La séance, suspendue à douze heures quarante, est reprise à quatorze heures quarante-cinq.
La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, après engagement de la procédure accélérée, pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.
Mon rappel au règlement a trait à l’organisation de nos travaux.
Mes chers collègues, comme vous le savez, le présent projet de loi aborde des questions fort diverses. La commission spéciale, ou du moins sa majorité, a adopté un certain nombre d’amendements qui viennent en discussion au fur et à mesure de l’avancée de nos travaux.
L’une de ces propositions est importante, car elle remet en cause l’une des trop rares avancées sociales réalisées sous le gouvernement de Jean-Marc Ayrault : le compte pénibilité.
J’ai cru comprendre que les représentants du groupe socialiste à la commission spéciale avaient voté contre le texte modifié par ladite commission. Or je découvre aujourd’hui que M. Rebsamen, ministre du travail, a déclaré hier, devant une assemblée de patrons du bâtiment, qu’il prenait « le pari qu’il n’y [aurait] pas de fiche individuelle à remplir par les petites entreprises à partir du mois de juin ». Il a poursuivi ainsi : « S’il faut supprimer des critères inapplicables, on les supprimera ». Puis il a conclu en affirmant : « Il nous faut de la simplicité. »
Monsieur le ministre, vous qui participez activement au débat sur l’ensemble des sujets que nous abordons avec ce projet de loi, y compris sur les questions sociales – nous vous en remercions d’ailleurs –, que pensez-vous des affirmations de M. Rebsamen ? Nous avons besoin, pour préparer les débats de la semaine prochaine, de connaître votre attitude : confirmation du compte pénibilité ou renoncement ?
Peut-être M. Rebsamen a-t-il suivi vos conseils, vous qui déclariez à Berlin, voilà quelques jours : « Le fait que la France soit l’un des pays qui protège le plus ses travailleurs est l’une des explications de son taux de chômage à 10 % ». Vous enfonciez le clou en indiquant : « Protéger des salariés peut aussi tuer des opportunités pour les autres. »
Alors, monsieur le ministre, vos propos ont-ils été déformés – après tout, c’est possible – ou bien, finalement, doit-on s’attendre à un soutien de votre part aux propositions de la commission spéciale de remettre en cause le compte pénibilité ou de relever les seuils sociaux, par exemple, ce qui ne me semble pas correspondre aux orientations du parti socialiste ?
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus, au sein du titre Ier, au chapitre II.
Chapitre II
Commerce
(Supprimé)
Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 1052, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Le Scouarnec et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
L’article 21 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie est abrogé.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Lors de l’examen du projet de loi de modernisation de l’économie, les sénateurs de gauche, dans leur totalité, avaient dénoncé avec force la libéralisation des relations commerciales, plus particulièrement l’institution de la libre négociabilité des conditions générales de vente prévue à l’article 21 de ce texte.
À l’époque, mes collègues du groupe socialiste avaient souligné que s’en remettre à la concurrence pour faire baisser les prix consistait à faire le choix du laisser-faire, c’est-à-dire le choix de laisser opérer les lois naturelles du marché à la place d’une véritable politique de revenus. Si l’on pense qu’il n’existe pas de meilleur modèle économique que celui de la concurrence libre et loyale pour servir une société de progrès pour l’homme, on est dans la pensée magique !
Par ailleurs, dans un rapport d’information, fait au nom de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire du Sénat en 2009, Mme Lamure dressait un bilan peu satisfaisant de la réforme des relations commerciales, soulignant « un déséquilibre persistant des relations entre fournisseurs et distributeurs : ces derniers divergent sur l’interprétation des règles en matière de négociabilité des tarifs ».
C’est pourquoi nous vous proposons tout simplement de supprimer l’article 21 susvisé. En société, il y a toujours une règle du jeu précisant ce que l’on a ou pas le droit de faire. En matière d’économie, il appartient à l’État de la définir. Il ne faudrait pas l’oublier !
L'amendement n° 1646, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
I. – Le livre III du code de commerce est complété par un titre IV ainsi rédigé :
« TITRE IV
« DES RÉSEAUX DE DISTRIBUTION COMMERCIALE
« Art. L. 341 -1. – L’ensemble des contrats conclus entre, d’une part, une personne physique ou une personne morale de droit privé regroupant des commerçants, autre que celles mentionnées aux chapitres V et VI du titre II du livre Ier du présent code, ou mettant à disposition les services mentionnés au premier alinéa de l’article L. 330-3 et, d’autre part, toute personne exploitant, pour son compte ou pour le compte d’un tiers, au moins un magasin de commerce de détail, ayant pour but commun l’exploitation d’un de ces magasins et comportant des clauses susceptibles de limiter la liberté d’exercice par cet exploitant de son activité commerciale prévoient une échéance commune.
« La résiliation d’un de ces contrats vaut résiliation de l’ensemble des contrats mentionnés au premier alinéa du présent article.
« Le présent article n’est pas applicable au contrat de bail dont la durée est régie par l’article L. 145-4.
« Art. L. 341 -2. – Toute clause ayant pour effet, après l’échéance ou la résiliation d’un des contrats mentionnés à l’article L. 341-1, de restreindre la liberté d’exercice de l’activité commerciale de l’exploitant qui a précédemment souscrit ce contrat est réputée non écrite.
« Art. L. 341 -3. – Les contrats mentionnés à l’article L. 341-1 ne peuvent être conclus pour une durée supérieure à neuf ans. Ils ne peuvent être renouvelés par tacite reconduction.
« Art. L. 341 -4. – Les règles statutaires et les décisions collectives adoptées conformément aux dispositions législatives relatives aux associations et aux sociétés civiles, commerciales ou coopératives ne peuvent déroger aux articles L. 341-1 à L. 341-3. »
II. – Le I s’applique à l’expiration d’un délai de deux ans à compter de la date de promulgation de la présente loi s’agissant des contrats en cours dont la durée restant à courir est supérieure à six ans à la même date. Le même I s’applique quatre ans après la promulgation de la présente loi aux contrats dont la durée restant à courir est inférieure à six ans à la date de cette promulgation.
III. – Un décret, pris après avis de l’Autorité de la concurrence, définit, en tant que de besoin, les seuils de chiffre d’affaires en deçà desquels il peut être dérogé au I.
La parole est à M. le ministre.
Cet amendement vise à rétablir, dans sa rédaction adoptée par l’Assemblée nationale, l’article 10 A, qui encadre les modalités d’engagement dans les réseaux de distribution composés de magasins indépendants.
L’objectif du Gouvernement, inspiré en cela par plusieurs études réalisées tant par ses services que par l’Autorité de la concurrence, est de corriger les pratiques observées dans certains réseaux de distribution, où les contrats d’engagement extrêmement longs peuvent conduire certains franchisés et certains concessionnaires à se sentir prisonniers. Cette situation ne permet pas la mobilité entre les différentes franchises et conduit ces franchisés et concessionnaires à subir des conditions parfois excessives imposées par le franchiseur.
Le Gouvernement a bien pris note de ce problème, et un dialogue s’est noué avec plusieurs de ces franchiseurs, en particulier les coopératives. J’en suis bien conscient, la rédaction du présent amendement ne saurait être la rédaction finale, les réseaux de distribution coopératifs ayant des caractéristiques bien spécifiques. Or cette rédaction pourrait conduire à des conséquences dommageables en termes de statut.
La volonté du Gouvernement est en tout cas de mieux encadrer les durées d’engagement en matière financière, commerciale, comme de franchise. Celles-ci ne sauraient être de vingt-cinq ans, parfois de trente ans, voire même s’enchevêtrer, ce qui rend la mobilité du franchisé ou du coopérant quasi impossible. Ce n’est évidemment pas de bonne pratique.
En même temps, le Gouvernement ne veut pas que cette réforme puisse avoir des conséquences sur la stabilité financière de ces coopératives et de ces groupes. Des corrections doivent donc être apportées à ce régime juridique. Comme je l’ai indiqué, un dialogue est en cours pour tenter d’améliorer la rédaction du présent amendement, mais supprimer l’article 10 A revient à renoncer à corriger une pratique, qui, elle non plus, n’est pas souhaitable.
C’est pourquoi le Gouvernement veut restaurer cet article dans sa rédaction initiale, tout en s’engageant à la corriger dans les prochaines semaines, de manière certaine d’ici à la nouvelle lecture à l’Assemblée nationale, pour prendre en compte les points que je viens d’évoquer.
Le sous-amendement n° 1700, présenté par MM. Guillaume, Vaugrenard, F. Marc et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Amendement n° 1646
I - Alinéa 5
Remplacer les mots :
autre que celles mentionnées aux chapitres V et VI du titre II du livre Ier du présent code, ou
par les mots :
autre que celles visées à l’article L. 341-4 et
II - Alinéa 10
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 341-4. – Les dispositions de l’article L. 341-1 ne sont pas applicables aux personnes morales de droit privé mentionnées aux chapitres IV, V et VI du titre II du livre Ier du présent code, ainsi qu’aux associations, sociétés civiles, sociétés commerciales ou coopératives regroupant des commerçants ou mettant à disposition les services mentionnés au premier alinéa de l'article L. 330-3, lorsque ces personnes sont majoritairement détenues, directement ou indirectement, par des personnes exploitant pour leur compte ou pour le compte d'un tiers au moins un magasin de commerce de détail sous l'une des enseignes de l'association, la société civile, la société commerciale ou la coopérative concernée. »
La parole est à M. Yannick Vaugrenard.
Monsieur le ministre, j’ai bien pris note de votre volonté de voir le dialogue aboutir. Votre amendement tend à rétablir une mesure supprimée par la commission spéciale afin de renforcer la concurrence dans le secteur de la grande distribution, en facilitant les changements d’enseigne par les magasins indépendants. Nous sommes toutefois un peu surpris de ce rétablissement à l’identique.
Même si nous partageons la volonté de garantir la liberté d’exercice de leur activité par les commerçants liés à un réseau, nous sommes nombreux, au Sénat, à constater les dysfonctionnements provoqués par cette mesure, notamment l’inadaptation de celle-ci, si elle reste en l’état, pour les magasins organisés sous forme de coopérative. Vous venez d’ailleurs d’exprimer vos doutes sur ce point.
Nous continuons de penser qu’il serait préférable d’adopter des dispositions moins perturbatrices et mieux adaptées au commerce associatif et coopératif. C’est la raison pour laquelle nous proposons, à ce stade, d’exclure les coopératives du dispositif présenté par le Gouvernement.
L’article 21 de la loi de modernisation de l’économie, la LME, de 2008 avait modifié l’article L. 441-6 du code de commerce relatif aux délais de paiement, avec pour objectif de réduire les délais de paiement interentreprises et de mieux sanctionner les abus.
Le rapport d’information fait par le Sénat en 2009 sur l’application de la LME montrait plutôt une incidence positive de cette nouvelle disposition. Aussi la commission spéciale pense-t-elle que revenir à la situation antérieure à 2008 constituerait une régression. C’est la raison pour laquelle elle émet un avis défavorable sur l’amendement n° 1052.
Monsieur le ministre, votre amendement n° 1646, sans surprise, ne tend qu’à rétablir le texte adopté par l’Assemblée nationale en première lecture, en limitant à neuf ans la durée des contrats conclus au sein des réseaux de distribution commerciale. Il vise également à prévoir que la résiliation du contrat d’affiliation entraîne la résiliation de l’ensemble des autres contrats qui y sont liés, afin d’améliorer la concurrence en matière d’affiliation des magasins indépendants à des grandes enseignes.
La commission spéciale, après de longs débats, a voté la suppression de l’article 10 A, car elle a identifié plusieurs problèmes qu’il était susceptible de poser. Pourtant, l’idée de renforcer la concurrence entre enseignes pour obtenir l’affiliation des commerçants indépendants est sans doute bonne.
Quels sont ces problèmes ?
Tout d’abord, le dispositif limite à neuf ans la durée d’affiliation pour l’ensemble des magasins, et pas seulement pour le commerce alimentaire, alors que, s’agissant du dispositif Lefebvre, l'Autorité de la concurrence ciblait plus spécifiquement son application aux commerces de grande distribution alimentaire. En l’occurrence, il y a une extension du champ concerné, puisque tout le commerce de détail serait concerné, alors que c’est dans le commerce alimentaire que se concentrent les difficultés. Or, à l’évidence, nous n’avons pas suffisamment de retour, ni d’étude d’impact pour pouvoir véritablement évaluer les effets de ce mécanisme sur les autres types de commerce.
Ensuite, je ne suis pas sûre que le dispositif change véritablement la donne. En effet, il ne me semble pas que le fait de remplacer une enseigne par une autre soit de nature à modifier vraiment les conditions de la concurrence. Je vous rappelle que l’Autorité de la concurrence a la possibilité, si une enseigne est en situation de position dominante, de la contraindre à céder certains points de vente.
Par ailleurs, les dispositions figurant dans l’amendement n° 1646 n’auront aucune conséquence sur les grands groupes de commerce intégrés, vous l’avez souligné. À l’inverse, elles perturberont le fonctionnement des groupes coopératifs, créant une distorsion de concurrence entre ces deux ensembles.
En outre, la durée d’affiliation est connue à l’avance par les acteurs. Si elle ne correspond pas aux investissements collectifs du groupe, les pénalités de sortie anticipée pourront être réduites, voire annulées, par le juge, qui, en cas de litige, veillera à l’équilibre des obligations des parties.
J’en viens au dernier point que la commission spéciale a voulu soulever concernant la concordance des durées des différents contrats : elle a observé que le cadre juridique actuel permettait déjà de la prévoir.
Je me permets de vous rappeler, monsieur le ministre, que la commission spéciale, lorsqu’elle a décidé de supprimer l’article 10 A, avait souhaité que les échanges puissent se poursuivre avec toutes les parties prenantes, afin d’aboutir à la présentation, en séance publique, d’un texte comportant des dispositions plus ciblées et moins perturbatrices pour le commerce franchisé, le commerce associatif et le commerce coopératif. Visiblement, en déposant un amendement tendant à rétablir le texte adopté par l’Assemblée nationale, vous manifestez votre refus de tout dialogue sur ce sujet. Vous comprendrez donc que la commission spéciale émette un avis défavorable sur cet amendement.
Pour ce qui concerne enfin le sous-amendement n° 1700, je reconnais qu’il pourrait paradoxalement recueillir un avis favorable de la commission spéciale. Malheureusement, celle-ci n’a pas pu l’examiner, vous le savez bien, puisque vous en êtes membre, monsieur Vaugrenard.
Ce sous-amendement tend à exclure les coopératives et les associations du champ de l’article L. 341-1 qu’il est proposé d’introduire dans le code de commerce et qui impose un terme commun à tous les contrats liant un commerçant à son réseau d’affiliation. Un traitement spécifique doit en effet être réservé aux coopératives et aux associations de commerçants dont la forme juridique particulière n’est pas prise en compte par la rédaction proposée pour l’article précité. Ce sous-amendement vise donc à répondre à l’une des critiques formulées par la commission spéciale à l’encontre du dispositif adopté par l’Assemblée nationale que M. le ministre souhaiterait rétablir.
Ce type de réseau de distribution recourt parfois à des contrats à durée indéterminée ou à des contrats à durée déterminée tacitement reconductibles, accessoires à la qualité de sociétaire. Or cette forme de contrat est rendue impossible par la rédaction proposée pour l’article L. 341-1, raison pour laquelle elle n’est pas satisfaisante. Néanmoins, ce sous-amendement pose certaines difficultés, car il tend à exonérer purement et simplement les associations et les coopératives de l’interdiction de proposer à leurs membres une pluralité de contrats dont les termes ne coïncideraient pas. C’est pourquoi la commission spéciale, qui s’est opposée à l’adoption d’amendements visant à instaurer un dispositif analogue, s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.
Le Gouvernement demande le retrait de l’amendement n° 1052, à défaut il émettra un avis défavorable.
En effet, la loi de modernisation de l’économie a tout de même permis, d’une part, de corriger la pratique des marges arrière observée auparavant et, d’autre part, de stabiliser les prix dans l’intérêt des consommateurs. J’en conviens, nous avons assisté, ces dernières années, dans un contexte déflationniste, à une guerre des prix parfois extrêmement nuisible aux fournisseurs, en particulier aux producteurs les plus fragiles.
Néanmoins, revenir sur la négociabilité des prix ne nous semble pas la bonne méthode, car cela nous ramènerait aux pratiques de la période antérieure, c’est-à-dire aux marges arrière qui n’étaient pas plus satisfaisantes pour les fournisseurs.
Avec la loi relative à la consommation, le Gouvernement a plutôt cherché à donner des marges de manœuvre aux fournisseurs en cours d’année. En effet, la négociabilité des prix empêchait de renégocier les prix, en particulier lorsque les cours des matières premières changeaient dans l’année. La loi susvisée prévoyait l’adoption d’un décret, qui a été publié : depuis le 1er mars dernier, les fournisseurs peuvent renégocier les prix dans l’année, dans un cadre bien défini, lorsque des changements substantiels du cours des matières premières interviennent. Cette disposition était très demandée par les fournisseurs, car elle permet de corriger l’un des effets pervers de la négociabilité des prix telle qu’elle existait.
Par ailleurs, la loi relative à la consommation nous a dotés de tous les moyens de contrôle permettant de détecter les dysfonctionnements potentiels intervenant dans le cadre de l’application de la loi de modernisation de l’économie. Ces moyens de contrôle ont été renforcés et la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF, a été pleinement mobilisée sur ce sujet. Plusieurs contrôles ont donné des résultats, que j’ai communiqués aux intéressés, et des assignations ont été délivrées contre deux groupes de distribution auxquels nous reprochons des pratiques qui ne sont pas conformes à la loi.
Aujourd’hui, nous sommes parvenus à un équilibre qui n’est pas « moins-disant », si vous me permettez l’expression, mesdames, messieurs les sénateurs, par rapport à celui qui prévalait avant 2008. Nous avons amélioré les conditions de surveillance et pris en compte l’intérêt des producteurs et des fournisseurs avec l’aménagement introduit par le décret du mois de mars 2014.
Pour toutes ces raisons, j’invite les auteurs de l’amendement n° 1052 à le retirer, parce que revenir au statu quo ante en supprimant la négociabilité des prix nous ramènerait à la pratique antérieure des marges arrière, ce qui ne serait pas une bonne solution.
En ce qui concerne le sous-amendement n° 1700, j’ai eu l’occasion d’expliquer, en présentant l’amendement n° 1646, que j’approuvais votre démarche, monsieur Vaugrenard. Néanmoins, vous dépassez les objectifs que le Gouvernement s’est fixés, puisque vous excluez en totalité de la mesure le commerce associé ; or celui-ci doit, comme l’ensemble des secteurs visés par l’article initial, être concerné. Si je vous ai bien compris, comme le Gouvernement, vous estimez que cette mesure ne doit pas déstabiliser le fonctionnement du commerce associé et ses spécificités, en particulier les règles statutaires et le caractère d’adhérent à la coopérative.
Le Gouvernement continue à négocier – je veux rassurer sur ce point Mme la corapporteur –, en toute transparence, avec la Fédération des enseignes du commerce associé, la FCA, et l’ensemble des acteurs du secteur. Cependant, ces négociations n’ont pas encore permis d’aboutir à des résultats techniques pleinement satisfaisants. Je vous invite donc à retirer votre sous-amendement, monsieur le sénateur, tout en m’engageant à ce que la rédaction finale prenne en compte vos préoccupations et n’ait pas de conséquences négatives sur le fonctionnement de ces coopératives.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote sur l’amendement n° 1052.
Je partage l’analyse globale de la commission spéciale sur l’article 10 A. En effet, on ne peut pas comparer le commerce associé avec le commerce franchisé. Les franchisés sont locataires de services et de savoir-faire qui appartiennent au franchiseur. Les commerçants associés sont copropriétaires et deviennent donc codécideurs des choix stratégiques effectués par le groupe ; ils se portent aussi caution de toute une série d’engagements financiers pris par l’association des commerçants : ils sont par conséquent parties liées en termes de responsabilité commerciale ou financière, en cas de sortie d’un associé du réseau. Il faut donc traiter différemment sur le plan juridique la question des franchises et celle des commerces associés.
Dans les commerces associés, on trouve le sous-ensemble que constitue le fait coopératif, lequel, vous le savez, monsieur le ministre, est protégé par un droit européen, conforté en France par la loi relative à l’économie sociale et solidaire.
À cet égard, un vieux débat opposait l’Autorité de la concurrence au monde coopératif, car cette autorité, culturellement, considère trop souvent que les coopératives assurent des prestations de services qui peuvent être mises en concurrence entre les coopérateurs, ces derniers entrant et sortant comme ils veulent du système. L’Autorité de la concurrence refusait donc de reconnaître la spécificité de ce droit coopératif. Avec la loi relative à l’économie sociale et solidaire, nous avons insisté sur les clauses de retrait des coopérateurs, car ceux-ci ne peuvent pas être obligés de rester dans la coopérative : il faut par conséquent trouver un équilibre entre la liberté d’entrer et la liberté de sortir.
Un autre élément doit être pris en compte : du fait de l’affectio societatis, la liberté de sortie doit être prévue par les statuts, le règlement intérieur ou des systèmes de négociation, afin de garantir que l’affectio societatis des autres coopérateurs n’est pas menacée. C’est là que réside la difficulté du dispositif et c’est la raison pour laquelle je pense que la durée maximale de neuf ans est particulièrement courte, quand la coopérative engage des investissements importants au nom de ses membres.
J’ai bien compris que vous étiez conscient, monsieur le ministre, de la nécessité de traiter différemment ces sujets. Néanmoins, chat échaudé craint l’eau froide ! J’ai vu l’Autorité de la concurrence plaider plus souvent contre le droit coopératif qu’en sens inverse. Permettez-moi de vous dire que, si le Sénat maintenait la suppression de l’article 10 A, vous auriez ainsi l’occasion de travailler avec le monde coopératif. J’observe au passage que le Conseil supérieur de la coopération n’a pas été consulté sur cette disposition. J’espère que le Gouvernement pourra, en cas de nouvelle lecture, déposer à l’Assemblée nationale un amendement rédigé avec toutes les parties prenantes et je ne doute pas que bon nombre de mes collègues députés y seront sensibles, de même que le Sénat.
En l’état actuel des choses, monsieur le ministre, je le répète, l’Autorité de la concurrence et votre administration – du moins les services en charge de la concurrence et non pas ceux qui s’occupent de l’économie sociale et solidaire – ont toujours arbitré contre les spécificités du droit coopératif.
Il a été question de la loi de modernisation de l’économie et je me sens donc un peu concernée, puisque j’ai eu le plaisir d’être le rapporteur de ce texte en 2008.
Je voulais préciser que nous n’avions pas l’intention, en adoptant cette loi, de libéraliser à tout prix les relations entre fournisseurs et distributeurs. Nous avons voulu fixer un cadre, en apportant toutefois une certaine souplesse pour éviter de tomber dans l’économie administrée. Néanmoins, il fallait intervenir pour rendre les relations plus saines, notamment en supprimant les marges arrière, comme vous l’avez rappelé, monsieur le ministre.
Au mois de décembre 2009, soit un an et demi après l’adoption de la loi, j’ai rendu un rapport qui montrait que les résultats n’étaient pas satisfaisants. Deux raisons expliquaient ce constat : tout d’abord, notre pays venait de traverser une crise très grave qui avait particulièrement affecté son économie ; ensuite, les distributeurs ont fait preuve d’énormément de talent pour imaginer de multiples stratégies de contournement.
Aujourd’hui encore, les relations entre fournisseurs et distributeurs sont singulièrement dégradées ; nous aurions donc tout intérêt à adopter un certain nombre des amendements déposés sur le présent texte pour y remédier. En effet, la doctrine de la grande distribution se résume essentiellement au diktat des prix bas, ce qui fragilise et appauvrit l’ensemble de la chaîne économique.
L'amendement n'est pas adopté.
La parole est à M. François Marc, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 1700.
Nous sommes face à deux positions.
D’un côté, il y a celle de la commission spéciale. J’ai bien entendu les arguments de Mme la corapporteur, qui a expliqué les raisons pour lesquelles il était opportun de surseoir et de ne pas retenir le dispositif issu des travaux de l’Assemblée nationale. Je partage l’essentiel de son argumentation.
De l’autre côté, vous nous proposez, monsieur le ministre, de rétablir sans changement un dispositif qui, vous l’avez reconnu vous-même, n’est pas satisfaisant. Il traite en effet à l’identique le statut des franchisés simples et celui des commerçants coopérateurs et associatifs.
Si l’article 10 A était adopté dans la rédaction retenue par l’Assemblée nationale, on sait bien que les conséquences seraient néfastes pour le modèle coopératif.
Je le rappelle, les commerçants associatifs ou coopératifs, par opposition aux franchisés, qui sont de simples utilisateurs des services de leur franchiseur, investissent dans leurs outils et partagent les risques en tant que copropriétaires de ces investissements, lesquels sont essentiels au fonctionnement de leur réseau.
En limitant à neuf ans la durée des contrats, on fragilisera ces réseaux en créant un manque de visibilité et une incertitude sur ces investissements, lesquels pourraient porter sur des périodes supérieures à neuf ans.
Cette inquiétude appelle une réaction, laquelle nous est proposée immédiatement : vous nous suggérez, monsieur le ministre, d’améliorer la rédaction de l’amendement n° 1646. Je considère, pour ma part, que le sous-amendement n° 1700 permettrait de résoudre cette difficulté à laquelle nous essayons de trouver une solution.
Il nous faut aussi veiller à préserver la concurrence en assurant la pérennité de la diversité des enseignes. Or des craintes pèsent sur le maintien de toutes ces enseignes, qui créent cette concurrence dans la distribution et contribuent aussi, sans doute, à la baisse des prix.
Mettre en place un système qui tend à concentrer davantage les enseignes, ce qui pourrait être la conséquence de la disposition en l’état, serait sans doute préjudiciable aux consommateurs, en termes tant de politique des prix que d’emploi. Nous ne pouvons que partager cette préoccupation.
Enfin, je crois que le modèle coopératif appelle un regard particulier. Marie-Noëlle Lienemann l’a dit à l’instant, et je souscris à certains de ses arguments. Il nous faut donc être vigilants quant à la préservation de ce modèle.
Pour conclure, monsieur le ministre, je rappelle qu’ont été évoqués le manque d’étude d’impact et la difficulté à évaluer les conséquences et les incertitudes qui entourent les hypothèses futures, au travers de la mise en œuvre d’un tel dispositif. Je tiens à dire, à cet égard, que d’autres ont procédé à des anticipations et à des simulations.
Je pense en particulier à Bank of America Merrill Lynch, qui a publié la semaine passée une recommandation financière et boursière, dont vous me permettrez de citer les termes : « La loi Macron prévoit de raccourcir les contrats de franchise et d’affiliation afin d’augmenter la concurrence. Merrill Lynch considère que les groupes intégrés comme Carrefour, Casino ou Auchan ont plus à gagner dans ce contexte que les autres réseaux coopératifs ou associatifs. En effet, la mesure pourrait offrir des opportunités d’acquisition de magasins indépendants ou de franchisés pour agrandir la force de frappe des distributeurs. »
On voit bien quelles pourraient être les conséquences d’un tel dispositif, si l’on n’y prêtait pas garde : une forme de dépeçage du réseau coopératif. Le sous-amendement n° 1700 permettrait, en apportant une réponse immédiate à cette difficulté, de prévenir ce risque et de rassurer les investisseurs, qui sont aujourd’hui dans l’attente. Nous avons en effet, les uns et les autres, été interrogés à ce sujet par des investisseurs : ils souhaitent savoir ce qui adviendra dans le secteur de la distribution.
Je préconise, pour ma part, dans l’hypothèse où l’amendement du Gouvernement devait être adopté, qu’il soit sous-amendé. Ce serait une bonne manière de rassurer l’ensemble de nos interlocuteurs.
L’article 10 A adopté par l’Assemblée nationale et soutenu par le Gouvernement contient plusieurs types de grandes dispositions. Les articles L. 341-1, L. 341-2 et L. 341-3, dont l’introduction est proposée dans le code de commerce, établissent l’obligation de formaliser un contrat entre tout commerçant indépendant et une personne physique ou morale mettant à sa disposition une enseigne et des services, pour une durée maximale de neuf ans. Ce contrat ne peut être renouvelé par tacite reconduction.
