Je partage l’analyse globale de la commission spéciale sur l’article 10 A. En effet, on ne peut pas comparer le commerce associé avec le commerce franchisé. Les franchisés sont locataires de services et de savoir-faire qui appartiennent au franchiseur. Les commerçants associés sont copropriétaires et deviennent donc codécideurs des choix stratégiques effectués par le groupe ; ils se portent aussi caution de toute une série d’engagements financiers pris par l’association des commerçants : ils sont par conséquent parties liées en termes de responsabilité commerciale ou financière, en cas de sortie d’un associé du réseau. Il faut donc traiter différemment sur le plan juridique la question des franchises et celle des commerces associés.
Dans les commerces associés, on trouve le sous-ensemble que constitue le fait coopératif, lequel, vous le savez, monsieur le ministre, est protégé par un droit européen, conforté en France par la loi relative à l’économie sociale et solidaire.
À cet égard, un vieux débat opposait l’Autorité de la concurrence au monde coopératif, car cette autorité, culturellement, considère trop souvent que les coopératives assurent des prestations de services qui peuvent être mises en concurrence entre les coopérateurs, ces derniers entrant et sortant comme ils veulent du système. L’Autorité de la concurrence refusait donc de reconnaître la spécificité de ce droit coopératif. Avec la loi relative à l’économie sociale et solidaire, nous avons insisté sur les clauses de retrait des coopérateurs, car ceux-ci ne peuvent pas être obligés de rester dans la coopérative : il faut par conséquent trouver un équilibre entre la liberté d’entrer et la liberté de sortir.
Un autre élément doit être pris en compte : du fait de l’affectio societatis, la liberté de sortie doit être prévue par les statuts, le règlement intérieur ou des systèmes de négociation, afin de garantir que l’affectio societatis des autres coopérateurs n’est pas menacée. C’est là que réside la difficulté du dispositif et c’est la raison pour laquelle je pense que la durée maximale de neuf ans est particulièrement courte, quand la coopérative engage des investissements importants au nom de ses membres.
J’ai bien compris que vous étiez conscient, monsieur le ministre, de la nécessité de traiter différemment ces sujets. Néanmoins, chat échaudé craint l’eau froide ! J’ai vu l’Autorité de la concurrence plaider plus souvent contre le droit coopératif qu’en sens inverse. Permettez-moi de vous dire que, si le Sénat maintenait la suppression de l’article 10 A, vous auriez ainsi l’occasion de travailler avec le monde coopératif. J’observe au passage que le Conseil supérieur de la coopération n’a pas été consulté sur cette disposition. J’espère que le Gouvernement pourra, en cas de nouvelle lecture, déposer à l’Assemblée nationale un amendement rédigé avec toutes les parties prenantes et je ne doute pas que bon nombre de mes collègues députés y seront sensibles, de même que le Sénat.
En l’état actuel des choses, monsieur le ministre, je le répète, l’Autorité de la concurrence et votre administration – du moins les services en charge de la concurrence et non pas ceux qui s’occupent de l’économie sociale et solidaire – ont toujours arbitré contre les spécificités du droit coopératif.