soutenu.
Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 971, présenté par MM. Labbé, Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéas 12 à 17
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Jean Desessard.
La liberté d’installation accordée par le présent texte permettra au ministère de la justice de définir des zones prioritaires d’installation, dans lesquelles celle-ci sera libre. Le système serait suffisamment encadré pour éviter les dérives. Dans les zones déjà correctement dotées, le ministère de la justice pourra refuser les nouvelles installations.
Dans ces conditions, il n’y a pas lieu de créer un système d’indemnisation des offices préexistants, d’une part, parce que les garanties que je viens d’évoquer sont de nature suffisante pour éviter les dérives, d’autre part, parce que cela découragerait l’installation de nouveaux entrants, en raison du risque pesant sur leur activité au vu du montant de l’’indemnisation que l’on pourrait leur réclamer jusqu’à six ans après leur installation.
Il est également à noter que le maintien de ces dispositions signifierait un manque de confiance dans l’administration de la justice, puisque celle-ci pourrait être remise en question.
Nous en avons débattu ce matin, monsieur le ministre, l’idée, c’est qu’il faut indemniser, les études alentour pouvant constater, au bout de six ans, une perte de revenus. Mais elle est contraire non seulement à votre idée selon laquelle il convient de permettre l’installation de nouveaux notaires dans les endroits où celle-ci est nécessaire, mais également à votre idée selon laquelle il faut améliorer la qualité du service rendu. Il peut en effet arriver qu’un notaire ne réponde jamais au téléphone et traite les affaires avec beaucoup de retard. Je ne dis pas que c’est le cas pour l’ensemble de la profession. Toutefois, on ne peut pas affirmer que tous les notaires sont formidables !
Cela étant, si de nouvelles personnes s’installent, acquièrent une clientèle, parce que, justement, elles sont jeunes, serviables, compétentes, actives et disponibles, pourquoi devraient-elles indemniser les professionnels qui travaillent mal ? Il y a là un problème, d’autant que, vous nous l’avez dit ce matin, il faut payer les charges. Aujourd'hui, quand une étude se crée, le professionnel se fait sa clientèle.
Tout cela est un peu contradictoire avec votre esprit libéral, monsieur le ministre !
L’amendement n° 594 rectifié n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 971 ?
Monsieur Desessard, il convient de bien distinguer les professions libérales, qui ne sont pas toutes de même nature.
Lorsque vous permettez l’installation d’un nouveau notaire, vous créez un office, vous lui donnez droit à un monopole. Ce faisant, vous affectez le monopole de ceux qui sont déjà en place et vous les lésez. L’indemnisation est donc de droit. Si vous supprimez celle-ci, vous vous heurtez à un problème constitutionnel.
Un avocat, en revanche, qui a passé son examen, n’a plus qu’à acheter sa plaque et à l’apposer sur la façade de l’immeuble.
En l’espèce, la commission spéciale ne peut donc qu’émettre un avis défavorable sur cet amendement, car les dispositions qu’il prévoit sont anticonstitutionnelles.
L'amendement n'est pas adopté.
Les amendements n° 594 rectifié et 339 ne sont pas soutenus.
La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote sur l’article.
Avec les membres de mon groupe, je reconnais que la commission spéciale n’a pas voulu empêcher complètement l’installation de nouveaux notaires pour répondre aux besoins.
Je regrette bien évidemment que, sur certains points, nous n’ayons pu trouver un accord. À titre personnel, pour ce qui concerne la carte, je suis plus sensible à ce qu’elle soit établie après avis de l’Autorité de la concurrence et non sur sa proposition. Au demeurant, nous aurions pu en discuter à un autre moment.
Mon groupe, qui reconnaît le travail effectué en la matière, s’abstiendra sur cet article. Il ne votera pas contre, ce qui ne changerait d’ailleurs pas grand-chose au résultat !
Personnellement, je rentrerai serein dans mon département, puisque, de toute façon, il est prévu à l’alinéa 24 de l’article 13 bis que celui-ci ne s’applique pas dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle.
Sourires.
L'article 13 bis est adopté.
Mes chers collègues, je vais maintenant lever la séance. En effet, dans la mesure où nous devons impérativement arrêter nos travaux à dix-neuf heures, nous n’aurions pas le temps d’examiner sereinement les dix-neuf amendements déposés sur l’article 14.
Nous avons examiné 88 amendements au cours de la journée ; il en reste 1152.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au lundi 13 avril 2015 à seize heures, le soir et la nuit :
Suite du projet de loi, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution après engagement de la procédure accélérée, pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques (n° 300, 2014-2015).
Rapport de Mmes Catherine Deroche, Dominique Estrosi Sassone et M. François Pillet, fait au nom de la commission spéciale (n° 370, tomes I, II et III, 2014-2015).
Texte de la commission (n° 371, 2014-2015).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
La séance est levée à dix-huit heures trente.