Cette institution d’un contrat plus ou moins unique, sur la durée duquel devraient s’aligner tous les autres contrats établis entre les parties, porte en elle une discrimination à l’égard du commerce intégré. En effet, la contrainte nouvellement créée par cet article n’affecte que très partiellement la distribution intégrée, alors qu’elle concerne la totalité des réseaux de commerçants indépendants. François Marc vient de nous lire une note, établie par un broker, qui explique cela très bien.
Si les réseaux intégrés font bien exploiter des points de vente en franchise, la part d’activité représentée par ce type d’exploitation est très minoritaire dans l’ensemble de leur chiffre d’affaires et son évolution n’a pas d’incidence notable sur le fonctionnement de leurs outils centralisés, lesquels disposent, quant à eux, de la pérennité de ce type de structure.
À l’inverse, tous les réseaux de commerçants associés, principalement des distributeurs alimentaires, mais également tous les réseaux du commerce associé – enseignes de bricolage, opticiens, pharmaciens, magasins d’articles de sport, architectes, parfumeurs... – sont concernés par cet article.
Fragiliser, voire condamner, les sociétés collectives des indépendants reviendrait à instaurer un déséquilibre flagrant au bénéfice des sociétés intégrées, qui auraient la capacité de garder intactes leurs structures, tout en s’emparant progressivement de la majeure partie des magasins indépendants, privés des éléments les plus importants de leur compétitivité. Cela nous renvoie, encore une fois, à la note précitée.
Les dispositions de l’article 10 A, outre qu’elles posent un problème de constitutionnalité, anéantiraient le travail des législateurs qui, depuis des décennies et jusqu’à l’année dernière avec la loi Hamon, ont patiemment adapté et renforcé les règles régissant l’organisation des systèmes coopératifs. C’est la raison pour laquelle cet article ne peut trouver d’aménagement partiel. Tant que les mesures qu’il comporte continueront de concerner le commerce associé, l’efficacité économique du système coopératif sera menacée. La solution ne peut donc passer que par la suppression de l’article 10 A, ou par la limitation de sa portée aux seuls cas du commerce franchisé.
Au vu de ces échanges, monsieur le ministre, je pense sincèrement que rétablir la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale serait une fausse bonne idée et ne vous rendrait pas forcément service. Cela vous ôterait, en effet, toute possibilité d’avancer sur ce sujet, ô combien délicat et important, et donc toute marge de manœuvre.
Si la commission spéciale a décidé de supprimer l’article 10 A, c’est parce qu’elle a considéré que ses inconvénients étaient plus nombreux que ses avantages.
Je souhaite apporter trois clarifications.
La première est relative aux notes des analystes financiers.
Je veux vous rassurer, monsieur Marc : les évaluations rédigées par Merrill Lynch ne sont ni neutres ni indépendantes. De surcroît, elles ne tiennent pas compte des études d’impact du Gouvernement. Il faut d’ailleurs toujours se demander pour qui ces notes sont rédigées : elles le sont pour les sociétés qui sont d’ores et déjà cotées ou font l’objet d’échanges de papiers d’investisseurs, c’est-à-dire plutôt les réseaux privés franchisés, comme Carrefour, par exemple. Par conséquent, méfiez-vous de ce genre d’analyses !
Ma deuxième clarification s’adresse à Mme Lienemann.
Je suis absolument conscient des réalités et de ce qui structure le monde associatif, en particulier le commerce associé, c’est-à-dire les règles de l’affectio societatis.
Je connais aussila différence juridique, que vous avez rappelée, madame la sénatrice, entre des franchisés simples et des franchisés organisés sous forme de coopération qui sont donc coactionnaires.
Vous conviendrez néanmoins avec moi que la réalité quotidienne d’un franchisé de l’un de ces réseaux n’est pas tout à fait celle d’un codécideur. Il est donc vertueux d’aménager le système en vigueur.
Tout comme vous, je suis particulièrement attaché aux caractéristiques du modèle coopératif, à la stabilité qu’il apporte en termes de fonctionnement, aux rapports entre les coopérants, aux valeurs portées par ceux-ci et à la relation qu’ils entretiennent avec leur territoire. Il ne s’agit nullement, ici, de les remettre en cause ! J’ai d’ailleurs reconnu qu’il convenait de corriger les mesures initialement retenues, compte tenu de l’incidence qu’elles pouvaient avoir sur les statuts en vigueur dans ce secteur.
Nous constatons toutefois, dans le secteur coopératif, des pratiques, en termes d’engagements financiers et commerciaux, qui ne sont pas souhaitables et manifestent une volonté d’optimisation.
J’ai noté, madame la corapporteur, et ce sera mon troisième point, que vous aviez salué la puissance du mécanisme d’injonction structurelle que le Gouvernement a proposé. Vous êtes même allée plus loin puisque vous avez reconnu la notion de position dominante. J’en suis heureux : ainsi pourrons-nous défendre, dans la suite du débat, la puissance de cette notion pour ne pas en revenir à celle de simple abus de position dominante, laquelle n’a jusqu’à présent pas porté ses fruits.
L’injonction structurelle ne vaut que dans le cas d’une position dominante avec des prises ou des marges excessives. Un franchisé, qu’il appartienne ou non au secteur du commerce associé, peut ainsi se retrouver dans l’impossibilité de changer d’enseigne, alors même qu’il le souhaiterait, en raison de l’enchevêtrement de ces contrats et de leur durée.
Il y a donc un problème réel, bien identifié. La volonté du Gouvernement, au travers du dispositif proposé, n’est pas de déstabiliser le commerce associé, pas plus que l’ensemble des modes de la coopération.
Le dialogue est en cours. Mon cabinet et moi-même avons reçu à plusieurs reprises la FCA. La négociation continue sur ce point. Quel que soit le vote du Sénat, je m’engage à ce que vos préoccupations soient prises en compte. Le dispositif adopté in fine sera corrigé en ce sens, afin de préserver l’essence du modèle coopératif.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 1700.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du président de la commission spéciale.
Je rappelle que la commission spéciale s’en est remise à la sagesse du Sénat et que l’avis du Gouvernement est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 131 :
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'amendement n° 1646.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant de la commission spéciale.
Je rappelle que l'avis de la commission spéciale est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 132 :
Nombre de votants337Nombre de suffrages exprimés324Pour l’adoption0Contre 324Le Sénat n'a pas adopté.
Rires et applaudissements sur les travées de l'UMP.
(Supprimé)
Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 192 rectifié bis, présenté par MM. Raison, César, Morisset, de Nicolaÿ, Vasselle et Pellevat, Mme Deromedi, MM. Kennel, Delattre, Lefèvre, Nougein, Pointereau, Milon, Vaspart, B. Fournier, Grosperrin, Calvet, Béchu, Trillard, Joyandet et Revet, Mme Bouchart et MM. Chaize, Laménie, Perrin et Gremillet, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
L’article L. 441-7 du code de commerce est ainsi modifié :
1° Le I est ainsi modifié :
a) À la première phrase du premier alinéa, au 2°, au 3° et à la première phrase du neuvième alinéa, les mots : « ou le prestataire de services » sont remplacés par les mots : « de commerce de détail » ;
b) Au huitième alinéa, les mots : « ou prestataire de services » sont remplacés par les mots : « de commerce de détail » ;
2° Après le I, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :
« … – Au sens du I, la notion de distributeur de commerce de détail s’entend du distributeur effectuant pour plus de la moitié de son chiffre d’affaires de la vente de marchandises à des consommateurs pour un usage domestique, ou de la centrale d’achat ou de référencement d’entreprises de ce distributeur. »
La parole est à M. Marc Laménie.
Cet amendement vise à rétablir l'article 10 B, qui modifie l’article L. 441-7 du code de commerce introduit par la loi de modernisation de l’économie de 2008. Il s’agit d’exclure les entreprises de l’approvisionnement professionnel du champ de cet article du code précité et d’indiquer que cette disposition ne s’applique qu’aux relations entre la grande distribution et ses fournisseurs.
En outre est précisée la notion de grande distribution en référence à la définition proposée par l’Autorité de la concurrence du commerce de détail dans ses lignes directrices relatives au contrôle des concentrations.
L'amendement n° 848 rectifié, présenté par MM. Bizet et G. Bailly, Mme Bouchart, M. Calvet, Mme Cayeux, MM. César, Commeinhes, de Nicolaÿ et Delattre, Mme Deromedi, MM. Doligé, Houel, L. Hervé, Laménie, Lefèvre, Longuet et Mayet, Mme Mélot, MM. Milon, Morisset, Perrin et Pierre, Mme Primas et MM. Raison, Trillard et Vogel, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le code de commerce est ainsi modifié :
1° L II de l’article L. 441-7 est abrogé ;
2° Après l’article L. 441-7, sont insérés deux articles ainsi rédigés :
« Art. L. 441 -7 -1. – I. – L’article L. 441-7 n’est pas applicable entre un fournisseur et un grossiste.
« Une convention écrite conclue entre le fournisseur et le grossiste indique les obligations auxquelles se sont engagées les parties en vue de fixer le prix à l’issue de la négociation commerciale. Établie soit dans un document unique, soit dans un ensemble formé par un contrat-cadre annuel et des contrats d’application, elle fixe :
« 1° Les conditions de l’opération de vente des produits ou des prestations de services telles qu’elles résultent de la négociation commerciale dans le respect de l’article L. 441-6 ;
« 2° Les conditions dans lesquelles le grossiste s’oblige à rendre au fournisseur, en vue de la revente de ses produits aux professionnels, tout service propre à favoriser leur commercialisation ne relevant pas des obligations d’achat et de vente, en précisant l’objet, la date prévue, les modalités d’exécution, la rémunération des obligations ainsi que les produits ou services auxquels elles se rapportent ;
« 3° Les autres obligations destinées à favoriser la relation commerciale entre le fournisseur et le grossiste, en précisant pour chacune l’objet, la date prévue et les modalités d’exécution, ainsi que la rémunération ou la réduction de prix globale afférente à ces obligations.
« Les obligations relevant des 1° et 3° concourent à la détermination du prix convenu.
« La convention unique ou le contrat-cadre annuel est conclu avant le 1er mars ou dans les deux mois suivant le point de départ de la période de commercialisation des produits ou des services soumis à un cycle de commercialisation particulier.
« « Le présent I n’est pas applicable aux produits mentionnés au premier alinéa de l’article L. 441-2-1.
« II. – Au sens du I, la notion de grossiste s’entend de toute personne physique ou morale qui, à titre professionnel, achète des produits à un ou plusieurs fournisseurs et les revend, à titre principal, à d’autres commerçants, grossistes ou détaillants, à des transformateurs, ou à tout autre professionnel qui s’approvisionne pour les besoins de son activité.
« Sont assimilées à des grossistes au sens du premier alinéa du présent II, les centrales d’achat ou de référencement de grossistes, à l’exception de celles agissant également pour le compte de détaillants.
« Art. L. 441 -7 -2. – Le fait de ne pas pouvoir justifier avoir conclu dans les délais prévus une convention satisfaisant aux exigences de l’article L. 441-7 ou du I de l’article L. 441-7-1 est passible d’une amende administrative dont le montant ne peut excéder 75 000 euros pour une personne physique et 375 000 euros pour une personne morale. L’amende est prononcée dans les conditions prévues à l’article L. 465-2. Le maximum de l’amende encourue est doublé en cas de réitération du manquement dans un délai de deux ans à compter de la date à laquelle la première décision de sanction est devenue définitive. »
La parole est à Mme Sophie Primas.
Cet amendement vise à lever les graves difficultés que pose aux entreprises spécialisées dans l'approvisionnement professionnel le cadre légal en vigueur en matière de formalisation de la négociation commerciale.
Rappelons que la loi Hamon a renforcé une nouvelle fois les contraintes de formalisme pesant sur les relations commerciales. Les raisons de ce renforcement sont connues et portent sur le déséquilibre particulier qui caractérise la relation entre la grande distribution et ses fournisseurs. Ce déséquilibre, les entreprises fournisseurs, qui sont à 95 % des PME, ne le connaissent pas. Elles se voient pourtant imposer les mêmes contraintes du code de commerce.
Aujourd'hui, le cadre légal est devenu quasiment impraticable, car il est totalement inadapté à la réalité des affaires. En outre, il place ces PME dans une situation d'insécurité juridique caractérisée.
Pour les dizaines de milliers d'entreprises concernées, l'adoption de cet amendement constituerait une avancée considérable. Elle mettrait un terme au cercle vicieux qui, loi après loi, impose à l'ensemble de l'économie française des contraintes qui n'ont de raison d'être que dans le cas particulier de la relation entre fournisseurs et grande distribution.
L'amendement n° 1053, présenté par Mme Assassi, M. Vergès et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Dans les six mois suivant la promulgation de la présente loi, le Gouvernement présente au Parlement un rapport portant, dans les départements et régions d’outre-mer, sur les modalités de création et de fonctionnement de centrales d’approvisionnement et de stockage régionales qui, par mutualisation des moyens, réduiraient les coûts et permettraient aux distributeurs de mieux faire jouer la concurrence entre fabricants et intermédiaires.
La parole est à M. Michel Le Scouarnec.
Il s’agit de favoriser la création de centrales d’approvisionnement régional, revendication que les outre-mer brandissent depuis longtemps, notamment à travers une mesure issue des états généraux de l’outre-mer, reprise dans les décisions du conseil interministériel de l’outre-mer... en 2009 !
Cette préconisation est aussi celle de l’Autorité de la concurrence. En 2009 toujours, cette instance a rendu un avis relatif aux mécanismes d’importation et de commercialisation des produits de grande consommation dans les outre-mer.
Dans ces derniers, les marchés sont étroits et, par le jeu de ce que l’on pourrait appeler « colbertisme », les outre-mer s’approvisionnent généralement sur les marchés français et européens. Or ceux-ci sont éloignés – jusqu’à 10 000 kilomètres pour ce qui concerne La Réunion –, ce qui entraîne obligatoirement un coût.
Pourtant, ce n’est pas la seule raison à la vie chère outre-mer. La question des marges est très significative.
L’Autorité de la concurrence a recommandé de travailler à l’amélioration des circuits logistiques entre la métropole et les territoires domiens. Cette amélioration est indispensable quand on sait que la segmentation de l’approvisionnement entre différents opérateurs et intermédiaires empêche la réalisation d’économies d’échelle et, qui plus est, permet l’accroissement des marges à chaque stade de la chaîne d’approvisionnement.
L’Autorité de la concurrence a demandé que l’État et les collectivités locales mettent en place des centrales d’approvisionnement et de stockage régionales. Celles-ci, grâce à la mutualisation des moyens, permettraient de réduire les coûts. En outre, cela garantirait une vraie concurrence entre fabricants et intermédiaires.
Les différentes études ont montré les difficultés des outre-mer à s’insérer dans leur environnement économique et à intégrer les marchés régionaux. Bien évidemment, l’approvisionnement sur ces marchés aurait pour effet induit une baisse des coûts de transport, donc des prix de revient des produits eux-mêmes. Pour l’heure, un tel approvisionnement est restreint, du fait des contraintes imposées par les réglementations et normes européennes.
Le député martiniquais Serge Letchimy proposait, dans un rapport, de mettre en place des outils de certification pour le marquage, l’agrément des matériaux et autres produits hors CE d’origine régionale. Cela permettrait de créer des passerelles de reconnaissance d’homologation dans les différents bassins géographiques.
Quant à l’idée d’une plateforme d’achat, elle a été adoptée par la chambre de commerce et d’industrie de La Réunion qui a lancé la campagne : « Le bon produit au bon endroit ».
Les initiatives prises par les acteurs ultramarins dans ce sens doivent être encouragées. Il est bien évident que les chances de succès de telles opérations seraient confortées si les pouvoirs publics accompagnaient les démarches.
On pourrait aussi suggérer de mettre en place une mission d’étude réunissant l’État et les collectivités territoriales dans chaque région d’outre-mer, pour réfléchir à ce sujet. Le Gouvernement pourrait ainsi s’appuyer sur le résultat de ces missions pour la rédaction du rapport que tend à prévoir le présent amendement.
L’amendement n° 192 rectifié bis vise à rétablir l’article 10 B dans sa rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale, ce qui conduirait à supprimer la convention unique pour tout un pan des relations commerciales, celles qui existent entre fournisseurs et grossistes.
Comme je l’ai déjà indiqué en commission spéciale, ce dispositif est trop simpliste, car il ne contraindrait plus les parties à respecter un formalisme juridique. Pour autant, j’en conviens, le cadre légal, du fait de sa rigidité, n’est pas en phase avec le monde des affaires. Les professionnels concernés ont donc travaillé sur un aménagement du formalisme des négociations commerciales pour les entreprises n’entrant pas dans le champ du commerce de détail et proposé un dispositif, que tend à introduire l’amendement n° 848 rectifié. C’est ce système qui a eu la préférence de la commission spéciale.
Par conséquent, la commission spéciale vous prie, monsieur Laménie, de bien vouloir retirer votre amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
L’amendement n° 848 rectifié vise à inscrire dans le projet de loi, comme je viens de l’indiquer, une proposition résultant du travail de concertation effectué par les entreprises de l’approvisionnement professionnel.
Le cadre légal que tend à prévoir cet amendement pour les relations entre les fournisseurs et les grossistes déroge au régime de l’article L. 441-7 du code de commerce. Il maintient toutefois l’obligation de conclure une convention écrite et définit la notion de grossiste.
La commission spéciale a émis un avis favorable sur cet amendement, tout en considérant que le dispositif proposé pourra être enrichi au cours du travail parlementaire.
L’amendement n° 1053 tendant à prévoir la remise d’un rapport, la commission spéciale y est défavorable.
L’amendement n° 192 rectifié bis vise à rétablir l’article 10 B dans la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale. Il existe désormais un consensus, y compris d’ailleurs parmi les acteurs concernés, pour rejeter la solution proposée par les auteurs de cet amendement, lequel tend à supprimer tout formalisme dans les relations entre grossistes et fournisseurs. Une telle suppression ne me paraît pas souhaitable. Je vous prie donc de bien vouloir retirer votre amendement, monsieur Laménie. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
La rédaction que vous proposez, madame Primas, par le biais de l’amendement n° 848 rectifié, semble plus adaptée. Si elle était retenue, elle permettrait de tenir compte des spécificités des relations entre grossistes et fournisseurs et d’introduire en l’espèce plus de transparence et de sécurité juridique. Néanmoins, elle doit encore être améliorée. À cette fin, la discussion se poursuit entre les acteurs du secteur et les services de mon ministère sur certains points essentiellement techniques, en particulier le respect du prix convenu – le non-respect de cette obligation entraînant une sanction, cette question doit être réglée.
À ce stade, je vous prie donc, madame la sénatrice, de bien vouloir retirer votre amendement.
Enfin, je m’en remets à la sagesse du Sénat sur l’amendement n° 1053.
Non, je le retire, madame la présidente, compte tenu des avis de Mme la corapporteur et de M. le ministre.
L'amendement n° 192 rectifié bis est retiré.
Madame Primas, l'amendement n° 848 rectifié est-il maintenu ?
J’ai bien compris la position de M. le ministre, mais la commission ayant émis un avis favorable, je maintiens cet amendement. La rédaction proposée pourra être améliorée dans la suite du travail parlementaire.
L'amendement est adopté.
En conséquence, l'article 10 B est rétabli dans cette rédaction, et l’amendement n° 1053 n’a plus d’objet.
L'amendement n° 849 rectifié, présenté par MM. Bizet et G. Bailly, Mme Bouchart, M. Calvet, Mme Cayeux, MM. César, Commeinhes, de Nicolaÿ, Delattre, Doligé et Houel, Mme Gruny, MM. Laménie, Lefèvre, Longuet et Mayet, Mme Mélot, MM. Milon, Morisset, Perrin et Pierre, Mme Primas et MM. Raison, Reichardt, Trillard, Vaspart et Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 10 B
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la première phrase du septième alinéa du I de l’article L. 441-6 du code de commerce, après les mots : « de vente », sont insérés les mots : «, opposables dès leur date d’entrée en vigueur définie par le fournisseur, ».
La parole est à Mme Sophie Primas.
Conformément au principe de la liberté des prix et de la concurrence consacré par le droit français, tout producteur ou prestataire de services doit soumettre la vente de ses produits ou de ses prestations à des conditions générales de vente, applicables à tous ses clients sans distinction, c'est-à-dire à une même date.
Depuis l'entrée en vigueur de la loi de modernisation de l’économie, le tarif fournisseur, socle de la négociation commerciale, n'est pas appliqué dans la majorité des cas. En effet, les fournisseurs sont confrontés à des demandes de conditions générales de vente dérogatoires, à des reports d'application du tarif annuel, voire à des refus de respecter le tarif de l'année sur la base duquel ont été négociés et conclus les accords commerciaux. Nous le savons tous dans cette enceinte, ces pratiques sont monnaie courante.
Force est de reconnaître que l'objectif de la LME – garantir une négociation commerciale équilibrée – est détourné depuis cinq ans. Les abus en résultant créent de véritables distorsions de concurrence entre les enseignes de la distribution dès lors que le point de départ de la négociation n'est plus identique. Rappelons que la tractation doit porter sur le prix convenu après transaction commerciale, et non sur le tarif de départ.
Il est donc nécessaire de réaffirmer que la date d'entrée d'application du tarif n'est pas négociable et qu’elle s'applique de plein droit pour ouvrir les négociations commerciales.
Contrairement aux conditions particulières de vente qui varient d’un client à un autre, les conditions générales de vente constituent le socle de la négociation commerciale, aux termes de l’article L. 441-6 du code de commerce. Ces dernières conditions, qui, je le rappelle, sont un acte juridique unilatéral émanant du seul fournisseur, doivent par conséquent être identiques pour tous les clients. Si tel n’est pas le cas, le fournisseur engage sa responsabilité et est passible de sanctions.
Dans la pratique, les négociations commerciales entre l’industrie et la grande distribution sont, de l’avis de nombreux professionnels, de plus en plus difficiles : certains distributeurs refusent de négocier sur la base des conditions générales de vente et tentent d’imposer leur propre point de départ, en se référant, par exemple, aux tarifs de l’année précédente ou même à des prix inférieurs.
Je le dis avec force : on ne peut se satisfaire d’une telle situation et les pratiques abusives doivent être sévèrement sanctionnées, faute de quoi des pans entiers de nos industries de production risquent de péricliter.
Toutefois, le présent amendement va trop loin en sens inverse en faisant des conditions générales de vente non plus le socle de la négociation, mais des conditions unilatéralement opposables aux clients. En effet, inscrire dans le texte que ces conditions sont opposables dès leur date d’entrée en vigueur pourrait entraîner une confusion et apparaître comme une remise en cause de la négociabilité des prix.
Compte tenu de la liberté des prix instituée en 1986, il est difficilement envisageable que les conditions contractuelles ne puissent plus être négociées entre clients et fournisseurs. Cela reviendrait à renverser le déséquilibre des relations commerciales et non à rétablir l’équilibre.
La commission spéciale souhaite donc le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable
Je comprends vos explications, madame la corapporteur. Le compte rendu de nos débats au Journal officiel, fût-il électronique, permettra, je l’espère, d’établir une jurisprudence et de régler une partie des conflits entre distributeurs et fournisseurs. Par conséquent, je retire cet amendement.
L'amendement n° 849 rectifié est retiré.
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 189 rectifié ter est présenté par MM. Raison, Bizet, Morisset, de Nicolaÿ, Vasselle et Pellevat, Mme Deromedi, MM. Kennel, Lefèvre, Pointereau, G. Bailly, Béchu, Chaize, Reichardt, Milon, Vaspart, B. Fournier, Grosperrin, Perrin, Pierre, Calvet, Cornu, Trillard et Joyandet, Mme Primas, M. Revet, Mme Bouchart et MM. Laménie et Gremillet.
L'amendement n° 438 rectifié est présenté par M. Desessard et les membres du groupe écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 10 B
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le quatrième alinéa du I de l’article L. 441-7 du code de commerce, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le plan d’affaires fait partie intégrante de la convention. Il reprend les engagements réciproques, les leviers de développement, ainsi que les objectifs que les parties se sont fixés tels qu’ils sont définis par la commission d’examen des pratiques commerciales. »
La parole est à M. Marc Laménie, pour présenter l’amendement n° 189 rectifié ter.
La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l'amendement n° 438 rectifié.
Cet amendement est le premier d’une série visant à rééquilibrer les relations entre les industriels et la grande distribution.
Depuis plusieurs années, un processus de regroupement des centrales d’achat de la grande distribution est à l’œuvre en France, de sorte que, aujourd’hui, quatre centrales d’achat se partagent le marché au nom des grandes enseignes de la distribution.
Cet oligopole déséquilibre fortement le rapport de force entre industriels et distributeurs. Depuis la loi Dutreil de 2005, les négociations commerciales doivent se dérouler entre le début du mois de novembre et la fin du mois de février de chaque année. Or, de plus en plus fréquemment, les distributeurs abusent du mécanisme dit de « compensation de marges » qui permet d’exiger des industriels qu’ils mettent la main au porte-monnaie en dehors de la période annuelle de négociation dès lors que l’enseigne de la grande distribution connaît une baisse de ses marges.
Cet abus de position dominante est tel qu’il a des effets non seulement sur les petits producteurs, mais également sur les plus grands. Ainsi, dans une interview parue dans Le Figaro, le P-DG de Nestlé, Richard Girardot, évoque des « marges écrasées » par les exigences des distributeurs, mais aussi des négociations annuelles au cours desquelles ses commerciaux sont « soumis à une pression digne d’une garde à vue ».
Cette pression pourrait être justifiée si elle aboutissait à une diminution des prix sensible pour le consommateur. Or cette baisse ne représente que 2, 50 euros par ménage et par mois. Il est donc temps de remédier à cette situation injustifiée.
Le présent amendement vise à prévoir que le plan d’affaires fait partie intégrante de la convention signée entre industriels et distributeurs. Ce document permet de retracer toute la négociation, depuis les conditions générales de vente jusqu’à la signature du contrat, y compris les engagements mutuels des deux parties et les contreparties. Il assure une plus grande transparence des négociations, non seulement pour les deux parties signataires, mais aussi pour les autorités de contrôle comme la DGCCRF. Telles sont les raisons pour lesquelles nous proposons de rendre ce document obligatoire.
Les auteurs de ces deux amendements identiques souhaitent que le plan d’affaires soit totalement intégré dans la convention signée à l’issue de la négociation commerciale, afin de fixer les engagements des parties.
Cela serait, me semble-t-il, faire jouer au plan d’affaires un rôle qui n’est pas le sien. D’ailleurs, le contenu juridique de cette notion, qui vient du monde de la gestion et de l’économie, n’est pas précisément défini. Faire de ce plan un élément de la convention définissant les engagements entre fournisseurs et distributeurs, c’est introduire une grande insécurité juridique dans les relations commerciales, qui ont besoin d’un cadre clair.
Au demeurant, ces amendements identiques me semblent déjà en grande partie satisfaits par le droit en vigueur. Aux termes de l’article L. 441-7 du code de commerce, la convention doit mentionner les obligations destinées à favoriser la relation commerciale entre le fournisseur et le distributeur ou le prestataire de services, en précisant l’objet, la date prévue et les modalités d’exécution, ainsi que la rémunération ou la réduction de prix globale afférente à ces obligations. Vous le voyez, la loi oblige déjà à formaliser sous forme d’engagement dans la convention certains des éléments constitutifs de tout plan d’affaires.
La commission sollicite donc le retrait de ces deux amendements identiques. À défaut, l’avis serait défavorable.
Non, madame la présidente. Compte tenu des éléments qui viennent d’être apportés par Mme la corapporteur, je le retire.
L’amendement n° 189 rectifié ter est retiré.
Qu’en est-il de l’amendement n° 438 rectifié, madame Benbassa ?
L'amendement n'est pas adopté.
(Non modifié)
I. – L’article L. 441-8 du code de commerce est ainsi modifié :
1° Le dernier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Il n’est pas applicable lorsque le contrat ne comporte pas d’engagement sur le prix d’une durée d’au moins trois mois. » ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Le présent article est applicable aux contrats d’une durée d’exécution supérieure à trois mois portant sur la conception et la production, selon des modalités répondant aux besoins particuliers de l’acheteur, de produits mentionnés au premier alinéa. »
II. – À l’article L. 631-25-1 du code rural et de la pêche maritime, les mots : « à l’avant-dernier » sont remplacés par les mots : « au quatrième ».
Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 1054, présenté par Mme Assassi, MM. Bosino, Le Scouarnec et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article L. 611-4-2 du code rural et de la pêche maritime est ainsi rédigé :
« Art. L. 611 -4 -2. – Un coefficient multiplicateur entre le prix d’achat et le prix de vente des produits agricoles et alimentaires est instauré. Ce coefficient multiplicateur est supérieur lorsqu’il y a vente assistée.
« Après consultation des syndicats et organisations professionnelles agricoles, les ministres chargés de l’économie et de l’agriculture fixent le taux du coefficient multiplicateur, sa durée d’application et les produits visés.
« Un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’application du présent article et les sanctions applicables en cas de méconnaissance de ses dispositions. »
La parole est à Mme Christine Prunaud.
L’objet de cet amendement est implicite. Nous proposons d’instituer un coefficient multiplicateur entre le prix d’achat et le prix de vente des produits alimentaires.
L’agriculture s’inscrit aujourd’hui dans de puissantes filières agrofinancières dominées en aval par l’agrobusiness et en amont par la grande distribution. Les récents scandales alimentaires témoignent des dérives de l’agro-industrie, fondée sur la recherche du moins-disant social et environnemental, où seuls les intérêts financiers priment.
Le développement des firmes en amont et en aval s’accompagne d’une captation croissante de la valeur ajoutée agricole, au détriment des agriculteurs et des consommateurs, ainsi que d’une détérioration de la qualité des aliments.
Depuis 1992, les réformes successives de la politique agricole commune menées dans le cadre de l’offensive libérale ont progressivement conduit à la suppression des outils de régulation et à l’ouverture des marchés agricoles à la spéculation financière, ce qui entraîne mécaniquement une forte volatilité des prix agricoles.
Les stratégies de marge de la grande distribution continuent d’être appliquées sans vergogne. Les différentes dispositions adoptées depuis plusieurs années dans des lois de modernisation et de régulation économique n’ont pas arrangé la situation ; elles ont même permis aux distributeurs d’avoir les coudées franches. Faute de régulation, les producteurs subissent des prix d’achat très souvent inférieurs aux coûts de production.
Pour la distribution, l’accroissement des importations vise à compresser toujours plus les prix d’achat aux producteurs. À l’autre bout de la chaîne, le ticket de caisse des consommateurs flambe.
Face aux actionnaires de ces groupes dominateurs, il ne peut pas suffire d’en appeler à leur simple « responsabilité » pour « ne pas spéculer sur une baisse des cours », comme l’a récemment indiqué M. le ministre de l’agriculture.
En la matière, la mise en place d’un coefficient régulateur constituera une première étape. Rémunérer justement les producteurs et mieux répartir la valeur ajoutée dans les filières agricoles est essentiel à toute ambition d’un nouveau type de développement agricole.
Notre amendement s’inscrit dans cette perspective. Nous proposons l’application immédiate du coefficient multiplicateur, afin d’assurer le meilleur prix aux consommateurs et de permettre aux agriculteurs de percevoir un revenu décent.
L'amendement n° 277 rectifié, présenté par Mme Lamure, MM. César, Kennel, Lefèvre, D. Laurent, Calvet, Sido, Laménie et Houel, Mme Primas et MM. P. Leroy, G. Bailly et Gremillet, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Après les mots :
article est
insérer le mot :
également
La parole est à Mme Élisabeth Lamure.
Il s’agit d’un amendement de clarification. Nous souhaitons préciser que les dispositions de l’article 10 C s’appliquent également aux contrats d’une durée d’exécution supérieure à trois mois et portant sur la conception et la production.
Cet amendement rédactionnel permet ainsi de lever toute incertitude quant au champ d’application de la clause de renégociation prévue à l’article L. 441-8 du code du commerce.
L’amendement n° 1054 vise à instaurer un coefficient multiplicateur entre le prix d’achat et le prix de vente de tous les produits agricoles et alimentaires.
Aujourd’hui, la possibilité d’instaurer un tel coefficient est prévue par l’article L. 611-4 du code rural et de la pêche maritime, uniquement en situation de crise conjoncturelle, et pour une seule catégorie de produits : les fruits et légumes frais.
Jusqu’à présent, aucun arrêté interministériel conjoint des ministres chargés de l’agriculture et de l’économie n’est intervenu. Pourtant, nous avons connu quelques crises dans le secteur concerné.
Il apparaît que le coefficient multiplicateur n’est pas le meilleur outil de protection des producteurs. Il garantit bien plus la marge du distributeur que le revenu du producteur. Rien n’interdit d’acheter à l’étranger : pour maintenir des prix bas aux consommateurs, les distributeurs pourront se fournir de manière privilégiée auprès d’acteurs économiques de l’agriculture ou du secteur agroalimentaire hors de France.
Au final, l’adoption de cet amendement aurait pour effet d’instaurer un dispositif rigide de garantie de la marge des distributeurs, sans possibilité de concurrence par les prix. Par ailleurs, une formulation aussi générale soulève certainement un problème de constitutionnalité, dans la mesure où l’on ne précise pas clairement qu’il s’agit d’un régime d’exception.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
En revanche, l’avis est favorable sur l’amendement n° 277 rectifié, qui tend à expliciter l’objet de l’article 10 C.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement est adopté.
L'article 10 C est adopté.
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 220 rectifié ter est présenté par Mme Malherbe, MM. Bertrand, Collombat, Arnell, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard et Requier.
L'amendement n° 730 rectifié est présenté par MM. Camani et Guillaume, Mmes Bricq, Emery-Dumas et Génisson, MM. Bigot, Cabanel, Filleul, Marie, Masseret, Raynal, Richard, Sueur, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 10 C
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 441-2-2 du code de commerce est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est complété par les mots : « ou prévoir la rémunération de services rendus à l'occasion de leur revente, propres à favoriser leur commercialisation et ne relevant pas des obligations d'achat et de vente, ou de services ayant un objet distinct » ;
2° Au deuxième alinéa, après les mots : « à la commande », sont insérés les mots : « ou prévoir la rémunération de services rendus à l’occasion de sa revente, propres à favoriser sa commercialisation et ne relevant pas des obligations d’achat et de vente, ou de services ayant un objet distinct ».
L’amendement n° 220 rectifié ter n’est pas soutenu.
La parole est à M. Yannick Vaugrenard, pour présenter l’amendement n° 730 rectifié.
Cet amendement, cher à mon collègue Pierre Camani, coprésident du groupe d’études fruits et légumes, vise à défendre les producteurs de fruits et légumes, trop souvent malmenés par la grande distribution dans les négociations de contrats-cadres annuels, où on leur impose souvent des services dont l’objet est distinct de la vente proprement dite.
La cour d’appel de Paris a d’ailleurs récemment condamné un grossiste en fruits et légumes pour des pratiques de fausse coopération commerciale destinées à passer outre la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche prohibant l’obtention de remises, rabais et ristournes lors de l’achat de fruits et légumes frais. Elle a retenu que « de telles pratiques créent un trouble à l’ordre public économique en ce qu’elles faussent le marché de la libre concurrence en créant des prix artificiels ».
Certains grossistes proposent des services annexes, comme la mise en avant des produits sur les lieux de vente, le référencement numérique ou encore la centralisation des commandes, qui ne relèvent pas de la vente et sont irréalisables en pratique, d’autant que peu de fournisseurs disposent de marques commerciales valorisables, en rayon comme sur internet.
Ce contournement est aujourd’hui rendu possible par la possibilité offerte par la loi de rémunérer des services de coopération commerciale ou des services ayant un objet distinct, sous réserve que ceux-ci soient prévus dans un contrat écrit portant sur la vente des produits par le fournisseur.
Il apparaît ainsi que certains distributeurs ont pu imposer par ce biais la rémunération de services fictifs ou disproportionnés, imposés sans négociation lors de la signature des contrats-cadres annuels. À l’heure où ces contrats se négocient, ces contournements à la règle des « 3R nets », c’est-à-dire remises, rabais, ristournes, déstabilisent le secteur des fruits et légumes au profit de la grande distribution.
Notre amendement vise donc à éviter ces contournements, en précisant la rédaction de l’article L. 441-2-2 du code de commerce, afin d’en conforter l’esprit initial, à savoir la nécessité de lutter contre les déséquilibres dans les relations commerciales entre producteurs et acheteurs.
Toutefois, il paraît essentiel d’adapter le dispositif aux réalités et nécessités de la pratique : en certaines occasions, quand ils sont négociés correctement, ces services peuvent être utiles aux deux partenaires commerciaux. Il convient donc de permettre à l’interprofession de définir les conditions dans lesquelles leur rémunération serait autorisée.
Cet amendement tend à interdire les conventions de coopération commerciale entre distributeurs et fournisseurs, sauf s’il existe un accord interprofessionnel les encadrant.
Or il y a déjà un dispositif permettant de sanctionner la fausse coopération commerciale, notamment dans les cas où la rémunération du distributeur est disproportionnée par rapport au service réellement rendu. Le 1° du I de l’article L. 442-6 du code de commerce interdit une telle pratique.
La victime peut saisir les tribunaux pour obtenir réparation. Mais cette saisine est aussi possible par le ministre, ou, en pratique, par la DGCCRF. Le distributeur qui propose une fausse convention de coopération commerciale s’expose à une amende de 2 millions d’euros pouvant être portée au triple des sommes indûment versées.
Le secteur des fruits et légumes n’est pas celui dans lequel les conventions de coopération commerciale sont les plus fréquentes. L’intérêt d’un dispositif spécifique d’encadrement de la coopération commerciale par un accord interprofessionnel ne paraît donc pas flagrant, d’autant qu’un tel accord ne permettra pas de mettre en place un régime de sanctions : les interprofessions ne disposent pas d’un pouvoir de discipline sur leurs membres.
En outre, rien n’interdit à l’interprofession de fournir aux acteurs de la filière fruits et légumes frais un guide de bonnes pratiques concernant les conventions de coopération commerciale, guide qui aura les mêmes effets qu’un accord interprofessionnel et pourra servir de référentiel aux parties, mais aussi à la DGCCRF ; cette dernière sera ainsi en mesure d’apprécier les cas d’abus.
L’avis de la commission est donc défavorable.
Le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement, qui n’est pas redondant par rapport aux dispositifs existants.
Avec un tel mécanisme, la coopération commerciale serait fortement limitée dans le secteur. Pour préserver une possibilité de négocier, il est proposé de définir par accord interprofessionnel les conditions dans lesquelles les services de coopération commerciale ou des services distincts de ces derniers pourraient être négociés entre les producteurs et leurs clients.
Le déséquilibre du rapport de forces entre les producteurs et les distributeurs au sein de la filière fruits et légumes frais avait déjà conduit en 2010 le législateur à interdire, de manière spécifique, les rabais, remises ou ristournes pour l’achat des produits en question.
La cour d’appel de Paris a récemment condamné le fait de se faire rémunérer des services fictifs de coopération commerciale en vue de contourner l’interdiction des rabais, remises ou ristournes ; je fais référence à l’arrêt rendu le 15 janvier 2015 dans le cadre de l’affaire Blampin.
Le dispositif proposé apporte un complément utile, afin de mettre un terme aux stratégies de contournement que l’on observe encore. Il semble que la pratique dans le secteur légitime une telle démarche.
Une interdiction dans un secteur particulier où la coopération commerciale est, en général, fictive sera plus efficace que le contrôle juridictionnel ex post, sans entraîner d’inconvénient économique.
En tant que coprésident du groupe d’études fruits et légumes du Sénat, je ne partage pas l’avis qui vient d’être exprimé par M. le ministre.
D’une part, la récente loi de modernisation agricole assainit les pratiques commerciales en matière de vente de fruits et de légumes.
D’autre part, et même si la jurisprudence de la cour d’appel de Paris montre qu’il existe encore des brebis galeuses, l’outil complémentaire de lutte contre les abus qu’il est proposé introduire me semble disproportionné. Il existe, pour les cas particuliers de la vente des fruits et légumes, des services réels, qui doivent faire l’objet d’un contrat écrit. Il n’est pas opportun de les supprimer.
J’ai été étonné que mon homologue coprésident du groupe d’études ne m’ait pas informé du dépôt de cet amendement. J’ai pris directement contact avec l’interprofession, dont le président m’a indiqué ne pas être favorable à cet amendement ; il m’a également soutenu que les accords interprofessionnels seraient élaborés en vue d’éviter les pratiques non respectueuses des producteurs.
Par conséquent, je ne voterai pas cet amendement.
L’amendement n’est pas adopté.
Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° 382 rectifié bis est présenté par Mme Lamure, MM. Laménie, Pierre et Lefèvre, Mme Primas et MM. G. Bailly, César, Houel et Calvet.
L’amendement n° 839 rectifié bis est présenté par M. Bizet, Mmes Bouchart et Cayeux, MM. Commeinhes et de Nicolaÿ, Mme Gruny, MM. P. Leroy, Longuet et Mayet, Mme Mélot et MM. Milon, Morisset, Reichardt, Trillard, Vaspart et Vogel.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 10 C
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le deuxième alinéa de l’article L. 442-2 du code de commerce est ainsi rédigé :
« Le prix d’achat effectif est le prix unitaire net figurant sur la facture d’achat, majoré des taxes sur le chiffre d’affaires, des taxes spécifiques afférentes à cette revente et du prix du transport. »
La parole est à Mme Élisabeth Lamure, pour présenter l’amendement n° 382 rectifié bis.
Le seuil de revente à perte devait empêcher un commerçant de revendre un produit en dessous d’un prix raisonnable, c’est-à-dire en perdant de l’argent.
La loi du 4 août 2008 de modernisation de l’économie a permis aux distributeurs de réintégrer dans le calcul de ce seuil l’ensemble des avantages consentis aux fournisseurs en matière de vente. Cette dérégulation du seuil de revente à perte a marqué le début d’une communication agressive sur les prix, et uniquement sur les prix.
Dans cette démarche, il faut faire baisser le seuil de revente à perte toujours plus bas, en y intégrant d’abord le maximum d’avantages financiers, puis – c’est ce à quoi nous avons assisté ces dernières années – en essayant de faire baisser le tarif du fournisseur lui-même.
Cette asphyxie généralisée de la filière, qui découle d’un déséquilibre des acteurs et d’une dépendance économique des fournisseurs toujours plus forte, est très éloignée d’une situation de concurrence idéale.
Dans cette guerre des prix, tout le monde est perdant. Les producteurs et les fournisseurs, qui prennent tous les risques, voient leurs marges réduites, leurs capacités d’investissement et d’innovation rognées, donc, à terme, leur compétitivité dégradée. Mais les distributeurs ne sont pas moins touchés par ce cercle vicieux ; ils sont les premières victimes de la guerre qu’ils se livrent, au lieu de créer de la valeur.
Une déflation des produits alimentaires telle que nous la connaissons pour la première fois depuis des dizaines d’années, avec une baisse de 0, 8 % aujourd’hui, n’est une bonne nouvelle pour personne, et surtout pas pour l’économie de notre pays, tant les pertes à moyen et long termes sont plus grandes que les gains éventuels à très court terme.
Pour sortir par le haut de cette situation, nous proposons de redonner au seuil de revente à perte son vrai rôle d’outil économique.
La parole est à M. Michel Vaspart, pour présenter l’amendement n° 839 rectifié bis.
L’amendement n° 808, présenté par MM. Bizet, Allizard, Baroin, Bignon et Cardoux, Mme Cayeux, MM. Chaize, Chasseing et Danesi, Mme Debré, MM. Delattre et Dériot, Mmes Deromedi et Duranton, MM. Falco, J.P. Fournier et Frassa, Mme Giudicelli, MM. Grand, Grosdidier et Houel, Mme Imbert, M. Laménie, Mme Lamure, MM. Lefèvre, Legendre, de Legge, Leleux, P. Leroy, Magras, Malhuret et Mandelli, Mme Mélot, MM. Milon et Pellevat, Mme Procaccia et MM. Reichardt, Savary, Sido, Vasselle, Courtois, Darnaud, P. Dominati, Savin et Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 10 C
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au deuxième alinéa de l’article L. 442-2 du code de commerce, les mots : « et majoré des taxes sur le chiffre d’affaires, des taxes spécifiques afférentes à cette revente et du prix du transport » sont remplacés par les mots : « et majoré des taxes spécifiques afférentes à cette revente, du prix du transport, affecté d’un coefficient de 1, 15 et augmenté des taxes sur le chiffre d’affaires ».
La parole est à Mme Élisabeth Lamure.
Les PME étant, nous le constatons, les victimes de la guerre à laquelle se livrent les distributeurs sur le prix des produits d’appel, nous proposons de majorer de 15 % le seuil de revente à perte de l’ensemble des produits, afin qu’aucun ne soit vendu au seuil de revente à perte tel que calculé aujourd’hui. Ainsi, le rattrapage de marges cessera.
L’article L. 442-2 du code de commerce interdit la revente à perte et définit la manière de calculer son seuil.
L’article 1er de la loi du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs avait assoupli le mode de calcul.
Un commerçant ne peut pas vendre un produit moins cher que le prix auquel il l’a acheté, majoré des taxes sur le chiffre d’affaires, taxe à la revente et coût du transport. Depuis 2008, le commerçant peut minorer son prix de l’ensemble des avantages que lui avait consentis son fournisseur, rapportés au prix de vente des produits. Avant 2008, il devait garder pour lui 15 % de ces avantages.
Les amendements n° 382 rectifié bis et 839 rectifié bis visent à ne plus permettre au commerçant de faire profiter à ses clients des avantages que lui consent son fournisseur. L’effet d’une telle mesure consisterait à remonter drastiquement le seuil de revente à perte, afin de lutter contre le mouvement continu de baisse des prix.
Une telle rédaction paraît donc excessive, en garantissant aux commerçants la possibilité de conserver 100 % des avantages consentis par leur fournisseur.
La commission sollicite le retrait de ces deux amendements identiques. À défaut, l’avis sera défavorable.
L’amendement n° 808 s’inscrit dans la droite ligne des amendements précédents ; il porte sur le mode de calcul du seuil de revente à perte. Il vise à répercuter sur le client les remises et avantages tarifaires dont jouit le commerçant. Son dispositif prévoit aussi une majoration de 15 % du prix du produit, afin de prendre en compte les coûts fixes supportés par le commerçant. En cela, le dispositif de cet amendement vise à garantir la marge commerciale. Il appelle donc les mêmes critiques que celles que j’ai émises sur les deux amendements précédents.
Par conséquent, je demande également le retrait de cet amendement, faute de quoi l’avis de la commission serait défavorable.
Oui, je le maintiens, madame la présidente. Seule une action solide et efficace pourra enrayer la spirale des prix bas. C’est le sens de notre démarche.
Je mets aux voix les amendements identiques n° 382 rectifié bis et 839 rectifié bis.
Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n’adopte pas les amendements.
L’amendement n° 808 est retiré.
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 381 rectifié est présenté par Mme Lamure.
L’amendement n° 840 rectifié est présenté par MM. Bizet et G. Bailly, Mme Bouchart, M. Calvet, Mme Cayeux, MM. César, Commeinhes, de Nicolaÿ, Delattre et Houel, Mme Gruny, MM. Laménie, Lefèvre, P. Leroy et Longuet, Mme Mélot et MM. Milon, Morisset, Perrin, Pierre, Raison, Reichardt, Trillard, Vaspart et Vogel.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 10 C
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le premier alinéa du I de l’article L. 442-6 du code de commerce, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° De pratiquer à l’égard d’un partenaire économique ou d’obtenir de lui des prix, des délais de paiement, des conditions de vente ou des modalités de vente ou d’achats discriminatoires et non justifiés par des contreparties réelles en créant de ce fait, pour ce partenaire, un désavantage ou un avantage dans la concurrence ; ».
La parole est à Mme Élisabeth Lamure, pour présenter l’amendement n° 381 rectifié.
Depuis quelques mois, les concentrations des distributeurs se sont accélérées ; aujourd’hui, 93 % de la puissance d’achat repose entre les mains de quatre centrales, dont dépendent des milliers de fournisseurs, qu’il s’agisse de multinationales, de PME ou de TPE.
Le balancier est désormais bloqué et penche en faveur de la distribution. La dépendance économique est devenue la situation de fait. Je ne connais pas une entreprise qui, quelle que soit sa taille, ne soit pas en situation de dépendance totale à l’égard d’un ou de plusieurs distributeurs.
Dans cette situation, la concurrence saine, celle qui entretient une compétition fondée sur le mérite et en faveur des consommateurs, n’existe plus. Il reste seulement la guerre des prix entre les enseignes pour gagner des parts de marché, et non pour créer de la valeur.
Après plus de sept ans de libre négociabilité, aucun point positif ne peut être mis au crédit du nouveau régime juridique. Au contraire, nous avons assisté à une dégradation très forte des relations au sein de la filière ; ce constat est partagé par l’ensemble des producteurs agricoles, des industriels et de nombreux distributeurs.
Il convient de réagir. Cet amendement tend à corriger la situation avant que le reste de l’économie ne soit entraîné dans la déflation. Il s’agit de rendre aux fournisseurs une prérogative qu’ils n’auraient jamais dû perdre, celle fixer la valeur de leur produit. Il s’agit par la même occasion de rendre à la négociation son vrai rôle : mettre en concurrence les fournisseurs, sur leurs produits et leurs prix, et les distributeurs, sur la qualité de leurs relations avec les consommateurs.
La parole est à M. Marc Laménie, pour présenter l’amendement n° 840 rectifié.
Cet amendement est identique à celui qui vient d’être présenté. J’insiste sur la nécessité d’éviter la déflation et de rendre aux fournisseurs la prérogative de fixer la valeur de leurs produits.
Les amendements identiques n° 381 rectifié et 840 rectifié tendent à modifier l’article L. 442-6 du code de commerce, qui fixe la liste des abus dans la relation commerciale prohibés par la loi.
Il est proposé d’ajouter une disposition interdisant d’avoir des pratiques en matière de prix, de délais de paiement ou de conditions d’achat ou de vente non justifiées par des contreparties réelles et conduisant à créer un avantage ou un désavantage dans la concurrence.
Un tel ajout serait redondant avec le droit existant. Le 1° du I de l’article L. 442-6 du code de commerce dispose déjà qu’il est interdit « d’obtenir ou de tenter d’obtenir d’un partenaire commercial un avantage quelconque ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu ».
L’abus dans la relation commerciale est donc bien caractérisé par un déséquilibre dans les engagements et obligations de chacune des parties. La solution réside moins dans le renforcement de l’arsenal législatif définissant l’abus que dans l’amélioration des moyens alloués au contrôle, en particulier de la DGCCRF, pour faire cesser les abus.
Au demeurant, en matière de relations commerciales, il n’est pas souhaitable de faire varier sans cesse le cadre législatif. C’est une source d’insécurité juridique pour les acteurs économiques et d’incertitude quant à l’interprétation de la loi.
La commission sollicite donc le retrait de ces amendements identiques. À défaut, l’avis sera défavorable.
Je comprends les arguments de Mme la corapporteur.
Cela dit, même si les dispositions proposées sont redondantes avec le droit existant, il vaut peut-être mieux deux fois qu’une ! Les situations sont de plus en plus difficiles.
Par ailleurs, on ne fait plus appel qu’à la répression pour traiter ce problème. Il est dommage d’en arriver là. Combien de temps continuerons-nous à multiplier le nombre des brigades répressives de la DGCCRF pour dénoncer des pratiques que tout le monde connaît ?
Je veux bien retirer mon amendement, mais je ne suis pas satisfaite de la réponse qui m’a été adressée.
L’amendement n° 381 rectifié est retiré.
Qu’en est-il de l’amendement n° 840 rectifié, monsieur Laménie ?
L’amendement n° 840 rectifié est retiré.
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 190 rectifié ter est présenté par MM. Raison, Bizet, Morisset, de Nicolaÿ, Vasselle et Pellevat, Mme Deromedi, MM. Kennel, Pointereau, Saugey, G. Bailly, Béchu, Chaize, Milon, Vaspart, B. Fournier, Grosperrin, Pierre, Calvet, Cornu, Trillard et Joyandet, Mme Primas, M. Revet, Mme Bouchart et MM. Laménie, Reichardt, Perrin et Gremillet.
L'amendement n° 439 est présenté par M. Desessard et les membres du groupe écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 10 C
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la dernière phrase du 1° du I de l’article L. 442-6 du code de commerce, le mot : « abusivement » est supprimé.
La parole est à M. Marc Laménie, pour présenter l’amendement n° 190 rectifié ter.
En supprimant du texte de l’article L. 442-6 du code de commerce le terme « abusivement », le législateur condamnerait toute pratique visant à modifier un contrat ou un prix convenu à l’issue d’une négociation commerciale en vue de maintenir la rentabilité du distributeur, seul maître de la variable d’ajustement que constitue le prix de vente au consommateur.
La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l'amendement n° 439.
Depuis la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation, la pratique des compensations de marges est encadrée par l’article L. 442-6 du code de commerce. Ce texte sanctionne, de manière générale, les avantages sans contrepartie ou manifestement disproportionnés au regard de la valeur du service rendu. Les amendements identiques n° 190 rectifié ter et 439 portent plus particulièrement sur les avantages qui consistent, selon le droit en vigueur, « en une demande supplémentaire, en cours d’exécution du contrat, visant à maintenir ou accroître abusivement ses marges ou sa rentabilité ».
Notre droit distingue donc les demandes de compensation légitimes de celles qui sont abusives et, par suite, illégales. Certes, ce critère de l’abus est difficile à démontrer et à quantifier. Toutefois, le fait de supprimer cette exigence conduirait à prohiber toute demande supplémentaire d’un opérateur, à l’exception des demandes diminuant ou n’augmentant pas sa rentabilité.
Comme la commission spéciale a déjà eu l’occasion de le souligner, cette solution s’écarte trop de la logique économique de l’entreprise, qui repose sur la recherche d’une rentabilité sous peine d’extinction.
Une solution plus pragmatique consiste sans doute à renforcer les services de la DGCCRF, qui surveille en permanence les pratiques abusives, sur la base de l’encadrement juridique français des négociations, l’un des plus perfectionnés de l’Union européenne.
Je sollicite donc le retrait de ces deux amendements identiques. À défaut, l’avis serait défavorable.
Non, je le retire, madame la présidente. Je salue les explications de Mme la corapporteur et, plus généralement, la qualité du travail réalisé par tous les collègues membres de la commission spéciale.
L'amendement n° 190 rectifié ter est retiré.
Qu’en est-il de l'amendement n° 439, madame Benbassa ?
L'amendement n'est pas adopté.
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 191 rectifié ter est présenté par MM. Raison, Bizet, Morisset, de Nicolaÿ, Vasselle et Pellevat, Mme Deromedi, MM. Kennel, Delattre, Pointereau, G. Bailly, Béchu, Chaize, Milon, Vaspart, B. Fournier, Grosperrin, Pierre, Calvet, Cornu, Trillard et Joyandet, Mme Primas, M. Revet, Mme Bouchart et MM. Laménie, Reichardt, Perrin et Gremillet.
L'amendement n° 440 rectifié est présenté par M. Desessard et les membres du groupe écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 10 C
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 1° du I de l’article L. 442-6 du code de commerce est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Un tel avantage peut également résulter d’une disproportion entre le tarif du fournisseur, qui constitue le socle unique de la négociation, et le prix convenu, ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu. »
La parole est à Mme Sophie Primas, pour présenter l’amendement n° 191 rectifié ter.
La loi du 4 août 2008 de modernisation de l’économie a instauré la libre négociabilité des tarifs et a supprimé l’interdiction de discriminer des acheteurs. Elle a introduit un certain nombre de garde-fous, dont la notion de déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties.
Il convient de compléter ce dernier garde-fou au plan juridique pour lutter contre les déséquilibres économiques pouvant, par exemple, découler de dérogations non justifiées par des contreparties.
Tel est l’objet de cet amendement. Nous faisons notamment référence à l’absence de « service commercial effectivement rendu » ou à une disproportion manifeste « au regard de la valeur du service rendu ».
La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l'amendement n° 440 rectifié.
Ces deux amendements identiques tendent à sanctionner le cas d’une disproportion entre le tarif du fournisseur et le prix convenu ne correspondant à « aucun service commercial effectivement rendu » ou « manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu ». Ils semblent satisfaits, au moins indirectement, par le droit en vigueur.
En effet, dans la partie du code de commerce consacrée aux pratiques restrictives de concurrence, le paragraphe I de l’article L. 442-6 sanctionne le fait « d’obtenir ou de tenter d’obtenir d’un partenaire commercial un avantage quelconque ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu ». En bonne logique, une réduction de prix constitue un « avantage quelconque » et le droit en vigueur exige que tout avantage corresponde à un service commercial bien réel. Le dispositif proposé apparaît donc redondant.
Je suggère le retrait de ces amendements identiques. À défaut, l’avis sera défavorable.
L'amendement n° 191 rectifié ter est retiré.
Qu’en est-il de l'amendement n° 440 rectifié, madame Benbassa ?
L'amendement n'est pas adopté.
Je suis saisie de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 598 rectifié bis, présenté par M. Revet, Mmes Gruny et Hummel et MM. Magras, de Nicolaÿ, Houel et Chaize, est ainsi libellé :
Après l’article 10 C
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 12° du I de l’article L. 442-6 du code de commerce est abrogé.
La parole est à M. Michel Magras.
Dans un certain nombre de secteurs, comme l’électroménager, l’automobile ou le bricolage, les fabricants sont de plus en plus soumis à la variation des cours des matières premières, telles que l’aluminium, l’acier ou encore le cuivre. Ils subissent en outre les variations de la parité entre l’euro et le dollar, leurs achats étant essentiellement effectués en dollar. Or leurs prix de vente sont souvent fixés une fois par an, et de manière intangible. Il est donc impossible de répercuter ces différentes fluctuations sur les prix. Selon nous, un prix fixe et intangible constitue donc un contresens économique.
Au demeurant, dans une note du mois d’octobre 2014, la DGCCR remet en cause la validité des contrats-cadres de distribution sans précision de prix déterminé.
Nous demandons donc la suppression du 12° du I de l’article L. 442-6 du code de commerce.
Je suis saisie de trois amendements identiques.
L'amendement n° 383 rectifié est présenté par Mme Lamure.
L'amendement n° 551 rectifié est présenté par M. Bignon, Mmes Gruny et Cayeux et M. Gremillet.
L'amendement n° 597 rectifié ter est présenté par M. Revet, Mme Hummel et MM. Magras, de Nicolaÿ, Houel et Chaize.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 10 C
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le I de l’article L. 442-6 du code de commerce est ainsi modifié :
1° Après le 12°, il est inséré un 13° ainsi rédigé :
« 13° De refuser, pour tenir compte de toute variation significative, au sens d’une variation supérieure ou égale à 15 %, de la parité monétaire ou du cours des matières premières, de renégocier de bonne foi le prix convenu résultant de l'application du barème des prix unitaires mentionné dans les conditions générales de vente, lorsque celles-ci ont été acceptées sans négociation par l'acheteur, ou du prix convenu à l'issue de la négociation commerciale faisant l'objet de la convention prévue à l'article L. 441-7, modifiée le cas échéant par avenant, ou de la renégociation prévue à l'article L. 441-8. » ;
2° En conséquence, le 12° est complété par les mots : « et au 13° du présent article ».
La parole est à Mme Élisabeth Lamure, pour présenter l’amendement n° 383 rectifié.
Depuis quelques années, les prix de certaines matières premières connaissent une forte volatilité. Dans les secteurs de l’électroménager, de l’automobile ou encore du bricolage, les fabricants sont lourdement exposés aux variations importantes des cours de l’aluminium, de l’acier ou du cuivre.
Par ailleurs, ces entreprises subissent de plein fouet la variation de la parité entre l’euro et le dollar, leurs achats de matières premières étant majoritairement libellés en dollar. Ainsi, depuis le mois de juillet 2014, leurs coûts de revient ont augmenté de plus de 25 %.
Toutefois, les prix des produits vendus par les industriels à leurs clients distributeurs sont fixés en pratique une fois par an. Les industriels sont donc dans l’impossibilité de répercuter ces différentes fluctuations dans le prix de vente de leurs produits et se retrouvent même dans l’incapacité d’anticiper ces difficultés, les clauses de révision du prix convenu en cas de variation du cours des matières premières ou de la parité monétaire n’étant quasiment jamais mises en œuvre du fait de la puissance d’achat des acheteurs, tout particulièrement dans la grande distribution.
Afin d’éviter toute demande intempestive de la part du fournisseur tendant à une renégociation en cours d’année du prix convenu, l’amendement tend à limiter une telle faculté à une hausse significative, au sens d’une variation supérieure ou égale à 15 % de la parité monétaire ou du cours des matières premières concernées. Cette précision permettrait d’éviter tout contentieux portant sur la définition du caractère « significatif » de la variation.
L’amendement n° 551 rectifié n’est pas soutenu.
La parole est à M. Michel Magras, pour présenter l'amendement n° 597 rectifié ter.
L'amendement n° 599 rectifié bis, présenté par M. Revet, Mmes Gruny et Hummel et MM. Magras, de Nicolaÿ, Houel et Chaize, est ainsi libellé :
Après l’article 10 C
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de commerce est ainsi modifié :
1° Après l’article L. 441-7 du code de commerce, il est inséré un article L. 441-7-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 441 -7 -1. – La convention écrite prévue à l’article L. 441-7 comporte une clause de renégociation du prix convenu permettant de prendre en compte la variation significative de la parité monétaire ou du cours des matières premières.
« Cette clause, définie par les parties, précise les conditions de déclenchement de la renégociation ainsi qu’un délai de renégociation qui ne peut être supérieur à deux mois.
« La renégociation du prix convenu est conduite de bonne foi dans le respect du secret en matière industrielle et commerciale et du secret des affaires.
« Le fait de ne pas prévoir une clause conforme aux deux premiers alinéas du présent article est passible d’une amende administrative dont le montant ne peut excéder 75 000 € pour une personne physique et 375 000 € pour une personne morale. L’amende est prononcée dans les conditions prévues à l’article L. 465-2. Le maximum de l’amende encourue est doublé en cas de réitération du manquement dans un délai de deux ans à compter de la date à laquelle la première décision de sanction est devenue définitive. » ;
2° Le 12° du I de l’article L. 442-6 du code de commerce est complété par les mots : « et à l’article L. 441-7-1 ».
La parole est à M. Michel Magras.
Cet amendement s’inscrit dans la même perspective que les précédents.
Il s’agit cette fois d’insérer dans le code de commerce un nouvel article L. 441-7-1, imposant la présence d’une clause de renégociation de bonne foi dans la convention annuelle prévue à l’article L. 441-7 du même code en cas de variation sensible des cours des matières premières ou de la parité monétaire, notamment de la parité entre l’euro et le dollar. L’absence d’une telle clause entraînerait une sanction administrative identique à celle qui est rattachée à la clause de renégociation sectorielle de l’article L. 441-8 du code de commerce, soit une amende d’un montant de 75 000 euros pour une personne physique et de 375 000 euros pour une personne morale.
L’amendement n° 598 rectifié bis vise à supprimer le 12° du I de l’article L. 442-6 du code de commerce. Cela conduirait à supprimer la possibilité de sanctionner les pratiques abusives consistant, par exemple, à envoyer des factures non conformes au prix convenu entre les parties, ainsi que la sanction prévue lorsqu’une des parties n’exécute pas les clauses de renégociation.
En ne luttant pas contre les abus, on conforterait la loi du plus fort dans les relations commerciales. La loi doit s’assurer que les parties respectent bien leurs obligations. Supprimer la sanction des pratiques abusives, c’est affaiblir les plus fragiles !
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement n° 598 rectifié bis.
Les amendements identiques n° 383 rectifié et 597 rectifié ter ont pour objet d’introduire une obligation de renégociation des contrats en cas de variation des taux de change de plus de 15 %. Plusieurs arguments s’opposent à leur adoption.
D’abord, le seuil de 15 % mérite discussion. Il peut effectivement affecter différemment les producteurs selon leurs structures de coûts. Un tel seuil est susceptible d’être atteint à de nombreuses reprises dans l’année, et pour de nombreuses devises. L’obligation de renégocier risque donc de se transformer en renégociation permanente des prix.
De plus, il semble préférable, pour les productions susceptibles d’être affectées par des variations de change, de prévoir des clauses contractuelles d’adaptation du prix de vente ou de disposer de clauses de revoyure entre fournisseur et distributeur introduites volontairement dans les contrats sans que la loi y oblige.
Enfin, il existe aussi des instruments de couverture contre les risques de change. Certes, ce sont des instruments financiers coûteux, mais qui peuvent néanmoins protéger les producteurs des variations trop importantes.
Là encore, l’avis de la commission est défavorable.
Enfin, alors que l’article L. 441-8 du code de commerce impose une clause de renégociation obligatoire pour les produits dont le prix peut être affecté par la variation des cours des produits agricoles et alimentaires, l’amendement n° 599 rectifié bis vise à instaurer un mécanisme similaire pour tous les produits, en cas de variation significative de la parité monétaire. Il s’inscrit dans le même esprit que les amendements précédents et, par conséquent, soulève des difficultés assez proches. Tous les produits ne sont pas susceptibles d’être affectés de la même manière par les variations de change. Il existe d’ailleurs des instruments de couverture du risque de change. Comme je l’ai déjà indiqué, rien n’interdit d’intégrer dans les conditions générales de vente des clauses de réajustement des prix en cas de fluctuation du taux de change.
Pour les mêmes raisons que précédemment, l’avis de la commission spéciale sera défavorable.
L'amendement n° 598 rectifié bis est retiré.
Qu’en est-il de l'amendement n° 383 rectifié, madame Lamure ?
Je le retire, madame la présidente.
Les arguments de Mme la corapporteur sont très circonstanciés. Je pense notamment à la proposition d’inclure dans les contrats différentes clauses de revoyure ou autres. Il est important que les fournisseurs se saisissent de cette possibilité, même si la procédure demeure quelque peu compliquée à mettre en œuvre et ne va pas dans le sens de la simplification de la vie des entreprises.
L'amendement n° 383 rectifié est retiré.
Qu’en est-il de l’amendement n° 597 rectifié ter, monsieur Magras ?
Je le retire, ainsi que l’amendement n° 599 rectifié bis, madame la présidente.
(Supprimé)
Je suis saisie de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 361 rectifié, présenté par MM. Vaspart, Commeinhes et Calvet, Mmes Lamure et Deromedi, MM. de Nicolaÿ et Charon, Mmes Deseyne et Duchêne et MM. Laménie, César et Vasselle, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Après le mot : « à », la fin de la troisième phrase du deuxième alinéa du III de l'article L. 442-6 du code de commerce est ainsi rédigée : « 1 % du chiffre d'affaires réalisé en France par l'auteur des pratiques incriminées. »
La parole est à M. Michel Vaspart.
L'article L. 442-6 du code de commerce sanctionne certaines pratiques commerciales abusives et prévoit, parmi les réponses répressives possibles contre les pratiques commerciales abusives citées, que le ministre chargé de l'économie et le ministère public puissent demander le prononcé d'une amende civile dont le montant ne peut pas être supérieur à 2 millions d'euros.
Les députés avaient porté l'amende à 5 % du chiffre d'affaires. La commission spéciale du Sénat a, sur la proposition de Mme la corapporteur, supprimé cette disposition, considérant à juste titre que la sanction était trop lourde.
Néanmoins, il me semble nécessaire qu’il y ait une sanction et qu’elle soit significative. Nous proposons de ramener l’amende à 1 % du chiffre d'affaires, ce taux restant normalement inférieur au résultat annuel d’une entreprise.
Le sous-amendement n° 1663 rectifié, présenté par M. Raison et Mme Deromedi, est ainsi libellé :
Amendement n° 361, alinéa 2
Remplacer le taux :
par le taux :
La parole est à Mme Jacky Deromedi.
Nous proposons de porter le taux prévu pour l’amende à 5 % du chiffre d’affaires.
L'amendement n° 437, présenté par M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Après le mot : « à », la fin de la troisième phrase du deuxième alinéa du III de l’article L. 442-6 du code de commerce est ainsi rédigée : « 5 % du chiffre d’affaires réalisé en France par l’auteur des pratiques incriminées. »
La parole est à M. Jean Desessard.
Cet amendement vise à rétablir l’article 10 D, relatif aux sanctions en cas de pratiques commerciales abusives, notamment dans les relations entre industriels et distributeurs. Notre collègue en a déjà présenté les motivations.
Aujourd'hui, les distributeurs exercent une forte pression sur les industriels, suite à l’accord de la fin du mois de février. Il y a des pratiques abusives.
Le montant maximum de l’amende demandée par le ministère public ne peut pas excéder les 2 millions d’euros, ce qui est très peu pour ce type de pratiques. Jusqu’à présent, aucune sanction à l’encontre des centrales d’achat de la grande distribution n’a excédé 300 000 euros. Au vu des sommes en jeu lors des négociations de contrats entre industriels et distributeurs, qui sont de l’ordre de plusieurs dizaines de millions d’euros – j’en ai discuté avec les représentants des industriels de marques –, nous ne pouvons pas nous satisfaire de la législation actuelle. Il convient donc d’aller plus loin en adoptant un niveau de sanction plus dissuasif.
À Paris, à l’époque où le fait de ne pas mettre d’argent dans un parcmètre était passible d’une amende de onze euros, il était plus rentable de ne pas s’acquitter du stationnement, car plus intéressant de prendre une contravention de onze euros tous les trois ou quatre jours que de payer le stationnement un euro cinquante de l’heure ! Il est donc important que l’amende soit dissuasive. Elle ne doit pas être inférieure au profit tiré du délit.
C’est ce que prévoyait l’article adopté à l’Assemblée nationale. Le montant maximum de la sanction était fixé à 5 % du chiffre d’affaires de l’entreprise inculpée, ce qui pouvait aller jusqu’à plusieurs millions d’euros. Une telle sanction incite efficacement au respect de la loi.
Cet amendement a pour objet de rétablir une telle mesure. J’insiste sur la nécessité d’aider les industriels face à la pression des distributeurs.
L'amendement n° 1549 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
La quatrième phrase du deuxième alinéa du III de l’article L. 442-6 du code de commerce est complétée par les mots : « ou, de manière proportionnée aux avantages tirés du manquement, à 5 % du chiffre d’affaires hors taxe réalisé en France par l’auteur des pratiques lors du dernier exercice clos depuis l’exercice précédant celui au cours duquel les pratiques mentionnées au présent article ont été mises en œuvre ».
La parole est à M. le ministre.
Cet amendement vise à rétablir l’augmentation votée par l’Assemblée nationale du plafond de l’amende civile prononcée par le juge sur saisine du ministre de l’économie, mais en introduisant néanmoins un certain nombre de précisions.
Le texte proposé par le Gouvernement tend à garantir – c’était un souhait des professionnels, et je m’étais engagé en ce sens à l’Assemblée nationale – que l’amende soit proportionnée aux avantages tirés du manquement. Nous prévoyons donc un plafond suffisamment dissuasif pour être efficace et une amende proportionnée.
Ainsi, nous conservons l’efficacité du dispositif initialement envisagé et nous donnons plus de lisibilité aux acteurs en inscrivant dans la loi le caractère proportionné de la sanction.
En clair, nous ne proposons pas le retour à la rédaction initiale. Nous voulons rétablir le plafond de l’amende en apportant certaines précisions. C’est d’ailleurs ce qui m’amène à solliciter le retrait des amendements et du sous-amendement qui viennent d’être présentés, faute de quoi l’avis du Gouvernement serait défavorable.
L'amendement n° 1055, présenté par Mme Assassi, MM. Bosino, Le Scouarnec et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
À la première phrase du troisième alinéa de l’article L. 410-2 du code du commerce, après les mots : « des mesures temporaires motivées par », sont insérés les mots : « les analyses réalisées par l’observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires défini à l’article L. 692-1 du code rural et de la pêche maritime par ».
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Nous proposons que, par dérogation au principe de liberté des prix, le Gouvernement puisse introduire par décret des mesures temporaires contre des hausses ou des baisses excessives de prix dans des situations précises.
Ces mesures d’encadrement temporaire des prix pourraient être ainsi motivées par les analyses réalisées par l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires, qui a pour mission d’éclairer les acteurs économiques et les pouvoirs publics sur la formation des prix et des marges dans la chaîne de commercialisation.
La démarche générale des travaux de l’Observatoire consiste tout d’abord à exprimer les prix alimentaires au détail, sous la forme de la somme de la valeur de la matière première agricole incorporée dans le produit, et des « marges brutes » des stades successifs de transformation et de commercialisation.
L’Observatoire évalue ces marges brutes mensuellement pour différents produits des filières agroalimentaires à partir de données de prix provenant des services publics de statistiques – je pense au service statistique public, le SSP, et à l’Institut national de la statistique et des études économiques, l’INSEE –, de sociétés de sondage, avec des panels de consommateurs pour les valeurs et quantité des achats au détail, de l’Établissement national des produits de l’agriculture et de la mer, FranceAgriMer, cotations officielles, et des organisations professionnelles. Dans ce cadre, il semble juste de prendre appui sur ses recommandations et ses analyses.
Tel est le sens de cet amendement
Pour sanctionner les pratiques restrictives de concurrence, l’article L. 442-6 du code de commerce prévoit aujourd’hui plusieurs sanctions, dont la principale est une amende civile de 2 millions d’euros. Je le précise, l’amende est dite « civile », car elle est prononcée au profit du Trésor public à l’occasion d’un procès civil, et non pénal.
L’amendement n° 361 rectifié vise à rétablir l’article 10 D du projet, que la commission spéciale a supprimé, en portant le montant maximal de la sanction à 1 % du chiffre d’affaires réalisé en France. Il s’agit, cela a été souligné, d’une atténuation par rapport au texte adopté par les députés, qui prévoyait un plafond de 5 %. En s’engageant dans cette voie, on pourrait discuter à l’infini sur le chiffre le plus approprié. Pourquoi 1 % du chiffre d’affaires ? Quelle peut être la marge entre 1 % et 5 % ?
C’est la raison pour laquelle la commission spéciale a suivi un raisonnement plus global et pragmatique. Selon nous, l’amende de 2 millions d’euros prévue par le droit en vigueur est d’ores et déjà dissuasive, …
… d’autant qu’elle s’accompagne de la répétition de l’indu, de la réparation du préjudice et d’une possibilité de triplement.
Un alourdissement à hauteur de 5 %, comme l’ont souhaité les députés à l’Assemblée nationale, ou de 1 % du chiffre d’affaires réalisé en France, comme cela nous est proposé, paraît donc excessif et disproportionné. La commission a émis un avis défavorable.
La commission est également défavorable au sous-amendement n° 1663 rectifié, présenté par notre collègue Jacky Deromedi, qui vise à prévoir une sanction maximale de 5 % du chiffre d’affaires. Cet alourdissement de l’amende civile pour les pratiques restrictives de concurrence nous paraît excessif, car il se surajoute à une palette de sanctions d’ores et déjà dissuasives.
L’amendement n° 437, présenté par M. Desessard, a également pour objet de rétablir l’article 10 D du projet de loi, c’est-à-dire de porter à 5 % du chiffre d’affaires réalisé en France le montant maximal de la sanction. Au vu des arguments que je viens de développer, vous ne serez pas étonné que la commission y soit défavorable.
L’amendement n° 1549 rectifié, présenté par le Gouvernement, vise à rétablir une version atténuée de la mesure qui était prévue à l’article 10 D du projet de loi. Il s’agit de porter à 5 % du chiffre d’affaires réalisé en France le montant maximal de la sanction en exigeant – c’est l’atténuation proposée par le Gouvernement – que celle-ci soit « proportionnée » aux avantages tirés du manquement.
Deux objections peuvent être soulevées.
D’une part, cet amendement rend encore plus complexe la compréhension du droit en vigueur sur les sanctions applicables alors que celui-ci résulte d’ores et déjà de strates successives. Je les résume : une somme de 2 millions d’euros pouvant être triplés, la répétition de l’indu, la réparation du préjudice et la cessation des pratiques. Est-il législativement raisonnable d’ajouter un étage supplémentaire ?
D’autre part, que signifie exactement « de manière proportionnée aux avantages tirés du manquement » ? Le double ou le quintuple sont déjà des « proportions » !
En tout cas, je note un élément : le Gouvernement admet implicitement que le plafond de 5 % du chiffre d’affaires est, en soi, excessif. Nous sommes donc d’accord sur ce point, monsieur le ministre. Mais votre proposition de substitution ne prévoit qu’une légère atténuation, d’ailleurs assez difficile à interpréter.
Au total, cet amendement rendrait notre droit encore plus complexe et imprévisible alors qu’il semble suffisamment dissuasif aujourd’hui.
Enfin, l’amendement n° 1055 vise à élargir les possibilités temporaires de contrôle des prix par décret.
Je le rappelle, par dérogation au principe de liberté des prix, l’article L. 410-2 du code de commerce prévoit que le Gouvernement peut arrêter par décret des mesures temporaires contre des hausses ou des baisses excessives de prix dans certaines situations exceptionnelles de crise, de calamité publique ou d’anomalie de marché dans un secteur déterminé.
L’amendement ne tend pas au rétablissement général du contrôle des prix, mais il prévoit que le Gouvernement peut prendre par décret des mesures de régulation sur un nouveau fondement, les analyses de l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires. Une répartition déséquilibrée des marges peut être l’indice d’abus ou de faits de domination. Encore faut-il le démontrer de manière rigoureuse avant de fausser le jeu normal de la concurrence.
En outre, un tel élargissement du recours au contrôle administratif des prix soulèverait immanquablement de sérieuses difficultés au regard du droit de l’Union européenne. L’avis de la commission est donc défavorable.
Comme je l’ai indiqué précédemment, j’invite les auteurs des amendements autres que celui du Gouvernement à les retirer, faute de quoi j’émettrais un avis défavorable.
Actuellement, une amende de 10 % du chiffre d’affaires peut être prononcée en cas d’abus de position dominante. Simplement - le constat est d'ailleurs partagé par la commission spéciale, qui proposera ultérieurement d’en modifier la définition -, ce dispositif est très peu appliqué aujourd’hui. C’est ce qui nous a conduits, non pas de manière spontanée et irraisonnée, mais sur la base de travaux réalisés depuis plusieurs années, en particulier le rapport Hagelsteen, à proposer de sanctionner les pratiques commerciales abusives.
Le plafond de 10 % pour abus de position dominante étant peu appliqué, nous avons prévu un plafond inférieur de moitié, soit 5 %, pour sanctionner les pratiques commerciales abusives. Il nous apparaît que la définition de ces pratiques, compte tenu des précisions figurant dans l’amendement du Gouvernement, est de nature à être plus opérationnelle que le droit en vigueur. C’est en tout cas ce que nos services, l’Autorité de la concurrence et le rapport Hagelsteen avaient permis de mettre en lumière.
J’en viens à l’amendement n° 1055. Le projet de loi prévoit aujourd’hui la possibilité pour le Gouvernement d'adopter des mesures dérogeant temporairement au principe de liberté des prix en situation de crise ou dans des circonstances exceptionnelles qui entraîneraient des hausses ou des baisses excessives. La loi laisse toute liberté pour identifier de telles situations.
Je vous renvoie aux analyses de l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires, qui sont certainement au nombre des éléments pouvant être pris en compte pour motiver des mesures temporaires. Toutefois, elles constituent un élément d’appréciation parmi d’autres, et il ne me semble pas pertinent de les mentionner expressément dans le code de commerce, ce qui en alourdirait la rédaction.
Je ne suis donc pas favorable à cet amendement, même si je comprends et partage les objectifs de ses auteurs.
La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 1663 rectifié.
Je suis très sensible aux arguments de Mme la corapporteur. Les sanctions en vigueur sont déjà très lourdes : amende de 2 millions d’euros, réparation du préjudice, répétitivité…
L’efficacité réside plutôt dans notre capacité à apporter la preuve de pratiques commerciales abusives. Or ceux qui les subissent hésitant à les dénoncer. Le problème n’est pas de sortir la kalachnikov ; il faut avant tout prouver l’existence d’une pratique abusive !
Par conséquent, je ne voterai ni ce sous-amendement ni les différents amendements, y compris celui du Gouvernement.
Le sous-amendement n° 1663 rectifié est retiré.
La parole est à M. Michel Vaspart, pour explication de vote sur l’amendement n° 361 rectifié.
L’expérience du terrain montre que les sanctions ne sont pas suffisantes.
En revanche, je rejoins Mme la corapporteur sur l’idée que le taux de 5 % du chiffre d’affaires est bien trop élevé.
Ayant été chef d’entreprise pendant vingt ans, je peux témoigner qu’un tel taux risque de mettre en péril n’importe quelle entreprise. Si l’amende est ramenée à 1 % du chiffre d’affaires, comme nous le proposons, le montant sera généralement inférieur au résultat de l’entreprise, ce qui ne met en péril ni l’entreprise ni les emplois.
Je suis un peu étonné par les arguments de Mme la corapporteur. On peut appliquer son raisonnement – « pourquoi 1 % et pas 5 % ? » – à tout : pourquoi 2 millions d’euros et pas 4 millions d’euros ?
Le dispositif, nous dit-elle, est suffisamment dissuasif. Nous savons tous que ce n’est pas vrai ; cela dépend de la puissance du groupe.
Cela signifie que nous nous condamnons à l’impuissance. Lors de son audition par la commission des affaires économiques, le président de l’Autorité de la concurrence, Bruno Lasserre, nous expliquait pourtant combien les pratiques en cause étaient redoutables.
Je ne pense pas que les choses puissent rester en l’état. Or c’est ce qui se passerait si nous suivions la position de Mme la corapporteur.
Il me paraît donc nécessaire de rétablir l’article dans la rédaction proposée par le Gouvernement. En privilégiant le statu quo, le législateur reconnaîtrait son incapacité à sanctionner de telles pratiques. Les amendes n’étant pas suffisamment dissuasives pour un certain nombre de groupes puissants.
Je faisais partie de la commission des affaires économiques du Sénat lors de l’examen du texte sur les marges. Nous étions convaincus qu’il fallait agir, les industriels étant asphyxiés par les grands distributeurs. Comme nous l’avons vu, il existe neuf grands distributeurs, dont quatre se regroupent. Il reste donc cinq centrales d’achat, ce qui est très limité.
La loi impose que les négociations se terminent le 28 février, afin de préserver la stabilité des entreprises. Moi, j’aime l’entreprise ! J’aime l’entreprise qui voit clair, qui paie bien ses salariés, qui ne les met pas en situation de stress permanent, qui joue son rôle. Or les marges, qui supposent la renégociation continuelle, c’est l’insécurité, l’impossibilité pour l’entreprise d’embaucher à durée indéterminée faute d’être assurée de vendre au prix prévu. C’est l’instabilité totale. Ne me dites pas que l’on développe l’emploi ou la sécurité lorsqu’on renégocie constamment ! Le législateur avait prévu que les négociations entre distributeurs et fournisseur s’achèvent le 28 février pour lutter contre les marges arrière.
Madame la corapporteur, ce serait dissuasif si tout se passait bien ! Or les entreprises nous font savoir que les négociations reprennent dès le mois de mars ou dès le mois d’avril !
Un procès va avoir lieu au mois de juillet. Pourquoi faut-il prévoir un taux suffisamment élevé ? Vous avez raison, monsieur Vaspart : dans l’absolu, 1 % du chiffre d’affaires, cela paraîtrait justifié. Mais les industriels ont peur, et la peur doit changer de camp. Il faut montrer au distributeur qu’une pratique illégale est une pratique illégale !
Sourires sur les travées de l'UMP.
Si les industriels s’organisent pour engager un procès, il faut que cela ait un sens. S’il ne s’agit que d’un petit coup d’épingle pour les distributeurs, le procès achevé, ils se passeront le mot, et ceux qui auront osé briser la loi du silence ne pourront plus vendre leurs produits. Il faut donc témoigner d’une réelle volonté politique.
La proposition de M. le ministre me semble justifiée. Le montant de l’amende n’atteint jamais le plafond de 2 millions d’euros, atteignant au maximum 300 000 euros. Le taux de 5 % du chiffre d’affaires est un maximum destiné à montrer que l’on peut aller loin dans les marges des distributeurs. À présent, on estime également qu’il faut tenir compte de l’importance de l’infraction.
Madame la corapporteur, la situation est peut-être complexe, mais la proposition de M. le ministre, un taux à 5 % avec la prise en compte de l’importance de l’infraction, me paraît équilibrée. Je pourrais donc éventuellement envisager de retirer mon amendement et de me rallier à celui du Gouvernement.
Je comprends bien les arguments de Mme la corapporteur.
Mais on ne peut pas se satisfaire de la situation actuelle. Je serais gêné que l’on ne profite pas de ce projet de loi pour envoyer un signal. Disons-le clairement : porter l’amende à 5 % du chiffre d’affaires, c’est totalement excessif !
On peut faire dans la surenchère pour se faire plaisir. Mais l’objectif est tout de même de trouver une solution équilibrée.
Ne rien faire, ce serait donner un mauvais signal. Je me rallie donc à l’amendement qui a été présenté par notre collègue Michel Vaspart. Posons un acte, quitte à trouver le point d’équilibre au cours de la navette parlementaire.
Mme Nicole Bricq. Il y a deux positions dans ce débat. D’un côté, certains défendent, à juste titre, la fixation d’une amende dissuasive de 5 % du chiffre d’affaires. De l’autre, la commission spéciale préconise d’en rester à la situation actuelle, faisant preuve d’un grand immobilisme, ce qui est assez fréquent de sa part.
Exclamations sur les travées de l'UMP.
J’ai dit « fréquent » ; je n’ai pas dit « systématique » ! Bref, la commission spéciale souhaite que l’on ne change rien.
La solution retenue par le Gouvernement, qui fixe un principe de proportionnalité – madame la corapporteur, en droit, on sait ce qu’est la proportionnalité ; c’est bien une notion juridique ! –, me semble un bon compromis. Sans cela, aucune avancée positive ne sortirait du Sénat. Or, manifestement, il y a une volonté de faire bouger le curseur et de rendre les sanctions véritablement dissuasives sur toutes les travées.
Souvenez-vous du cas, certes éloigné du sujet, des yaourts. Durant des années, tout un petit monde s’est quand même fait beaucoup d’argent sur le dos des consommateurs ! Même si un yaourt ne coûte pas cher, il y a un effet de volume massif. La peine a été jugée très lourde pour certains, mais elle était proportionnelle aux prix pratiqués pendant des années.
Le Sénat s’honorerait à trouver un bon compromis et à montrer qu’il n’est pas là pour ne rien changer.
Madame Bricq, la commission spéciale ne fait pas preuve d’immobilisme. Je vous rappelle qu’elle a mené un véritable travail de coproduction du texte. Nous avons déposé des amendements pour faire bouger les lignes. C'est tout sauf de l’immobilisme !
Ayant entendu ce qu’a indiqué notre collègue Dominique de Legge, je veux bien me rallier à la position de M. Vaspart. On peut effectivement considérer que le droit en vigueur n’est pas suffisamment dissuasif et qu’une sanction à 1 % du chiffre d’affaires réalisé en France serait plus incitative pour contrer les pratiques illégales.
Dans ces conditions, j’émets un avis favorable sur l’amendement n° 361 rectifié. Encore une fois, nous ne sommes pas dans l’immobilisme, madame Bricq !
L'amendement est adopté.
En conséquence, l'article 10 D est rétabli dans cette rédaction, et les amendements n° 437, 1549 rectifié et 1055 n’ont plus d'objet.
(Supprimé)
Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 1056, présenté par Mme Assassi, MM. Bosino, Le Scouarnec et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le 2° du I de l’article L. 121-1 du code de la consommation est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« ...) Le recours à des arguments nutritionnels portant sur des caractéristiques accessoires du produit et visant à attribuer à celui-ci des avantages et propriétés qu’il ne possède pas, ou à masquer son impact sanitaire réel, ou les arguments visant à attribuer des caractéristiques nutritionnelles sans rapport avec l’incidence sanitaire réelle selon le mode de consommation généralement pratiqué ; ».
La parole est à Mme Évelyne Didier.
Cet amendement vise à compléter le code de la consommation pour ajouter une circonstance dans laquelle une pratique commerciale peut être considérée comme douteuse.
Plus précisément, il s’agit d’interdire les publicités commerciales présentant certaines caractéristiques des produits alimentaires en leur attribuant des avantages et des propriétés nutritionnelles sans rapport avec leur incidence sanitaire réelle.
Avec cet amendement, nous nous inscrivons dans une volonté partagée d’améliorer les politiques en matière de santé publique. Ce souci a d’ailleurs beaucoup progressé ces dernières années, avec des campagnes d’ampleur, comme le fameux bandeau « Manger bouger », présent sur les publicités, même si ce n’est pas la panacée, ou encore les incitations à destination du jeune public à manger cinq fruits et légumes par jour.
Certes, de telles actions vont dans le bon sens. Mais elles se heurtent bien souvent à des campagnes de communication abusives de la part des marques de distribution alimentaire, qui reprennent à leur compte de manière fallacieuse le champ lexical du bien-être et de la santé. L’objectif de ces dernières est d’utiliser comme argument de vente l’idée que tel ou tel produit serait bénéfique pour l’organisme, la perte de poids, la beauté de la peau, le développement des os ou encore le sommeil et la digestion…
Notre amendement est d’ailleurs parfaitement cohérent avec le règlement européen n° 1924/2006 concernant les allégations nutritionnelles et de santé.
L'amendement n° 1550, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
La section 1 du chapitre II du titre V du livre VII du code de commerce est complétée par un article L. 752-5-… ainsi rédigé :
« Art. L. 752 -5 -... – L'Autorité de la concurrence peut être consultée, en matière d'urbanisme commercial, par le ministre chargé de l'économie ou par le représentant de l'État dans le département, sur les projets de schéma de cohérence territoriale, de plan local d'urbanisme ou de plan local d'urbanisme intercommunal ou sur les projets de modification ou de révision de ceux-ci, et par le ministre chargé de l'économie ou le représentant de l'État dans la région sur le projet de schéma directeur de la région d'Île-de-France ou sur les projets de modification ou de révision de celui-ci. L'avis doit être rendu avant l'ouverture de l'enquête publique.
« Les conditions d'application du présent article sont fixées par décret en Conseil d'État. »
La parole est à M. le ministre.
Cet amendement vise à permettre la consultation de l’Autorité de la concurrence en matière d’urbanisme commercial par le ministre de l’économie, le représentant de l’État dans le département ou la région et l’organe délibérant localement compétent lors de la modification ou de la révision des schémas de cohérence territoriale, des plans locaux d’urbanisme, des plans locaux d’urbanisme intercommunal et du schéma directeur de la région d’Île-de-France.
Nous préférons rétablir l’article 10 plutôt que de modifier les règles d’urbanisme commercial, notamment les seuils, comme nombre de gouvernements ont pu le faire auparavant.
Les commissions départementales d’aménagement commercial, ou CDAC, et la Commission nationale d’aménagement commercial ont fait le constat que, pour avoir la meilleure animation commerciale sur nos territoires, il faut commencer par instaurer là où on le peut de la mobilité entre franchises et par éviter les positions dominantes.
Tel est l’objectif de l’article relatif à la mobilité interfranchises, dont nous avons précédemment discuté ; il s’agit de limiter dans le temps les franchises et les contrats. C’est aussi celui de la procédure d’injonction structurelle, que nous allons évoquer dans quelques instants.
Dans certains territoires, les documents d’urbanisme sont parfois trop contraignants.
Je veux ici lever toute ambiguïté : cet amendement prévoit de donner non pas un nouveau pouvoir à l’Autorité de la concurrence, mais juste la possibilité au représentant de l’État d’être éclairé sur la réalité de la situation dans certains territoires au regard du droit de la concurrence, dans le cadre du contrôle de légalité. Aujourd’hui, ce n’est possible que de manière contournée.
L’amendement n° 1056 vise à ajouter à la longue liste des pratiques commerciales trompeuses l’utilisation erronée d’allégations nutritionnelles.
Or la présentation d’un produit dans un contexte totalement différent de celui de son utilisation réelle est déjà susceptible de tomber sous le coup de l’incrimination de pratiques commerciales trompeuses.
Par ailleurs, les allégations nutritionnelles font déjà l’objet d’un encadrement communautaire contraignant prévu par un règlement européen de 2011.
Il ne me paraît donc ni nécessaire ni pertinent d’ajouter un échelon supplémentaire pour des produits sur lesquels la communication est, me semble-t-il, déjà très encadrée.
L’avis est donc défavorable sur cet amendement.
J’en viens à l’amendement n° 1550. Je ne peux que regretter une fois encore le refus du Gouvernement de tout dialogue avec la Haute Assemblée dans le cadre de l’examen de ce projet de loi !
Mouvements divers.
Je reste en outre opposée à la saisine de l’Autorité de la concurrence pour émettre un avis sur les documents d’urbanisme en cours d’élaboration, pour des raisons de principe, en l’occurrence le respect de la liberté d’administration des collectivités territoriales, qui a tout son sens ici, et pour des raisons techniques.
Ainsi, la notion d’« urbanisme commercial » ne fait pas l’objet d’une définition dans le code de l’urbanisme. Les circonstances de la saisine et le document sur lequel porte la saisine ne sont pas clairement identifiés dans le texte proposé.
L’avis de la commission est donc défavorable. Cet amendement ne vise qu’à revenir au texte adopté par l’Assemblée nationale, ce qui est un signe méfiance à l’égard des collectivités territoriales.
Mme Sophie Primas applaudit.
Le dispositif législatif et réglementaire en vigueur permet déjà d’appréhender les pratiques visées par le présent amendement.
L’objectif des auteurs de l’amendement correspond à ce que le Gouvernement cherche à mettre en œuvre. Mais le droit existant, c'est-à-dire l’article L. 121-1 2° b) du code de la consommation, ainsi que les directives en vigueur, permettent déjà de parvenir à ce résultat. Je souhaite donc le retrait de cet amendement. À défaut, sinon, j’y serai défavorable.
Je reviens sur l’amendement que j’ai défendu. Mesdames, messieurs les sénateurs, le contrôle de légalité ne me semble pas attentatoire à la libre administration des collectivités territoriales. Sinon, nous devrions aller au bout du raisonnement et le supprimer !
M. Jean Desessard acquiesce.
Mme Évelyne Didier. Monsieur le ministre, la directive européenne que vous avez évoquée a-t-elle été traduite dans notre droit ? Sous quelle forme ? Je ne suis pas aussi certaine que vous de la clarté du droit en vigueur, d’où le dépôt de cet amendement. Je suis un peu comme Saint-Thomas !
Sourires.
Nouveaux sourires.
Mêmes mouvements.
Madame la sénatrice, à mon sens, l’article L. 121-1 2° b) du code de la consommation, qui vise précisément et sanctionne les pratiques commerciales trompeuses reposant sur des allégations, indications et présentations portant sur les caractéristiques essentielles du produit, et notamment ses qualités substantielles ou ses propriétés, vient bien transposer les dispositions de la directive 2005/29/CE du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales, et plus particulièrement celles qui concernent l’interdiction des pratiques commerciales trompeuses.
Sauf erreur de ma part, la directive trouve son application dans l’article du code de la consommation que je viens de mentionner. En outre, le règlement n° 1924/2006 du 20 décembre 2006 concernant les allégations nutritionnelles et de santé prévoit que seules sont autorisées les allégations nutritionnelles énumérées dans l’annexe du règlement. Ce règlement est automatiquement entré en vigueur.
Cet apparatus juridique est de nature à contenter tout le monde, y compris Saint-Thomas !
Sourires.
Madame Didier, compte tenu des explications qui viennent d’être apportées, acceptez-vous de retirer l’amendement n° 1056 ?
Je ne comprends pas très bien l’objectif du Gouvernement.
Aux termes de l’amendement n° 1550, l’Autorité de la concurrence « peut être consultée ». Mais, en droit positif, tout ce qui n’est pas interdit est autorisé ! Quel est donc le sens d’un tel amendement ? Est-ce que cela relève, comme je le crains, d’une pure volonté d’affichage ? J’ai bien peur que cela ne masque alors une volonté de recentralisation en matière d’urbanisme.
Une telle disposition n’a aucune portée juridique. La vraie mesure de simplification serait de confirmer la suppression de l’article 10.
Monsieur le sénateur, aujourd'hui, le ministre de l’économie peut tout à fait saisir l’Autorité de la concurrence ; l’article 10 ne change rien à cet égard.
En revanche, le préfet ne le peut pas. Nous souhaitons lui en donner la possibilité, mais sans rendre la saisine automatique, d’où la rédaction que nous avons retenue.
Je ne partage donc pas votre interprétation. L’article 10 ouvre un droit qui n’existe pas actuellement.
Je rebondis sur l’intervention très pertinente de Dominique de Legge.
Sauf erreur de ma part, le Gouvernement propose que l’avis soit publié dans le cadre de l’enquête publique ou avant celle-ci. Il s’agit donc non pas d’une « faculté », mais bien d’une obligation. Raison de plus pour en rester à la position exprimée par Mme la corapporteur !
Sourires.
Je ne comprends pas bien les états d’âme que cet article suscite.
Réaffirmer la nécessité d’un contrôle de légalité en matière d’urbanisme, ce n’est pas remettre en cause la libre administration des collectivités territoriales ! Ce contrôle a toujours existé. Nous en conviendrons, j’imagine, tous, la conformité des documents d’urbanisme en matière de concurrence doit être vérifiée !
En l’occurrence, l’Autorité de la concurrence disposerait seulement de la possibilité de rendre un avis sur l’ensemble du document d’urbanisme contraignant. Il ne s’agit donc pas d’une obligation.
La consultation pourra être déclenchée par une saisine du préfet. L’Autorité devra rendre son avis avant le lancement de l’enquête publique.
Ainsi, ce dispositif n’instaure en aucun cas une procédure supplémentaire obligatoire. Il ne complexifie pas l’élaboration ou la modification des documents d’urbanisme.
En fait, l’article 10 ne fait qu’offrir au préfet la possibilité de demander à l’Autorité de la concurrence un avis sur un texte d’urbanisme, afin d’être éclairé dans l’exercice du contrôle de légalité.
Honnêtement, je ne vois pas pourquoi on en fait tout un foin !
L'amendement n'est pas adopté.
(Non modifié)
Au dernier alinéa du 2° du I de l’article L. 752-6 du code de commerce, les références : « aux 2° et 5° » sont remplacées par la référence : « au 2° ». –
Adopté.
L'amendement n° 441, présenté par M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 10 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le mot : « animée, », la fin du premier alinéa de l’article L. 111-6-1 du code de l’urbanisme est ainsi rédigée : « est intégrée aux bâtiments affectés au commerce. »
La parole est à M. Jean Desessard.
Aujourd'hui, en France, 70 000 hectares de terre agricole disparaissent chaque année, soit un département entier tous les huit ans. Ce chiffre dramatique s’explique notamment par le bétonnage des périphéries urbaines, avec l’installation de nombreuses grandes surfaces, accompagnées de vastes parkings.
La construction d’aires de stationnement sur les terres agricoles, outre qu’elle affaiblit notre filière agricole et agroalimentaire, entraîne une imperméabilisation des sols, qui provoque des phénomènes d’inondations dans de nombreuses régions.
Les conséquences humaines et économiques en sont de plus en plus lourdes : limitation des infiltrations indispensables pour l’épuration des eaux et la régénération de nos nappes phréatiques, perte de capacité de nos sols à stocker du carbone sous forme de biomasse, diminution de la biodiversité présente dans les zones agricoles, détérioration de notre cadre de vie, de nos paysages et de notre attractivité touristique, régression de notre agriculture de proximité, de la qualité et de la diversité de notre alimentation et de notre identité culturelle et gastronomique.
Exclamations amusées.
Vous le voyez, ce n’est pas rien ! D’ailleurs, je suis certain que vous partagez ce constat, mes chers collègues. Encore faut-il passer aux actes… Mais, je ne voudrais pas préjuger du résultat !
Sourires.
Les conséquences dramatiques que je viens d’évoquer nous interpellent et nous poussent à prendre toutes les mesures nécessaires pour préserver nos espaces agricoles, qui font partie de la richesse de notre pays. Il faut bien faire quelque chose.
Aujourd'hui, nous vous proposons d’intégrer les parkings au bâti commercial. En d’autres termes, les parkings devront être construits en sous-sol ou sur les toits des grandes surfaces nouvellement créées.
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur, s’esclaffe.
Cet aménagement indispensable ne nous semble pas trop lourd à supporter financièrement pour les entreprises. §C’est le prix à payer pour que les terres agricoles ne disparaissent pas !
En commission spéciale, Mme la corapporteur a émis un avis défavorable sur cet amendement, arguant – je ne résiste pas au plaisir de le rappeler ! – qu’il ne faudrait pas aller au-delà des dispositions contenues dans la loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, ou loi ALUR, aux termes desquelles un parking ne peut désormais pas excéder les trois quarts de la surface de plancher des bâtiments affectés au commerce.
Il nous paraît au contraire indispensable d’aller plus loin. C’est le sens de cet amendement.
Monsieur Desessard, je vous remercie d’avoir rappelé les arguments que j’avais développés en commission spéciale : l’adoption de votre amendement aurait effectivement pour conséquence de limiter encore davantage l’emprise au sol des parkings ; or celle-ci est déjà fortement contrainte par la loi ALUR. Il ne me paraît pas souhaitable d’aller au-delà des dispositions actuelles.
Par conséquent, je confirme l’avis défavorable que j’avais déjà émis en commission spéciale sur cet amendement.
L'amendement n'est pas adopté.
L’article L. 425-4 du code de l’urbanisme est ainsi modifié :
1°A
« Lorsqu’une modification du projet revêt un caractère substantiel au sens de l’article L. 752-15 du code de commerce mais n’a pas d’effet sur la conformité des travaux projetés par rapport aux dispositions législatives et réglementaires mentionnées à l’article L. 421-6 du présent code, une nouvelle demande d’autorisation d’exploitation commerciale est déposée auprès de la commission départementale. » ;
1°
Supprimé
2° Les troisième à dernier alinéas sont supprimés.
L'amendement n° 1551, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Une modification du projet qui revêt un caractère substantiel au sens de l’article L. 752-15 du code de commerce, mais n’a pas d’effet sur la conformité des travaux projetés par rapport aux dispositions législatives et réglementaires mentionnées à l’article L. 421-6 du présent code, nécessite une nouvelle demande d’autorisation d’exploitation commerciale auprès de la commission départementale. » ;
La parole est à M. le ministre.
Il s’agit d’un amendement de clarification : une modification substantielle au sens de l’article L. 752-15 du code de commerce, qui définit la notion d’« urbanisme commercial », ne nécessite pas de permis de construire, même modificatif.
Nous souhaitons ainsi lever un doute qui pouvait persister, notamment avec la rédaction de la loi ALUR.
Marques d’ironie sur les travées de l'UMP.
Sourires sur les mêmes travées.
Cette clarification est, certes, largement rédactionnelle, mais elle nous paraît nécessaire.
La clarification rédactionnelle proposée nous paraît acceptable.
La commission a donc émis un avis favorable sur cet amendement.
L'amendement est adopté.
L'amendement n° 1743, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – L’article 39 de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises est complété par un III ainsi rédigé :
« III. – Lorsqu’un projet bénéficie d’une autorisation d’exploitation commerciale en cours de validité obtenue avant le 15 février 2015 pour tout projet nécessitant un permis de construire, cette autorisation vaut avis favorable des commissions d’aménagement commercial. »
La parole est à M. le ministre.
Cet amendement vise à sécuriser les autorisations d’exploitation commerciale délivrées entre l’entrée en vigueur, d’une part, de la loi relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises en matière d’urbanisme commercial, le 18 décembre 2014, et, d’autre part, de son décret d’application, le 15 février 2015.
Dans cette période intercalaire, l’absence de consigne explicite sur le traitement du sort de ces projets pourrait nécessiter de redéposer certains permis de construire comportant un volet relatif à une autorisation d’exploitation commerciale, afin d’en garantir la sécurité juridique.
Il nous paraît donc préférable d’inscrire cette précision dans le projet de loi pour éviter tout contentieux ou incertitude.
La commission spéciale a été saisie trop tardivement de cet amendement pour pouvoir l’examiner. Je ne suis donc pas en mesure de me prononcer sur le fond.
M. Roger Karoutchi. S’il s’agit de modifier la loi ALUR, nous pouvons le voter !
Approbations sur les travées de l'UMP.
Sourires sur les mêmes travées.
Mme Nicole Bricq. Mme la corapporteur a bien le droit d’utiliser un argument de forme pour ne pas se prononcer. Mais je rappelle que M. le président de la commission spéciale peut réunir celle-ci à tout moment, au besoin à proximité de l’hémicycle. Cela s’est déjà produit à de multiples reprises.
Exclamations sur les travées de l'UMP.
Sur le fond, dans la mesure où nous déplorons souvent la publication tardive de décrets d’application, je pense que nous pouvons rendre au Gouvernement le service de voter cet amendement. C'est un acte qui n’engage à rien ; ce n’est pas un sujet de droite ou de gauche.
M. Jean Desessard. Des sujets de droite ou de gauche, il n’y en a plus beaucoup !
Sourires.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ainsi que Mme la corapporteur l’a souligné, la commission spéciale n’a pas eu suffisamment de temps pour examiner cet amendement.
M. le ministre s’est engagé à me communiquer les informations nécessaires sur les opérations en cours, et je les transmettrai à la commission.
Il y a tout de même un certain nombre de parlementaires expérimentés parmi nous. Quand nous sommes saisis d’un tel amendement, nous nous posons forcément des questions. Qui seront les bénéficiaires d’une telle mesure ? Combien de dossiers seront concernés ?
La commission spéciale se réunira la semaine prochaine. Nous disposerons alors des éléments que M. le ministre et son cabinet nous auront communiqués. Nous serons dans de meilleures conditions pour débattre sereinement sur cet amendement, ce qui facilitera l’entrée en vigueur du dispositif.
Par conséquent, et en application de l’article 44, alinéa 6, du règlement, la commission demande que le vote sur l’amendement n° 1743 et, par voie de conséquence, sur l’article 10 ter soit réservé, après l’article 106.
Aux termes de l’article 44, alinéa 6, du règlement du Sénat, la réserve, lorsqu’elle est demandée par la commission saisie au fond, est de droit, sauf opposition du Gouvernement.
Quel est donc l’avis du Gouvernement sur cette demande de réserve ?
Si la réserve permet d’améliorer le travail parlementaire, le Gouvernement est favorable à cette demande.
D’ailleurs, par souci de transparence, je peux vous apporter quelques éléments explicatifs.
Un certain retard a été pris. Les mesures transitoires que le Gouvernement avait initialement proposées n’ont pas été retenues par le Conseil d’État.
Les cabinets de Mme la ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité et de Mme la secrétaire d'État chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire ont ainsi été avisés de difficultés dans une dizaine de dossiers d’urbanisme commercial ; nous vous en fournirons la liste. C’est ce qui nous a conduits à envisager la mesure proposée.
Pour la bonne information du Sénat, je communiquerai effectivement l’ensemble des éléments à la commission spéciale.
L'amendement n° 395, présenté par MM. Madec, Assouline et Guillaume, Mmes Bricq, Emery-Dumas et Génisson, MM. Bigot, Cabanel, Filleul, Marie, Masseret, Raynal, Richard, Sueur, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Après l’article 10 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 752-1 du code de commerce est ainsi modifié :
1° Après le 1°, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° la création, sur un site protégé au titre de l’article L. 341-1 ou L. 341-2 du code de l’environnement ou protégé au titre de l’article L. 621-31 du code du patrimoine, d’un magasin de commerce de détail d’une surface de vente supérieure à 400 mètres carrés, résultant soit d’une construction nouvelle, soit de la transformation d’un immeuble existant ; »
2° À la première phrase du 3°, à la seconde phrase du 4°, aux 5°, 6° et 7°, après les mots : « 1000 mètres carrés », sont insérés les mots : « ou 400 mètres carrés lorsque le projet est situé sur un site protégé au titre de l’article L. 341-1 ou L. 341-2 du code de l’environnement ou protégé au titre de l’article L. 621-31 du code du patrimoine ».
La parole est à M. David Assouline.
Aux termes de l’article L. 752-6 du code de commerce, les CDAC examinent les projets commerciaux au regard d’un certain nombre de critères, en particulier la « localisation du projet et son intégration urbaine », « l’insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l’utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales » et « les nuisances de toute nature que le projet est susceptible de générer au détriment de son environnement proche ».
Cependant, en limitant le champ d’application des autorisations d’exploitation commerciale aux magasins d’une surface de vente de plus de 1 000 mètres carrés, l’article L. 752- 6, dans sa rédaction actuelle, exclut du contrôle des projets aux conséquences environnementales, patrimoniales et urbanistiques importantes.
Le présent amendement vise ainsi à permettre l’examen par la CDAC des projets de plus de 400 mètres carrés, lorsque ceux-ci sont situés dans les centres urbains historiques notamment, et plus largement sur l’ensemble des sites inscrits et classés au titre de la protection du patrimoine. La CDAC bénéficiera en outre de l’avis de l’architecte des Bâtiments de France, pour une appréciation plus large de l’insertion du projet dans son environnement proche.
J’aimerais vous convaincre de l’importance et de la logique de cet amendement, sur un sujet qui n’a pas été suffisamment examiné.
Nous avons retenu le seuil de 400 mètres carrés. Seule une installation commerciale d’une surface supérieure à 400 mètres carrés peut être qualifiée d’exceptionnelle et avoir des conséquences particulières en termes d’insertion patrimoniale, urbaine et environnementale.
Le seuil correspond d’ailleurs au référentiel de l’INSEE, qui définit un magasin de grande surface comme un établissement de vente au détail en libre-service réalisant plus des deux tiers de son chiffre d’affaires en alimentation et dont la surface de vente est comprise entre 400 mètres carrés et 2 500 mètres carrés.
Je vous rassure tout de suite, à Paris, cela ne concernerait pas plus de 2 % des commerces ayant une telle surface.
La portée est donc limitée. Il s’agit simplement d’exercer un contrôle. J’ai constaté, et pas forcément à Paris, que des surfaces de 400, 500 ou 600 mètres carrés dénaturaient beaucoup le charme de petites rues piétonnes et pavées, notamment dans les centres historiques.
Il s’agit donc non de poser une interdiction, mais simplement de permettre un examen, en particulier par l’architecte des Bâtiments de France. Cela permettra d’appréhender certaines situations de manière plus judicieuse.
Le présent projet de loi que nous examinons libéralise un certain nombre de domaines pour relancer l’économie. À mon sens, même si je propose une régulation, mon amendement s’inscrit dans cette perspective. Le tourisme participe de l’attractivité économique. De telles installations commerciales sont évidemment nécessaires, mais il ne faut pas qu’elles dénaturent le patrimoine culturel.
Monsieur le sénateur, il ne me semble pas opportun d’alourdir la procédure d’autorisation des surfaces commerciales en abaissant dans des zones spécifiques le seuil de 1 000 mètres carrés.
Vous évoquez la prise en compte des spécificités des zones naturelles protégées ou des périmètres classés monuments historiques. Or je vous rappelle qu’il revient à la commission des sites ou à l’architecte des Bâtiments de France de veiller au respect de ces spécificités.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Nous avons débattu de ce sujet à l’Assemblée nationale, sur l’initiative notamment du député Pascal Cherki, qui avait déposé un amendement similaire.
Un travail important a été mené entre plusieurs ministères pour vérifier l’applicabilité d’une telle mesure. Le problème qui est soulevé se pose principalement à Paris. Or la métropole parisienne ne serait pas la seule concernée par le dispositif envisagé, dont la mise en œuvre susciterait sans doute en plus des difficultés au niveau communautaire. Surtout, avec l’adoption de cet amendement, il y aurait doublon, entre l’autorisation d’exploitation commerciale et les prescriptions de l’architecte des Bâtiments de France.
Ce dernier intervient déjà pour tout projet de construction situé sur les sites protégés visés par le présent amendement. Les préoccupations environnementales, patrimoniales et urbanistiques sont donc d’ores et déjà prises en compte dans la législation actuelle.
Par conséquent, il n’apparaît pas souhaitable de multiplier les seuils et les mesures dérogatoires, du point de vue tant de l’autorisation d’exploitation commerciale que de la protection des secteurs protégés. Cela créerait des incertitudes nouvelles pour un certain nombre de commerces de taille intermédiaire et de petits commerces. En outre, la procédure de permis de construire, qui vaut autorisation d’exploitation commerciale, est déjà particulièrement lourde en termes financiers.
Une telle proposition risquerait de décourager de nombreux projets en centre-ville. C’est contraire à l’objectif de développement des activités.
Malgré plusieurs semaines de travail, nous n’avons pas réussi à trouver un encadrement plus simple. Avec le système proposé, nous aurions plusieurs procédures et plusieurs seuils qui s’entremêleraient.
Le Gouvernement sollicite donc le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis serait défavorable.
Oui, madame la présidente. Les arguments qui m’ont été opposés ne m’ont pas convaincu.
La mesure que je propose aurait une faible ampleur. Elle concernerait 2 % des commerces parisiens, soit 1 361 sur 64 114 commerces, si nous considérons l’ensemble des surfaces commerciales parisiennes ayant une surface de plus de 400 mètres carrés, tous n’étant pas situés dans des centres historiques.
Encore une fois, l'objectif n'est pas de dresser une interdiction ; il s’agit simplement de mettre en place une procédure. Le seuil de 1 000 mètres carrés ne nous semble pas pertinent. Si l’INSEE classe parmi les magasins de grande surface ceux qui ont une surface de 400 mètres carrés, ce n’est pas sans raison ; la classification de l’INSEE ne distingue donc pas les magasins de grande surface ayant une superficie de 400 ou de 1 000 mètres carrés, puisqu’elle s’étend de 400 à 2 500 mètres carrés. Nous souhaitons qu’il y ait une appréciation.
Je suis très attaché au développement de l’activité commerciale. Mais je suis convaincu que l’attractivité première de nos sites historiques, c’est la beauté, la culture et la préservation de lieux. Même si l’on vient aussi pour acheter ou faire du commerce, comme dans toutes les grandes villes, le patrimoine culturel reste la première source d’attractivité.
Nous devons y prendre garde ; à Paris, comme dans les grandes villes, la tendance générale est plutôt à la dégradation.
(Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.) Mes chers collègues, nous nous entendons très bien avec les socialistes de la capitale sur un certain nombre de dossiers !
Mêmes mouvements.
Je voterai cet amendement, qui a été très bien défendu par mon camarade socialiste parisien ! §
Nous voterons cet amendement.
On ne peut pas tout envisager sous le seul angle de la concurrence ou du commerce. Un magasin de 400 mètres carrés ou 600 mètres carrés – c’est déjà une taille importante – qui s’insère dans un milieu donné n’est pas « hors sol » ; il doit tenir compte de son environnement !
Tous ceux qui ont déjà participé à des réunions de la CDAC savent comment cela fonctionne, entre les élus, qui veulent d’abord conforter leur position, et les associations de consommateurs, qui se prononcent en général en faveur de la concurrence.
On ne peut pas imaginer que les commerces se désintéressent de leur environnement ; s’ils sont là, c’est qu’ils en bénéficient aussi ! Tout ce qui concourt à l’harmonie est bienvenu. Et, à nos yeux, cet amendement y contribue. C’est pourquoi nous le voterons.
L'amendement n'est pas adopté.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 379 rectifié nonies, présenté par Mme N. Goulet, M. Zocchetto, Mme Goy-Chavent, M. Pozzo di Borgo, Mme Férat, MM. Fouché et Canevet, Mme Jouanno, M. Guerriau, Mme Gourault, MM. Frassa, Bockel, Namy, Labbé, Maurey et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Après l’article 10 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les magasins de commerce de détail, d’une surface supérieure à 1 000 mètres carrés, soumis à l’autorisation d’exploitation prévue à l’article L. 752-1 du code de commerce peuvent mettre en place une convention d’organisation de la collecte sécurisée des denrées alimentaires invendues encore consommables au profit d’une ou plusieurs associations d’aide alimentaire. Un décret fixe les modalités d’application du présent article.
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Nous avons voté ce matin en faveur d’un droit universel au permis de conduire, une démarche tout à fait citoyenne.
J’avais alors indiqué à notre collègue Didier Guillaume que le droit universel reviendrait dans l’après-midi, cette fois contre le gâchis alimentaire et en faveur d’une meilleure distribution des denrées.
C’est donc une autre démarche citoyenne que je vous propose ici : la lutte contre le gâchis alimentaire.
Je citerai quelques chiffres pour illustrer mon propos : en 2012, 1 400 magasins ont régulièrement participé à des campagnes de dons, ce qui a permis de récolter 32 000 tonnes de denrées alimentaires, soit l’équivalent de 64 millions de repas.
Alors que les Restos du cœur existent depuis maintenant trente ans et que beaucoup de nos concitoyens ont du mal à boucler leurs fins de mois, des supermarchés jettent tous les soirs de la nourriture comestible. Ils en viennent parfois jusqu’à verser de l’eau de javel dans les poubelles pour qu’on ne puisse pas récupérer ces denrées… De tels procédés sont absolument insupportables. La pétition Stop au gâchis alimentaire, dont vous avez sans doute entendu parler, a recueilli près de 180 000 signatures.
Un amendement similaire avait été présenté à l’Assemblée nationale, avant d’être retiré. Celui que je défends aujourd’hui est cosigné non seulement par l’intégralité des membres du groupe UDI-UC, mais aussi par Esther Benbassa et Joël Labbé, du groupe écologiste, ainsi que par certains de nos collègues du groupe UMP ; un amendement quasi identique a d’ailleurs été cosigné par un grand nombre de membres du groupe UMP.
Les rectifications successives de l’amendement tiennent principalement à l’adjonction de nouveaux signataires, ainsi qu’à la modification de la superficie des établissements concernés : il s’agit maintenant de 1 000 mètres carrés, contre 400 mètres carrés initialement. Par ailleurs, j’ai souhaité préciser qu’il s’agissait d’une possibilité de contracter et non d’une obligation, la précédente rédaction pouvant prêter à confusion.
Il s’agit donc de permettre aux supermarchés de conclure des conventions avec des associations, qui pourront ensuite distribuer cette nourriture consommable, aujourd’hui jetée.
Cette démarche citoyenne doit être encouragée par notre Haute Assemblée.
L'amendement n° 579 rectifié bis, présenté par MM. Fouché, Magras, Mayet, Duvernois et Lefèvre, Mme Micouleau, MM. D. Laurent, Charon, G. Bailly, Morisset et Bizet, Mme Imbert, M. Mouiller, Mme Primas, MM. Karoutchi, Milon, Bouvard, de Raincourt et Calvet, Mme Mélot, MM. B. Fournier, Chasseing et Paul, Mme Troendlé, MM. D. Robert et Saugey, Mme di Folco, M. Houel, Mmes Gruny, Deromedi et Duchêne, MM. Doligé, Revet et Trillard, Mme Lopez, MM. Laufoaulu, Falco et Kennel, Mme Bouchart et MM. Grand, Houpert, Chaize et Commeinhes, est ainsi libellé :
Après l’article 10 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 752-1 du code de commerce, il est inséré un article L. 752-1-… ainsi rédigé :
« Art. L. 752 -1 -... – Les magasins de commerce de détail d’une surface supérieure à 400 mètres carrés soumis à l’autorisation d’exploitation prévue à l’article L. 752-1 peuvent mettre en place une convention d’organisation de la collecte sécurisée des denrées alimentaires invendues encore consommables au profit d’une ou plusieurs associations d’aide alimentaire. Un décret fixe les modalités d’application du présent article, sans remettre en cause les dispositifs de défiscalisation du don. »
La parole est à M. Michel Magras.
M. Roger Karoutchi s’étonne.
Sourires.
Mon collègue Roger Karoutchi ne m’en voudra pas de défendre cet amendement rapidement, d’autant qu’il est très similaire au précédent, à la surface près.
Je retire donc cet amendement au profit de celui qu’a excellemment défendu Mme Goulet, même si je n’ai pas bien compris cette référence au permis de conduire…
L'amendement n° 579 rectifié bis est retiré.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 379 rectifié nonies ?
Cet amendement rectifié tend à permettre aux grandes surfaces de conclure des conventions avec des associations d’aide alimentaire afin de leur remettre leurs stocks de produits invendus et lutter ainsi contre le gaspillage alimentaire.
Comme vous l’avez souligné, ma chère collègue, le champ d’application du dispositif a été modifié : désormais, seules les grandes surfaces de 1 000 mètres carrés sont concernées, ce qui me paraît plus raisonnable que les 400 mètres carrés initialement envisagés.
Les auteurs de cet amendement proposent une solution pragmatique pour une grande cause à laquelle nul, au sein de la Haute Assemblée, ne peut rester insensible.
Cependant, la commission spéciale n’ayant pu se prononcer sur cet amendement ainsi rectifié, c’est à titre personnel que je m’en remets à la sagesse du Sénat.
Il s’agit d’un sujet important qui a également fait l’objet de nombreux débats à l’Assemblée nationale. Bien évidemment, le Gouvernement partage les préoccupations qui viennent de s’exprimer. Je voudrais toutefois vous apporter quelques précisions, mesdames, messieurs les sénateurs, et rappeler le contexte.
La contribution du projet en matière sociale figure aujourd’hui dans les critères d’appréciation des projets soumis à l’autorisation d’exploitation commerciale, aux termes de l’article L. 752-6, II, du code de commerce. Il s’agit également de l’un des critères d’autorisation pris en compte par la loi relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, dite « ACTPE », dont le décret d’application évoque de manière encore plus directe les partenariats devant se mettre en place avec les associations locales.
Comme vous le savez, madame la sénatrice, les grandes et moyennes surfaces travaillent en ce sens sur la base du volontariat. Les associations elles-mêmes l’ont reconnu. C’est d’ailleurs là que réside toute la difficulté. La question n’est pas encore tranchée de savoir si cette collaboration doit revêtir un caractère obligatoire ou non. En cas d’obligation de collecte, qui aura la charge de trier, voire de jeter les denrées ? Les associations seront-elles à même de gérer ces contraintes ? Vous le voyez, le sujet n’est pas facile.
Sur le plan technique, le principe même du don et sa dimension fiscale ne relèvent absolument pas de l’urbanisme commercial. Dans ces conditions, il ne me semble pas approprié de le faire figurer au titre V du code de commerce.
Nonobstant ces considérations juridiques, le député Guillaume Garot a été chargé de rédiger un rapport sur ce sujet dont la remise est attendue pour le 15 avril. Les préconisations qui y figureront seront rapidement traduites dans une proposition de loi afin de disposer d’un cadre structuré traitant à la fois du problème du statut fiscal du don, de l’organisation de la collecte, de la charge imposée – y compris en matière de tri – et, au-delà, du volontariat lui-même.
Si je partage l’ensemble des préoccupations qui ont été formulées, ce cadre – rapport puis proposition de loi - me semble plus approprié pour traiter du sujet que le truchement d’un amendement sur lequel j’ai quelques réserves.
Remettons les choses dans l’ordre, monsieur le ministre.
Tout d’abord, je n’étais pas favorable à ce que le groupe UMP retire son amendement : les deux amendements étant identiques
Exclamations sur les travées du groupe socialiste.
J’entends bien vos explications, monsieur le ministre, mais pardon : encore un délai !
Rendons à César ce qui appartient à César : Frédéric Lefebvre est l’auteur de l’amendement présenté à l’Assemblée nationale. Lors de son passage au gouvernement, il avait mis en place un système permettant aux moyennes et grandes surfaces d’assurer cette collecte. Il avait obtenu de bons résultats, puisque les Restos du cœur, en 2012, avaient pu grâce à cela assurer la distribution de repas pendant deux ou trois mois.
À l’Assemblée nationale, vous avez renvoyé le débat à la navette en indiquant que des propositions seraient faites à l’issue d’un travail. Mais, monsieur le ministre, nous n’avons qu’une lecture ! Vous nous demandez de vous faire confiance, vous nous annoncez la remise d’un rapport dans quelques jours puis le dépôt d’une proposition de loi – j’ai bien noté qu’il ne s’agirait pas d’un projet de loi – dans quelques semaines, voire quelques mois. Cependant, je n’ai aucune garantie sur l’inscription de cette proposition de loi dans des délais raisonnables. En réalité, tout ce que vous nous proposez ne verra le jour, au mieux, que dans un an.
Nous allons donc passer le prochain hiver sans aucune mesure concrète applicable et les moyennes et grandes surfaces qui seraient prêtes à agir ne le pourront pas !
Je comprends qu’il puisse y avoir des correctifs techniques d’ici à la CMP, mais ne nous renvoyez pas à une proposition de loi et à son inscription, très éventuelle, à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale : bonjour demain ! C’est presque comme si vous nous disiez que vous allez mettre en place une commission !
Sourires
M. Emmanuel Macron, ministre. Tout de même pas !
Nouveaux sourires.
Non, vous ne pouvez pas nous faire ça...
Dans tous les magazines, monsieur le ministre, il est écrit que vous êtes un homme de cœur ! §On peut le lire partout, vraiment partout ! N’ayant pas l’immense bonheur de vous connaître, je ne sais si c’est vrai. En revanche, sur un amendement de cette nature, un amendement qui transcende tous les clivages politiques, vous ne pouvez demander le retrait à l’Assemblée nationale, puis le retrait au Sénat au bénéfice d’une éventuelle proposition de loi.
Il s’agit de permettre aux grandes et moyennes surfaces de réaliser une collecte alimentaire en faveur des Restos du cœur : réglons les problèmes techniques plus tard et envoyons dès maintenant un signal positif !
Un beau geste, monsieur le ministre : remettez-vous-en à la sagesse de la Haute Assemblée.
Quitte à contredire légèrement les cosignataires de ces amendements, je voudrais insister sur un aspect essentiel qui n’est pas pris en compte, celui de l’hygiène alimentaire.
Il est ici question de produits qui ont été ou qui sont en passe d’être rejetés par une grande ou moyenne surface alimentaire.
Deux principes doivent être respectés, qui, par définition ne le sont pas à l’heure actuelle : d’une part, la non-rupture de la chaîne du froid, nécessité absolue pour des produits parvenus en date limite de vente – toute rupture de la chaîne du froid se traduira sinon par des infections et des intoxications alimentaires ; d’autre part, la marche en avant, principe connu de tous ceux qui sont maires ici, selon lequel un circuit va toujours dans le même sens. Or la poubelle ne fait pas partie du circuit propre…
Je souhaiterais donc sous-amender cet amendement, madame la présidente, pour y ajouter : « dans le respect des règles de l’hygiène alimentaire ». Ces quelques mots suffiraient à sécuriser le dispositif, la définition des modalités techniques étant renvoyée à plus tard.
En 1950, les intoxications alimentaires en France tuaient 16 000 personnes par an. Aujourd’hui, le chiffre annuel est inférieur à 200. Le vétérinaire que je suis préfère en rester à 200 plutôt que de monter à 2 000 !
Je voudrais apporter une petite précision de nature à rassurer mon collègue Roger Karoutchi : si j’ai signé l’amendement de Mme Goulet et non celui de mon groupe, c’est tout simplement une erreur factuelle : je souscris pleinement aux deux amendements.
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Encore un homme de cœur !
Sourires.
Deux amendements valent mieux qu’un, madame la présidente ; je défendrai donc avec la même ardeur et la même détermination ces deux amendements relatifs à une même cause humanitaire qui dépasse largement – il n’est que de voir le nom des signataires – nos clivages politiques.
Pardonnez-moi de vous interrompre, mon cher collègue, mais, pour la clarté des débats, je vous rappelle que l’amendement n° 579 rectifié bis a été retiré.
Sourires.
Nous en sommes donc aux explications de vote sur l’amendement n° 379 rectifié nonies, raison pour laquelle aussi, monsieur Trillard, vous ne pouvez pas, à ce stade, sous-amender.
Je ne fais qu’appliquer le règlement, mon cher collègue !
Mais veuillez poursuivre, monsieur Frassa.
Au-delà des arguments que nous avons entendus, monsieur le ministre, une cause est essentielle dans cet amendement, celle de la défense des personnes, de plus en plus nombreuses, qui ne peuvent se nourrir.
Comme l’a rappelé M. Karoutchi, la lutte contre le gaspillage alimentaire a été menée à l’origine par un élu local, Arash Derambarsh, qui a ensuite trouvé en la personne de notre collègue Frédéric Lefebvre, député représentant les Français de l’étranger, un porte-voix à l’Assemblée nationale. Je m’associe aujourd’hui pleinement à leur démarche.
Je soutiens bien évidemment cet amendement, que j’ai cosigné, et engage tous mes collègues à le voter. On peut, certes, renvoyer cette question à une commission ou à une proposition de loi, mais pourquoi différer – et avec quelle incertitude ! – ce que nous avons aujourd’hui l’occasion de faire, d’autant plus s’agissant d’un texte qui, je le rappelle, a pour objet, outre la croissance et l’activité, l’égalité des chances économiques ? Or je pense que la lutte contre le gaspillage alimentaire fait partie de l’égalité des chances économiques et que nous la devons à ceux de nos concitoyens qui n’ont pas la chance d’avoir accès à une nourriture décente.
Sur un tel sujet, il n’aurait aucun sens de nous faire de faux procès.
Tout d’abord, avant de parler du fond, je souhaiterais évoquer la forme : je suis heureux que la commission spéciale n’ait pas jugé utile de se réunir pour étudier une telle question. Comme quoi, tout est possible !
Sourires.
Je tiens ensuite à vous fournir quelques précisions sur la question, primordiale, du gaspillage alimentaire. Sans y revenir en détail, la situation actuelle dans notre pays est très préoccupante, en ce qui concerne tant l’ampleur des gâchis que de la pauvreté qui frappe des milliers de personnes.
En 2014, j’ai moi-même rendu un rapport sur le cycle de la pauvreté. Le constat était effectivement sans appel. Pour avoir auditionné de nombreuses associations caritatives et humanitaires, il me semble très facile de répondre à la préoccupation de notre collègue André Trillard, dont il faut bien entendu tenir compte, car elle est importante.
L’ensemble des associations caritatives et humanitaires qui récoltent des denrées alimentaires sur nos territoires observent d’ores et déjà des précautions minimales et systématiques en matière d’hygiène et de respect des dates de péremption. Cela existe déjà, mais, puisque nous faisons la loi, si cela va sans le dire, cela ira encore mieux en le disant. Alors, disons-le !
La question plus spécifique du gaspillage alimentaire nous interroge aussi sur notre modèle de société. Nous oublions parfois des mécanismes de solidarité qui se trouvent pourtant au fondement de notre pacte républicain.
Il est donc temps d’enrayer cette spirale qui mène parfois à des situations scandaleuses, quad, par exemple, des aliments sont jetés voire détruits, au lieu d’être donnés à des personnes dans le besoin.
Comme le ministre l’a rappelé, le Gouvernement s’est clairement engagé sur ce sujet en confiant au député Guillaume Garot, en octobre dernier, le soin de remettre un rapport sur le gaspillage alimentaire ; les conclusions seront rendues dans la première quinzaine du mois d’avril. Enfin, comme cela a été annoncé à l’Assemblée nationale, ce rapport aboutira au dépôt d’une proposition de loi. Tous les groupes politiques seront associés, de sorte que puissent être formulées des propositions communes et consensuelles sur un sujet qui, j’en suis persuadé, le mérite.
Néanmoins, dans la période que nous traversons, et malgré le constat que l’on peut faire d’une certaine impréparation, nous considérons qu’il est nécessaire que des signaux forts soient envoyés dès maintenant.
Par conséquent, même si nous aurions préféré attendre la remise du rapport de Guillaume Garot – encore faut-il que cela ne prenne pas trop de temps - et la présentation de la proposition de loi annoncée- nous l’examinerons avec une attention tout à fait particulière -, nous voterons l’amendement de notre collègue Nathalie Goulet.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous adopterons évidemment une position favorable à l’égard de cet amendement, ou de ces amendements, peu importe.
Sur de telles questions, nous avons comme premier devoir de faire preuve de mesure, de modestie, d’éviter tout triomphalisme et de ne pas nous approprier un sujet aussi délicat pour réaliser un « coup ».
En réalité, il y a deux dimensions au problème : d’une part, une dimension sociale, avec l’aide à la grande pauvreté, et d’autre part, une dimension économique, avec le gaspillage et ses conséquences, notamment en termes de déchets.
Nous sommes donc invités à légiférer pour améliorer la situation, mais, mes chers collègues, heureusement, la société civile ne nous a pas attendus pour agir !
Il y a belle lurette en effet que des contrats, signés ou non, ont été conclus localement entre des associations et des supermarchés, des hypermarchés, voire avec des commerçants.
Dès lors, c’est évidemment une bonne chose de créer un cadre normatif pour sécuriser ces contrats, mais il me semblait également important de reconnaître que la société civile nous a devancés.
Je voudrais également dire que la démarche du Gouvernement est normale s’agissant d’un sujet complexe qui mérite effectivement d’être approfondi. On ne peut pas faire n’importe quoi !
Ainsi, en matière de gaspillage alimentaire, se posent des questions de logistique pour les associations, et pour les surfaces commerciales.
Vous savez que les associations se trouvent souvent à l’étroit dans leurs locaux et ne peuvent pas s’équiper notamment des installations frigorifiques dont elles auraient besoin. En effet, la véritable question est celle de la distribution des aliments frais. Distribuer des boîtes de conserve ou des paquets de gâteaux secs, c’est relativement simple. C’est plus compliqué, en revanche, lorsqu’il s’agit d’aliments frais.
En outre, beaucoup d’associations, parce qu’elles ne disposent pas non plus des capacités de stockage suffisantes, viennent chercher les aliments quand elles en ont besoin, ce qui repousse le problème au niveau des hypermarchés ou des supermarchés, qui eux-mêmes n’ont pas nécessairement une capacité de stockage suffisante pour attendre les associations. Il faudra bien à un moment donné que la question de la logistique soit prise en compte !
On le voit, le sujet est complexe.
Au-delà de ces considérations logistiques, le véritable drame est, bien sûr, celui de la pauvreté. Or, au passage, je constate que nous nous installons dans une société qui, finalement, renvoie la solution du problème de la grande pauvreté à des gestes charitables, à des démarches solidaires, à des actes qui viennent d’en bas. Je pense, tout au contraire, que c’est à l’ensemble de la société qu’il incombe de se saisir du problème, et pas seulement aux associations, même si, bien sûr, nous devons les aider.
Les critères qui seront retenus pour la conclusion des conventions devront être assez souples pour tenir compte de la diversité des associations, et de la taille des locaux, ne serait-ce que parce que l’on ne fait pas la même chose en province et dans les grandes villes.
Tout cela mérite que nous soyons responsables, attentifs et que, loin de tout triomphalisme, nous traitions du sujet avec beaucoup de mesure.
Nous voterons donc cet amendement.
C’est peut-être également l’impression que donne plus globalement ce projet de loi à certains d’entre nous, mais je n’en dirai pas plus.
En début d’après-midi, nous avons montré à l’occasion de l’examen de l’amendement n° 1646, que, lorsqu’une idée n’était pas bonne, nous pouvions la rejeter à l’unanimité. Avec cet amendement n° 379 rectifié nonies, nous pouvons, à l’inverse, montrer que le Sénat sait faire preuve de la même unanimité lorsqu’une idée est bonne et généreuse.
En ce qui me concerne, je souhaite apporter tout mon soutien à cette initiative, sachant que, selon une étude de l’Union européenne, le gaspillage dans les vingt-huit pays proviendrait pour 42 % des ménages et pour 44 % de l’industrie agroalimentaire et des détaillants.
Vous avez raison, madame Didier : la société civile ne nous a pas attendus. Même si 30 % des dons proviennent déjà des grandes surfaces, une marge de progression est encore possible dans le commerce de détail, notamment pour les supermarchés de centre-ville.
Cet amendement devrait y contribuer. C’est pourquoi j’espère qu’il sera adopté à l’unanimité par notre assemblée.
Je voudrais dire, à ce moment du débat, que l’amendement déposé par notre collègue Alain Fouché lui tenait très à cœur et avait recueilli la signature d’une très large majorité de notre groupe. M. Magras a retiré cet amendement au profit de celui de Mme Goulet. On constate donc bien que cette initiative fait l’unanimité sur l’ensemble des travées.
Il ne faut pas sous-estimer la difficulté logistique de la collecte des produits qui ne sont pas vendus, comme l’a dit Mme Goulet, ou vous-même, monsieur Trillard qui, en tant que vétérinaire, êtes très sensible au problème des intoxications. Par conséquent, je vous remercie, madame Goulet, d’avoir augmenté la taille de la surface des magasins qui pourront conclure des conventions avec les associations. En effet, lorsque l’on est gérant d’une supérette de 400 mètres carrés, la place manque et les conditions dans lesquelles on exerce son métier sont parfois difficiles. Dans ces magasins, et bien que l’intention soit louable, une telle organisation logistique serait une difficulté supplémentaire, non pas pour la collecte, mais bien pour le stockage des denrées à l’intérieur du magasin, avec les problèmes sanitaires qui peuvent en découler.
Il ne faut pas non plus sous-estimer le risque juridique pour les gérants de magasin. En cas d’intoxication, en effet, si aucune convention n’a été mise en place avec des associations caritatives, la responsabilité du gérant peut être engagée. Pour avoir, dans une vie antérieure, essayé d’organiser cette collecte pour des œuvres caritatives, je l’ai moi-même vécu et me suis heurtée à ce problème de responsabilité juridique du gérant ou du directeur de magasin.
Malgré tout, j’apporterai mon soutien plein et entier à cet amendement, qui est unanimement soutenu dans cette assemblée.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je m’associe naturellement aux propos qui viennent d’être tenus.
Notre rapporteur a parlé de « grande cause », c’est réellement le terme qui convient. Cette grande cause nous interpelle tous et nous met largement en question, puisque, sur ces problèmes de nature sociale, des actions sont déjà menées de longue date par diverses associations caritatives ou par des individus qui agissent seuls, en leur âme et conscience. Je vois aussi naître une prise de conscience collective sur la nécessité de telles actions.
Notre collègue a déposé un amendement relatif à l’aide alimentaire, qui fait consensus. On aborde là un sujet particulièrement sensible, de solidarité mais aussi d’humilité, ce sont les termes employés par nos collègues. En réalité, tout le monde peut participer. Et n’oublions pas ces personnes qui, même dans le besoin, ne demandent rien, et l’on n’en est pas forcément informé.
Nous vivons, dit-on, dans une société de consommation : on peut être révolté par le gâchis et le gaspillage ; on peut les dénoncer !
Il faut également tenir compte des exigences de l’hygiène alimentaire, notamment pour la collecte de produits frais, même si d’autres aliments récoltés peuvent être conservés longtemps. Dans ce cas aussi, il faut une prise de conscience tant collective qu’individuelle.
Je crois que cet amendement va réellement dans le bon sens et je m’associerai à mes nombreux collègues pour le voter.
M. Jean Desessard. Tout a été dit à ce stade de la discussion. Un autre commentaire serait un surplus !
Sourires.
Je voterai naturellement cet amendement, mais je souhaiterais que l’on creuse d’autres pistes, notamment dans le secteur agroalimentaire.
Je pense en particulier aux éleveurs de canards qui, tous les ans, en pleine saison, détruisent des carcasses entières, car cela leur revient moins cher que de les transformer.
Je pense aussi aux traiteurs, qui détruisent tous les soirs des plats cuisinés.
Je pense, enfin, aux services vétérinaires qui, tous les ans, détruisent à coup de berlingots d’eau de javel des quantités faramineuses de produits parfaitement consommables !
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.
Nous nous apprêtons, mes chers collègues, à accomplir un acte important de solidarité. Partout dans notre pays, un grand élan de cœur et d’humanité se manifeste pour répondre aux besoins de nos concitoyens les plus en difficulté.
Nous devons aussi chercher à associer les collectivités territoriales à cette démarche. Elles peuvent faire beaucoup, même avec des moyens contraints, et les élus ont un rôle très important à jouer.
On ne peut toutefois ignorer l’explosion de la grande précarité et, comme le soulignait ma collègue Évelyne Didier, nous devrons nous interroger plus avant et ne pas répondre perpétuellement par l’assistanat. Il nous faudra bien, un jour ou l’autre, nous interroger sur la responsabilité des politiques d’austérité qui sont conduites. Les personnes qui sont dans la misère et la grande pauvreté ont souvent commencé par perdre leur emploi. Puis, par voie d’enchaînement, elles ont perdu leur logement, se sont progressivement désocialisées et ont finalement été obligées de recourir à l’assistance pour survivre.
Mes chers collègues, est-ce là l’humanité que nous voulons construire ?
Je voudrais tout d’abord, mes chers collègues, vous remercier de cette belle unanimité. Je tiens aussi à remercier notre collègue Alain Fouché : il avait posé une question orale un mardi matin sur ce sujet et a également cosigné cet amendement rectifié, tout comme Esther Benbassa, Joël Labbé et nombre d’entre nous.
Il est moins question de compassionnel dans cet amendement que de responsabilité et, surtout, de dignité. Certes, il s’agit de donner à des gens qui n’ont pas de quoi manger des produits destinés à être jetés, mais, et je rassure notre collègue André Trillard, il est bien fait mention d’une collecte « sécurisée » dans l’amendement.
Je rejoins aussi les propos de Roger Karoutchi sur l’amendement déposé par Frédéric Lefebvre, que je cite dans l’objet de mon amendement.
Mon collègue Christophe-André Frassa a cité Arash Derambarsh, qui a lui-même réalisé cette opération sur le territoire de sa commune. Vous dites que les collectivités territoriales doivent être associées. En effet, le changement viendra du terrain, mais il s’opérera d’autant plus facilement que l’on aura donné ici cette impulsion, sans attendre un énième rapport, en utilisant, comme c’est notre droit de parlementaires, le véhicule législatif susceptible de porter cet amendement de respect et de dignité.
Permettez-moi d’ajouter à ce riche débat mon propre témoignage.
Dans ma commune d’Aubervilliers, deuxième ville la plus pauvre de France métropolitaine, nous avons mis en place, sans tomber dans la charité, une épicerie solidaire, qui fonctionne très bien. Les Restos du cœur connaissent aussi, malheureusement, un grand succès, qu’il s’agisse de la chaîne chaude ou de la chaîne froide.
Tout dernièrement, nous avons pensé à mettre en place des Restos du cœur « bébés », qui fournissent des couches et du lait pour les mamans, et nous avons aussi engagé des collectes alimentaires régulières, presque tous les mois, avec le centre communal d’action sociale. Nous faisons donc beaucoup, mais toujours avec le sentiment que cela ne suffit pas.
Nous ne voulons pas faire de la charité, mais le problème, malheureusement, est très profond. Il ne touche pas que des communes comme Aubervilliers – je pense notamment à des villes du Nord ou des Hauts-de-Seine, qui sont également concernées.
Il faudrait peut-être aller beaucoup plus loin que la seule banque alimentaire, rechercher d’autres solutions et travailler avec les collectivités territoriales, qui ont du mal à gérer ces problèmes parce que cela requiert des moyens humains et financiers significatifs.
Je voterai toutefois cette proposition de bon cœur !
Je ne sais si je suis un homme de cœur, monsieur Karoutchi, mais je suis à tout le moins un homme de parole.
Je m’étais engagé, lors des débats à l’Assemblée nationale, à apporter une réponse dans les deux mois. Le rapport de Guillaume Garot, auquel j’avais fait explicitement référence pour justifier la même demande de retrait devant l’Assemblée nationale à l’époque, sera rendu le 15 avril. Je suis donc dans les temps !
M. Roger Karoutchi sourit.
Il appartient ensuite à la Haute Assemblée d’aller au bout de la dynamique qui est en cours. Vous avez compris que la demande de retrait que j’ai formulée visait à ce qu’une approche cohérente soit adoptée sur un sujet éminemment complexe.
Quel que soit le sens du vote final, je crois que la démarche initiée pourra être enrichie par les conclusions du rapport de Guillaume Garot. C’est déjà la réponse que j’avais faite aux députés Frédéric Lefebvre, Philippe Vitel et Jean-Pierre Decool, sans oublier Bruno Le Roux, qui avait aussi porté cette préoccupation à l’Assemblée nationale.
Quoi qu’il en soit, l’unanimité sur le sujet est incontestable, indépendamment du message rationnel que j’avais tenté de délivrer en sollicitant le retrait de l’amendement.
L'amendement est adopté .
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 10 ter.
Applaudissements.
En outre, je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.
(Non modifié)
Le chapitre II du titre VI du livre IV du code de commerce est complété par un article L. 462-10 ainsi rédigé :
« Art. L. 462 -10. – Doit être communiqué à l’Autorité de la concurrence, à titre d’information, au moins deux mois avant sa mise en œuvre, tout accord entre des entreprises ou des groupes de personnes physiques ou morales exploitant, directement ou indirectement, un ou plusieurs magasins de commerce de détail de produits de grande consommation, ou intervenant dans le secteur de la distribution comme centrale de référencement ou d’achat d’entreprises de commerce de détail, visant à négocier de manière groupée l’achat ou le référencement de produits ou la vente de services aux fournisseurs.
« Le premier alinéa s’applique lorsque le chiffre d’affaires total mondial hors taxes de l’ensemble des entreprises ou des groupes de personnes physiques ou morales parties à l’accord et le chiffre d’affaires total hors taxes réalisé à l’achat en France dans le cadre de l’accord par l’ensemble des parties à l’accord excèdent des seuils fixés par décret en Conseil d’État. »
L'amendement n° 1691, présenté par Mme Estrosi Sassone, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Avant l’alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... – L'article L. 420-2 du code de commerce est ainsi modifié :
1° A la première phrase du deuxième alinéa, après les mots : « la structure de la concurrence, », sont insérés les mots : « à court ou à moyen terme, » ;
2° Il est complété par trois alinéas ainsi rédigés :
« Une situation de dépendance économique est caractérisée, au sens de l'alinéa précédent, dès lors que :
« – d'une part, la rupture des relations commerciales entre le fournisseur et le distributeur risquerait de compromettre le maintien de son activité ;
« – d'autre part, le fournisseur ne dispose pas d'une solution de remplacement auxdites relations commerciales, susceptible d'être mise en œuvre dans un délai raisonnable. »
La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur.
Cet amendement porte sur l’assouplissement des conditions de définition de l’abus de dépendance économique.
L’équilibre des relations commerciales entre fournisseurs et grande distribution est une question récurrente et délicate.
L’annonce d’un rapprochement sans précédent des centrales d’achat de la grande distribution depuis octobre dernier a fait redoubler les inquiétudes, notamment dans le secteur de l’industrie agroalimentaire, car les fournisseurs subissent par ricochet la guerre des prix que se livrent les enseignes de la grande distribution.
Le Gouvernement ainsi que le Sénat ont saisi en parallèle l’Autorité de la concurrence pour analyser le phénomène et suggérer des réponses. L’Autorité a rendu son avis le 31 mars dernier.
Parmi les pistes avancées figure une redéfinition de l’abus de dépendance économique.
L’article L. 420-2 du code de commerce interdit à tout acteur économique d’abuser de la dépendance économique des autres protagonistes. Mais la jurisprudence est tellement stricte qu’il est quasi impossible de faire reconnaître la dépendance économique. Ainsi, même si un fournisseur écoule la moitié de sa production auprès d’un distributeur, on considèrera qu’il n’en est pas dépendant, puisqu’il a la faculté de trouver d’autres clients.
Cette approche trop stricte fait fi de la réalité de la vie des affaires : il n’est pas si facile pour un agriculteur ou un industriel de remplacer un client par un autre pour écouler sa marchandise !
C’est pourquoi le 2° de l’amendement précise qu’il y a dépendance économique lorsque la rupture des relations commerciales risque de compromettre le maintien de l’activité et lorsque la victime de la rupture n’a pas de solution de remplacement dans un délai raisonnable.
De la même manière, l’exigence d’un effet immédiat sur la concurrence est assouplie : avec le 1° de l’amendement, il y a abus si, à moyen terme, il existe un risque d’affaiblir la concurrence.
La rédaction ici proposée reprend les recommandations de l’Autorité de la concurrence.
Le renforcement de « l’épée de Damoclès » que constitue l’accusation d’abus de dépendance économique pourrait amener la distribution à s’autolimiter dans la pression qu’elle exerce immanquablement sur ses fournisseurs.
Le Gouvernement aurait plutôt tendance à émettre un avis défavorable sur cet amendement.
Lorsque nous avons discuté de l’abus de pratiques commerciales, madame la rapporteur, vous avez vous-même préféré ne pas rendre le dispositif plus complexe, en affirmant qu’il n’était pas nécessaire de redéfinir l’abus, mais qu’il convenait de mieux appliquer l’interdiction de l’abus.
Qui plus est, et je m’en félicite, vous êtes revenue sur votre jugement initial pour appeler à voter en faveur du principe d’une sanction de l’abus de pratiques commerciales, avec un plafond de 1 %.
À présent, vous voulez rendre le dispositif plus complexe en ajoutant une nouvelle procédure. J’avoue que je ne suis pas très à l’aise avec cette idée.
Aujourd’hui, l’article L. 420-2 du code de commerce définit la notion de dépendance économique à partir de quatre critères. Vous proposez de les assouplir et de les réduire à deux : d’une part, le risque de rupture des relations commerciales de nature à compromettre le maintien de l’activité de l’un des deux partenaires ; d’autre part, l’absence de solution de remplacement dans un délai raisonnable.
Dans le contexte du rapprochement des centrales d’achat, l’objectif est certes louable. Et, comme vous l’avez souligné, le Sénat et le Gouvernement ont saisi l’Autorité de la concurrence. Toutefois, la création de cette nouvelle infraction venant s’ajouter à un dispositif existant, l’Autorité elle-même reconnaît que ce dispositif doit d’abord être correctement appliqué.
L’article L. 442-6 du code de commerce permet déjà de sanctionner le déséquilibre significatif dans les relations commerciales, et donc l’abus de puissance d’achat, par une action du ministre de l’économie devant le juge commercial. Sur le fondement de ce texte, quarante procédures sont en cours et cent cinquante ont été engagées depuis la création de cette procédure. Deux cent soixante-dix-sept décisions ont été rendues, majoritairement favorables au ministre.
On peut citer quelques décisions emblématiques sur les fausses coopérations commerciales : dans un arrêt du 18 septembre 2013, la Cour d’appel de Paris a condamné une enseigne à une amende civile de 2 millions d’euros sur le fondement du déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties.
Plus récemment, dans un arrêt du 3 mars 2015, la chambre commerciale de la Cour de cassation a condamné une autre enseigne à une amende de 1 million d’euros pour déséquilibre significatif.
C’est pourquoi, plutôt que de créer une nouvelle procédure qui viendrait compliquer le dispositif, et qui me semble aller quelque peu à contresens de la logique de simplification de notre appareil juridique que vous avez défendue à plusieurs reprises, madame la rapporteur, il me semble que la réponse apportée précédemment est préférable. Nous n’avions certes pas la même vision des choses sur le plafond – je défendais 5 % avec une application proportionnée, vous défendiez 1 % -, mais nous allions dans le même sens, en reconnaissant qu’il fallait une amende sanctionnant l’abus de pratiques commerciales.
Nous avons apporté, me semble-t-il, une vraie réponse en nous dotant des instruments adéquats. Il serait inopportun de venir créer une autre procédure qui engendrerait un contentieux inutile sans finalement résoudre le problème.
Par souci de simplicité et d’efficacité, et compte tenu des dispositions déjà adoptées par le Sénat, je sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, j’émettrais un avis défavorable.
L'amendement est adopté.
L'article 10 quater est adopté.
(Non modifié)
Les deux derniers alinéas de l’article L. 752-15 du code de commerce sont supprimés. –
Adopté.
L'amendement n° 978 rectifié bis, présenté par MM. Gabouty, Pozzo di Borgo et Médevielle, Mme Loisier et MM. Guerriau et Kern, est ainsi libellé :
Après l’article 10 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, au plus tard trois mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport qui invite à prendre en compte dans les programmes de l'éducation nationale les principes de base d'éducation financière et budgétaire, et notamment les initiatives pour favoriser l'enseignement de ces connaissances dès le primaire et le secondaire.
La parole est à M. Jean-Marc Gabouty.
Dans le cadre de l’examen de ce projet de loi, nous traitons beaucoup d’organisation, de technique, de procédure ou encore de réglementation. Ces enjeux sont effectivement très importants, car ils déterminent le fonctionnement de notre économie et la vie quotidienne de nos concitoyens.
Bien évidemment, le développement de l’activité et la création d’emplois reposent sur les performances de l’économie, notamment en termes de compétitivité, d’investissement et de consommation, mais un développement économique durable nécessite également une approche culturelle et éducative. Il faut que les principes de base d’éducation économique, financière et budgétaire soient pris en compte dès le plus jeune âge, c’est-à-dire au moment de l’adolescence et même dès l’enfance.
Un sondage YouGov de mars dernier nous indique que 80 % des Français seraient favorables à l’enseignement des bases économiques et financières dès l’école. Les mécanismes économiques et financiers font partie intégrante de la vie, et leur méconnaissance apparaît comme un handicap dans la vie personnelle et sociale de tout citoyen.
Une telle formation serait bénéfique pour les individus, en les armant au mieux pour gérer de manière avisée nombre d’opérations de la vie courante, mais aussi pour l’économie dans son ensemble, en favorisant des comportements responsables et entreprenants à l’égard des institutions, du monde du travail, des entreprises et même du secteur financier.
Cette préoccupation va dans le sens d’une communication de la Commission européenne de décembre 2007 – elle est déjà un peu ancienne –, qui visait à définir l’ambition de l’éducation financière. La Commission estimait que l’école était certainement le vecteur le mieux adapté pour cet apprentissage, et ajoutait que les enfants étaient souvent, à leur tour, un excellent vecteur de formation et d’information pour leurs parents.
Il ne s’agit aucunement d’alourdir les programmes, mais de veiller à une prise en compte de cette dimension dans leur élaboration – même si je sais qu’elle relève du pouvoir réglementaire –, en choisissant, par exemple, comme thème sous-jacent d’un exercice de mathématiques un sujet économique, financier ou budgétaire. Des expériences associant différents partenaires extérieurs à l’école, dont, je crois, la Banque de France, sont déjà en cours dans notre pays.
Pour ce qui est de l’enseignement dès le plus jeune âge, il s’agit de familiariser les enfants avec les grands principes et le vocabulaire économiques, financiers et budgétaires. L’initiation dès l’école et, au-delà, tout au long de la scolarité, aux rudiments de l’économie et des finances, fait l’objet d’une réflexion dans un nombre croissant de pays. Elle est également préconisée par des institutions européennes et internationales. Il me semble intéressant de la généraliser.
Cette évolution éducative et culturelle n’aura certes pas d’effet immédiat sur la croissance, mais elle conditionne en grande partie la capacité de nos concitoyens et de notre économie à s’adapter aux nouveaux enjeux de la mondialisation et à y jouer un rôle moteur ; la place que pourra occuper la France dans les décennies à venir en dépend.
Monsieur le ministre, je souhaiterais connaître votre avis sur ces orientations et savoir comment elles pourraient être mieux intégrées dans les politiques d’éducation de notre pays.
Dans la mesure où il s’agit d’une demande de rapport, la commission émet un avis défavorable.
En outre, même si l’on peut entendre les arguments que vous venez de développer, mon cher collègue, la définition du contenu des programmes de l’éducation nationale relève non de la loi, mais du Conseil supérieur des programmes.
Le Gouvernement est sensible à votre préoccupation, monsieur le sénateur.
M. Emmanuel Macron, ministre. Vous avez l’air de douter de ma sincérité, monsieur Karoutchi !
Sourires.
Le ministre des finances a demandé l’année dernière un rapport sur ce sujet au Comité consultatif du secteur financier. Ce rapport lui a été remis en février dernier. Il établit un état des lieux précis sur le niveau d’éducation financière des Français et fait le bilan des actions d'ores et déjà engagées dans ce domaine. Il comporte en outre des propositions, qui se déclinent en trois axes : le développement d’un enseignement d’éducation budgétaire et financière pour tous les élèves, le soutien aux compétences budgétaires et financières des Français tout au long de la vie et l’accompagnement des publics en situation de fragilité financière.
Des échanges sont en cours entre le ministre des finances et la ministre de l’éducation nationale pour décliner les propositions du rapport.
Votre demande est donc satisfaite, monsieur Gabouty.
Malgré tout le respect et l’amitié que j’ai pour nos collègues de l’UDI-UC, je ne voterai pas cet amendement.
À un moment, il va falloir arrêter de charger la barque ! Quand j’étais inspecteur général de l’éducation nationale, je n’aurais jamais accepté que l’on me demande d’ajouter encore et encore des enseignements.
Ce matin, on a décidé que des examens du code de la route se dérouleraient dans les lycées. Je propose qu’on y construise également des voitures… Pourquoi laisser cela aux centres de formation d’apprentis ?
Tout le monde se plaint de la lourdeur des programmes scolaires.
Tout le monde dit que les horaires sont intenables et qu’on ne se concentre pas assez sur les enseignements fondamentaux : le français, les mathématiques et l’histoire – cela ne ferait pas de mal à certains de prendre quelques cours, du reste…
Je comprends que chacun y aille de son enseignement supplémentaire, mais halte au feu ! Laissons travailler le Conseil supérieur des programmes, qui n’en peut plus de recevoir des demandes de tous les ministères.
Récemment, le ministère de l’agriculture a demandé qu’une initiation au monde agricole soit organisée dans les lycées d’enseignement général et technologique. Le ministère de l’industrie et tous les autres ministères en font sans doute de même.
Si on pouvait laisser nos pauvres élèves passer à peu près tranquillement le brevet et le baccalauréat, ce serait une bonne chose.
M. Jean-Marc Gabouty. L’amendement n’était pas forcément conçu pour être voté, mon cher collègue...
Rires.
Néanmoins, je pense que, si nous n’intégrons pas la culture économique dans notre société, nous avons du souci à nous faire, compte tenu de la concurrence des pays anglo-saxons et de certains pays asiatiques.
Il ne s’agit pas d’ajouter un nouvel enseignement aux programmes.
En tant que chef d’entreprise, je suis atterré quand je constate le niveau économique d’un certain nombre de nos responsables, y compris dans le monde politique. Je pense que notre performance économique dans les prochaines décennies viendra d’une modification culturelle de nos apprentissages. Il faut s’y préparer, sans forcément surcharger la barque.
Cela étant, je ne souhaite pas prolonger notre discussion, et je retire mon amendement.
Le code de commerce est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa de l’article L. 464-8, après la référence : « L. 464-6-1 », est insérée la référence : «, L. 752-26 » ;
2° L’article L. 752-26 est ainsi rédigé :
« Art. L. 752 -26. – I. – En cas d’existence d’une position dominante et de détention par une entreprise ou un groupe d’entreprises exploitant un ou plusieurs magasins de commerce de détail d’une part de marché supérieure à 50 %, qui soulève des préoccupations de concurrence du fait de marges nettes anormalement élevées en comparaison des moyennes habituellement constatées dans le secteur économique concerné, l’Autorité de la concurrence peut faire connaître, dans un rapport, ses préoccupations de concurrence à l’entreprise ou au groupe d’entreprises en cause, après l’avoir mis en mesure de présenter ses observations et à l’issue d’une séance devant le collège. Ce rapport justifie les préoccupations de concurrence et précise l’estimation de la part de marché, évaluée en fonction du chiffre d’affaires réalisé dans le secteur économique et dans la zone de chalandise concernés, et du niveau de marges justifiant ces préoccupations. Il est accompagné des documents sur lesquels se fonde le rapporteur et des observations faites, le cas échéant, par l’entreprise ou le groupe d’entreprises.
« L’entreprise ou le groupe d’entreprises dispose d’un délai de deux mois pour présenter ses observations sur les préoccupations de concurrence formulées par l’Autorité et justifier le niveau de ses marges. Au terme de ce délai, au vu des observations présentées, l’Autorité peut décider d’abandonner ou de confirmer par une décision motivée, le cas échéant en les modifiant, ses préoccupations de concurrence.
« Si l’Autorité de la concurrence confirme ses préoccupations de concurrence, l’entreprise ou le groupe d’entreprise dispose d’un délai de trois mois pour lui proposer des engagements de nature à mettre un terme à ces préoccupations. À la demande de l’entreprise ou du groupe d’entreprises, l’Autorité peut porter le délai à quatre mois.
« II. – Si l’Autorité de la concurrence constate, par une décision motivée, prise après avoir mis en mesure l’entreprise ou le groupe d’entreprises en cause de présenter ses observations et à l’issue d’une séance devant le collège, que les engagements proposés ne lui paraissent pas de nature à mettre un terme à ses préoccupations de concurrence, elle peut demander à l’entreprise ou au groupe d’entreprises de lui proposer de nouveaux engagements dans un délai d’un mois.
« Si l’entreprise ou le groupe d’entreprises ne propose pas d’engagements ou si les nouveaux engagements proposés ne lui paraissent pas de nature à mettre un terme à ses préoccupations de concurrence, l’Autorité de la concurrence peut, par une décision motivée, prise après avoir mis en mesure l’entreprise ou le groupe d’entreprises en cause de présenter ses observations et à l’issue d’une séance devant le collège, lui enjoindre de modifier, de compléter ou de résilier, dans un délai qu’elle détermine ne pouvant être inférieur à six mois, tous accords et tous actes par lesquels s’est constituée la puissance économique ayant conduit au niveau anormalement élevé des marges.
« Dans les mêmes conditions, l’Autorité de la concurrence peut enjoindre à l’entreprise ou au groupe d’entreprises en cause de procéder, dans un délai qu’elle détermine ne pouvant être inférieur à six mois, à la cession de certains de ses actifs, à la condition dûment motivée que l’injonction prévue au deuxième alinéa du présent II ne permette pas de mettre un terme aux préoccupations de concurrence et que seule la cession d’actifs le permette.
« L’Autorité de la concurrence peut sanctionner l’inexécution des injonctions qu’elle prononce dans les conditions prévues au I de l’article L. 464-2.
« III. – Dans le cadre de la procédure prévue au présent article, l’Autorité de la concurrence peut demander communication de toute information dans les conditions prévues aux articles L. 450-3, L. 450-7 et L. 450-8 et entendre tout tiers intéressé.
« Les informations obtenues par l’Autorité dans le cadre de la procédure prévue au présent article ne peuvent être utilisées à l’occasion d’une procédure ouverte en application de l’article L. 462-5.
« IV
« Elle ne peut être ouverte à l’encontre d’une entreprise ou d’un groupe d’entreprises issu d’une opération de concentration ayant donné lieu à une autorisation de l’Autorité de la concurrence, en application du titre III du présent livre, dont les engagements, injonctions et prescriptions ont été respectés par les parties, en l’absence de modification substantielle de la situation de concurrence du secteur économique et de la zone de chalandise concernés. »
L'amendement n° 11, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Patrick Abate.
L’article 11 prévoit de conférer un pouvoir d’injonction plus étendu à l’Autorité de la concurrence. Ce serait une réponse à la trop grande concentration du commerce de détail et aux abus de position dominante qui en découlent.
Les présupposés de cet article sont bons, mais nous regrettons encore une fois que les pouvoirs d’une autorité administrative indépendante, en l’espèce l’Autorité de la concurrence, soient étendus au détriment du pouvoir politique. Il nous semble que les agents de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF, sont bien mieux armés pour ce type de contrôles de terrain.
De plus, le principe de l’autosaisine ne nous semble pas pertinent, car il transformerait l’Autorité de la concurrence en pouvoir régulateur. Or c’est une mission traditionnellement dévolue au Gouvernement.
Pour nous, l’extension continue des compétences de l’Autorité de la concurrence représente un affaiblissement du ministère des finances et un dessaisissement plutôt dangereux.
Il appartient aux pouvoirs publics de veiller au bon équilibre du développement économique sur l’ensemble du territoire. Aujourd'hui, les pouvoirs publics sont présents lorsque se produit une opération de concentration. Ce ne sera plus le cas ou ce sera moins le cas quand les opérations de concentration seront examinées par l’Autorité de la concurrence.
L’intérêt général ne sera plus pris en compte, sauf sous l’angle, quelque peu réducteur, des éléments économiques. Or il est des situations où les éléments strictement économiques peuvent entrer en contradiction avec les politiques publiques ou l’intérêt public, en matière d’aménagement, d’environnement ou encore d’emploi.
Au risque de nous répéter, nous tenons à pointer ce que nous considérons comme un danger. Plus l’action et le pouvoir politique du Gouvernement seront réduits, plus l’action et le pouvoir politique du Parlement le seront aussi. Ce n’est pas très bon, sauf pour les autorités administratives indépendantes, dont on n’a pas toujours les moyens de bien comprendre comment elles fonctionnent, comment elles sont dirigées et où elles vont.
Mon cher collègue, votre position vis-à-vis du projet de loi est cohérente, et elle mérite le respect. Vous comprendrez toutefois que la commission ne puisse qu’être défavorable à la suppression d’un article qu’elle a conservé, et qu’elle prétend même avoir nettement amélioré, monsieur le ministre.
N’allez pas imaginer que je fuis le débat. Nous débattrons lors de l’examen des autres amendements déposés sur cet article. Peut-être parviendrai-je alors à vous convaincre de la légitimité du pouvoir qu’il prévoit de conférer à l’Autorité de la concurrence.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 1552, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le code de commerce est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa de l’article L. 464-8, après la référence : « L. 464-6-1 », est insérée la référence : «, L. 752-26 » ;
2° L’article L. 752-26 est ainsi rédigé :
« Art. L. 752 -26. – I. – En cas d’existence d’une position dominante et de détention par une entreprise ou un groupe d’entreprises exploitant un ou plusieurs magasins de commerce de détail d’une part de marché supérieure à 50 %, qui soulève des préoccupations de concurrence du fait de prix ou de marges élevés que l’entreprise ou le groupe d’entreprises pratique en comparaison des moyennes habituellement constatées dans le secteur économique concerné, l’Autorité de la concurrence peut faire connaître ses préoccupations de concurrence à l’entreprise ou au groupe d’entreprises en cause, en précisant son estimation de la part de marché et du niveau de prix ou de marges qui justifie ces préoccupations. L’entreprise ou le groupe d’entreprises peut, dans un délai de deux mois, lui proposer des engagements dans les conditions prévues à l’article L. 464-2.
« La part de marché mentionnée au premier alinéa du présent I est évaluée selon le chiffre d’affaires réalisé dans le secteur économique et dans la zone de chalandise concernés ou selon les surfaces commerciales exploitées dans la zone de chalandise concernée.
« II. – Si l’entreprise ou le groupe d’entreprises conteste les préoccupations de concurrence soulevées, ne propose pas d’engagements, ou si les engagements proposés ne lui paraissent pas de nature à mettre un terme à ses préoccupations de concurrence, un rapport est notifié par l’Autorité de la concurrence à l’entreprise ou au groupe d’entreprises qui peut présenter ses observations dans un délai de deux mois.
L’Autorité de la concurrence peut, par une décision motivée, prise après réception des observations de l’entreprise ou du groupe d’entreprises en cause et à l’issue d’une séance devant le collège, lui enjoindre de modifier, de compléter ou de résilier, dans un délai déterminé qui ne peut excéder six mois, tous accords et tous actes par lesquels s’est constituée la puissance économique qui permet les prix ou les marges élevés constatés. Elle peut, dans les mêmes conditions, lui enjoindre de procéder, dans un délai qui ne peut être inférieur à six mois, à la cession d’actifs, y compris de terrains, bâtis ou non, si cette cession constitue le seul moyen permettant de garantir une concurrence effective. L’Autorité de la concurrence peut sanctionner l’inexécution de ces injonctions dans les conditions prévues à l’article L. 464-2.
« III. – Au cours des procédures définies aux I et II du présent article, l’Autorité de la concurrence peut demander communication de toute information dans les conditions prévues aux articles L. 450-3, L. 450-7 et L. 450-8 et entendre tout tiers intéressé. »
La parole est à M. le ministre.
L’article 11 a été substantiellement modifié par la commission spéciale.
Cet amendement vise à rétablir certaines dispositions du texte adopté par l’Assemblée nationale, tout en renforçant le caractère contradictoire de la procédure. Vous avez souligné l’importance de ce contradictoire lors de vos débats. Dans mon amendement, je reprends d'ailleurs plusieurs dispositions importantes introduites par la commission spéciale sur ce point.
En premier lieu, les préoccupations de concurrence doivent, pour le Gouvernement, être fondées sur le constat de « prix ou de marges élevés ». La commission spéciale a préféré l’expression « marges nettes anormalement élevées », mais une telle substitution de critère permettrait de contourner très aisément la loi.
Mesdames, messieurs les sénateurs, pourquoi en arrivons-nous à cette procédure d’injonction structurelle ? Parce que notre administration est confrontée à l’impossibilité, dans la plupart des cas, d’appliquer la notion d’abus de position dominante. C’est la raison pour laquelle aussi je serai attaché à la définition de la position dominante, et non de l’abus.
Je le répète, la substitution du critère de marges nettes anormalement élevées à celui de prix ou de marges élevés faciliterait le contournement de la loi, au point de la rendre quasi inopérante. En effet, il est relativement aisé de diminuer artificiellement le résultat net. L’entreprise peut, par exemple, payer un loyer élevé à une société civile immobilière dont elle est propriétaire ou faire remonter des sommes d'argent à sa centrale d'achat ou de référencement. Le résultat net peut ainsi faire l’objet de plusieurs choix comptables, de plusieurs opérations d’optimisation.
C’est pourquoi, sur ce point, je préfère revenir au critère de prix ou de marges élevés. Cela se constate de manière beaucoup plus transparente, sans manipulation possible. Les prix ou les marges sont comparés avec la moyenne constatée par ailleurs dans la zone de chalandise.
En deuxième lieu, l’amendement tend à rétablir l’équilibre entre la phase négociée et la phase contentieuse de la procédure. La première permet à l’entreprise qui ne conteste pas les préoccupations de concurrence émises par l’Autorité de s’engager volontairement à y mettre fin, ce qui clôt la procédure. Cette phase ne doit pas être alourdie par un contradictoire renforcé, excessif. En revanche, le contradictoire doit être renforcé dans la seconde phase.
C’est pourquoi l’amendement a pour objet de renforcer le contradictoire de la phase contentieuse, comme l’a prévu la commission spéciale du Sénat. C’est, je le reconnais, l’un des apports de vos travaux. Le travail que nous avons pu faire avec les acteurs économiques a, en ce sens, été aussi propice à l’amélioration du texte, puisque nous obligeons désormais l’Autorité de la concurrence à établir un rapport soumis au débat contradictoire lorsqu’elle souhaite prendre une mesure d’injonction structurelle, quand les entreprises contestent les préoccupations de concurrence et ne proposent pas d’engagements, ou si les engagements proposés paraissent insuffisants.
Ce débat contradictoire, qui n’était pas prévu dans le texte initial, est important, donc nous avons souhaité la conserver dans notre amendement.
En outre, nous faisons passer de trois mois à six mois au maximum le délai dans lequel l’injonction de résiliation des accords ou actes ayant permis la constitution de la puissance d’achat qui s’est traduite par des prix ou marges élevés doit être exécutée. Un délai de trois mois était trop court pour véritablement être acceptable par tous les acteurs, donc nous fixons un plafond de six mois, tout en ménageant un peu plus de flexibilité.
Enfin, nous passons d’un délai laissé à l’appréciation de l’Autorité de la concurrence à un délai qui ne peut être inférieur à six mois pour la mise en œuvre de l’injonction de cession d’actifs, afin d’éviter, là aussi, que des délais trop courts ne soient fixés par l’Autorité aux acteurs économiques. Je rappelle, à cet égard, que l’injonction de cession d’actifs est, en ultime recours, la conclusion de la procédure. Ayant parfaitement adhéré à ce point, vous avez d’ailleurs été constructifs à ce sujet.
En troisième lieu, l’amendement tend, d’abord, à écarter la disposition adoptée par la commission spéciale pour exclure l’utilisation des informations obtenues par l’Autorité de la concurrence à l’occasion de la procédure d’injonction structurelle dans le cadre d’une procédure ultérieure pour pratique anticoncurrentielle. À notre sens, ce serait se lier les mains, bien inutilement.
Nous souhaitons ensuite écarter la faculté pour l’Autorité de la concurrence de ne pas user de la procédure d’injonction structurelle, d’une part, dans les trois années qui suivent une décision de non-lieu pour abus de position dominante et, d'autre part, dans les trois années suivant une décision d’autorisation de concentration dont les engagements ont été respectés.
On le voit, la présente procédure n’a rien à voir avec l’abus de position dominante ; elle est beaucoup plus précise. Donc, le fait de rendre impossible l’exercice de cette procédure parce que l’Autorité de la concurrence aurait examiné, sur d’autres bases, dans le cadre d’une autre procédure, une situation commerciale nous paraît excessif.
La précision apportée sur le premier de ces trois points est inutile dans la mesure où l’Autorité de la concurrence ne peut pas juridiquement utiliser les pièces d’un dossier clos pour alimenter une procédure d’infraction dans un autre dossier.
Quant à l’engagement d’une procédure d’injonction structurelle après un non-lieu pour abus de position dominante, il s’agit d’une hypothèse d’école. L’Autorité de la concurrence, saisie in rem, n’est pas liée par la qualification juridique des faits qui lui sont soumis et a tout à fait le droit d’ouvrir une procédure d’entente, d’injonction structurelle ou d’abus de position dominante, même sur un cas qu’elle aurait déjà considéré, parce qu’elle le fait sur une autre base.
Monsieur le président de la commission spéciale, mesdames, monsieur les rapporteurs, je pense que vous avez excessivement réduit la capacité de l’Autorité à se saisir du sujet.
Enfin, pour ce qui est de la procédure de contrôle des concentrations, elle se limite à traiter des effets directs de l’opération et elle n’a pas vocation à traiter de l’ensemble de la situation de la concurrence sur un marché. Aussi, je pense qu’elle n’est pas de nature à fermer la porte à un réexamen d’une même situation par l’Autorité de la concurrence.
Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaitais ici être précis pour bien vous montrer qu’il ne s’agit pas d’un strict amendement de rétablissement de la rédaction initiale. Je voulais insister sur plusieurs des dispositions sur lesquelles la commission spéciale est revenue, car, ce faisant, elle a ouvert des possibilités de contourner facilement les procédures ou fermé des portes à l’Autorité de la concurrence, alors même que vous avez reconnu l’utilité de l’injonction structurelle.
En même temps, éclairés par les débats au sein de la commission spéciale et les échanges avec les acteurs économiques, nous avons souhaité renforcer le contradictoire de la procédure, qui était insuffisant dans le texte voté à l’Assemblée nationale.
Tel est l’objet de cet amendement de rétablissement partiel, mais surtout d’équilibre, qui enrichira le texte.
En conclusion, pour réagir à l’argumentaire qui a été développé à l’appui de l’amendement de suppression, je veux dire que le fait de conférer ce pouvoir à l’Autorité de la concurrence ne réduit pas le pouvoir du ministre, qui, de toute façon, ne l’a pas. La procédure que nous créons entre parfaitement dans le champ de l’ensemble des procédures qui sont à la main de cette autorité, que le ministre a tout à fait la possibilité de saisir, sans être lui-même un opérateur de ce dispositif de lutte contre les distorsions de concurrence.
Nous ne procédons aucunement à une forme de diminutio capitis de l’exécutif, mais nous introduisons une procédure qui permettra d’améliorer la concurrence sur notre territoire.
Monsieur le ministre, vous avez effectivement, par cet amendement, réintégré le texte voté à l’Assemblée nationale, en y apportant deux petites corrections issues des travaux de la commission spéciale du Sénat.
Pour que nos collègues comprennent bien ce qui nous oppose, donc ce qui va me conduire à émettre un avis défavorable sur votre amendement, il nous faut cadrer ce qu’est l’injonction structurelle, car cette notion juridique est tout de même un peu exorbitante du droit commun et n’est pas si souvent évoquée dans notre hémicycle.
L’injonction structurelle, c’est ce pouvoir un peu particulier donné à une autorité, certes indépendante, dans le cadre d’une procédure spécifique, pour répondre à l’une de ses missions, en l’occurrence contrôler le bon fonctionnement de la concurrence.
Cette procédure a deux armes, si je puis dire, ce qui est très important à assimiler pour comprendre ce que je veux vous dire. Elle permet tout d’abord à l’Autorité de s’immiscer dans les relations contractuelles d’un groupe ou de différentes entreprises pour modifier les accords qui ont pu intervenir. C’est la première arme.
La seconde est beaucoup plus puissante : l’Autorité de la concurrence se voit confier la possibilité, à terme, grâce à la commission spéciale, de contraindre la société ou le groupe à la cession d’actifs. Vous comprenez qu’il s’agit là d’un pouvoir très important et très rare dans notre droit. Je ne veux pas remonter au droit romain, mais nous devons tous avoir en tête ce qu’est le droit de propriété : l’usage, les fruits, l’abus.
Si notre droit a toujours permis la correction de l’abus, ce qu’il permet d’ailleurs à l’Autorité de la concurrence, chargée de corriger l’abus de position dominante, il est cependant très réticent à intervenir dans la jouissance d’une propriété ou dans son usage. Nous sommes donc face à une situation tout à fait nouvelle.
Cette procédure existe-t-elle déjà dans notre ordre juridique ? Effectivement, elle existe, et dans deux hypothèses : depuis 2008, lorsqu’il y a un abus de position dominante, soit une infraction importante qui mérite une sanction ; depuis 2012-2013, moyennant des adaptations, dans les outre-mer, où la concurrence pose quelques problèmes.
Nous pouvons donc tout à fait normalement attribuer ce pouvoir. Vous noterez, d’ailleurs, que la commission spéciale n’a pas suivi nos collègues du CRC ou les nombreuses personnalités extérieures, professeurs de faculté, chefs d’entreprises, syndicats, qui auraient préféré la suppression pure et simple de cette nouvelle notion.
Lorsque nous aurons confié cette injonction structurelle à l’Autorité de la concurrence, nous aurons créé au profit de l’Autorité un pouvoir unique en droit comparé. Il faut donc nécessairement faire très attention.
Telle a été notre démarche : nous nous sommes dit qu’il fallait maintenir ce pouvoir, tout en le canalisant, car il faut bien se rendre compte qu’à la toute fin de la procédure, lorsque l’entreprise n’a pas satisfait aux injonctions aimables de l’Autorité de la concurrence, elle peut être contrainte à des cessions partielles ou totales d’actifs.
À l’évidence, les conséquences, qui peuvent donc être extrêmement graves, ont le caractère de sanctions. C’est cet aspect de la procédure qui nous a fait proposer dans notre rédaction un encadrement du pouvoir de l’Autorité, sans rien changer à son étendue. Nous avons donc précisé que la décision de l’Autorité devait intervenir au terme d’un débat contradictoire, car il s’agit d’une sanction. Or, qui dit sanction dit garanties du procès équitable et échange d’informations. C’est la raison pour laquelle, dans notre texte, l’Autorité de la concurrence, au fur et à mesure de son enquête, fait participer l’entreprise objet de l’enquête afin que celle-ci fasse connaître ses observations. Pour que le débat soit parfaitement sincère, il faut aussi que l’entreprise ait la connaissance des pièces, des documents et des informations qui ont été donnés à l’Autorité de la concurrence.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous avons réécrit le texte.
Nous avons souhaité rétablir l’équilibre face à un pouvoir que nous n’avons pas contesté, que nous n’avons pas changé. C’est si vrai que, parallèlement, on nous a demandé, et on va encore nous demander à l’occasion de la discussion d’autres amendements, de prévoir que les recours contre les décisions de l’Autorité, qui sont portés devant la Cour d’appel de Paris, soient suspensifs, et ce afin de contrebalancer son pouvoir.
Normalement, ces recours n’ont pas de caractère suspensif ; nous ne nous sommes pas montrés révolutionnaires, car nous n’avons pas choisi de faire droit à ces demandes.
En revanche, nous avons clairement dit, ce qui était d’ailleurs induit par l’application des textes, qu’un sursis à exécution pouvait être prononcé. Il s’agit d’une procédure de pure précaution confiée au premier président de la Cour d’appel, qui vérifie si la décision de l’Autorité de la concurrence n’est pas de nature telle qu’elle pourrait causer des préjudices irréparables si, in fine, il était démontré qu’elle était illégitime.
Voilà en quoi notre proposition est particulièrement réfléchie et mesurée. D’ailleurs, monsieur le ministre, au fond de vous-même, je crois que notre texte ne vous horrifie pas. §Vous avez d’ailleurs fait quelques avancées dans notre direction, mais nous pensons qu’il est nécessaire d’aller plus loin ; sinon, vous risquez d’être saisi de nombreuses critiques contre l’autorité donnée à l’Autorité…
À mon sens, avec notre texte, nous protégeons les pouvoirs de l’Autorité, en les équilibrant. De toute façon, dans les faits, le caractère contradictoire va se développer pendant l’enquête, puis après le rapport. L’Autorité de la concurrence ne perd donc pas de temps, d’autant moins qu’il n’y a pas d’effet suspensif.
Telles sont les raisons qui me font dire que notre texte est beaucoup plus équilibré, tout en permettant d’atteindre les mêmes objectifs. Je vous demande donc d’en rester au texte du Sénat, et j’émets donc un avis défavorable sur l’amendement du Gouvernement.
Je voudrais néanmoins aborder un dernier point, que nous risquons de voir ressurgir au cours des débats.
On me dit que le pouvoir confié à l’Autorité est extraordinaire. Preuve en est que, depuis 2008, il n’a jamais été mis en œuvre en métropole, ni dans les outre-mer depuis qu’il y a été introduit en 2012-2013. À cela, je réponds qu’on ne légitime pas un pouvoir en s’en remettant à l’éthique de celui qui le détient pour ne pas l’appliquer…
Je pense que, sur ce point, il nous faut faire un travail législatif précis, en évitant de laisser dénaturer un objectif clair par une procédure qui risquerait de susciter des critiques fortes.
Pour conclure tout à fait, je voudrais vous alerter en vous laissant imaginer le cas où une décision de l’Autorité de la concurrence en ce domaine, prise avec toutes les précautions, au terme d’une procédure longue, se verrait annulée. Comment réparerait-on le préjudice causé à l’entreprise ?
Pour éviter au maximum ce type de risque, nous devons nous prémunir avec un débat contradictoire, sincère, loyal. C’est tout l’objet du texte de la commission spéciale, que je préfère, pour l’avoir juridiquement pesé, à celui du Gouvernement.
Nous abordons un point extrêmement important. L’un de nos collègues de la majorité sénatoriale a déploré, à juste raison, la concentration du marché, dont 90 % sont le fait de quatre groupes. Nous sommes donc tous d’accord pour agir contre cette concentration. C’est la raison pour laquelle nous n’avons pas voté l’amendement de suppression du groupe CRC : nous voulons nous donner, par la loi, les moyens d’attaquer ces concentrations à la racine, si j’ose dire.
Monsieur le rapporteur, vous connaissez parfaitement le droit et vous nous avez fait une brillante démonstration de ce qu’il peut et de ce qu’il ne pourrait pas. Je ne la conteste pas et je reconnais que l’injonction structurelle est une arme massive que la loi confie à l’Autorité de la concurrence.
S’il s’agit de stimuler la concurrence, l’amendement du Gouvernement, qui ne reprend pas exactement les dispositions adoptées par l’Assemblée nationale, répond déjà à cette préoccupation. Il vise surtout à éviter que la procédure ne soit contournée. En effet, la procédure actuelle d’injonction structurelle offre des possibilités de contournement et M. le ministre nous a expliqué qu’en substituant à la notion de « prix élevés » celle de « marges nettes anormalement élevées », on crée une telle possibilité. Nous connaissons l’inventivité humaine quand il s’agit d’élaborer des systèmes de contournement, et c’est particulièrement vrai pour la fiscalité.
La procédure comporte deux phases : la première est négociée et la seconde, contentieuse. L’apport intéressant de l’amendement du Gouvernement porte sur la place du contradictoire dans la phase contentieuse, puisque notre droit est très soucieux du respect des droits de la défense. La phase contentieuse ne s’ouvre que si l’entreprise conteste les préoccupations de concurrence. La phase de négociation laisse donc une grande place à la discussion et, dans l’amendement du Gouvernement, cette discussion se poursuit dans la phase contentieuse : le contradictoire a ainsi plus d’espace.
Enfin, le dernier argument concerne les informations obtenues par l’Autorité de la concurrence. Le texte de la commission spéciale exclut leur utilisation à l’occasion de la procédure d’injonction structurelle. C’est l’un des points de divergence.
En résumé, nous sommes d’accord sur l’objectif et sur les moyens, à savoir l’injonction structurelle, mais le texte de la commission spéciale ne permet pas d’éviter les contournements. Par ailleurs, il faut évidemment permettre à ceux qui sont mis en cause par l’Autorité de la concurrence de se défendre et d’apporter des éléments à l’appui de leurs arguments.
J’insiste sur le fait que le Gouvernement a modifié sa position par rapport à l’argumentation qu’il avait défendue devant l’Assemblée nationale. Je pense que le Sénat peut améliorer le texte adopté par l’Assemblée nationale en adoptant l’amendement du Gouvernement. Pour ma part, je plaide en ce sens.
Sourires.
M. Jean Desessard. Mais si ! Dans la mesure où je n’ai pas compris tous les éléments du débat, je pensais que je pourrais lever la main discrètement au moment du vote, mais un scrutin public a été demandé : il faut donc que je me détermine.
Nouveaux sourires.
Il n’est peut-être pas de saison d’apporter un soutien inconditionnel au Gouvernement, nous attendrons peut-être le moment propice…
Pour l’heure, j’essaie de comprendre les termes du débat. La procédure de l’injonction structurelle est engagée lorsque l’on constate un abus, …
… par exemple, si une entreprise occupe une position dominante qui lui permet de dégager des marges élevées au détriment des consommateurs. Je pense avoir compris ce point.
M. le rapporteur et M. le ministre estiment tous les deux qu’il faut lutter contre ces situations.
M. le ministre s’en remet à l’Autorité de la concurrence, quitte à introduire du contradictoire après le rapport, du moins est-ce ce que j’ai cru comprendre. M. le rapporteur estime, lui, qu’il faut procéder de manière plus progressive : une concertation doit s’engager et le rapport est établi en concertation avec l’entreprise en position dominante, quitte à ce que l’Autorité de la concurrence prenne une position au terme de la procédure.
Entre les deux, allez donc vous déterminer…Ce n’est pas facile !
Nous avons participé au précédent gouvernement, …
… nous avons conservé des relations et j’aurais donc tendance à pencher du côté de M. le ministre. Cependant, l’argumentation de M. le rapporteur me paraît a priori plus sensée, dans la mesure où la démarche préconisée est plus constructive et plus logique – le contradictoire est organisé dès la phase du rapport.
Monsieur le ministre, si vous pouviez me démontrer que votre démarche est meilleure – l’Autorité de la concurrence assène un bon coup et ensuite intervient le contradictoire -, je voterais volontiers votre amendement. Pour le moment, je dois avouer que je suis plus séduit par l’argumentaire de M. le rapporteur.
Je voudrais apporter quelques compléments à la suite de l’intervention de Mme Bricq et donner quelques raisons supplémentaires à notre collègue Jean Desessard de partager ma thèse.
Madame Bricq, vous avez évoqué les critères permettant à l’Autorité de la concurrence d’intervenir dans le cadre de cette injonction structurelle. Un point m’inquiète dans l’amendement du Gouvernement, à savoir le critère alternatif : un prix élevé ou des marges élevées.
Je me place toujours dans la perspective d’un procès, à terme. Un prix élevé ou une marge élevée s’apprécient en fonction du lieu : pour un produit vendu sur les Champs-Élysées, la marge s’apprécie différemment par rapport au même produit vendu ailleurs, parce que les frais ne sont pas les mêmes, ce qui peut d’ailleurs justifier un prix élevé.
Il ne peut donc pas y avoir une unité de concept en la matière. C’est la raison pour laquelle nous préférons nous référer à la notion de marge « anormalement élevée », car c’est ce que va chercher à établir l’Autorité de la concurrence, et non pas la marge « élevée ». Ce critère nous permet donc d’espérer parvenir à une unité de concept jurisprudentiel.
Je vous proposerai plus loin d’adopter un amendement qui tend à rendre ces critères cumulatifs, parce que le défaut de l’amendement du Gouvernement réside dans leur caractère alternatif. Un prix élevé, une marge élevée, pris isolément, n’ont pas de sens. Je pense donc avoir répondu à Mme Bricq. Après, à chacun de se faire une opinion !
Monsieur Desessard, ce qui fait l’exceptionnelle dureté de l’arme qu’est l’injonction structurelle, c’est qu’elle ne fonctionne pas uniquement en cas d’abus de position dominante, mais aussi lorsque l’Autorité de la concurrence exprime une « préoccupation de concurrence ». Ce terme, vous l’avouerez, est beaucoup plus difficile à cerner !
Puisque nous ne nous plaçons pas dans l’hypothèse d’un comportement frauduleux ou abusif, il faut nécessairement accorder une protection plus forte aux entreprises. Selon moi, cette protection doit se traduire par des garanties de procédure. Je plaide donc – cela se sent peut-être – pour que nous nous en tenions à la procédure que la commission spéciale a mise en place.
Je vais malgré tout tenter d’apporter quelques éclaircissements, en reprenant votre scénario, monsieur le rapporteur, afin de caractériser concrètement ce dont nous parlons.
La notion de prix élevé ou de marge élevée ne doit pas être appréhendée au regard de la France entière, c’est mon premier point de désaccord avec vous. Il existe 674 zones de chalandise en France, qui sont connues de l’Autorité de la concurrence et de la DGCCRF. C’est à cette échelle qu’il faut apprécier les prix ou les marges, parce qu’il faut comparer ce qui est comparable. On ne va pas comparer les prix pratiqués à Paris à ceux pratiqués à Rouen, ne serait-ce que parce que les coûts du foncier ou de l’approvisionnement n’y sont pas les mêmes : cette comparaison n’aurait aucun sens.
La situation ici visée n’est pas aussi vague que vous le prétendez, monsieur le rapporteur. Il s’agit par hypothèse d’une entreprise qui, au sein d’une zone de chalandise, se trouve en position dominante en détenant une part de marché supérieure à 50 % - cela ne se voit pas partout -, et qui pratique des prix plus élevés que ceux de ses concurrents, alors que ses coûts sont comparables. Cela signifie qu’elle utilise sa position dominante aux dépens du consommateur final. Elle peut éventuellement invoquer le fait qu’elle achète plus cher parce qu’elle a des circuits courts, mais, dans ce cas, sa marge serait dégradée, ce qui n’est pas l’hypothèse retenue.
L’entreprise peut aussi avoir une marge plus élevée que celle de ses concurrents. Rien ne justifie une telle différence de marge, au sein d’une même zone de chalandise, avec les mêmes coûts d’approvisionnement et les mêmes prix de l’immobilier.
Donc, dans une même zone de chalandise, où tous les concurrents doivent assumer des coûts comparables pour l’immobilier et les approvisionnements, des prix élevés ou une marge élevée sont relativement faciles à constater. Voilà pourquoi nous avons les deux critères.
L’Autorité de la concurrence est alors en droit de se pencher sur la situation et d’engager la procédure que nous définissons. Elle n’assène pas tout de suite le coup de massue, monsieur Desessard, puisqu’on entre alors dans la phase contradictoire de la procédure.
J’en arrive à cet égard à mon deuxième point de désaccord avec M. le rapporteur : inspirés par les travaux de la commission spéciale, nous avons réintroduit du contradictoire là où il en manquait, mais nous n’avons pas prévu de décisions stricto sensu, car elles sont créatrices de contentieux.
Les avocats spécialisés en droit de la concurrence estiment que la commission spéciale a instauré deux phases de contentieux potentiel, en prévoyant une première décision, puis une seconde.
Le Gouvernement privilégie une procédure contradictoire où l’Autorité de la concurrence demande à l’entreprise de se justifier, parce qu’elle n’a peut-être pas pris en compte un élément qui expliquerait la situation. Un examen contradictoire s’engage alors. L’entreprise peut expliquer ses prix élevés par le fait qu’elle utilise un circuit court, qu’elle se fournit auprès de producteurs locaux, ce qui fait que sa marge n’est pas plus élevée que celle de ses concurrents : elle fait payer sa politique d’approvisionnement à ses consommateurs, et non à ses producteurs.
Si ce débat contradictoire ne permet pas de justifier les prix élevés ou la marge élevée, l’Autorité de la concurrence demande, dans un premier temps, de corriger les pratiques anormales. Si la correction n’intervient pas après cette première notification, l’Autorité de la concurrence peut alors enclencher l’injonction structurelle : l’entreprise est en position dominante, elle pratique des prix ou des marges trop élevés, elle refuse de rectifier ses pratiques ; on lui demande alors, pour rétablir une juste concurrence, de céder une partie de ses surfaces commerciales dans un délai raisonnable, afin d’animer le marché.
Telle est la procédure que nous proposons et M. le corapporteur est d’accord avec nous sur ses fondamentaux.
Pour ma part, je préfère une procédure contradictoire à une pluralité de décisions susceptibles de donner lieu à contentieux.
Lorsqu’il y a des prix et des marges élevés dans une zone de chalandise, on sait le constater. En revanche, se référer uniquement à la marge nette est insuffisant, et c’est mon principal point de désaccord avec M. le rapporteur.
En effet, dans une zone de chalandise, un distributeur peut tout à fait pratiquer des prix anormalement élevés, non justifiés par ses coûts ou sa politique d’approvisionnement, et les masquer dans sa marge nette. Il se peut, par exemple, qu’il facture des coûts à une filiale, telle qu’une société immobilière. Il peut optimiser par tous les moyens possibles cette marge nette !
Toutes ces grandes surfaces ont en effet des filiales, qui sont, par exemple, leurs foncières. Elles pourront alors optimiser, puisque la marge nette se constate après les coûts commerciaux et ceux de l’immobilier.
Je souscris largement à la philosophie du rapporteur, mais ce point d’entrée est une véritable faille dans le dispositif proposé par la commission spéciale : utiliser la marge nette comme critère est la meilleure façon de rendre le dispositif inopérant.
Vous verrez qu’il sera impossible de détecter une marge nette anormale dans la grande distribution ! Le dispositif, je le redis, sera inopérant, d’où mon désaccord avec le rapporteur et d’où l’amendement que je propose.
Notre amendement de suppression de l’article 11, vous l’aurez compris, relevait d’une position de principe.
Nous sommes pragmatiques : puisque cet article n’a pas été supprimé, autant qu’il soit le plus efficace possible. Nous voterons donc l’amendement du Gouvernement.
Sourires.
Je mets aux voix l’amendement n° 1552.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant de la commission spéciale.
Je rappelle que l’avis de la commission spéciale est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 133 :
Le Sénat n’a pas adopté.
En application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l’examen du projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2014-1090 du 26 septembre 2014 relative à la mise en accessibilité des établissements recevant du public, des transports publics, des bâtiments d’habitation et de la voirie pour les personnes handicapées, déposé sur le bureau du Sénat le 4 février 2015.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre, d’une part, le rapport sur la surveillance biologique du territoire dans le domaine végétal - article L. 251-1 du code rural et de la pêche maritime - et, d’autre part, le rapport évaluant les conditions d’alignement du statut des enseignants des écoles territoriales d’art sur celui des enseignants des écoles nationales d’art et comprenant une analyse de la mise en œuvre de leurs activités de recherche.
Acte est donné du dépôt de ces rapports.
Ils ont été transmis, pour le premier, à la commission des affaires économiques ainsi qu’à la commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire, et, pour le second, à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à dix-neuf heures trente-cinq, est reprise à vingt-et-une heures trente, sous la présidence de Mme Françoise Cartron.